Les Sages, basés sur les paroles des prophètes, décrivent le son du shofar comme un appel à la repentance. Dans l'affirmative, pourquoi le shofar retentit-il la nuit à la fin de Yom Kippour alors qu'il n'y a pas encore besoin d'un nouvel appel à la repentance ? De toute évidence, le son du shofar signale également une explosion de confiance joyeuse que nos prières de Yom Kippour ont été acceptées favorablement. Mais c'est en soi déroutant. Comment un son sert-il à la fois d'appel à la repentance et de cri de joie?
Les kabbalistes expliquent que les sons du shofar transcendent toute expression verbale. La parole humaine est limitée par les limites de la capacité d' une personne à énoncer des mots, à trouver des mots expressifs dans son vocabulaire, à organiser ses mots sous une forme qui reflète et articule avec précision ses pensées. Mais certaines pensées et certains sentiments sont trop exaltés pour s'exprimer par des moyens aussi limités. Le désir de l'âme juive de se rapprocher de D.ieu, de s'attacher au Divin, est si intensément spirituel que le simple discours humain est insuffisant pour lui donner une expression. Le son du shofar, cependant, se connecte à ce désir intérieur et lui donne une expression. C'est le son de l'âme immortelle qui crie à son Créateur dans une extase d'amour, de dévotion et de désir. C'est le son qui brise les barrières des simples mots et embrasse une myriade d'expressions spirituelles - des remords les plus abjects à la joie la plus intense.
Nous trouvons un concept similaire dans l'une des dix formes de prière identifiées par les Sages. Cela s'appelle naakah, un gémissement. La Torah nous dit que lorsque le peuple juif a été soumis au travail d'esclave le plus cruel des Egyptiens, il a gémi dans l'agonie de sa détresse. "Et D.ieu a entendu leurs gémissements" et leur a répondu. Les commentateurs soulignent que lorsque le peuple juif dirigeait ses gémissements vers D.ieu, c'était l'une des formes de prière les plus éloquentes imaginables. Pas de phrases. Pas de mots. Pas de supplication. Juste un cri du fond du cœur et de l'âme, le cri des enfants de D.ieu arrachés à l'étreinte chaleureuse de leur Père céleste. La prière dans sa forme la plus pure.
Dans la même veine, les sons du shofar sont les expressions de l'âme dans sa forme la plus pure. Ils englobent toutes sortes de pensées et d'émotions qui sont trop sublimement spirituelles pour être revêtues de la parole humaine. L'appel à la repentance, la joie exubérante de la nuit de Yom Kippour, le tremblement mystérieux du désir spirituel dans l'âme de chaque Juif lorsqu'il entend le shofar, tout cela et d'innombrables autres s'expriment dans les sons du shofar.
Alors que nous écoutons le shofar de Rosh Hashana et que nous ressentons le tiraillement mystique de ses sons poignants, reconnaissons que la neshama (l'âme) en chacun de nous crie à notre Créateur avec une éloquence au-delà des mots. Capturons ces sons et ces sentiments dans les chambres les plus intimes de notre cœur et transportons-les avec nous tout au long de l'année. Sans aucun doute, cela nous assurera une année douce et merveilleuse.
"Souviens-toi
de nous pour la vie, O roi qui désire la vie, et inscris-nous dans le livre de la vie à cause de Toi, Dieu de vie" (rituel de Rosh ha-Shanah) |
Le Saint béni-soit-Il dispense la vie à toute créature. Mais nous désirons que notre inscription dans le livre de vie soit en raison de Lui. Ainsi qu'il est écrit : "Ce peuple, je l'ai formé pour Moi, qu'ils proclament Ma louange" (Isaïe 43:23). C'est la volonté des enfants d'Israël de recevoir la vie en Son nom car tout a été créé en vue de sa gloire.
Et il est écrit : "Ce sera pour vous un jour de sonnerie"
(Nombres 29:1).
Quoiqu'il s'agisse de jours de jugement, pour vous les enfants d'Israël,
il s'agit de jours d'agrément, comme il est écrit : "car
la joie du Seigneur est votre force (Néhémie 8:10).
Et il est encore écrit : "chez lui résonne la sonnerie
du Roi" (23:22) ; l'explication, c'est une sonnerie d'agrément.
En effet, l'essentiel
de l'intention de Sa volonté a été que sa royauté repose sur nous . Toute la
création a été parce qu'il nous a choisis, ainsi qu'il est dit "En vue
d'Israël qui est appelé commencement " (Shir ha-Shirim Rabba 2:6)
De même, tous les résidents du monde passent en jugement devant Lui comme des
rebelles prêts à se rendre, cependant son intention est dirigée vers les
enfants d' Israël, ainsi qu'il est écrit : "Dieu vit... tout ce qu'il
avait fait , et c'était très bon, très bon (Genèse 1:31). Cette vision
maintient toute la création. Les Sages de mémoire bénie ont affirmé : "Meod
zeh adam", "très, c'est l'homme'' car c'est après la création de
l'homme que cela a été écrit (l'homme véritable est Israël).
Les enfants d'Israël demandent dans leurs prières que sa royauté repose sur tout. C'est ainsi qu'il est dit : "Et ainsi dispense la terreur Seigneur notre Dieu à toutes tes oeuvres et ta crainte à tout ce que Tu a créé..." (rituel de Rosh ha-Shanah). Comme, on l'a enseigné, à Rosh ha-Shanah, il est nécessaire d'avoir un regard bienveillant, ayin tov, même à l'égard des autres peuples. Il existe une allusion à cela dans le Talmud : "Rabbi a, sur ce, dit à R. Hiyya, Allez à Ayin Tov et sanctifiez le mois" (Rosh ha-Shanah 25 a).
La sanctification du mois et de l'année est liée à Ayin Tov. Car, à l'aune où l'homme juge son prochain, il est lui-même jugé. Il en est ainsi du comme le ha-tov ayin que les enfants d'Israël jettent le jour de Rosh ha-shanah : ainsi jettent-ils un regard pour le bien. Comme il est écrit : "Qui a le regard bienveillant sera béni (Proverbes 22:9). Ce qui est la vertu d'Abraham notre père comme il est dit : "C'est sur la montagne aujourd'hui que le Seigneur voit" (Genèse 22:14). Et ces deux données : la vision de Dieu et l'écoute de la voix du shofar (corne de bélier) sont les modalités d'Abraham et d'Isaac, la vision et l'écoute. En effet l'Aqedah est une préparation pour tous les enfants d'Israël. "Dieu éprouva Abraham" (Genèse 22:1) ce que les Sages ont interprété : "Abraham a été élevé en dignité". En vérité, la vertu d'Abraham est la générosité et celle d'Isaac la rigueur. Et la vertu de rigueur a la préséance car il y a pour elle davantage de rehaussement que pour la vertu de la générosité qui est apaisement. Mais notre père Abraham a mérité dans l'acte de l'Aqedah que la générosité domine sur la rigueur". C'est ce qu'ils ont dit : "l'amour détruit l'ordre (Bereshit Rabba 55:8) : quoique l'ordre de la rigueur soit douée d'une puissance d'une grande intensité, ce fut une grande épreuve. Il mérita par-là que la droite dominât la gauche pour sa descendance après lui. Et ceci en soi est la Berith Milah (l'alliance) que conclut Le Saint béni-soit-Il avec Abraham notre Père qui est une alliance de feu, le point de générosité y adoucit le feu.
Il y a une allusion à ceci dans le fait que le premier qui fut circoncit le huitième jour fut Isaac lorsque sa force atteignit sa plénitude et que s'éveilla la modalité de la terreur d'Isaac, il a inscrit en lui la Berith Milah pour que la générosité l'emporte. Et ceci est demeuré pour tous les enfants d'Israël. Et c'est à ce propos qu'il est dit : "Que sa générosité l'emporte sur nous (Psaume 117:2) car chez les enfants d'Israël la générosité l'emporte. Et c'est pourquoi il est dit : "C'est sur la montagne aujourd'hui que le Seigneur voit" (Genèse 22:14) Car la vision l'emporte sur l'écoute comme on l'a vu.
La derashah (commentaire) du Sefat Emet nous parle de Rosh ha-Shanah : en ce jour Dieu nous fait don de la vie. Mais ce don est réciproque de par notre volonté. Parce ce qu'Israël est la fin en vue de laquelle le monde est créé, c'est-à-dire un peuple qui reconnaît la souveraineté de Dieu, nous voulons que ce don se fasse en vue de Sa gloire aussi. Ce jour de jugement est pour nous jour d'agrément. Le son du Shofar a le pouvoir de changer la rigueur divine en agrément.
La vision et l'écoute
correspondent aux middoth (dimensions) d'Abraham et d'Isaac dont l'Aqedah
(le sacrifice) est précisément évoquée le jour de Rosh ha-Shanah. La midda
(dimension) d'Abraham est 'Hessed (générosité) celle d'Isaac, Gevoura
(rigueur). Et l'attribut de rigueur l'emportait jusque là sur l'attribut
de générosité. C'est précisément au moment de l'Aqedah ,
lorsqu'Abraham surmonte son amour pour son fils par son amour pour Dieu, que
l'attribut
de 'Hessed l'emporte sur la rigueur, la droite sur la gauche (dans l'arbre
sephirotique).
C'est ce que nous explique un passage du Zohar :
"Viens et vois le secret du récit. Bien que l'on mentionne seulement
Abraham et non Isaac, néanmoins, Jacob a été également
inclus c'est le secret de ce qui est écrit : "Et Elohim a mis
à l'épreuve Abraham (Genèse 22:1)".
Il n'est pas dit "mit à l'épreuve Isaac" mais "eth
Abraham", la particule eth désignant précisément
Isaac. Car, à ce moment là Isaac résidait dans la Gevoura
inférieure ; mais dès qu'il fut lié et préparé
pour subir l'épreuve rigoureuse de la main d'Abraham comme il convenait,
il se couronna en son propre lieu avec Abraham, et ainsi le feu a été
joint à l'eau, ils ont monté vers l'en haut. La discorde a été
apaisée comme il convenait, l'eau dans le feu. Qui a jamais vu le coeur
d'un père tourner de la compassion à la cruauté ? Mais
l'objet ici était de soulager la discorde entre le feu et l'eau pour
les couronner de dans leurs endroits jusqu'à ce que Jacob soit apparu,
et que tout ait été mis en ordre comme il convient, et la triade
des patriarches a été accomplie, et les êtres d'en haut
et les êtres d'en bas ont été mis en ordre." (Zohar
I,119 b).
Il semblerait que le texte aurait dû porter : "Et Elohim éprouva Isaac" étant donné que d'après la tradition, Isaac était âgé de trente-sept ans et que par conséquent son père n'était plus responsable de lui. Au moment de l'Aqedah, Abraham dont la modalité était 'Hessed s'imbrique dans le jugement, le Dîn. L'eau se mêle au feu : Abraham jusque là, était imparfait. Et le feu à l 'eau : Isaac qui était rigueur devient tendresse, il consent de son plein gré à l'Aqedah. Isaac se situait au niveau de Gevoura inférieure, c'est-à-dire de Malkhouth. En consentant à la ligature, il a consenti à la rigueur par la main d'Abraham, et chacun a atteint son lieu et il se sont trouvés conciliés. Alors Jacob pouvait émerger, afin que la triade des pères fut complète.
Et cette vertu d'Abraham est demeurée pour tous les enfants d'Israël à travers les générations, la vision l'a emporté sur l'écoute, Comme le dit le verset : "C'est sur la montagne aujourd'hui que le Seigneur voit" (Gn. 22:14).
Que l'année qui vienne nous permette d'accéder à la montagne pour accomplir la Reiah (vision) en jetant un Ayin Tov sur tous les peuples.
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