Un engagé volontaire dans la première guerre mondiale :
Marc Michel Cahen de Metz (1914-1919)
jean daltroff


Introduction

Les frères Cahen, Marc à gauche de la photo. Robert, au centre, et René,
son autre frère est à droite. (Coll. famille Daltroff).
La famille Cahen est issue d'une vieille famille juive lorraine.
En effet, Michel Marc Cahen, né à Metz en 1753 était marchand fripier tapissier. Il épousa le 15 août 1790 à Metz, Brunette Spire Lévy. Leur fils, Goudschaux Michel Cahen, né à Metz en 1791, était tapissier. Marc Cahen né à Verdun en 1814, était aussi tapissier. Il se maria avec Mélanie Cahen de Metz, le 31 janvier 1843.
Quant à Marc Michel Cahen, il naquit à Metz le 22 août 1889 (1). Il était le fils de Jules Michel Cahen, négociant, marchand de meubles à Metz et de Flore Etlin, la fille d'un boulanger de Metz.

L'itinéraire de Marc Michel Cahen dans la Grande Guerre

Marc Michel Cahen fit son service armé en 1909. Établi en France à Ivry-sur-Seine, où il tenait une maison de commerce, il bénéficia vraisemblablement de la loi du 5 août 1914 qui lui permettait, en contractant un engagement volontaire dans l'armée, d'acquérir la nationalité française. Il quitta Ivry-sur-Seine pour combattre sous le drapeau français.

Si 3000 Alsaciens-Lorrains incorporables fuient le Reichsland Elsass-Lothringen avant la mobilisation, pour s'engager dans l'armée française, des milliers d'autres se portent volontaires dans l'armée allemande. L'écrasante majorité (380 000) des Alsaciens-Lorrains répond sans état d'âme à l'ordre de mobilisation de l'Empereur Guillaume Il. Beaucoup d'entre eux ont servi sur le front de l'Est, en Russie et Biélorussie notamment. Jusqu'en janvier 1916, ils sont pourtant majoritairement engagés sur le front français. À partir de cette date, du fait de la méfiance du commandement allemand, ils sont retirés et envoyés à l'Est.

Marc Michel Cahen, quant à lui, fait partie des 17000 militaires environ qui se sont engagés volontairement dans l'armée française pendant la guerre de 1914-18.
En effet, Marc et ses deux frères, Robert et René, s'engagèrent dans l'armée française en 1914 au centre de recrutement de Nancy. Marc combattit contre les Allemands du 26 septembre 1914 au 14 juillet 1915 sur les fronts du Nord et de l'Est de la France.

Il participa d'abord à la guerre des tranchées de Berry-au-Bac (Aisne). L'échec de la guerre de mouvement fin 1914 ne permet pas aux Allemands de percer dans l'Aisne, transformant la région en champ de bataille : poste d'observation stratégique, le monticule qu'est la côte 108 est traversé par la ligne de front que se disputent Français et Allemands. La tranchée française enserre certes Berry, mais la "bataille du matériel" est lancée, détruisant totalement le village. Berry-au-Bac est désormais aux avant-postes de ces campagnes continues : en 1915 s'y déroule la terrible guerre des mines, illustration du perfectionnement de l'armement ; en 1917, l'offensive Nivelle et l'usage des premiers chars d'assaut achèvent de faire du Chemin des Dames un terrain d'expérimentation. Puis Marc Michel Cahen prit part aux combats de Notre-Dame de Lorette (Pas-de-Calais), où des milliers de soldats (45 000) moururent sur un des champs de bataille les plus disputés de la première guerre mondiale entre octobre 1914 et septembre 1915.

Il obtint la Croix de guerre pour ses actes de bravoure. Caporal au 3e zouaves, il gagna l'Algérie, le 15 juillet 1915 avec son frère Robert. L'armée française étant "saignée à blanc" avait besoin de recruter des hommes dans les colonies et plus particulièrement en Algérie, et pour cela il lui fallait de bons instructeurs.

Puis, Marc Michel Cahen embarqua en août 1916 pour le Tonkin, où il y resta jusqu'en mai 1919, sans aucune permission. Sa participation à la colonne de Thai-Nguyen lui valut la médaille coloniale et le grade de chevalier du Dragon de l'Annam. Il fut, de plus, professeur de français pour ses compatriotes alsaciens et lorrains dialectophones.


Photo extraite de l'ouvrage d'Albert Carré, Les engagés volontaires Alsaciens-Lorrains pendant la guerre, p.381.
 
La médaille de Chevalier dans l'ordre du Dragon de l'Annam obtenue par
Marc Michel Cahen.

Jules Michel Cahen, son père, marchand de meubles au 15 rue de la Tête d'Or à Metz, n'hésita pas à écrire une lettre le 12 mai 1919 au chef du bataillon du 3e zouaves de son fils pour accélérer sa permission : "Mon fils, qui sert dans votre bataillon, sous le nom d'emprunt de Marc Cardon, n'hésita pas, en 1914, à quitter sa maison de commerce d'Ivry-sur-Seine, et de s'engager pour faire son devoir d'Alsacien-Lorrain. Depuis trois mois, ses deux autre frères engagés volontaires, comme lui et plus jeunes sont mis en sursis et je viens vous demander mon commandant d'accorder à mon fils qui sert sous vos ordres, une permission d'urgence attendu que depuis son entrée au service, il n'a eu que quatre jours de permission. Il aurait un besoin pressant de se rendre à Ivry pour prendre les mesures nécessaires à la situation, son remplacement momentané étant obligé de quitter le commerce pour faire un voyage qui ne peut être retardé. Un refus, de votre part, lui occasionnerait un désastre complet de son affaire qui a déjà souffert de son absence prolongée. Mon fils que je charge de vous transmettre la présente pourra vous donner toutes les explications. Espérant que ma demande trouvera près de vous un accueil favorable, car elle est de plus, justifiée.
Je vous prie d'agréer, mon Commandant avec mes remerciements anticipés, mes très empressées salutations. Demande très appuyée dans l'intérêt de bons patriotes messins. Le Gouverneur de Metz" . (2)
L'intervention de Jules, le père de Marc Michel Cahen, fut couronnée de succès.

L'après-guerre

Photo de mariage de Marc Michel Cahen et de Thérèse Lévy en 1921 (Coll. famille Daltroff).
Il reçut après guerre, la médaille de la Reconnaissance française et fut membre actif de l'Association amicale des anciens coloniaux de la Moselle.
Marc reprit la fabrique de meubles de son père Jules décédé en 1926, maison fondée en 1843 et spécialisée dans les ameublements de style (sièges, décoration, glaces, literie). Il épousa à Metz, le 9 juin 1921 Thérèse Lévy, née le 16 septembre 1893 à Étain (Meuse) qui était la fille de Lambert Lévy et de Claire Lévy.

Il eut trois enfants, nés tous les trois à Metz, Jean, le 29 mai 1922, Claire-Lise, le 5 juillet 1923 et Colette, le 7 mai 1928. Il continua à exercer la profession de marchand de meubles au 15 rue de la Tête d'Or à Metz entre les deux guerres.

Conclusion

Marc Michel Cahen a donc passé plus de quatre années comme engagé volontaire dans l'armée française, du 26 septembre 1914 au 12 mai 1919, sur différents fronts : Nord et Est de la France, Algérie et Tonkin. Homme de devoir et patriote, Il eut un parcours très original d'un soldat, combattant avec courage et vaillance, ce qui lui valut plusieurs décorations militaires. Il reprit ses activités professionnelles à Metz après la première guerre mondiale et fonda une famille de trois enfants.

Bibliographie

Notes .

  1. Archives municipales de Metz, acte de naissance du 22 août 1889 n° 991.
  2. Lettre de Jules Michel Cahen adressée au chef de bataillon du 3e Zouave rapatrié du Tonkin en date du 12 mai 1919. (Archives familiales famille Daltroff).


© A . S . I . J . A .