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Meguilla (rouleau) du Livre d'Esther, enluminée |
Cette étymologie accadienne est celle des savants et il fallait la citer. Sentimentalement sinon scientifiquement, on peut en préférer une autre. Dans Isaïe (63 :3) se trouve une flamboyante proclamation divine : "A la cuve (du vendangeur) J'ai foulé seul ; de mon peuple personne n'était avec moi. Alors Je les ai foulé dans ma colère, Je les ai piétiné dans ma fureur. Leur sang a jailli sur mes habits et J'ai taché tous mes vêtements". Cette cuve des vendanges (POURA) où s’écrase, foule et piétine les ennemis d'Israël au jour de sa vengeance, ne nous "parle"-t-elle pas infiniment plus que les dés des mages assyriens ?
A titre de curiosité, notons que Pourim ne s'est pas toujours appelé
Pourim. Aux temps des Hasmonéens, c'était "Yom Mordéhaï",
le "jour de Mardochée".
On nous raconte au livre 2 des Macchabées (chapitre 15 et
dernier) la victoire de Judah Maccabi sur Nicanor, chef de corps de l'armée
du général syrien Lysias. Dans la version hébraïque,
nous lisons :
"Et tous, unanimes, décidèrent de ne pas laisser ce jour sans
le marquer, mais au contraire de le fêter le treizième jour du
douzième mois appelé Adar dans la langue sainte, un jour avant
le jour de Mordehaï ".
Aujourd'hui, le terme de Pourim est universellement admis. Mais la date ?
La date aussi comporte des variantes.
Le livre d'Esther, au chapitre 9 verset 18, nous dit :
"Les Juifs qui étaient à Suse se rassemblèrent les 13
et 14 du mois, se reposèrent le 15 du mois et en firent un jour de
festin et de réjouissance".
C'est ce que nous appelons Shouchane-Pourim. Par respect pour Jérusalem,
c'est à cette date que Pourim est célébré par
les Juifs habitant une ville entourée de murailles "depuis les jours
de Josué bin Noun", ainsi que dit le texte au début du traité
talmudique Meguila. Il n'y en a pas beaucoup, mais jusqu'à
ce jour on fêtera à Jérusalem le 15 adar, alors qu'à
Tel Aviv ou Strasbourg ce sera le 14.
L'essentiel de la fête (ou plutôt de la demi-fête puisque c'est un jour où le travail est autorisé) est la lecture du Rouleau d'Esther, de la Meguila, avec sa cantilation spécifique. Les Meguiloth sont souvent décorées et enluminées comme les Hagadoth de Pessa'h, autre célébration d'une manifestation évidente de la protection divine sur Israël. Les plus prisées sont celles dites "Hamelekh", "le Roi" ou royales, car le scribe qui les a recopiées s'est arrangé pour faire débuter chaque colonne du texte par le mot Hamelekh, le roi. Et, d'après le Midrash, chaque fois que ce terme est cité sans être expressément associé au nom d'Assuérus, c'est au Roi du monde qu'il est fait référence, à D.ieu lui-même - qui n'apparaît pas une seule fois ouvertement dans toute la Meguila.
Il est d'usage de dérouler tout le volume et de le plier en accordéon
avant la lecture publique. Ceci doit nous rappeler que ce texte est celui
de la "lettre" (Iguerèth) envoyée par Mardochée
aux Juifs de l'empire perse une fois le danger passé.
De même est-il demandé au lecteur, et au public avec lui, de
hausser le ton aux versets dits "de délivrance". Ce sont ceux
où est évoquée la généalogie de Mordékhaï
-il était d'origine princière - et son élévation
aux honneurs royaux. Mais le plus caractéristique, ce qui est inséparable
de la lecture de la Meguila et sans quoi elle n'aurait pas de "Ydischen
Taam", est la coutume des enfants, et pas seulement d'eux, de faire toutes
sortes de bruits chaque fois qu'est nommé Haman. II s'agit là
de se conformer au commandement d'effacer la
mémoire d'Amalec, puisque le dignitaire antisémite était
de famille amalécite.
Rappelez-vous le Deutéronome 25 :19 : "Et quand Hashem, ton D.ieu, t'aura laissé te reposer des ennemis qui t'entourent, dans le pays que Hashem, ton D.ieu, te donne en héritage, efface le souvenir d'Amalec de sous les cieux - n'oublie pas !" Or, que lisons-nous en Esther, chap. 3, verset 1 ? "Après ces événements, le roi Assuérus éleva Haman, fils d'Hamedata, descendant d'Agag... ". Et Agag, nous le connaissons par le premier livre de Samuel. C'était ce roi d'Amalec que Saül avait épargné malgré l'ordre divin. Cela lui avait coûté le trône et la dynastie.
D'aucun ont pu trouver ce charivari vulgaire, mais il est perduré, indissociable du sens même de la fête. Terminons ces quelques rappels de règles de la lecture de La Meguila par l'usage de réciter les noms des dix fils d'Haman d'un trait, sans reprendre souffle. La Guemara (toujours dans le traité Meguila) nous apprend que c'est pour marquer le fait qu'ils ont été exécutés simultanément. Un autre enseignement, dans la ligne du célèbre Midrash sur les anges qui se sont vus interdire par D.ieu de chanter le cantique de la Mer Rouge lors de la noyade des Egyptiens à Pessa'h ("mes enfants périssent et vous avez le coeur à chanter... ?) nous dit que c'est parce que le Juif n'appesantit pas sa joie sur la chute de son ennemi que la liste des dix fils est "descendue" à toute vitesse.
Après les règles qu'il nous faut suivre et les midrashim qui les animent, quelques mots sur l'esprit de la fête. Dans la littérature mystique et hassidique, Pourim prend la dimension d'un jour d'amitié et de joie, de célébration de D.ieu à l'oeuvre dans l'ombre, contrairement à Pessa'h, qui évoque son intervention personnelle et directe. Les lots ou sorts de Pourim sont assimilés à ceux de Yom Kippour : "Aaron mettra sur chaque bouc un sort. Un sort pour D.ieu et un sort pour le malin "Lévitique 8:16).
Ce que l'homme appelle la chance, le destin, est en vérité
une autre forme de la providence divine. Et l'on sait que les kabbalistes
placent Pourim si haut qu'ils disent au nom de Rabbi Its'hak Louria que Yom
Kipourim est Yom Ke-pourim : comme Pourim.
Ils disent aussi qu'après la venue du Messie toutes les mitsvoth
seront levées, toutes les fêtes abolies, sauf une : Pourim justement,
où les Juifs ont pris sur eux la Torah de plein gré.
P.S. Ce texte a servi pour un lernen au foyer d'amis endeuillés. Tous les éléments personnels en ont été, ici, enlevés, d'où son caractère parfois hâché.