Après lexpulsion définitive des Juifs de Strasbourg, à
la fin du 14e siècle, la capitale de la Basse-Alsace ne connaîtra
une nouvelle communauté quaprès le décret du 27 septembre
1791, accordant aux Juifs les droits civiques.
Pendant près de quatre siècles, mais surtout entre le 16e et le 18e
siècle, le judaïsme alsacien sera essentiellement rural et le nombre
des Juifs très restreint.
Après la guerre de Trente Ans et la cession de lAlsace presque entière
à la France, des communautés se développèrent, rendant nécessaire
une administration tant laïque que religieuse. La division de l'Alsace
féodale se maintint en partie, surtout à cause des privilèges
accordés aux tenants des fiefs, daccepter ou de refuser la présence
des Juifs, source appréciable de revenus.
La Basse-Alsace, devenue plus tard le Département du Bas-Rhin, se répartissait
entre les seigneuries suivantes : les Comtes de Hanau-Lichtenberg, lévêché
de Strasbourg, la Préfecture de Haguenau et de la Basse Alsace.
De ce fait, la région connaîtra jusquà la Révolution quatre tribunaux rabbiniques chacun présidé par un Av Beth Dîn (président du tribunal religieux), officiellement investi par les autorités pour juger des litiges entre Juifs. Les rabbins exerçant dans dautres localités nétaient que les délégués des Présidents de Beth Dîn (commis ou substitut rabbin ).
Nous ne parlerons ici que des rabbins présidents des Batei Dîn de la Basse-Alsace. Ils étaient, en 1784, au nombre de quatre:
Le rabbin de Strasbourg, David Sintzheim devenait en 1808, le premier grand rabbin du Consistoire du Bas-Rhin. Cest lui qui ouvre la liste des grands rabbins qui se succèderont jusquà ce jour. Cest de ces grands rabbins quil sera question ici.
David Sintzheim (ou Sintzheimer)
Pages de David Sintzheim |
Originaire d'une famille juive allemande connue par nombre de ses enfants qui occupèrent des postes de responsabilité dans leurs communautés, David Sintzheim naquit vers 1740, probablement à Trèves dont son père Isaac était le rabbin. C'est auprès de son père qu'il acquit ses connaissances talmudiques. Il a insisté sur ses méthodes pédagogiques qui suivaient un programme progressif destiné à lui faire connaître d'abord les textes, avant daborder les commentateurs et de se lancer dans les méandres de la casuistique.
Lorsque Isaac Sintzheim fut nommé rabbin des Terres de la Noblesse immédiate dAlsace, la famille vint habiter Niedernai. Une soeur de David Sintzheim avait épousé Sélig Auerbach, rabbin de Bouxwiller, et lui-même se maria à une soeur de Cerf Berr (après la mort de son père en 1767) et vint habiter Bischheim. Lorsque, peu avant la Révolution, son beau-frère y ouvrit une yeshiva, David Sintzheim en devint le directeur et le resta jusquau moment de la Terreur. Il dut senfuir au-delà du Rhin et ne revint que lorsque le calme fut restauré.
Il publia alors le premier tome et unique volume paru de son vivant de son Yad David, une vaste encyclopédie de commentaires talmudiques, collectés dans la littérature rabbinique du 17e et du 18e siècle.
David Sintzheim avait représenté, avec son beau-frère et dautres délégués, le judaïsme dAlsace dans les débats qui précédèrent lobtention des droits civiques pour les Juifs. Il devint naturellement le rabbin de la nouvelle communauté de Strasbourg assisté par Abraham Auerbach, son neveu, devenu son gendre. Ce dernier quitta Strasbourg et fut un rabbin célèbre dans plusieurs communautés dAllemagne et lancêtre dune grande famille rabbinique.
Lorsquen 1806 Napoléon réunit à Paris lAssemblée des Notables, David Sintzheim fut un des deux rabbins du Bas-Rhin désignés comme députés.
Ses interventions surtout dans le domaine de la halakha (la loi juive) le firent remarquer et lorsque, lannée suivante, le Grand Sanhédrin fut chargé de confirmer sur le plan de la juridiction talmudique les propositions de lAssemblée, David Sintzheim (qui ne savait pas le français) en fut nommé président (Nassi).
Désigné automatiquement comme grand rabbin du nouveau Consistoire de Strasbourg, David Sintzheim fut nommé également grand rabbin du Consistoire central et ne put exercer ses fonctions à Strasbourg. Il délégua à sa place Jacob Meyer, jusque-là rabbin de Niedernai, mais il conserva néanmoins le titre, dans lintention peut-être dabandonner les fonctions parisiennes qui ne lui donnaient pas les satisfactions auxquelles il aspirait. Mais il mourut à Paris en 1813, laissant une oeuvre littéraire énorme dont hérita la famille de son gendre. Ce nest quil y a vingt ans environ que ces manuscrits - ou partie dentre eux - qui avaient été dispersés par les nazis, furent retrouvés et une dizaine de volumes publiés. Ils montrent un rabbin de lancienne école, mais ouvert aux problèmes de son époque. Cest grâce à lui que Strasbourg fut connu par les Juifs de lEmpire napoléonien.
Pages de Jacob Meyer |
A la mort de Benjamin Hemmendinger,
il le remplaça à la tête du Bet Dîn (tribunal religieux)
de Niedernai. Il fit partie des rabbins alsaciens membres du Grand Sanhédrin
et fut désigné comme grand rabbin intérimaire de Strasbourg jusquà
la mort de David Sintzheim.
En 1813 (à 75 ans) il devint Ancien du Consistoire (président) et
grand rabbin titulaire. Il occupa ce poste jusquà sa mort en 1830.
Il avait 91 ans.
Jacob Meyer (dit Yekele Meyer) fut le premier rabbin décoré par le Gouvernement français. Nous possédons de lui (en manuscrit) un petit opuscule sur le calendrier hébraïque. La Bibliothèque de Strasbourg possède également un hesped (oraison funèbre) prononcé en 1805-1806 en hommage à trois rabbins disparus à la même époque. Selon Ginsburger, cest le rabbin Loeb Sarasin dIngwiller (qui lassista dans son travail les dernières années de sa vie) qui hérita des manuscrits non publiés et de ses oeuvres. Il y a deux ans environ, jai vu un merveilleux manuscrit de responsa de Yekel Dayan ! Il sagissait des décisions halakhiques de Jacob Meyer, durant son séjour à Hagenthal et à Rixheim.
Seligmann Goudchaux
Le consistoire désigna comme successeur de Jacob Meyer, Seligmann Goudchaux, rabbin de Haguenau. Né à Niedernai, il était le petit-fils de Jacob Gugenheim, rabbin de Haguenau (décédé à 93 ans en 1802) et le neveu de Baruch Gugenheim, grand rabbin de Nancy. Il était également larrière-petit-fils de Samuel Sanvil Weyl, donc un cousin de Jacob Meyer, son prédécesseur. Son père, qui avait été lassistant de Jacob Gugenheim, était mort accidentellement et le jeune Seligmann avait été élevé par son grand-père, puis avait étudié à Phalsbourg auprès de son oncle qui en était alors le rabbin .
Après avoir poursuivi sa formation talmudique auprès des rabbins allemands qui comptaient de nombreux élèves alsaciens, Seligmann Goudchaux dirigea une école talmudique à Hechingen puis occupa successivement les postes rabbiniques de Vieux Brisach, de Phalsbourg et de Haguenau.
En 1830 il fut nommé grand rabbin de Strasbourg et sera le premier grand rabbin salarié par lÉtat. Il consacra la première synagogue monumentale de la communauté, rue Sainte Hélène, en 1832. Daprès Salomon Wolf Klein, son élève, il sétait aussi intéressé aux sciences profanes et aux langues et avait acquis une culture générale étendue, mais il était un rabbin de lancienne école. Les nouveaux dirigeants du Consistoire, présidé par Auguste, puis par Louis Ratisbonne, ne partageaient pas les options religieuses du grand rabbin . Aussi lorsque le poste de Colmar se trouva vacant, à la mort du grand rabbin Simon Cahen, Séligmann Goudchaux présenta sa candidature et en 1834 quitta Strasbourg pour prendre la tête du rabbinat du Haut-Rhin. Il décéda à Colmar en 1849
Pages
d'Arnaud Aron |
Sous son rabbinat la communauté de Strasbourg prit de plus en plus dimportance et la population juive délaissa peu à peu la campagne. Sincèrement traditionnel, Arnaud Aron essaya de concilier les tendances modernistes des responsables consistoriaux et de la classe intellectuelle avec la masse de la communauté, attachée aux coutumes du judaïsme alsacien. Il dut céder à la pression des notables et faire installer un orgue à la synagogue consistoriale, mais resta ferme pour ce qui concernait la liturgie ou linterdiction dun choeur mixte.
A linverse de ses deux collègues de Colmar et de Metz, Arnaud Aron ne quittera pas son poste après lannexion de lAlsace en 1870 et réussit à maintenir une harmonie dans le domaine cultuel entre les autochtones et les familles venues dAllemagne. Il remplit même à certaines périodes les fonctions de président du consistoire. Il fut le premier grand rabbin décoré à la fois de la Légion dHonneur et dun ordre allemand.
Les obsèques dArnaud Aron, décédé à 83 ans en 1890 furent loccasion dun témoignage de respect et dappréciation de la part des autorités et de la collectivité juive de toute la région.
Isaac Weil
Le Consistoire fit appel pour succéder à celui qui avait occupé
le siège de Strasbourg depuis Louis-Philippe jusquau début de
la dernière décennie du siècle, Isaac Weil, grand rabbin de Metz.
Né à Brumath, en 1840, le nouveau grand rabbin du Bas-Rhin avait reçu
sa première éducation juive et talmudique auprès du rabbin Salomon
Lévy (Reb Salme de Brumath), qui avait préparé de nombreux
élèves pour le rabbinat. Il entra à l'école centrale
rabbinique de Metz en 1858, et suivit lécole lors de son transfert
à Paris. Il y fut le condisciple, entre autres, de Zadoc Kahn, le futur
grand rabbin de France. A 24 ans il fut nommé rabbin à Seppois-le-Bas quil quitta quatre ans plus tard pour Lauterbourg. De là, il occupa
le poste de Phalsbourg (1874-1885) pour succéder en 1886 au grand rabbin
Bigard de Metz.
Il était un homme de paix, recherchant la concorde et lharmonie
entre ses fidèles. Cest sous son rabbinat que Strasbourg construisit
la synagogue du quai Kléber, inaugurée en 1898.
Il mourut après une courte maladie en 1899, âgé dà
peine 59 ans.
Adolphe Ury
A la mort de Arnaud Aron, parmi les candidats à sa succession, figuraient Isaac Weil et Adolphe Ury. Lorsque Isaac Weil fut nommé à Strasbourg, son concurrent le remplaça comme grand rabbin de la Moselle. Il fut donc naturellement élu au poste de Strasbourg lorsque celui-ci devint à nouveau vacant.
Adolphe Simon Ury était né à Niederbronn en 1849. Entré à lécole rabbinique de Paris, il sortit, diplômé, en 1874. Pendant onze ans il fut rabbin de Lauterbourg, succédant déjà à Isaac Weil. Il fut nommé ensuite à Brumath, quil quitta pour le Grand Rabbinat de Metz, lorsque Isaac Weil devint grand rabbin de Strasbourg. En 1900 il fut intronisé à la synagogue du quai KIéber, où pour la première fois, les autorités furent accueillies dans une nef brillante des mille feux de ses ampoules électriques. Adolphe Ury sera un rabbin aimé et respecté par ses fidèles et apprécié des autorités locales et nationales. Il mourut en 1915.
Pages
d'Emile Lévy |
La succession au Grand Rabbinat fut âprement discutée. La communauté autochtone et les notables alsaciens soutenaient la candidature de Lucien Uhry, rabbin de Sélestat et le désignèrent comme remplaçant de Adolphe Ury. Mais le Consistoire, sous la pression des Adler Oppenheimer, fit appel à Émile Lévy, fils du rabbin de Haguenau. Émile Lévy avait fait ses études à Berlin avec la plupart des rabbins alsaciens, au séminaire de Azriel Hildesheimer. Son orientation religieuse était plus orthodoxe que celle de son concurrent, élève au séminaire de Breslau. Émile Lévy avait une forte personnalité et un charisme qui devait agir sur une jeunesse de plus en plus indifférente et lattirer vers un judaïsme conscient, débouchant sur létude et sur la pratique.
Il ne resta malheureusement à Strasbourg que quatre années. Sa formation allemande - il avait exercé dans ce pays avant de retourner dans son Alsace natale - firent quau retour des provinces de lEst à la France, il fut obligé de quitter Strasbourg, alors quil ne sétait jamais occupé de politique. Il eut peut-être suffi de lintervention des notables de la communauté pour obtenir le maintien à Strasbourg du grand rabbin. Ceux-ci ne bougèrent pas en sa faveur et, en 1919, Émile Lévy retourna à Berlin où il sera rabbin de Charlottenbourg jusquà lavènement du nazisme. Il sinstalla alors à Tel Aviv où il mourut en 1953.
Strasbourg perdait avec lui le grand rabbin qui aurait pu donner un élan à une communauté que lindifférence et lassimilation commençaient à affaiblir, une génération après avoir rejoint le judaïsme français "de lintérieur".
Pages d'Isaïe Schwartz |
Strasbourg offrit le poste au Rabbin Liber de Paris qui, comme aumônier militaire, avait au cours de loffice de la Victoire, enthousiasmé la communauté par son éloquence exceptionnelle. Celui-ci refusa, mais proposa à Strasbourg de nommer comme grand rabbin du Bas-Rhin Isaïe Schwartz, grand rabbin de Bordeaux.
Isaïe Schwartz, né à Traenheim en 1876 était un des trois
derniers élèves alsaciens ayant fait leurs études au séminaire
de Paris avant le retour de lAlsace à la France. Il quitta lécole
en 1901, fut grand rabbin de Bayonne et de Bordeaux (il avait été
aussi pendant quelque temps grand rabbin par intérim de Marseille).
Il prit ses fonctions à Strasbourg en 1920 et y resta jusquen 1939
lorsquil fut nommé grand rabbin de France.
Durant son rabbinat en Alsace, Isaïe Schwartz dut faire face à larrivée
de nombreux Juifs fuyant lantisémitisme et les conditions économiques
dramatiques que leur imposait le gouvernement de la Pologne, nouvellement indépendante.
Isaïe Schwartz intervint constamment en faveur de ces immigrants, souvent
entrés illégalement en Alsace et obtint souvent pour eux le droit
de séjour quils sollicitaient.
Il en fut de même lorsque lAlsace vit arriver en masse les réfugiés
fuyant lAllemagne nazie. Nombreux furent les Juifs qui durent aux efforts
du grand rabbin de survivre à la période la plus dure que connut le
judaïsme européen.
A plus de soixante ans, le grand rabbin Schwartz quitta Strasbourg pour succéder au grand rabbin Israël Lévi et dirigea le judaïsme français.
Pages de René Hirschler |
Le Consistoire du Bas-Rhin désirait remplacer son grand rabbin par le rabbin Jacob Kaplan qui, après avoir été rabbin de Mulhouse, avait été nommé à Paris en 1928. Celui-ci refusa le poste et devint auxiliaire du nouveau grand rabbin de France. Cest René Hirschler, rabbin de Mulhouse, qui devint grand rabbin du Bas-Rhin.
Originaire de Marseille où il était né en 1905, René Hirschler navait que 35 ans lorsquil fut installé comme grand rabbin au quai Kléber, juste avant les vacances dété de 1939. Les discours quil fit à cette occasion, ses rencontres avec les responsables de la communauté et avec la jeunesse, lui acquirent immédiatement laffection du judaïsme bas-rhinois. Beaucoup de ses fidèles lavaient déjà connu et apprécié à Mulhouse.
René Hirschler ne devait retrouver sa synagogue quau cours de la guerre, lorsque, comme aumônier militaire, il passa par Strasbourg évacuée. Pendant les années de loccupation, René Hirschler visita les communautés où étaient repliés les Juifs du Bas-Rhin en assumant en outre les fonctions daumônier général des camps dinternement. Il fut arrêté par la Gestapo avec sa femme en décembre 1943. Déporté, il fut battu à mort par un gardien peu avant la libération. Sa femme avait été gazée bien auparavant.
Ainsi disparut le grand rabbin Hirschler. Comme lui disparut également en déportation le Rabbin Brunschwig, réfugié à Lyon. Victor Marx, rabbin de la synagogue du quai Kléber qui dirigea pendant la guerre la communauté de Strasbourg à Périgueux, décéda en 1944.
Pages de Abraham Deutsch |
Lors de la libération de la France, en 1944, on ignorait encore le sort des déportés. En attendant le retour du grand rabbin Hirschler, le Consistoire nomma à titre intérimaire le rabbin Abraham Deutsch, rabbin de Bischheim. Pendant la guerre le rabbin Deutsch avait dirigé la partie de la communauté de Strasbourg réfugiée à Limoges et avait fait de la région un centre de judaïsme vivant. Enseignement religieux, offices, casherouth, services sociaux, vie culturelle avaient rendu à la communauté de Limoges un lustre quelle navait plus connu depuis les 10e-11e siècles.
Dun courage intrépide, le jeune rabbin intervenait auprès des autorités pour des familles réfugiées ou pour faciliter la vie religieuse. Lorsque beaucoup de Juifs quittèrent la région cherchant un asile souvent précaire pour échapper aux rafles, Abraham Deutsch resta présent et son bureau était toujours ouvert pour ceux qui cherchaient une aide matérielle, un conseil ou un encouragement. Il avait même, dans ce bureau, ouvert en 1942, le Petit Séminaire Israélite de Limoges (le P.S.I.L.) destiné à préparer pour plus tard les jeunes candidats au rabbinat ou à lenseignement juif. Il fut arrêté par la milice en revenant dun enterrement et néchappa que par miracle à la déportation. En rentrant à Strasbourg, Abraham Deutsch réorganisa une communauté détruite et fut nommé grand rabbin en titre en 1947. Il le restera pendant 25 ans.
Né à Mulhouse en 1902, Abraham Deutsch avait préparé à Burg-Brebach une carrière denseignant. Après la première guerre mondiale lorsque le judaïsme français cherchait des candidats alsaciens au rabbin at, Abraham Deutsch et Simon Langer, tous deux haut-rhinois, furent remarqués par le Rabbin Liber et convaincus dentrer à lécole rabbinique de Paris.
Après un court séjour à Sarre-Union, Abraham Deutsch fut nommé rabbin à Bischheim et devint directeur du Talmud Torah de Strasbourg et professeur dinstruction religieuse dans deux lycées de la ville. Ses qualités pédagogiques exceptionnelles attirèrent autour de lui beaucoup de ses élèves, pour qui il devint un conseiller et un exemple.
La guerre lui permit de donner sa pleine mesure. Et le travail entrepris à Limoges, il le poursuivit comme grand rabbin de Strasbourg. Il y fonda la première école à la fois primaire et secondaire, réussit à regrouper les institutions sociales et organisa une casherouth reconnue par tous. Il publia pendant des années, le Bulletin de nos Communautés, devenu la Tribune Juive et dirigea, de main de maître, la communauté quil avait aidé à reconstruire.
Il quitta Strasbourg en 1970 pour sinstaller à Jérusalem. Il avait été à la fois le rabbin, ladministrateur et le shtadlan (porte-parole) de sa communauté. Il est regrettable que le grand rabbin Deutsch nait pas édité le journal quil a rédigé au jour le jour et surtout pendant les années de guerre.
Les adjoints des grands rabbins
Il serait injuste, en parlant des grands rabbins de Strasbourg, de passer sous silence ceux qui oeuvrèrent à leur côté et les déchargèrent dune partie de leur travail rabbinique.
Vers 1825, le Consistoire, pour soulager Jacob Meyer, plus quoctogénaire, désigna comme second rabbin Léopold Sarasin dIngwiller. Il resta plusieurs années à ce poste, avant de retourner à Ingwiller. De là il accepta dêtre le rabbin du Beth Hamidrasch (qui devint la communauté de stricte observance de la rue Cadet à Paris) et il y resta jusquen 1858.
Des années plus tard le Consistoire désigna comme adjoint au grand rabbin Arnaud Aron le rabbin de Saverne, Michel Sopher. Né à Saverne en 1818, celui-ci avait été rabbin à Surbourg et, en 1845 était devenu rabbin de sa ville natale. En lappelant à Strasbourg, le Consistoire le chargeait spécialement de lenseignement et de la partie culturelle de la vie juive à Strasbourg. Mais Saverne protesta contre labsence de son rabbin et réclama sa démission. Michel Sopher accepta le rabbinat de Dijon et mourut en 1871 comme grand rabbin du Luxembourg.
Ce nest quen 1910 quun poste de rabbin adjoint fut officiellement créé à Strasbourg. Il est vrai que le gouvernement avait supprimé une quantité de postes rabbiniques dans la région. Victor Marx, rabbin de Westhoffen en fut le premier titulaire. Sa modestie navait dégale que son érudition. Il sera ladjoint de quatre grands rabbins successifs et mourra, en 1944, à Périgueux où il avait, pendant les années de guerre, dirigé la partie la plus importante de la communauté de Strasbourg évacuée.
Pages de Max Warschawski |
Le poste de rabbin de Strasbourg fut offert en 1954 à Max Warschawski, rabbin de Bischheim. Né à Strasbourg en 1925 il avait été le disciple du rabbin Deutsch avant la guerre et le premier élève du P.S.I.L. à Limoges. Il suivit pas à pas la carrière de son maître : nommé rabbin de Bischheim après ses études au séminaire de Paris, puis au Jews College à Londres, il sera pendant 20 ans directeur de lenseignement religieux de Strasbourg. Rabbin de Strasbourg en 1954, il fut nommé grand rabbin adjoint en 1961, pour accéder au Grand Rabbinat du Bas-Rhin en 1970. Cest durant sa carrière à Strasbourg que la communauté connut larrivée, dabord détudiants dAfrique du Nord, puis de familles de plus en plus nombreuses au cours des années soixante.
La communauté de Strasbourg, dont la majorité des familles étaient issues du terroir, mais qui sétait enrichie à la fin du 19e siècle par lapport des Juifs venus dAllemagne puis de lEurope de lEst, vit sinjecter un sang nouveau par des centaines de familles arrivées du Maghreb. Le rite alsacien connut à ses côtés les minhaguim (traditions) du judaïsme hassidique dit "sfard" et des oratoires de Sefaradim souvrirent dans le centre et la périphérie de la ville.
Le grand rabbin Warschawski lutta pour conserver lunité de la communauté
en respectant la diversité de ses traditions. Ainsi Strasbourg, à
linverse de la plupart des communautés en France demeura - en superficie
- une communauté unie, placée sous lautorité du Grand Rabbinat
du Bas-Rhin et de son Consistoire. Le dynamisme de nombre détudiants,
puis dintellectuels qui avaient enrichi leurs connaissances juives acquises
souvent au Maghreb, auprès des maîtres strasbourgeois et des institutions
toraïques quils animèrent, ont développé une vie culturelle
dune intensité que lAlsace juive navait plus connue depuis
des générations. Le nombre des écoles a augmenté, sans parvenir
à arrêter lassimilation dune partie de la population juive.
Des oratoires et des synagogues ont essaimé dans divers quartiers, complétés
souvent par des petits centres communautaires - Beth Hamidrash.
Après quarante ans dactivités à Strasbourg, dont 18 ans comme grand rabbin du Bas-Rhin, Max Warschawski, comme son prédécesseur, monta à Jérusalem.
Pages de René Gutman |
Entretemps le grand rabbin Deutsch est décédé à Jérusalem (en 1992). René Gutman, intronisé en 1987 comme grand rabbin du Bas-Rhin, s'est bien intégré dans la communauté. Il joint à ses qualités de rabbin un talent d'orateur et une érudition qui en fait un des rabbins promis à un grand avenir.
Peut-être lalmanach du K.K.L. complètera-t-il dici très longtemps la liste des grands rabbins de cette région en y faisant léloge de celui qui mènera sa communauté vers le 21e siècle!!
Ici s'arrête l'article du grand rabbin Warschawski. Le grand rabbin Gutman a pris sa retraite en 2017 et il s'est installé lui aussi à Jérusalem
Pages de Harold Weill |
Harold Weill, rabbin d'origine strasbourgeoise qui exerçait ses fonction à Toulouse, a été installé au poste de grand rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin le 10 septembre 2017.