Cet ouvrage est disponible aux Editions du Cédrat, 19 rue du Maréchal Foch, 67000 Strasbourg. (450 pages, illustrations, carte.)
Index de
Mémoire juive en Alsace, contrats de mariage au XVIIIe siècle par Rosanne et Daniel N. Leeson. Ce travail très attendu, indispensable à l'utilisation approfondie de l'ouvrage remarquable de A.A. Fraenckel, a été réalisé en un temps record, six mois, par Rosanne et Daniel Leeson. Il permet de retrouver toutes les informations concernant non seulement les conjoints, personnages principaux des contrats de mariage, mais aussi leurs parents et parentèle, les témoins, les officiants etc, chaque fois qu'ils sont cités dans un contrat. On retrouve ainsi aisément, des parentés inattendues et les liens de familles complètes.
L'ouvrage, établi à partir d'une base de données mise
au point par les auteurs, comporte six index :
- Tome 1 (Bas-Rhin), 475 pages ; -Tome 2 (Haut-Rhin), 413 pages Prix (frais d'envoi compris) : France 270 FF, Union Européenne : 330 FF, autres pays : 430 FF. |
Nous ignorons les circonstances exactes dans lesquelles l'arrêt de Louis XIV a été promulgué, mais nous pouvons les imaginer assez facilement si nous tenons compte de quelques données élémentaires du droit hébraïque : selon la loi juive, la femme n'est pas héritière de son mari ; en cas de décès de celui- ci, ses biens passent à ses enfants ou, à défaut de descendants, à ses ascendants ou collatéraux. Pour assurer l'avenir des femmes mariées, le droit hébraïque prévoit qu'en cas de divorce ou de décès du mari, l'épouse aura droit à un douaire (1) garanti par un acte officiel, la Ketouba. Dans la pratique, en pays "achkenaze", le douaire était constitué par les apports de la femme "augmentés d'un tiers" par le mari (2) : une dot de 1 000 florins apportée par l'épouse entraînait un douaire de 1 500 florins. Dans le langage courant, le mot Ketouba désigne à la fois le douaire et l'acte qui le garantit. La Ketouba représente une créance sur les biens du mari et la femme est reconnue comme première créancière jusqu'à concurrence de la somme prévue dans sa Ketouba.
Les Juifs d'Alsace avaient un statut d'autonomie interne, en particulier en ce qui concerne le droit matrimonial, et la Ketouba pouvait être opposée à tout créancier du mari, juif ou non-juif. Avant l'ordonnance de 1701, un débiteur juif pouvait déclarer à ses créanciers que l'ensemble de ses biens était hypothéqué par la Ketouba de sa femme.
On peut alors imaginer tel débiteur faisant rédiger une nouvelle Ketouba où le douaire promis à l'épouse apparaîtrait comme beaucoup plus important que ce qui avait été prévu à l'origine ! C'est sans doute pour éviter cela que l'administration de Louis XIV avait exigé que les contrats de mariage des Juifs d'Alsace soient déposés chez le notaire. Celui-ci officialisait ce contrat en paraphant les deux exemplaires appartenant respectivement à l'époux et à l'épouse, un troisième restant chez lui.
Voilà donc les Juifs d'Alsace qui, petit à petit, prennent l'habitude de déposer leurs actes de mariage par devant notaire ; cependant, pour les premières années, de 1701 à 1720, nous n'avons retrouvé que 3 contrats enregistrés, puis 51 pour la période suivante, de 172l à 1730. Après 1730, le nombre augmente de façon extraordinaire sans doute à la suite d'un rappel à l'ordre des autorités ou, peut-être, parce que des Ketouboth non enregistrées avaient entraîné un préjudice pour une veuve ou une divorcée. Il faut ajouter que, entre 170l et 1791, le nombre des Juifs en Alsace passe de 3 000 - 3 500 à environ 20 000.
Nous nous sommes servis du mot Ketouba bien que ce terme ne soit pas entièrement exact ; selon la coutume des communautés juives rhénanes connue sous le nom de Takanoth Choum (Spire, Worms, Mayence), toutes les Ketouboth lues en public devaient comporter la même somme : 1200 florins pour une jeune fille, 600 florins une veuve ou une divorcée. Le motif donné est extrêmement intéressant : Kedey chélo levayech mi chéeyn lo (pour ne pas faire honte à celui qui n'a rien). Bien entendu il fallait un autre acte pour faire état de la situation réelle, et notamment des apports respectifs des époux : ce sont les Tenaïm, littéralement "conditions", dont l'objet est la créance de la femme sur les biens du mari ainsi que d'autres conditions spécifiques à chaque famille, en quelque sorte un avenant à la Ketouba officielle.
Les Tenaïm richonim (3) étaient établis au moment de la conclusion de l'accord entre les familles, au moment des fiançailles, précisant les apports respectifs, prévoyant le lieu et la date du mariage et l'amende à payer en cas de rupture (Knass).
Les Tenaïm a'haronim (4) étaient établis au moment du mariage, reprenant le plus souvent les conditions des Tenaïm richonim et attestant que les sommes avaient bien été versées. A quelques exceptions près, les Tenaïm enregistrés et conservés par le notaire sont des Tenaïm a'haronim.
Les rabbins ou les lettrés qui rédigeaient ces contrats avaient des modèles ; par conséquent tous ont une structure identique. Ainsi :
Mazal tov ytsma'h veya'aleh kegan ratov
'ad lema'lah
("que la bonne chance germe et s'élève comme
un jardin verdoyant").
Conditions établies entre les parties au moment de la 'Houpa entre... Moïse Bloch, fils d'Alexandre de Wintzenheim en Haute-Alsace, au nom de son fils Goetschel d'une part, et Mordekhay surnommé Siessel, fils de Yo'hanan Legmé, et sa fille Gittel de Wintzenheim également. Goetschel a épousé Gittel et cette dernière a reçu la bague du mariage. Moïse Bloch apporte à son fils le quart de sa maison d'habitation, mais la donation ne sera effective qu'après la mort du dit Moïse et de sa femme Keple. Goetschel Bloch ne pourra ni vendre, ni louer, ni échanger sa part de maison durant la vie de ses parents. Les parents s'engagent à léguer 100 reichsthalers après leur décès ; en plus, Moïse Bloch apporte une place à la synagogue, à droite de l'arche d'alliance. Jeckel, frère de Coetschel, prend l'engagement de donner la 'Halitsa (5) gratuitement en cas de besoin et le père s'engage à ce que les fils mineurs donnent l'engagement de 'Halitsa lorsqu'ils arriveront à leur majorité. Siessel, père de Gittel, apporte 1000 reichsthalers (1500 florins), soit 200 en espèces, une obligation de 400 reichsthalers à payer d'ici un an et une créance de 400 reichsthalers sur Jacob Chops à Oberbergheim dont Siessel se porte garant. Il est prévu que sa fille aura une part d'héritage [en droit talmudique, les filles n'héritent pas en présence de garçons]. De plus, Siessel s'engage à donner gratuitement le vivre et le couvert pendant trois ans. A partir de ce moment, le couple vivra en amour et en affection, sans rien cacher l'un à l'autre, sans enlever ni rien fermer ; ils géreront ensemble à droits égaux. Si Goetschel se conduisait envers son épouse de manière insupportable pour elle... Ketouba : 1 500 reichsthalers [bien que la Ketouba lue en public ne comportât que 800 reichsthalers. La femme prendra également en priorité son alliance, ses vêtements et les cadeaux. Fait à Wintzenheim, mercredi 13 Kisslev 5505, le 18.11.1744, enregistré le 3. 12.1744. |
Notes :
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