BOD 2018 - ISBN : 9782322108527 - Edition brochée : 30 €, eBook : 9,49 € - Consultation en ligne sur Amazon ou Fnac
Ce travail sur l'exégèse et l'iconographie du Livre d'Esther m'a permis d'associer ma sensibilité au judaïsme (non Juif j'ai accompli un voyage en Israël avec l'Agence juive quand j'étais étudiant) et mon intérêt pour la spiritualité qui m'a conduit à écrire un précédent ouvrage sur l'Extase religieuse, notamment dans la pratique judaïque, ainsi que deux ouvrages en cours, l'un sur l'antisémitisme de l'iconographie de Judas Iscariote, à paraître en 2019, et l'autre sur l'iconographie du Péché originel, à paraître en 2020-2021. Mon intérêt pour le Moyen-Orient m'a conduit également à publier plusieurs ouvrages sur la guerre en Syrie et en Irak dont le dernier La Chute du califat de Daech, une victoire non la paix, paru en 2019. Ancien administrateur civil, j'ai passé l'essentiel de ma carrière dans des multinationales informatiques et consacre ma retraite à l'enseignement de la géostratégie à l'Université Catholique de l'Ouest, à la pêche, à la voile et à l'écriture sur une île bretonne. Un quart alsacien, mon grand-père maternel était natif de Strasbourg s'appelait Heyler, et un quart allemand par mon autre grand père paternel, il m'est très agréable de faire connaître mon ouvrage à la communauté israélite d'Alsace et de Lorraine qui y trouvera la citation d'un brillant article de madame Barbara Weill ainsi le commentaire de quelques belles megiloth originaires de cette région. L'ouvrage est à lire de préférence en livre électronique pour visualiser plus de 700 œuvres et sous forme papier si l'on souhaite consulter le midrash.
Bon Pourim à tous. Christophe Stener
Introduction
Le Livre d’Esther ne fut admis au canon judaïque qu’avec hésitation car le nom de Dieu est absent de la version admise par les massorètes, celle qu’admit par défaut au canon de l’Eglise réformée Luther. Dieu est cité dans la version dite "grecque" qu’intégra à son canon l’Eglise catholique, malgré les réserves des Pères de l’Eglise mais parce qu’Esther fut revendiquée comme figure préfigurant Marie. Récit profondément religieux pour ceux quzai y voient la main de Dieu caché, le texte est entendu comme un simple conte oriental par des lecteurs profanes. Des leaders nationalistes, pas uniquement juif, mais aussi hollandais, britanniques en firent une apologue politique. Le texte vétérotestamentaire autorise ainsi toutes sortes de lectures plus complémentaires qu’exclusives. Nulle surprise donc que l’iconographie du conte biblique dont le premier exemple est une fresque de la synagogue de Doura-Europos du 4ème siècle inspire encore aujourd’hui des artistes contemporains. La littérature de la plus édifiante mais aussi la plus distractive s’est emparé de l’intrigue du roi perse amoureux d’une belle juive. Les adaptations cinématographiques en forme de Péplum ou de films saint-sulpiciens abondent.
Le Livre d’Esther fait, depuis près de deux millénaires, l’objet d’une immense herméneutique, de commentaires et de sur commentaires rabbiniques, d’une abondante glose chrétienne également, d’interprétations profanes, politiques mais aussi religieuses marquées par l’actualité politique. Le rabbin Rafael Hiya-Pontremoli en rédigeant son Meam Loez à Smyrne à la fin du 19ème siècle eut l’ambition de rassembler l’interprétation midrashique pour l’édification de ses coreligionnaires ; il dut bien reconnaître, ce dont le lecteur se rendra compte, que certaines explications sont parfois très subtiles, voire byzantines, parfois complémentaires parfois contradictoires. Il n’est pas de notre ambition de trancher de ce dédale herméneutique mais d’en éclairer l’iconographie du Livre d’Esther dont le sens resterait sinon hermétique sans ce concours.
La controverse sur le Psaume 22 (21) est un des sommets de la controverse, de la rivalité théologique entre l’Eglise et la Synagogue. L’Eglise chrétienne voulut en faire une démonstration de la victoire de la Nouvelle Alliance sur l’Ancienne tandis que les rabbins dénièrent pied à pied cette appropriation du personnage d’Esther comme figure préfigurant Marie. Exaltation du nationalisme hébreu, le Livre d’Esther, et spécifiquement la fête de Pourim qu’il institue, suscitèrent des sentiments antisémites. La controverse ne fut pas que théologique, elle nourrira des pogroms.
L’ambition de cet ouvrage est de restituer la prolixité de cette recherche du sens du Livre d’Esther en éclairant l’immense iconographie (nous avons rassemblé plus de mille œuvres inspirées par le texte dont plus de sept cents référencées ici) par la citation de textes bibliques, de commentaires des rabbins et des théologiens chrétiens mais aussi par une mise en perspective historique car le récit d’Esther, s’il n’est pas l’Histoire, n’est pas qu’une histoire, un conte. C’est une fiction romanesque mais ancrée dans l’histoire du royaume achéménide et celle des royaumes sumériens et babyloniens, histoires connues de son auteur, un de ces Juifs exilés en terre païenne par Nabuchodonosor.
Récit biblique étrange donc que le lecteur agnostique peut lire comme un conte oriental mais où le croyant voit Dieu partout, un Dieu caché certes mais un deus ex machina dont Esther l’héroïne ne serait que l’instrument. Les multiples rebondissements du récit, parfois dramatique (l’édiction de l’édit de pogrom), parfois drolatique (Haman l’orgueilleux et farouchement antisémite obligé de tenir la bride du cheval de Mardochée promené en triomphe dans les rues de Suse), violent (la vengeance terrible des Juifs qui tuent deux fois les dix fils d’Haman) aussi mais fort érotique (le roi Assuerus est obsédé par la beauté d’Esther), ont inspiré les artistes depuis deux millénaires. Les plus grands artistes chrétiens, Botticelli, Véronèse, Rembrandt, et tant d’autres, ont peint ces épisodes. La meguilath Esther fait exception au regard de l’aniconisme hébraïque : les fresques du 4ème de la synagogue de Doura Europos, les bibles hébraïques du moyen-âge enluminées, les rouleaux de prière à usage privé richement décorés, tout un art de célébration de Pourim constituent un riche patrimoine iconographique.
Notre propos est d’accompagner la découverte de ces centaines d’œuvres par la citation de l’Ecriture dans ses deux versions, la massorétique, - la version hébraïque retenue par le canon juif et par Luther - , et la version grecque des églises chrétiennes catholique, orthodoxe et d’Orient. Les références à l’exégèse biblique et à l’extraordinaire richesse de l'interprétation midrashique sont appelées pour éclairer le sens des représentations et aussi pour expliquer des images inspirées par ces enrichissements talmudiques.
Le chapitre introductif, Exégèse, étudie les origines du texte, ses diverses versions, sa réception par les religions du Livre tandis qu’un chapitre Histoire montrera à quel point le récit, une fiction écrite par un Juif de la diaspora restée vivre en Perse quelques temps après que le peuple hébreu ait été libéré par Cyrus, est imprégné de la culture babylonienne. Nous avons ainsi identifié le personnage historique ayant inspiré Haman. Le fait d’avoir emprunté au Panthéon suméro-babylonien, perse par adoption, les noms des deux protagonistes Mardochée et Esther manifestement dérivés des deux plus grands dieux : Mardouk et Ishtar fait scandale pour nombre d’exégètes. Dans le chapitre Syncrétisme nous donnons le sens religieux de cette onomastique, onomastique si difficultueuse en première lecture que l’exégèse tant judaïque que chrétienne a esquivé depuis deux mille ans de l’expliquer.
L’iconographie est présentée en suivant chronologiquement le texte biblique avec des synthèses relatives à l’influence réciproque de l’art juif et de l’art chrétien, sur la numérologie, les interprétations politiques. Les objets de Pourim ainsi que l’art juif contemporain sont étudiés en tant que tels. La littérature dérivée du Livre, en particulier l’Esther de Jean Racine, mais aussi les œuvres cinématographiques et musicales sont présentées. Au total, c’est une sorte de "Dictionnaire" d’Esther et de son iconographie qui est présentée ici au lecteur.