MEMOIRE JUIVE EN ALSACE
Contrats de mariage au XVIIIe siècle
par André Aaron FRAENCKEL za"l
Strasbourg, éditions du Cédrat, 1997.
Avec l'aimable autorisation de Madame FRAENCKEL et de son fils

Cet ouvrage est disponible aux Editions du Cédrat, 19 rue du Maréchal Foch, 67000 Strasbourg. (450 pages, illustrations, carte.)

Index de
Mémoire juive en Alsace, contrats de mariage au XVIIIe siècle
par Rosanne et Daniel N. Leeson.

Ce travail très attendu, indispensable à l'utilisation approfondie de l'ouvrage remarquable de A.A. Fraenckel, a été réalisé en un temps record, six mois, par Rosanne et Daniel Leeson. Il permet de retrouver toutes les informations concernant non seulement les conjoints, personnages principaux des contrats de mariage, mais aussi leurs parents et parentèle, les témoins, les officiants etc, chaque fois qu'ils sont cités dans un contrat. On retrouve ainsi aisément, des parentés inattendues et les liens de familles complètes.

L'ouvrage, établi à partir d'une base de données mise au point par les auteurs, comporte six index :
- Les deux premiers contiennent, listées par ordre alphabétique de leurs "noms de famille" (patronymes) puis de leurs prénoms, toutes les personnes mentionnées dans le livre de A.A. Fraenckel.
- L'index 3 est identique à l'index 1 si ce n'est que les personnes sont classées dans les villages où ils habitent.
- L'index 4 est celui des prénoms dans les mêmes conditions.
- Les deux derniers index concernent le fiancé et la fiancée uniquement, par ordre alphabétique de leurs noms, puis de leurs prénoms. Une introduction générale (en français et en anglais) permet au lecteur de comprendre la méthode des auteurs et une introduction à chaque index donne la façon de les utiliser.


Deux volumes :
- Tome 1 (Bas-Rhin), 475 pages ;
-Tome 2 (Haut-Rhin), 413 pages
Prix (frais d'envoi compris) : France 270 FF, Union Européenne : 330 FF, autres pays : 430 FF.
Cet ouvrage présente un ensemble de plus de 5 000 contrats de mariage concernant les Juifs d'Alsace et couvrant presque tout le 18ème siècle. Le premier date de 1702, le dernier de 1791. Ces deux dates situent les pôles extrêmes de nos recherches : d'une part, le 21.1.1701, un arrêt de Louis XIV ordonne que les minutes des contrats de mariage des Juifs d'Alsace passés devant leurs rabbins soient déposées 15 jours plus tard chez des notaires ou d'autres officiers publics. D'autre part, en 1791, les Juifs entrent dans le droit commun et à partir de ce moment, nous trouvons peu de contrats de mariage déposés devant notaire. Du fait de l'arrêt royal de 1701, nous avons aujourd'hui la chance extraordinaire de pouvoir suivre les familles juives d'Alsace tout au long du 18ème siècle, à travers ces milliers de contrats de mariage dispersés dans les registres des notaires du 18ème siècle et conservés dans les dépôts d'archives du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et du Territoire de Belfort. Nous en avons consulté des centaines, peu de notaires ayant eu l'idée de regrouper tous leurs contrats dans une même liasse. Après 1800, les notaires enregistrent les contrats de mariage rédigés en français, alors qu'au 18ème siècle on trouve la plupart dans l'original hébreu. Les notaires de l'époque ne lisaient évidemment pas l'hébreu ; le texte de dépôt de ceux-ci précise souvent que "tel jour, le Juif un tel et la Juive une telle sont venus déposer ce qu'ils disent être leur contrat de mariage rédigé en langue hébraïque." Rares sont les notaires qui exigeaient une traduction intégrale de l'acte, mais certains d'entre eux enregistraient un résumé de celui-ci en allemand ou en français ; c'est le cas de la plus grande partie des contrats en provenance des notariats d'Obernai et de Landser.

Nous ignorons les circonstances exactes dans lesquelles l'arrêt de Louis XIV a été promulgué, mais nous pouvons les imaginer assez facilement si nous tenons compte de quelques données élémentaires du droit hébraïque : selon la loi juive, la femme n'est pas héritière de son mari ; en cas de décès de celui- ci, ses biens passent à ses enfants ou, à défaut de descendants, à ses ascendants ou collatéraux. Pour assurer l'avenir des femmes mariées, le droit hébraïque prévoit qu'en cas de divorce ou de décès du mari, l'épouse aura droit à un douaire (1) garanti par un acte officiel, la Ketouba. Dans la pratique, en pays "achkenaze", le douaire était constitué par les apports de la femme "augmentés d'un tiers" par le mari (2) : une dot de 1 000 florins apportée par l'épouse entraînait un douaire de 1 500 florins. Dans le langage courant, le mot Ketouba désigne à la fois le douaire et l'acte qui le garantit. La Ketouba représente une créance sur les biens du mari et la femme est reconnue comme première créancière jusqu'à concurrence de la somme prévue dans sa Ketouba.

Les Juifs d'Alsace avaient un statut d'autonomie interne, en particulier en ce qui concerne le droit matrimonial, et la Ketouba pouvait être opposée à tout créancier du mari, juif ou non-juif. Avant l'ordonnance de 1701, un débiteur juif pouvait déclarer à ses créanciers que l'ensemble de ses biens était hypothéqué par la Ketouba de sa femme.

On peut alors imaginer tel débiteur faisant rédiger une nouvelle Ketouba où le douaire promis à l'épouse apparaîtrait comme beaucoup plus important que ce qui avait été prévu à l'origine ! C'est sans doute pour éviter cela que l'administration de Louis XIV avait exigé que les contrats de mariage des Juifs d'Alsace soient déposés chez le notaire. Celui-ci officialisait ce contrat en paraphant les deux exemplaires appartenant respectivement à l'époux et à l'épouse, un troisième restant chez lui.

Voilà donc les Juifs d'Alsace qui, petit à petit, prennent l'habitude de déposer leurs actes de mariage par devant notaire ; cependant, pour les premières années, de 1701 à 1720, nous n'avons retrouvé que 3 contrats enregistrés, puis 51 pour la période suivante, de 172l à 1730. Après 1730, le nombre augmente de façon extraordinaire sans doute à la suite d'un rappel à l'ordre des autorités ou, peut-être, parce que des Ketouboth non enregistrées avaient entraîné un préjudice pour une veuve ou une divorcée. Il faut ajouter que, entre 170l et 1791, le nombre des Juifs en Alsace passe de 3 000 - 3 500 à environ 20 000.

Nous nous sommes servis du mot Ketouba bien que ce terme ne soit pas entièrement exact ; selon la coutume des communautés juives rhénanes connue sous le nom de Takanoth Choum (Spire, Worms, Mayence), toutes les Ketouboth lues en public devaient comporter la même somme : 1200 florins pour une jeune fille, 600 florins une veuve ou une divorcée. Le motif donné est extrêmement intéressant : Kedey chélo levayech mi chéeyn lo (pour ne pas faire honte à celui qui n'a rien). Bien entendu il fallait un autre acte pour faire état de la situation réelle, et notamment des apports respectifs des époux : ce sont les Tenaïm, littéralement "conditions", dont l'objet est la créance de la femme sur les biens du mari ainsi que d'autres conditions spécifiques à chaque famille, en quelque sorte un avenant à la Ketouba officielle.

Les Tenaïm richonim (3) étaient établis au moment de la conclusion de l'accord entre les familles, au moment des fiançailles, précisant les apports respectifs, prévoyant le lieu et la date du mariage et l'amende à payer en cas de rupture (Knass).

Les Tenaïm a'haronim (4) étaient établis au moment du mariage, reprenant le plus souvent les conditions des Tenaïm richonim et attestant que les sommes avaient bien été versées. A quelques exceptions près, les Tenaïm enregistrés et conservés par le notaire sont des Tenaïm a'haronim.

Les rabbins ou les lettrés qui rédigeaient ces contrats avaient des modèles ; par conséquent tous ont une structure identique. Ainsi :

Mazal tov ytsma'h veya'aleh kegan ratov 'ad lema'lah
("que la bonne chance germe et s'élève comme un jardin verdoyant").

Conditions établies entre les parties au moment de la 'Houpa entre... Moïse Bloch, fils d'Alexandre de Wintzenheim en Haute-Alsace, au nom de son fils Goetschel d'une part, et Mordekhay surnommé Siessel, fils de Yo'hanan Legmé, et sa fille Gittel de Wintzenheim également. Goetschel a épousé Gittel et cette dernière a reçu la bague du mariage. Moïse Bloch apporte à son fils le quart de sa maison d'habitation, mais la donation ne sera effective qu'après la mort du dit Moïse et de sa femme Keple. Goetschel Bloch ne pourra ni vendre, ni louer, ni échanger sa part de maison durant la vie de ses parents.

Les parents s'engagent à léguer 100 reichsthalers après leur décès ; en plus, Moïse Bloch apporte une place à la synagogue, à droite de l'arche d'alliance.

Jeckel, frère de Coetschel, prend l'engagement de donner la 'Halitsa (5) gratuitement en cas de besoin et le père s'engage à ce que les fils mineurs donnent l'engagement de 'Halitsa lorsqu'ils arriveront à leur majorité.

Siessel, père de Gittel, apporte 1000 reichsthalers (1500 florins), soit 200 en espèces, une obligation de 400 reichsthalers à payer d'ici un an et une créance de 400 reichsthalers sur Jacob Chops à Oberbergheim dont Siessel se porte garant.

Il est prévu que sa fille aura une part d'héritage [en droit talmudique, les filles n'héritent pas en présence de garçons]. De plus, Siessel s'engage à donner gratuitement le vivre et le couvert pendant trois ans. A partir de ce moment, le couple vivra en amour et en affection, sans rien cacher l'un à l'autre, sans enlever ni rien fermer ; ils géreront ensemble à droits égaux.

Si Goetschel se conduisait envers son épouse de manière insupportable pour elle... Ketouba : 1 500 reichsthalers [bien que la Ketouba lue en public ne comportât que 800 reichsthalers. La femme prendra également en priorité son alliance, ses vêtements et les cadeaux.

Fait à Wintzenheim, mercredi 13 Kisslev 5505, le 18.11.1744, enregistré le 3. 12.1744.

Notes :

  1. Douaire : droit de l'épouse survivante sur les biens de son mari. Retour au texte
  2. Formulation habituelle dans le Talmud signifiant ici que la somme apportée en dot par l'épouse correspond aux deux tiers de celle qu'elle devrait toucher en cas de divorce ou de décès de son mari. Retour au texte
  3. Tenaïm richonim, "Premières conditions" : contrat de fiançailles. Retour au texte
  4. Tenaïm a'haronim, "Dernières conditions". Retour au texte
  5. 'Halitsa : cérémonie par laquelle une veuve sans enfants est dégagée des liens du lévirat et devient libre d'épouser tout autre que son beau-frère. Retour au texte


Page
précédente
Page
suivante
Genealogie Judaisme alsacien Accueil
© A . S . I . J . A .