Le Comité cantonal des écoles israélites à Strasbourg est composé de M.M. Jacob MEYER, Grand-Rabbin, président ; Auguste RATISBONNE, Vice-président; Mayer SAMUEL; Marc. L. SAMUEL, trésorier; Math. GOSCHLER; D. MAYER, avocat; Albert DREYFUS; Michel ARON; S. LIBERMANN, docteur en médecine, secrétaire. |
Le jour indiqué, il fut procédé à cette épreuve
solennelle en présence du Consistoire, du comité cantonal et d'un
grand nombre de personnes des deux sexes.
La séance fut ouverte par un discours prononcé par M. Mayer, avocat,
sur les avantages d'une bonne éducation. Il fut suivi d'une exhortation
adressée aux élèves en langue allemande par M. Théophile
Levy, un des instituteurs.
M. Libermann, docteur en médecine, membre et secrétaire du comité
cantonal, a lu ensuite un Rapport sur l'état
de l'école depuis sa création jusqu'à ce jour ; il a été
écouté avec une grande attention et vivement applaudi.
Immédiatement après, il fut procédé à l'examen
d'un grand nombre d'élèves : tous ont répondu avec avantage
aux diverses questions qui leur furent adressées. Les noms des vainqueurs
ayant été proclamés, ils reçurent des mains du
Directeur de l'école les récompenses méritées.
La séance fut terminée par une quête faite par M. Mayer
et Melle Sara Abraham Picard, dont le père a rempli pendant longtemps
avec distinction les fonctions de Président du Comité de surveillance
et d'administration de l'école.
Lecture hébraïque | GOUDSHAUX, Adolphe. | |
Idem | HALFF, Eugène | |
Lecture française | GOLDSCHEIDER, Eman. | |
Lecture allemande | MANTEL, Élias. | |
Idem | KLEIN, Baruch. | |
Grammaire française | MALAPERT, Daniel. | |
Idem allemande | Idem. | |
Idem idem | DENERY, Salomon. | |
Géographie | STIFFEL, Abraham. | |
Pentateuque , avec commentaire |
SCHNEEBERGER, Raphaël. | |
Idem, sans comment. | MAYER, Samuël, petit fils de M. le Grand-Rabbin. | |
Bonne conduite | KUPPENHEIM, Michel. | |
Fables | MAHLER, Nathan. |
MESSIEURS,
"Les lois de l'éducation sont les premières que nous recevons, et comme elles nous préparent à être citoyens, chaque famille particulière doit être gouvernée sur le plan de la grande famille, qui les comprend toutes." (Montesquieu, Esprit des lois, vol. I, page100 ).Ces belles vérités, proclamées par un des plus grands philosophes du siècle dernier, et qui sont de tous les temps, serviront de texte à la première partie du discours que je recommande à votre bienveillance.
L'importance de ces soins étant démontrée, il est nécessaire qu'ils soient dirigés avec prudence et sagesse dans leur ensemble et leurs détails.
Les parens d'abord, et les maîtres ensuite, devront se tracer un plan d'éducation uniforme à faire suivre à leurs élèves ; plus ce plan sera en harmonie avec celui que la société s'est tracé elle-même pour la direction de l'éducation civile et politique de toutes les familles qui la composent, plus l'élève se rendra digne du nom de bon français, d'utile citoyen.
Que serait-ce, si un État qui se divise en plusieurs provinces , suivait un système d'éducation différent pour chacune d'elles ? Parviendrait-il jamais à faire naître, parmi les habitans de ces diverses provinces, uniformité dans les pensées, dans les actions, dans l'amour des institutions faites pour tous ? chose pourtant absolument nécessaire pour maintenir l'union et la paix parmi les nombreuses familles dont il se compose ! Non, certes : loin de là, il n'y aurait que dissension, guerres intestines, sous le poids desquelles l'État finirait par s'écrouler ; car il en est d'un vaste État comme d'une famille particulière. Qu'un pére, ayant trois fils, fasse donner à chacun d'eux une éducation différente, il ne se ressentira que trop tôt des fruits amers qu'elle aura portés ; leurs goûts devant nécessairement être variés, ils se contrarieront d'abord, se querelleront ensuite et finiront par se haïr, se persécuter.
Ce tableau, que l'expérience nous a fait tracer, suffira sans doute pour convaincre que, si l'on veut fonder une paix durable, si l'on veut que tous les sujets d'un même pays fraternisent ensemble, il est indispensable qu'ils reçoivent une éducation uniforme, réglée sur une morale saine et bien entendue, dont toutes les parties doivent se rapporter à ces grands principes : "Honore un Dieu, sois juste et chéris ta patrie."
C'est ce principe, éminemment philosophique, que le siècle des lumières
a consacré en France, qui a servi de base au grand système d'éducation
qu'on y suit aujourd'hui avec un succés toujours croissant.
Les écoles primaires, les collèges royaux, tous les établissemens
d'éducation, en un mot, reposent sur une loi commune, et sont dirigés
d'après un même plan.
Les Israélites de France, qui , grâce aux progrès de la civilisation, se confondent aujourd'hui avec tous les enfans de la vaste famille des français, rivalisent, depuis plusieurs années, de zèle avec leurs concitoyens dans l'établissement des écoles primaires.
Déjà Paris, Bordeaux, Metz, Nancy, d'autres villes encore, possèdent de pareils établissemens, dont la prospérité a été plus d'une fois attestée par les premières Autorités de ces grandes cités, qui ont même daigné les encourager par de puissans secours. grâces leur soient rendues d'avoir ajouté aux ressources de ces établissemens ! Honneur aussi aux Israélites bien pensans qui s'imposent des sacrifices pécuniaires pour les soutenir ! Ils ne calculent point l'étendue de ces sacrifices : et cependant, bien que des erreurs populaires proclament le contraire, le nombre des Israélites aisés est trés borné, et leurs charges sont pesantes ; car, indépendamment des contributions publiques auxquelles tout français est soumis , ils sont assujettis à des contributions particulières pour l'entretien de leur culte et le traitement de leurs ecclésiastiques. Rien ne les effraie , toutefois , lorsqu'il s'agit de concourir à la régénération et au bonheur de leur postérité, et pour contribuer au noble but qui nous anime, ils se privent sans peine d'une partie de leur nécessaire. Honneur, encore une fois, à ces âmes généreuses ! et puissent-elles voir le succés couronner leurs efforts ! car il viendra un temps, et ce temps n'est pas éloigné, j'en suis sûr, où la généreuse nation à laquelle nous avons le bonheur d'appartenir, anéantira ces restes d'inégalité qui existent encore entre le Français qui suit la loi de Moïse et le Français qui suit la loi du Christ. "Que l'égalité la plus parfaite existe entre tous les citoyens. d'un même État" : c'est là le voeu, la loi du Pentateuque et de l'Évangile.
Les Israélites du département du Bas-Rhin, imitant l'exemple de leurs coréligionnaires des autres départemens, sont parvenus à établir, depuis trois ans environ , malgré d'énormes difficultés, l'école-modéle d'enseignement mutuel, dont les intérêts nous occupent en ce moment. Elle renferme environ soixante-dix élèves, dont les progrès ne sont plus douteux ; les exercices auxquels ils vont se livrer, vous convaincront de cette consolante vérité : progrès considérablement relevés par le maintien décent, l'extérieur agréable que vous leur voyez , et par la langue qu'ils parlent, qui n'est plus ce jargon ridicule et grossier, ce langage hébraïco-allemand, reste honteux d'une antique barbarie , dont ils se servaient avant leur entrée à l'école, mais qu'ils rougiraient de parler aujourd'hui.
Indépendamment de cette école-modéle , Wissembourg et Haguenau ont aussi des écoles primaires ; et sous peu, grâce aux efforts réunis de l'Académie de Strasbourg , du Consistoire et du Comité cantonal, toutes les communes de notre département habitées par des Israélites jouiront du même avantage.
Mais ce n'était pas assez de ces institutions pour arriver à la régénération tant désirée d'une certaine classe d'Israélites; le Consistoire, sur les sollicitations du Comité cantonal, vient de jeter les bases d'une école de théologie, tant réclamée par tous les hommes de bien. De tout temps on a pensé que la religion fait une partie essentielle et intégrante de l'éducation ; que c'est à la religion, dont on ne peut séparer la morale, qu'est due toute la perfection de notre être.
La grandeur de sa destination a fait admettre également, qu'il est indispensable que des hommes lettrés l'enseignent pour qu'elle produise des fruits salutaires. Malheureusement, jusqu'à présent, les Israélites français ne comptent qu'un petit nombre de pasteurs dignes de ce nom par leur éducation et les principes qu'ils professent; l'Alsace surtout en est presque dépourvue. C'est à cette lacune qu'on peut attribuer, sans émettre une opinion hasardée, la fâcheuse situation d'une certaine classe d'Hébreux qui l'habitent.
Espérons qu'en formant ainsi, par des mesures sagement combinées, de bons instituteurs et de recommandables ecclésiastiques, on portera remède à ce mal d'autant plus funeste, qu'une déplorable prévention le reproche également à tous les Israélites de l'Alsace, bien que des documens irrécusables, des exemples vivans, attestent le contraire.
Mais vainement nous aurions proclamé ces principes d'une bienfaisante théorie, vainement une généreuse philanthropie aurait semé sur la France et sur notre belle Alsace ces salutaires établissemens, vainement nos magistrats les auraient protégés ; tant de belles espérances seraient déçues, si cette génération naissante, tendre objet de nos travaux et de nos sacrifices, ne répondait point à nos voeux.
C'est à vous, chers élèves, pour qui nous solennisons cette féte, qu'il appartient de réaliser ce que nous avons entrepris : je vous exhorte donc à seconder par votre ardeur pour le travail , par votre zéle continuel, par une attention religieuse aux leçons de vos maîtres , par votre conduite, enfin, et l'exercice constant des vertus qui vous sont enseignées, les efforts prodigieux que ne cessent de faire vos bienfaiteurs.
Vous les voyez consacrer leur temps, une partie de leur fortune, à votre bien-être; que vos progrès leur servent de récompense : soyez reconnaissans de tout ce qu'ils ont fait pour vous, soyez attentifs à leur complaire, en suivant leurs conseils, qui ne tendent qu'à faire votre bonheur présent et à préparer votre bonheur futur.
En quittant cet établissement pour vous livrer à des études supérieures ou pour embrasser une profession quelconque, n'oubliez jamais que c'est aux bienfaiteurs de votre jeunesse que vous étes redevables de votre nouvelle existence, qui a commencé pour vous dès l'instant qu'on vous a fait goûter les premiers avantages d'une bonne éducation.
N'oubliez jamais que c'est à eux que vous devez le bonheur d'être fraternellement accueillis par des compatriotes aussi généreux qu'éclairés; n'oubliez jamais, enfin, qu'en dotant votre avenir des bienfaits d'une éducation libérale, en éclairant vos esprits; en développant dans vos jeunes coeurs les germes heureux de la religion et de la vertu, ils vous ont rendus dignes de la bienveillance du pouvoir qui gouverne la France : de ce pouvoir réparateur, égal pour tous, juste envers tous, qui ne demandera pas, pour vous accorder sa protection et ses bienfaits, si vous appartenez à tel culte ou si vous professez telle opinion ; qui ne flétrit que l'ignorance et le vice, et récompense sans distinction le mérite et la vertu.
Aimez donc les BOURBONS, aimez avec eux la patrie, aimez ce Roi, père
de son peuple, et réunissez tous vos efforts pour mériter son
amour dès-lors tous les avantages sociaux vous seront offerts, et sous
l'égide tutélaire d'un sceptre ami des lois et des libertés
publiques, vous participerez en paix à ces sages institutions qui vous
garantissent vos droits d'homme libre, de citoyen indépendant.
D. MATER, Avocat, Membre du Comité cantonal. |
rapport sur l'état de l'école |