La prononciation de la dernière syllabe s’explique par le fait que, dans les communautés achkenaze, la dernière lettre de l’alphabet hébraïque se prononce soit «T» soit «SS», selon qu’elle contient en son milieu un point que les grammairiens connaissent sous le nom de daguesh.
Les préoccupations des grammairiens sont, certes, de première importance, mais le marchand de bestiaux qui entendrait que des savants se plongent dans de graves recherches pour savoir s’il y a lieu de mettre un point dans une lettre ou pas dirait certainement : «Maine dayyess» (= littéralement: «mes soucis!»), comme pour dire que c’est le cadet de ses soucis.
S’il en prenait le temps, il ajouterait qu’il considère que ce sont
«Dayyess fer Onngelegti ayyer»,
littéralement : «ce sont des soucis pour des œufs qui ne sont pas encore pondus», c’est-à-dire des soucis prématurés, voire sans fondements.
D’ailleurs quand on entend quelqu’un se plaindre parce qu’il a à résoudre des problèmes dérisoires, on ne peut s’empêcher de penser - et de dire - :
«Sayyne Dayyess mechtich hawwe»
( = littéralement, traduit de l’allemand, «J’aimerais avoir ses soucis», et ne pas en avoir de plus graves).
Tous nos "Owess afesseneuss" (en hébreu : "Avoth avotenou" = parents, ancêtres) ont prononcé cette expression quand leurs enfants grandissaient et qu'ils constataient que :
"Kleine Kender, Kleine Dayyess,
Grossi Kender, Grossi Dayyess." |
"Petits enfants, petits soucis,
Grands enfants, grands soucis". |
"Fî Dayyess senn neks, âwer e Dayye, Onser liwer Harryet sol uns davon beüte" :
"Beaucoup de soucis, ce n’est pas grave ; mais un souci, que Dieu nous en
préserve".
("Onser liwer Harryet " = notre Herr Gott, Seigneur Dieu bien aimé").
L’individu dont la vie est empoisonnée par un seul souci, toujours le même, est bienà plaindre. Il dira que "Die Dayye esst mich off" : « Ce souci me ronge ».
On
retrouve le mot Dayyess dans une expression
qui indique que le juif alsacien évite de faire des choses inutiles
:
«(E)s kratzt sich kaner um be'hinem : entweder
hot er Dayyess oder Kenem».
De l’hébreu on reconnaît les Dayyess, les Kenem
( Kinim = poux)et Be’hinem (Be’hinam = gratuitement)
; le reste de la locution est en allemand: «Personne ne se gratte pour
rien : si quelqu’un se gratte, c’est qu’il a des soucis ou des poux».
Louis UHRY, dans Un parler qui s’éteint, le judéo-alsacien, souligne la rime de la locution judéo-alsacienne ci-dessus).
A la bibliographie des amateurs, il convient d’ajouter ces titres :
Ces ouvrages et ces textes constituent une source scripturaire pour notre lexique dont nous tenons à souligner qu’il n’a aucune prétention scientifique
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