Reviens Israël jusqu'au Seigneur Ton Dieu. Osée 14:2 |
Nulle idée n'est plus familière au croyant que celle de repentir, nulle pourtant n'est plus délicate a concevoir et à traduire en acte.
Mais la raison n'est pas seule à être mise en cause par l'idée de Techouva. Le sens de la justice rigoureuse, du Dîn semble aller lui aussi à l'encontre d'une semblable revendication. Si l'homme est un être libre d'agir à son gré. la justice exige en retour que l'homme se trouve sanctionné en proportion de l'infraction qu'il commet. L'essence de la justice n'est-elle pas bafouée si l'on admet que le repentir dispense le pécheur de subir le châtiment qui lui est normalement imparti ?
Les maîtres du Talmud ont été pleinement conscients de l'antinomie qui apparaît en ce point entre l'exigence de justice et la requête du repentir, sans consentir à sacrifier ni l'un ni l'autre de ces deux impératifs. Bien que le Dîn soit bien pour eux le fondement de la création, l'existence humaine estiment-ils, s'avèrerait en définitive impossible si la rigueur ne se voyait compensée par la miséricorde divine qui permet au pécheur de revenir sur ses actes et d'obtenir le pardon céleste.
A quoi il convient d'ajouter que la simple intention en matière de Techouva serait chose proprement dérisoire. Lorsque l'être a commis une faute, et quel homme serait assez présomptueux pour s'en proclament exempt, il doit en premier lieu avoir le courage de faire l'aveu de celle-ci par l'entremise des mots qui sortent de sa bouche. Le langage en effet constitutif de l'humanité de l'homme, il est légitime d'exiger que ce soit en lui que l'aveu du pénitent soit articulé.
Vidouï, la reconnaissance des fautes commises à partir des lèvres du repentant. Les confessions publiques de la journée de Kippour confirment et amplifient à l'échelle de toute la communauté cette étape primordiale du repentir. Il ne s'agit là pourtant que d'une étape. Celui qui s'imagine qu'il suffit de se battre la coulpe un jour par an en s'apprêtant le lendemain à réitérer ses anciens errements, n'aura dupé que soi-même. Nos maitres assimilent cette conduite à celle d'un homme qui plongerait dans le mikvé (2) en tenant à la main un reptile : plongerait-il cent fois qu'il demeurerait toujours impur.
A la sincérité doit encore s'ajouter la résolution issue de la volonté. Ce n'est que lorsque le repentant, replacé à plusieurs reprises dans la situation où il a naguère fauté, s'avère capable de surmonter la tentation qu'il pourra s'attester de soi à soi la valeur de sa repentance.
La voie du repentir n'est donc pas celle de la facilité Pourtant lorsque la Techouva atteint sa plénitude, rien ne saurait lui résister. C'est ce qu'affirme entre autres le Talmud lorsqu'il proclame : "Grande est la Techouva car elle conduit le monde à la guérison" (Yoma 86a).> La signification de cet aphorisme est obvie.
Le monde tel que nous l'apercevons et tel que nous le vivons dans sa quotidienneté, nous apparaît comme un monde malade. La violence sous toutes ses formes s'y déploie continuellement, qu'il s'agisse des individus ou des sociétés. De la même manière que l'homme malade aspire au retour de la santé, de même la création tout entière soupire elle aussi après sa guérison. Et quoique la santé et la madadie soient toutes les deux dans la nature des choses, chacun est intimement persuadé que la première est la norme et la seconde pathologique. La révélation biblique vient nous attester qu'il n'en va pas différemment quand il y va du sens de l'existence humaine. Ce ne sont pas la guerre, l'iniquité, le mensonge, mais la paix, la justice et la vérité qui représentent en droit les normes de l'humain, si bafouées soient-elle. La maladie ne prouve rien contre la santé. Et le malade a toujours l'espoir d'obtenir sa guérison par la thérapeutique appropriée à son cas. En ce qui concerne la maladie à laquelle se trouve en prise l'univers, il n'existe qu'une seule thérapeutique : le repentir.
Lorsque l'homme fait retour à Dieu après avoir reconnu sa faute, tels les habitants de Ninive ébranlés par la prédication de Jonas, ce n'est pas seulement celui qui se repent qui se trouve régénéré, mais c'est le monde tout entier qui en sort transformé. C'est Maïmonide, le plus rationaliste parmi nos maîtres qui a déclaré : "Il incombe que chacun se regarde constamment comme à moitié innocent et à moitié coupable et qu'il considère le monde de façon semblable. Ainsi prendra-t-il conscience, lorsqu'il commettra une faute, d'incliner et l'univers avec lui, du côté du démérite et d'être à l'origine de son anéantissement. Accomplissant une mitsva (3), il aura le sentiment d'incliner soi-même avec tout le reste du monde du côté du mérite et de l'acheminer vers le salut (Hilkhoth Techouva 3,4). Un tel propos mérite d'être l'objet de notre méditation. S'il pénètre véritablement au plus profond de notre pensée et de notre cœur, nous pourrons espérer que notre pénitence s'élèvera à la hauteur du repentir susceptible d'amener Israël et le monde à sa guérison définitive.
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