Le culte juif n'est pas seulement une liturgie où chaque solennité trouve ses prières appropriées. Il est aussi un ensemble de cérémonies, au temple et au foyer familial, qui prennent l'homme à sa naissance, et même, comme on le verra, avant sa naissance, pour l'accompagner jusqu'à la tombe et encore au-delà de la tombe.
Ce n'est pas ici le lieu de décrire toute la vie de l'israélite, de celui qui est resté fidèle aux pratiques traditionnelles. Pour remplir ce programme, il nous faudrait entrer dans les minutieux détails de tous les actes, nous allions dire de tous les mouvements qui, dans la joie et dans la tristesse, dans la souffrance et dans la jouissance, marquent les moments de son existence. Il ne se met à table ni ne la quitte, il ne se couche ni ne se lève, il ne mange un fruit, ne boit une goutte d'eau, ne respire le parfum d'une fleur, il n'est visité par une réjouissance, une fête ou par un deuil, il n'aperçoit un savant illustre, un saisissant phénomène météorologique ou un merveilleux spectacle de la nature, sans que sa pensée s'élève à l'auteur de toutes choses, pour lui manifester, par quelques paroles rituéliques, sa reconnaissance ou son admiration. Comme Dieu est partout, le croyant doit voir la présence divine dans tout ce qui frappe ses regards ou son esprit.
Après cette remarque, on n'est plus guère étonné que, dans toutes les graves circonstances, qui sont comme les points culminants de la vie humaine, le culte vient réclamer sa place et apporter son concours, pour leur donner, par son intervention, une haute signification morale et religieuse.
Avant la Naissance
Nous avons dit plus haut que la religion prend l'homme avant sa naissance. Cette assertion est exacte. En effet, nos anciens usages religieux s'intéressent à l'être humain déjà avant son entrée dans le monde. Nous pourrions même dire : avant sa création, car, aux époques de grande foi et de dévotion intense, il se trouvait, parmi les plus zélés, quantité de nouveaux mariés qui, après la bénédiction nuptiale, se retiraient dans leur chambre et récitaient avec ferveur une prière hébraïque. Dans cette prière qu'on trouve encore dans certains recueils spéciaux, le futur père de famille implorait la protection divine pour sa descendance future, demandant à Dieu des enfants sains, pieux, intelligents et bons,
On pense bien que, étant donné cet état d'esprit chez les israélites, dès que la maternité est affirmée, la religion réclame ses droits. La promesse de la maternité prochaine est un événement trop heureux aux yeux des adeptes du Judaïsme, pour que l'enfant attendu, qui sera le fondement, le lien et l'espérance de la famille, ne soit pas placé, avant son arrivée, sous la tutelle de Celui qui tient dans sa main toute-puissante la vie, la santé et le bonheur.Aussi dès le début du septième mois de la grossesse, aux temps où tout le monde connaissait les saints usages, la mère israélite avait-elle soin de s'adresser à quelque Rabbin où, à son défaut, à quelque coreligionnaire pieux et versé dans la science des textes hébreux, pour lui demander de réciter chaque jour, jusqu'après la naissance de l'enfant, un passage d'un texte sacré suivi d'une prière, afin de solliciter de Dieu pour la mère une heureuse délivrance et pour l'être qui naîtra toutes les qualités morales et tous les dons physiques.
Dès que la nouvelle recrue de la communauté d'Israël et de la société humaine a fait son entrée dans le monde, elle est l'objet non seulement de toutes les sollicitudes matérielles, mais aussi de toutes les protections morales. Dans le Judaïsme, on se fait une idée tellement élevée de la valeur de l'homme que l'imagination populaire a, aux siècles passés, supposé volontiers que contre ce petit être appelé à de hautes destinées religieuses et morales devaient se liguer toutes les forces malfaisantes du monde invisible, cherchant à exercer une influence néfaste sur la santé de l'enfant et, pour atteindre l'enfant, sur celle de la mère. Cette croyance n'était pas née sur le terrain du Judaïsme. C'était une infiltration du dehors, mais elle s'y était fortement acclimatée. Voilà pourquoi on a pu voir alors, pendant plusieurs jours, attachés autour du lit de la mère, comme une sainte garde, des feuillets recouverts de mystiques formules de conjuration.
De nos jours et dans nos pays, cet usage est inconnu. Mais il est superflu de dire que, dans la circonstance solennelle de la naissance d'un enfant, la religion, une religion éclairée et exempte de superstitions, intervient pour marquer sa présence et prêter son heureux concours.
Si l'enfant qui est venu élargir le cercle de la
famille est du sexe féminin, on attend que la fillette ait atteint l'âge d'un mois pour accomplir à son intention le premier acte religieux. Cet acte religieux consiste à lui octroyer le nom qu'elle devra porter. Ce modeste évènement donne lieu à une courte cérémonie, différente selon que les parents appartiennent au rite oriental (sefardi) ou au rite occidental (achkenazi).
Dans le premier cas, la mère, au cours de l'office du samedi, présente son enfant au ministre du culte, et celui-ci, posant les mains sur la tête de l'enfant, lui donne la bénédiction dans laquelle il intercale le nom indiqué par la mère. Il convient d'ajouter toutefois que, dans certains milieux, cette cérémonie a également lieu pour les garçons.
Dans le second cas, l'acte religieux de l'octroi du nom donne lieu à une cérémonie intime, à l'intérieur du foyer. Sur l'invitation des parents, un certain nombre de petites fillettes amies ou voisines, auxquelles se joignent parfois aussi de petits garçonnets, viennent le samedi, à l'heure indiquée, se ranger autour du berceau où repose la nouvelle venue et, sous la direction du père de famille, récitent ensemble à haute voix quelques passages bibliques, entre autres le premier chapitre du Chema. Puis, ils soulèvent légèrement le berceau en disant : "Quel sera le nom de cette enfant ?" Et répondant eux-mêmes à leur question, ils proclament le nom, désigné par les parents de l'enfant. La cérémonie finit, comme bien l'on pense, par une distribution de gâteaux et de bonbons aux enfants.
Pour compléter nos renseignements, nous devons ajouter que, comme la cérémonie de l'octroi du nom, telle qu'elle vient d'être décrite, aux fillettes du rite occidental est peu à peu tombée en désuétude dans nos grands centres, beaucoup de mères appartenant au rite occidental ont, sur le conseil du rabbinat moderne, adopté l'usage du rite oriental, et présentent leurs fillettes à l'âge d'un mois, au cours de l'office du samedi - à Paris, à l'office de l'après-midi - à la bénédiction du rabbin.
La Mila ou la Circoncision
La Mila, on le sait, a toujours été considérée par le Judaïsme universel non seulement comme une sainte pratique, mais comme l'acte religieux par excellence.
Aux termes de notre code religieux, le vendredi soir, entre la naissance et la Mila, on doit déjà réunir les amis, dans la maison du nouveau-né et leur faire un petit festin. Cette prescription a été jadis fidèlement suivie et l'est sans doute encore, moins le festin, dans les milieux observateurs. Dans les petits centres juifs, le vendredi soir, à la fin de l'office, le bedeau, au nom du père de famille, convoque à haute voix toute l'assistance à se rendre, après dîner, à la demeure du "zokh'or" (garçon). Jadis, toute la communauté se faisait un devoir de se rendre à cette convocation et, dans une chambre contigüe à celle du jeune héros de ce soir, solennellement et avec ensemble, on récitait, en son honneur, la magnifique profession de foi israélite, le Chema yisraël. Ces saintes paroles qui affirment le principal dogme de notre vieille religion, et pour lequel nos pères ont, à travers les âges, supporté toutes les tortures et toutes les morts, ces saintes paroles,qui sont encore récitées au chevet du mourant, sont aussi celles qui doivent frapper l'oreille de l'enfant, à l'aurore de sa carrière terrestre.
Mais là ne se borne pas toute la sollicitude religieuse qu'éveille autour de lui le petit être destiné à entrer sans retard dans l'alliance d'Abraham. La veille de la circoncision, dans les familles attachées aux traditions antiques, même aux pratiques d'importance secondaire, le père de famille tâche d'obtenir, si possible, de l'obligeance de quelque coreligionnaire sachant "lernen" (expliquer les textes talmudiques), qu'il vienne s'installer, dès la tombée de la nuit et jusqu'à minuit passé, dans la chambre où repose l'enfant ou dans une chambre voisine, pour y réciter des passages de la littérature sacrée du Talmud, dans le but de purifier, en quelque sorte, l'atmosphère ambiante de toute influence mauvaise, de protéger contre tout danger cet enfant qui, dans quelques heures entrera, par le plus saint des sacrements, dans le pacte quarante fois séculaire que Dieu a conclu avec le fondateur de la race d'Israël.
Le lendemain matin, l'enfant a atteint son huitième jour. C'est un jour solennel entre tous. Celui qui s'est chargé de remplir l'office de la Mila - c'est le plus souvent aujourd'hui un hazzan ou un médecin juif - et qui est connu sous le nom de "Mohêl", a été retenu dès le jour ou le lendemain du jour de la naissance de l'enfant. Il est accouru de bonne heure et, s'il demeure dans une localité un peu distante de celle où il doit exercer son ministère aujourd'hui, il a eu soin, généralement, pour éviter tout retard involontaire, d'arriver dès la veille.
De nos jours, certaines familles, amoureuses de modernisme ou désireuses de s'entourer d'une sécurité absolue, ont recours, pour l'accomplissement de la Mila, au ministère du chirurgien. Cette précaution ne saurait être blâmée, à la condition toutefois que le Mohêl soit israélite. Il est absolument contraire au texte et à l'esprit de notre code religieux de confier cet acte sacramentel à un non-juif.
En principe, la cérémonie de la Mila doit avoir lieu à la synagogue. Autrefois on se conformait toujours, à moins de circonstances exceptionnelles, à cet usage qui était facilité alors par ce fait que toutes les demeures des israélites étaient groupées autour de leur maison de prières. De nos jours, la dissémination de la population israélite a rendu ce vieil usage trop difficile et la Mila, dans nos cités, a lieu à domicile. Mais, à la synagogue ou à domicile, la cérémonie doit se placer à la fin de l'office du matin.
A la synagogue, il s'est toujours trouvé jadis un siège spécial, généralement offert par quelque pieux fidèle. C'était d'ordinaire un petit canapé à deux places, dont l'une était destinée au parrain qui devait tenir l'enfant sur les genoux, et l'autre... au prophète Elie. Le prophète Elie, on le sait, ayant disparu sans mourir, est resté dans la tradition et dans le folklore des israélites, le prophète toujours vivant, le protecteur universel de ceux qui souffrent injustement, le messager divin chargé parfois, sous un avatar quelconque, de porter les bonnes nouvelles, enfin le témoin empressé, amical de tous les heureux événements de famille.
C'est lui aussi qui préside, invisible, à la cérémonie solennelle de la Mila. La tradition l'a trouvé particulièrement désigné pour cet honneur, car le prophète Malachie, parlant des temps messianiques, indique comme futur précurseur du Messie, le prophète Elie, et l'appelle : "l'ange de l'alliance". Or, on ne l'ignore pas, dans l'Ecriture sainte, la Mila est, par excellence, le signe de l'alliance conclue entre Dieu et Abraham.
Nous disions plus haut que la cérémonie doit avoir lieu à la fin de l'office matinal. A la synagogue, dans les petits centres où cet usage est encore en honneur, c'est le Mohêl qui, ce jour-là, remplit habituellement le rôle d'officiant, au moins, en tout cas, pour la récitation du "Cantique de la mer rouge" [Exode ch. 16].
Ce magnifique morceau de poésie biblique, introduit dans le rituel du matin, le Mohêl le psalmodie avec ferveur sur un air traditionnel. Il prend du reste déjà quelques versets plus haut, aux mots signifiant : "Et Dieu conclut avec Abraham le pacte, etc.". On chantonne jusqu'au bout le cantique, le Mohêl modulant un verset et les fidèles répliquant par le verset suivant.
De nos jours, de nombreuses et exquises croyances populaires, qui poétisaient infiniment- comme celle, par exemple, relative à la présence du prophète Elie - tous les heureux événements de famille, ont rejoint, hélas ! les neiges d'antan, et avec le regrettable oubli de notre si gracieux folklore, plusieurs usages qu'il rappelait sont tombés en désuétude. Mais on peut affirmer avec fierté que la pratique de la Mila même - ce qui est l'essentiel - est restée en honneur dans tous les milieux israélites.
Cette institution, vieille de quatre mille ans, a survécu, dans son intégralité, à toutes les vicissitudes et à toutes les évolutions du Judaïsme dans le passé, et à toutes les infidélités religieuses de notre époque d'incroyance. Rares sont les pères de famille juifs, aussi peu attachés qu'ils soient aux pratiques et aux dogmes de leur culte, qui osent pousser le mépris du souvenir du foyer paternel et de la religion jusqu'à soustraire leurs descendants à cequi fut toujours, sous tous les climats du ciel, considéré justement comme l'obligation fondamentale de la loi de Moïse, la pierre angulaire de notre édifice cultuel.
Le Rachat du premier-né
Avec la Mila ne finit pas toujours la série des obligations imposées au père, à l'arrivée du nouveau membre de la famille. Si ce rejeton est le premier-né de sa mère, il doit encore, à l'âge d'un mois, être 3racheté". Voici l'origine et le sens de cette obligation :
en souvenir de la protection que Dieu accorda aux premiers-nés israélites, pendant que la dixième plaie, la mort de tous les premiers-nés, hommes ou animaux, sévissait surtout le territoire d'Egypte, l'Ecriture sainte proclame que toute prog2niture mâle, parmi les hommes et les animaux, "appartiendra à Dieu." Jadis les animaux "mondes", c'est-à-dire ceux dont la chair nous est permise, devaient être offerts en sacrifice et les animaux "immondes" devaient être remplacés sur l'autel par des animaux mondes. Le premier-né humain doit être racheté. L'obligation du rachat du premier-né humain existe pour tout israélite, à moins que le père ou la mère du premier-né ne soit un descendant ou une descendante de Kohên ou de Lévite.
Le cérémonial du rachat est fort simple. Le père, après avoir déclaré formellement à un Kohên (le Kohên, on le sait, de race sacerdotale, représente ici la divinité), qu'il désire racheter son fils premier-né, remet à ce Kohên une petite somme (jadis cinq sicles, le sicle valait à peu près, croit-on, un franc soixante-cinq de notre monnaie) comme prix du rachat. Cette somme, si le Kohên n'est pas indigent, et que le père de l'enfant le soit, est d'ordinaire rendue à celui-ci. S'il ne le sont ni l'un ni l'autre, le Kohên distribue généralement l'argent aux pauvres.
Cette courte cérémonie est close, selon l'habitude. pour la raison précédemment donnée, par un... petit festin sanctifié par la récitation des grâces.
La deuxième étape de la vie cultuelle juive est la majorité religieuse.
Dans l'antiquité juive, ce n'était pas absolument le nombre des années qui constituait la majorité religieuse. Les garçons et les filles étaient majeurs lorsque leur développement physique annonçait qu'ils étaient pubères et nubiles, ce qui, dans Ies pays d'Orient, avait lieu généralement pour les garçons aux environs de treize ans, et pour les filles aux environs de douze ans. Plus tard, les rabbins ont fixé pour la majorité religieuse des uns et des autres une date invariable, indépendante de leur développement physique. Cette date est de douze ans et un jour pour les filles, et de treize ans et un jour pour les garçons. A cet âge, ils sont sortis de l'enfance et doivent être religieusement et moralement responsables de leurs actes devant Dieu et devant les hommes. Aussi, à partir de cet âge, sont-ils soumis à toutes les obligations religieuses des adultes. Tous leurs engagements, y compris la contractation d'un mariage, sont valables.
Cette innovation a été une mesure parfaitement heureuse : D'abord, pour être admis à prendre part à la cérémonie d'Initiation, les enfants doivent, dans un examen sérieux, montrer qu'ils possèdent un fonds satisfaisant de connaissances religieuses, et ce n'est pas là un résultat négligeable à notre époque où le foyer paternel a cessé d'être, comme autrefois, une école d'instruction religieuse. Et puis, la cérémonie de l'Initiation est pour les parents une occasion de douce émotion et, cequi est plus important, laisse aux jeunes coeurs des catéchumènes l'inoubliable souvenir d'un acte de foi public impressionnant et solennel.
Aussi, nos familles israélites de la communauté de Paris et de la province comprennent-elles tous les jours davantage la haute valeur de cette institution. Des légions d'enfants, les fillettes habillées de blanc, s'associent à cette solennité annuelle qui a lieu généralement quelques jours après la Pentecôte. On a, sans doute, choisi pour la cérémonie de l'Initiation religieuse, la proximité de la Pentecôte, parce que cette fête est elle-même l'anniversaire de la promulgation du Décalogue, du haut du mont Sinaï. Quant à l'usage d'habiller les fillettes en blanc, ce n'est pas, comme on pourrait le croire, une plate imitation d'une habitude chrétienne. Les vêtements blancs étaient chez les jeunes filles israélites l'uniforme des grandes solennités religieuses, aux époques les plus reculées. Et le Talmud nous raconte comment, au temps du Temple de Jérusalem, dans la sainte journée de Kippour, les jeunes vierges d'Israël, toutes habillées de blanc, se rendaient, en gracieuses théories, dans les vignobles voisins, pour y entonner des cantiques édifiants.
Nous avons dit plus haut que les garçons, indistinctement, à l'âge de treize ans et un jour sont religieusement majeurs. A partir du jour de sa majorité, le garçonnet devient une véritable personne morale. Il est susceptible de compter au
nombre des dix israélites indispensables à la célébration d'un service divin, et il n'est plus dispensé d'aucune observance religieuse imposée à l'adulte.
Parmi les juifs du rite occidental, la cérémonie religieuse par laquelle on célèbre cette étape émancipatrice s'appelle abusivement : Bar-Mitsva. Nous disons : abusivement, car ces deux mots hébreux qui signifient : "apte et astreint aux obligations religieuses" qualifient, comme on voit, le catéchumène et non la cérémonie.
Parmi les juifs qui appartiennent au rite oriental, la cérémonie qui accompagne la majorité s'appelle "Miniane" (nombre}, soit parce que le catéchumène, devenu membre effectif de la Communauté, "fait nombre" désormais et peut être compté parmi les dix israélites nécessaires à la célébration d'un office religieux, soit parce que, pour célébrer sa majorité, il officie devant une assemblée qu'il réunit et qui est constituée par un minimum d'un Miniane (dix personnes).
Si le nom de la cérémonie, qui est le signal de la majorité religieuse, diffère selon les rites, la cérémonie elle-même diffère encore davantage. Elle ne diffère pas seulement selon les rites, mais, dans le rite oriental, elle diffère même selon les régions.
Dans les pays du rite occidental, le jeune néophyte, uniformément, à l'office matinal du samedi qui suit l'accomplissement de sa treizième année, lit publiquement et sur l'air traditionnel, un des sept passages (Paracha) de la section (Sidra) de ce
samedi. En principe, depuis l'âge de sept ans, le garçonnet peut monter devant la Torah, huitième appelé ou appelé facultatif, et réciter ensuite la Haftara, privilège dont nos petits contemporains se gardent, du reste, d'user, comme on sait. Mais le jour où il devient Bar-Mitsva, il compte parmi les "sept appelés" obligatoires, et il en sera ainsi, s'il le veut, à l'avenir. Il est devenu un véritable homme comme sa soeur à douze ans est devenue une véritable femme. Religieusement et moralement, ils sont devenus des adultes.
Dans les communautés du rite oriental, les choses ne se passent généralement pas ainsi. Là, "faire son Miniane" consiste, tantôt à remplacer totalement ou partiellement le ministre officiant, à l'office du vendredi soir, sans préjudice, le lendemain de la lecture d'une Paracha et même de la section entière, tantôt à mettre simplement les Tefiline au cours de l'office, un jour de la semaine, devant une assemblée parfois convoquée ad hoc et à laquelle le catéchumène sert une petite allocution que son père ou son maître lui a apprise. Il existe, dans de vieux livres, de ces allocutions toutes préparées; elles traitent de quelque sujet religieux qui, du reste -comme celui que nous avons sous les yeux en écrivant ces lignes - n'ont qu'un rapport éloigné avec la solennité célébrée.
Nous ajoutons qu'au Temple sefardi de Paris, on se conforme, pour la célébration de la majorité religieuse, tout en l'appelant parfois Miniane et non Bar-Mitsva, à l'usage du rite occidental, tel
qu'il se pratique dans les autres Temples de la Communauté parisienne.
Comme pour l'admission à l'Initiation, les candidats à la Bar-Mitsva à Paris, sont tenus à passer un examen devant le Rabbinat sur un programme déterminé qui, outre le programme des candidats à l'Initiation, comprend la Paracha que devra lire le catéchumène. Si le candidat ne répond pas convenablement, il est ajourné de quelques mois.
Comme pour la Mila et le rachat du premier-né, la majorité religieuse est également célébrée en famille, après la cérémonie religieuse, par un déjeuner ou un dîner joyeux où le jeune impétrant de treize ans, admis maintenant dans la communauté d'Israël, fêté et chargé de cadeaux par les convives, récite "les grâces" à haute voix, accompagné, à certains passages, par tous les assistants, en choeur.
Une étape particulièrement sérieuse de la carrière humaine est le mariage. On peut dire que, selon la doctrine séculaire du Judaïsme, le jeune homme et la jeune fille doivent être élevés en vue de la fondation d'un foyer, d'une famille. Là, comme on dit aujourd'hui, la famille est bien la cellule sociale. Or, il est évident que si cette cellule doit concourir à la formation d'une société grande et belle par sa morale, le mariage, qui en est la condition primordiale, doit être revêtu d'un caractère de particulière sainteté.
Aussi le Talmud, qui est né dans les académies antiques du Judaïsme et qui reflète la pensée juive de plusieurs siècles, abonde-t-il en considérations, en prescriptions, en conseils, destinés à faire de l'union matrimoniale, sortie de deux jeunes affections, la réalisation d'un pur et haut idéal. On y trouve des paroles profondes, magnifiques, touchantes dans leur charmante naïveté. Comment Dieu, dit un rabbin, emploie-t-il principalement Ies loisirs de son éternité ? Ces loisirs, y est-il répondu, il les emploie à préparer les mariages entre les enfants d'Adam ! Il semble à ces grands moralistes que sont les rabbins du Talmud, que rien ne soit plus digne de l'activité providentielle que cette haute sollicitude pour la formation d'unions heureusement assorties. Ces mêmes rabbins du Talmud ne trouvent pas de paroles trop sévères pour blâmer les pères de famille qui ne cherchent pas à. marier convenablement leurs enfants arrivés à l'âge où la jeune fille et le jeune homme sont en état de fonder une famille.
Du haut idéal dont le mariage est auréolé dans la vieille littérature juive, devait nécessairement découler une considération, un respect infinis pour la femme. Aussi, aux siècles les plus reculés, alors que partout ailleurs la jeune fille était obligée, sans être consultée, d'accepter le "seigneur et maître" qui lui était imposé, elle ne pouvait, dans les lois et les moeurs des israélites, être mariée sans son acquiescement formel.
"Consens-tu à accompagner Eliézer auprès d'Isaac, demanda déjà Batuel à Rébecca, sa fille ?"
"J'y consens, répondit-elle" [Genèse 24:58]. Et en dépit du principe d'autorité si puissant aux époques reculées du Talmud, lorsque la mère où les frères aînés s'étaient permis d'accorder une petite orpheline à quelque prétendant pressé, la jeune enfant, avait le droit, jusqu'au jour de sa majorité, de dire qu'elle ne tenait aucun compte de la parole qui a disposé d'elle et elle pouvait reprendre sa liberté sans avoir même besoin de recourir à un acte de divorce.
Et enfin, dans notre Code religieux rédigé à la fin du moyen-âge et qui fait autorité auprès des juifs du monde entier, on dit explicitement que, pour rendre un mariage valable, il faut le consentement mutuel des deux mariés. Si, ajoute-t-il, on a imposé un mariage à une jeune fille, la bénédiction nuptiale est inopérante, même si, après cette bénédiction, la jeune femme dit qu'à présent elle est consentante. Dans le dernier cas, il faut procéder à une nouvelle bénédiction.
Pour en revenir à l'acte de fiançailles dont nous nous occupons, il se terminait par l'engagement que prenaient les deux parties en présence de verser, en cas de rupture des fiançailles ou de non exécution par l'une des parties de quelque clause contenue dans ledit acte, de verser à la partie adverse un dédit dont le montant était fixé, d'un commun accord. Ce dédit, en hébreu, s'appelle Qenas (amende) et ce mot, en Alsace du moins, est entré dans la formation d'expressions relatives aux fiançailles. Ainsi, en Alsace, comme on sait, là cérémonie des fiançailles et le repas qui généralement l'accompagne s'appelle encore "Qenasmahl (repas du Qenas)", et un débris de la tasse ou de l'assiette qu'on casse à cette occasion, s'appelle "Qenasscherbelé (petit tesson provenant de la cérémonie du Qenas)", etc.
De nos jours, et dans notre pays, la cérémonie des fiançailles s'est bien modernisée. Il ne s'y mêle plus généralement aucun caractère religieux. L'usage de l'acte dont il est question précédemment a complètement disparu, et on le conçoit, car non seulement il ne répond plus à la mentalité contemporaine, mais, n'ayant plus actuellement aucune valeur juridique, il n'a plus de raison d'être. Pour entourer néanmoins d'une certaine solennité l'heureux événement des fiançailles on invite généralement les amis et connaissances à une réception plus ou moins importante. Maintes familles pourtant, tenant encore à demeurer fidèles aux vieilles et louables traditions, font une place à celle qui consiste à briser, à cette occasion, une assiette ou une tasse, en accompagnant ce geste d'un retentissant "mazal tov (heureuse étoile!)". Le plus souvent, cette tâche est confiée à un rabbin qui a soin de la rehausser, en prononçant quelques paroles de circonstances.
Dans l'antiquité talmudique, le mariage s'accomplissait en plusieurs actes distincts, séparés, les deux derniers, en tout cas, par un intervalle parfois très long. C'étaient : 1° les Eroucine, 2° les Qiddouchine et 3° les Niçouine.
Et d'abord, les Eroucine étaient entre les deux conjoints un engagement nuptial positif. Elles ne laissaient plus à la jeune fille le droit de disposer d'elle-même par ailleurs et l'infidélité à cet engagement était considérée comme un adultère et punie comme telle. Il va sans dire que, depuis l'interdiction de la polygamie, les Eroucine imposaient au jeune homme les mêmes devoirs. Cet engagement, du reste, était consacré par une prière connue sous le nom de "Prière des Eroucine" et que nous récitons encore aujourd'hui sous le dais nuptial.
La situation de ce demi-mariage où, par suite des Eroucine, se trouvaient les futurs conjoints durait généralement quelque temps. Elle pouvait d'ailleurs se prolonger indéfiniment au gré des intéressés.
Puis, au jour fixé par ceux-ci,
il était procédé à la célébration du mariage proprement dit par la cérémonie appelée "Qiddouchine" et qui consiste particulièrement dans la remise, par le fiancé à sa future compagne, de l'anneau nuptial. Enfin venaient les Niçouine, c'est-à-dire le séjour aussi court soit-il, des deux mariés sous le même toit d'une tente appelée Houppa qui jadis était généralement construite ad hoc et la récitation de la prière dite "les sept bénédictions".
Au cours des siècles plus rapprochés de nous, le mariage en trois temps a disparu et les trois parties qui le constituent, les Eroucine, les Qiddouchine, et les Niçouïne ont lieu, comme on sait, au cours d'une seule et même cérémonie.
A l'approche de la solennité du mariage, il était d'usage, dans l'antiquité juive, entre amis, d'envoyer au fiancé, dans sa maison paternelle, des dons importants, afin de l'aider à donner des festins plus ou moins copieux auxquels ils prenaient part. Ces dons portaient le nom de "chouchbinos", origine de l'alsacien (chou) chbinols. Du reste, ces cadeaux ne constituaient qu'un prêté pour un rendu, car lorsque ces amis se mariaient, le père du fiancé en question devait à son tour leur adresser des présents dans le même but.
C'est à cet usage si utilitaire qu'est due, sans aucun doute, l'habitude conservée jusqu'à nos jours de faire des cadeaux de noce au fiancé et à la fiancée.
Nous voilà arrivés au mariage. Assurément, à notre époque, comme autrefois, cette journée qui doit cimenter, de toute l'autorité religieuse, l'union de l'heureux couple, est tout entière consacrée aux différentes circonstances de la grande solennité. Pourtant, il est certaines formalités que connaissaient nos parents et qui, supplantées par les habitudes modernes, ont rejoint les vieilles lunes, ce qui est souvent regrettable. Une de ces formalités est la suivante :
Jadis, dans la matinée du jour du mariage on accomplissait une cérémonie symbolique. Côte à côte, les mariés venaient s'asseoir soit dans la cour de la maison où habitait la fiancée, soit plus généralement, dans la cour de la synagogue. Là, on les recouvrait par dessus la tête d'un même Talet [châle de prière] et les parents, amis et connaissances prenaient chacun une pincée de grains de blé, symbole de la fécondité, et les laissaient doucement ruisseler sur la tête des mariés, en disant en hébreu les paroles bibliques adressées jadis par les membres de sa famille, à Rébecca partant pour épouser Isaac :
"Notre sœur, puisses-tu devenir des milliers de myriades !" [Genèse 24:60]
Cette cérémonie s'appelle, en judéo-alsacien "maafiren", vocable hébreu à terminaison germanique, qui signifie "défiler devant quelqu'un ou quelque chose".
Outre cette formalité qui ne manquait pas d'une certaine poésie et qui n'est peut-être pas tombée en désuétude dans les milieux où, comme en Alsace, par exemple, on est traditionnaliste fidèle, outre cette formalité, disons-nous, il en était encore une autre qui avait sa place dans cette même matinée. Au cours de cette matinée, en effet, dont les heures s'écoulent toujours, pour les deux futurs époux, fiévreuses et troublées par les poétiques rêveries d'avenir, leurs parents, préoccupés des intérêts positifs du nouveau ménage, se réunissaient pour établir et signer un acte hébreu, qui constituait un véritable contrat de mariage dont l'usage remontait aux époques où celui que les deux conjoints signent aujourd'hui par devant notaire était probablement encore, pendant des siècles, chose inconnue. Cet acte, qui s'appelait "derniers Tenaïm", était, comme celui des fiançailles, bilatéral, et un exemplaire en était remis à chacune des deux parties contractantes. Dans ce document à forme juridique, il était constaté que les conditions énoncées dans l'acte des fiançailles avaient été ponctuellement remplies. Puis, il s'y trouvait une clause réglant la succession de chacun des conjoints en cas de décès de l'un d'eux.Enfin, il contenait la confirmation explicite que, par les soins du père du fiancé, les frères du fiancé avaient signé l'engagement éventuel de se prêter, le cas échéant, à la délivrance de l'acte du déchaussement.
Comme l'acte des fiançailles, l'acte dit "derniers Tenaïm" et l'acte relatif au Lévirat n'ont plus, comme on sait, leur place dans nos usages modernes. On a renoncé au premier parce que le contrat civil le remplace parfaitement, et au dernier parce que des documents de ce genre ont, dans le droit moderne, perdu toute valeur légale et qu'aucun tribunal ne consentirait à en connaître. Aussi arrive-t-il parfois aujourd'hui qu'en présence du refus des frères du défunt de se prêter de bonne grâce à l'établissement de l'acte du déchaussement, la malheureuse veuve n'a aucun moyen d'y contraindre le récalcitrant, et le Rabbinat, de son côté, assiste, impuissant et attristé, à la basse manifestation du mauvais vouloir du beau-frère, sans pouvoir, par la bénédiction d'un nouvel hyménée, aider la veuve à reconstruire son foyer détruit !
On se trouve d'ailleurs, en présence des mêmes difficultés insurmontables, lorsque, dans un cas de divorce civil, l'une des deux parties refuse de se prêter à l'établissement de l'acte de divorce religieux.
Mais nous voici arrivés maintenant au moment solennel de la bénédiction nuptiale. Dans notre pays, la célébration du mariage religieux a lieu d'ordinaire après-midi, car il est d'usage qu'en ce jour si grave et si austère les mariés jeûnent et récitent le Chemoné Esré de Yom Kippour. Or, pour que l'abstention de toute nourriture puisse être considérée comme un jeûne, il faut que midi soit révolu.
Selon un ancien usage, on doit pour des raisons touchant au droit talmudique, marier les jeunes filles le mercredi et les veuves le jeudi, et l'une et l'autre, pour des raisons appartenant à l'astrologie judiciaire, pendant la première quinzaine du mois hébreu.
Pourtant, parmi nos anciens rabbins, et des plus autorisés, il en est qui ne voient pas d'inconvénient à choisir n'importe quel jour de la semaine, sauf le samedi, pour la célébration des mariages.
Nous avons déjà dit précédemment que, contrairement à ce qui se passait dans l'antiquité talmudique, les trois cérémonies appelées Eroucine, Qiddouchine et Niçouïne ne font plus aujourd'hui qu'une cérémonie unique : celle de la bénédiction du mariage. Les formalités religieuses qui les constituent respectivement s'accomplissent successivement de la manière suivante : 1° les Eroucine sont réalisées par la récitation de la prière dite des Eroucine.
2° les Quiddouchine sont réalisées par la remise de l'anneau nuptial que le marié glisse au doigt de la mariée, en lui adressant la formule hébraïque traditionnelle :
"Par l'acceptation de cet anneau, tu deviens mon épouse conformément à la loi de Moïse et d'Israël".
De tous temps, les Qiddouchine étaient caractérisées par la remise à la mariée d'un cadeau d'une certaine valeur, comme un symbole visible, entre les deux conjoints, de leur union et de leur amour. Ce cadeau, dans la suite des temps, est devenu uniformément l'anneau nuptial et, comme on vient de le voir, il est justement dénommé : "alliance".
3° enfin les Niçouine sont réalisés par le séjour côte à côte des deux conjoints sous le dais nuptial et la récitation des "sept bénédictions".
Aux temps anciens, le marié conduisait, après cette cérémonie, sa jeune compagne sous la tente. nuptiale, appelée : "Houppa". C'est ce passage sous la Houppa qui constituait, en somme, le dernier acte de la cérémonie nuptiale et il porte le nom de Niçouine (épousailles).
Les épousailles ne sont une réalité que lorsque les deux époux ont passé ensemble sous le même toit un temps plus ou moins long. De nos jours, comme nous l'avons dit plus haut, le triple cérémonial dont l'ensemble doit cimenter l'union matrimoniale a lieu dans une cérémonie unique appelée : bénédiction nuptiale. Le dais que nous nommons également encore Houppa et sous lequel les nouveaux époux séjournent pendant la cérémonie, côte à côte, et à certains moments recouverts du même Talet, est considéré comme la tente nuptiale d'autrefois, le Niçouine obligatoire.
Pour terminer cette triple cérémonie, le fiancé brise un verre et cette conclusion inattendue prend son origine dans une des plus anciennes traditions. Elle est différemment expliquée. Les uns y voient la réalisation du conseil du psalmiste "Et réjouissez-vous tout en tremblant devant-l'Eternel". D'autres y trouvent, en ce jour de joie extrême qui pourrait porter à la légèreté, un rappel à notre fragilité. En tout cas, elle dit aux mariés qu'en quelque sorte, une existence prend fin, qu'une autre existence va commencer à cette heure et qu'à présent l'union est scellée !...
Après cette journée si pleine, les mariés, de nos jours, sont libres et peuvent dire avec un doux soulagement le fameux "Seuls enfin !" Il n'en était pas de même autrefois. Déjà, dans le Pentateuque, au sujet du mariage de Jacob avec Rachel, il est question de la " semaine" de réjouissances qui suivait les épousailles. Pour le malencontreux mariage de Samson avec la Philistine, on parle aussi des sept jours de festins. Et plus tard, le Talmud appelle toujours le nouveau marié, pendant les sept jours qui suivent son mariage, du nom de Hatân, et alors ce mot répond à notre expression : nouveau marié. Et il était réellement "en fête" le nouveau marié, et les siens l'étaient avec lui, pendant la durée de la semaine entière. Et notre code religieux, à son tour, s'inspirant de cet usage, pendant toute cette semaine, dispense formellement le nouvel époux et interdit aux autres, en sa présence, de réciter certaines implorations qu'il est d'usage de supprimer aux jours fériés. De plus, jadis, dès le lendemain du mariage, le marié faisait remettre à son beau-père, des dons destinés à contribuer aux frais d'une table abondamment servie pendant cette semaine joyeuse, et à laquelle les nouveaux mariés, héros de cette fête, venaient s'asseoir. Ces dons envoyés par le marié s'appelaient "Siblonos" et faisaient, en quelque sorte pendant aux "Chouchbinos", dons que recevaient le fiancé avant le mariage et dont nous avons parlé précédemment. Actuellement encore, le mot Siblonos est resté consacré dans les milieux où, comme en Alsace, le langage est parsemé de termes hébreux, au livre de prières dont il convient que le marié fasse cadeau à sa compagne. On l'appelle "Siblonostefilo", Rituel de Siblonos.
Ces sept jours de réjouissances sont un des nombreux témoignages de la sollicitude dont le Judaïsme entoure la femme. Car il ne faut pas oublier qu'ils sont uniquement destinés à créer autour de la nouvelle mariée une atmosphère
d'enchantement continuel. La jeune fille qui quitte les douces caresses du foyer paternel pour appartenir entièrement à un homme que le plus souvent elle ne connaît pas de longue date, lui a déjà accordé, bien entendu, sa sincère amitié, mais fréquemment, il faut l'avouer, cette amitié qui sera bientôt l'amour peut n'être pas, dès les premiers jours, ce sentiment fort qui rejette au second plan tout ce qui n'est pas lui. Et la jeune femme séparée tout à coup de tout ce qui faisait jusque-là sa joie et son bonheur, transportée dans un milieu nouveau, souvent inconnu, peut se sentir plus d'une fois désorientée et mal à l'aise, pour ne pas dire pleine d'appréhensions secrètes. Eh ! bien, la vieille religion juive, toujours bonne, maternelle, est, dans cette circonstance encore, restée fidèle à elle-même. Elle oblige le mari et sa famille à faire vivre la jeune maîtresse de maison, novice et quelque peu troublée, dans un cadre lumineux, gai, dont se dégagent les promesses d'un doux bonheur.
Pour le mari d'ailleurs, l'obligation de maintenir dans le coeur de sa jeune femme, pendant les premiers temps qui suivent le mariage, ce joyeux entrain, ce rayonnement de bonheur, est une obligation positive, formelle, qui n'est pas limitée à la première semaine de la vie commune. Mais - on ne saurait le faire trop remarquer -en termes saisissants, la loi de Moïse lui prescrit le devoir, pendant toute la première année de leur union, de s'appliquer, toute affaire cessante, par ses égards et ses gâteries, à "réjouir sa femme.". Et ce devoir prime à tel point tous les autres que, pendant toute cette première année, le jeune mari était, dans ce but, aux temps où les Juifs formaient une nation, dispensé de toutes les corvées et jusqu'au service militaire.
Et ce noble devoir de "réjouir sa femme" ne disparaît pas d'ailleurs avec les premiers temps du mariage. Il s'étend à toute la durée de la vie conjugale. On ferait un volume si l'on réunissait toutes les sentences dont nos rabbins ont parsemé le Talmud et qui toutes enseignent la sollicitude et la tendresse les plus touchantes vis-à-vis de la femme.
"Il faut, dit l'un, se nourrir selon ses moyens, mais honorer sa femme au delà de ses moyens".
"Baisse-toi, dit l'autre, si ta femme est petite, pour écouter ses paroles".
"Toutes les bénédictions, dit un troisième, entrent dans la maison par l'intermédiaire de la femme".
"Il ne faut jamais, est-il dit ailleurs, faire de peine à sa femme, car elle verse facilement des larmes et Dieu en demandera compte à celui qui les a fait verser". Et ainsi de suite.
Nous sommes bien aises, à cette occasion de faire justice d'une calomnie qu'une religion issue de la nôtre a inventée de toutes pièces, en prétendant que c'est à elle que la femme doit son émancipation. Or, cette religion a si bien émancipé la femme qu'en plein XVe siècle encore, donc quinze siècles après son avènement, ses docteurs solennels se sont, en plein concile oecuménique, demandé sans sourire si la femme a, comme l'homme, une âme immortelle !... Dans le Judaïsme, au contraire, il n'a jamais été besoin d'émanciper la femme. Elle l'a été de toute antiquité.
"Tout ce que Sara, ta femme te conseille, exécute-le" [Genèse 21:12], dit Dieu à Abraham. Et dès les premiers temps de l'établissement des israélites au pays de Canaan, nous voyons une femme, la fameuse Débora, occuper la haute magistrature de "Juge", c'est-à-dire de Présidente de la République israélite, et l'histoire biblique enregistre ce fait comme une chose toute naturelle. Que penserait-on aujourd'hui, plus de vingt-six siècles plus tard, dans notre pays de progrès, d'un événement semblable ?
Quant aux Rabbins du Talmud, ce que nous en avons dit plus haut, montre assez combien le féminisme, le féminisme dans le bon sens du mot, était en honneur auprès de ces esprits si généreux et si équitables.
N'est-ce pas, du reste, dans le Talmud qu'on lit cette affirmation hardie :
"A la femme Dieu a donné une finesse intellectuelle supérieure à celle de l'homme?"
Parmi les usages religieux qui ont été jadis universellement pratiqués dans les familles, il en est un qui n'a pas encore disparu, du reste, dans les milieux fidèlement pieux et cet usage corrobore ce que nous venons de dire, plus que toutes les dissertations. Il prouve péremptoirement qu'aux époques les plus lointaines, lorsque partout la force primait le droit et que, par conséquent, partout la femme était serve, réduite à l'état de meuble commode, elle était dans le ménage israélite, aux côtés de son mari, une souveraine incontestée et vénérée. Cet usage, le voici : De temps immémorial, le vendredi soir, lorsque le mari rentrait de l'office, des qu'il avait franchi le seuil du foyer qui, alors, par les soins de la maîtresse de maison, avait, dans les milieux les plus pauvres, pris un air de fête, il entonnait, claironnait joyeusement, en l'honneur de sa compagne, le fameux chapitre connu sous le nom de "Chapitre de la femme forte" [Proverbes ch. 31]et qui est un magnifique monument élevé par la Bible à la sagesse, à la bonté, à l'autorité, à toute l'activité bienfaisante de la femme épouse et mère : "Elle est, commence ce chapitre, plus précieuse que les perles... la confiance de son mari se repose sur elle... elle parle avec sagesse et sur ses lèvres se trouvent des leçons de bonté... Ses enfants s'empressent de proclamer ses mérites et son mari la couvre d'éloges !" etc. etc.Ah ! comme en présence de ce spectacle ou de ce souvenir on comprend à merveille cette tendre boutade de Rabbi Jocé qui, voyant sa femme approcher s'écria : "Voilà ma maison qui arrive !"
C'est là, s'il en fût, qu'on peut voir mieux que dans de simples lois, la femme émancipée. Nos pères n'ont pas attendu l'avènement du christianisme, comme on l'a prétendu calomnieusement, ni le règne de la philosophie moderne, comme on l'a dit par ignorance, pour proclamer la femme l'égale de l'homme. Mais, d'une part, sachant la femme faible, la loi juive l'a prise sous sa tutelle et l'a toujours avantagée au détriment de l'homme. D'autre part, connaissant sa haute valeur morale et ses qualités intuitives, la finesse de son esprit, on l'a toujours entourée dans la vie usuelle d'une particulière considération. Et - nous le répétons - cette loi et ces usages remontent à un passé vingt-six fois séculaire!
Nous connaissons l'objection qu'on a souvent formulée : la femme, dans le Judaîsme, - religieusement au moins - occupe une place inférieure à celle de l'homme, puisqu'elle n'est pas tenue, de par les lois traditionnelles à tous les devoirs religieux imposés à l'homme. Cette objection est l'expression de l'ignorance.
"dispensée" et non "exclue" de telle ou telle obligation religieuse. Et le Talmud vous rapporte plus d'un cas où, comme celui, par exemple, d'une certaine Mikhal fille de Kouch qui mettait les Tefiline chaque jour, des femmes instruites et pieuses, accomplissaient scrupuleusement toutes les prescriptions religieuses, comme leur mari.
Il faut se rappeler aussi que la femme n'a le droit, pas plus que l'homme, d'enfreindre aucune "défense" religieuse. Pas plus que l'homme, par exemple, elle ne peut se permettre de manger du pain pendant Pâque, ni s'alimenter le jour du Kippour.
Cela dit, pourquoi donc la femme est-elle "dispensée" de certaines obligations positives que l'homme est tenu d'observer ?
La réponse, la voici : il est un principe qui pénètre et domine toute la législation religieuse relative à la femme, c'est que
"
àaucune obligation religieuse dont l'accomplissement a lieu à une heure déterminée."
Eh bien, ce principe est tout simplement admirable !
.En effet, à l'heure mèrne où doit avoir lieu "invariablement" l'accomplissement de tel ou tel devoir religieux, il peut arriver que la femme, dans le domaine qui lui appartient, c'est-à-dire l'intérieur du foyer, peut avoir à remplir un autre devoir, et cet autre devoir est considéré comme supérieur à tous les commandements religieux.
La femme n'est-elle pas, comme dit l'Écriture, "la pierre angulaire de l'édifice familial" ? N'est-elle pas, comme disent nos docteurs, le principal facteur dans l'éducation des enfants ? N'est-ce pas sa présence, son activité bienfaisante au foyer, qui fait de ce foyer pour le mari et pour les enfants un lieu de délices où ils aiment à séjourner, parce que du haut en bas de ce foyer ils sentent, en quelque sorte, battre le coeur sensible de l'épouse et de la mère? Et quel devoir religieux vaudrait donc les devoirs imposés à la femme par cette mission sainte et belle entre toutes ? Aucune assurément. Et l'on comprend que nos sages n'aient pas hésité à subordonner ceux-là à ceux-ci. Ils ont pensé que surtout pour la maîtresse de maison "la grandeur attache au rivage". Et ils ont eu mille fois raison. Et voilà pourquoi tous nos devoirs religieux positifs dont l'accomplissement a lieu à une heure déterminée, comme, par exemple, les Tefiline, les Tsitsite, l'illumination de Hanoucca etc. et jusqu'à la prière elle-mêm,e ne sont pas obligatoires pour la femme, ce qui - soit dit en passant - explique suffisamment pourquoi la tradition ne les admet pas au nombre des dix personnes nécessaires pour la célébration d'un office religieux.
Voilà pourquoi enfin, si, de nos jours, les pieuses femmes auxquelles leur situation, leurs loisirs le permettent, tout en remplissant dignement les devoirs du foyer, fréquentent nos Temples et accomplissent le plus et le mieux possible toutes les prescriptions religieuses., même les prescriptions qui dépendent du jour et de l'heure, ces femmes sont parfaitement fidèles à l'esprit du Judaïsme et méritent toutes nos louanges.
Récitation du Kadish pour un Jarzeith (anniversaire de deuil) |
Déjà lorsque la maladie, s'installant à notre chevet ou à celui d'un des nôtres, vient nous rappeler la fragilité de la vie et peut-être la fin prochaine, nous recourons, le patient et sa famille, à la prière, afin de demander à Celui que notre Rituel appelle "le Médecin suprême et miséricordieux ", la guérison complète. L'Écriture sainte elle-même nous apprend à demander à Dieu la guérison pour nous et pour les nôtres. Elle nous transmet la supplication de Moïse en faveur de sa soeur Miriâm frappée de la lèpre et celle du roi Ezéchias étendu sur son lit de douleur. Nos rabbins anciens et nos rabbins modernes, s'inspirant de ces exemples, ont composé, parmi de nombreuses prières relatives aux différentes circonstances de la vie, des prières spéciales destinées aux malades et à ceux qui veulent implorer en leur faveur l'aide divine. Dans ce livre même, on peut trouver des prières en langue française dues à la sollicitude de quelques uns de nos pasteurs contemporains qui les ont rédigées à l'intention de nos malades et de leurs amis, dans l'esprit et la forme de nos prières traditionnelles.
Si, dans sa sagesse infinie, incompréhensible à notre faible et courte raison, le Dieu de bonté et de pitié n'a pas exaucé les prières du malade et des siens et que, pour le malade, visiblement, l'agonie a commencé, son entourage récite à haute voix les versets bibliques par lesquels nous terminons la journée de Kippour et qui sont la proclamation de l'unité, de la souveraineté et de la gloire de Dieu. C'est là un magnifique acte de foi israélite dont les saints échos doivent résonner les derniers à l'oreille de celui qui a fini sa carrière terrestre et va commencer sa vie céleste.
Autrefois, dès que la mort était devenue évidente, on posait les restes inanimés sur la terre.
Cet usage, qui semble devoir retarder la décomposition, était, sans doute, primitivement, une mesure de décence pour le défunt et une mesure d'hygiène pour les vivants. Il a pris, dans la suite, comme mainte coutume ancienne, un caractère quasi rituélique. De nos jours et dans notre pays, cet usage a disparu.
En l'honneur des restes mortels, on avait soin déjà dans le passé éloigné, de constituer autour d'eux une garde funèbre destinée à les protéger contre les injures des insectes et des rongeurs. Nos pères qui possédaient admirablement l'art d'exprimer d'une manière pittoresque les ressemblances et les dissemblances, les analogies et les contrastes, disaient à ce sujet : " Un enfant d'un jour, qui est vivant, n'a pas besoin d'être défendu contre les souris, un géant comme 0g, roi de Baçân, qui est mort, a besoin d'être défendu, contre les souris!"
Depuis quelques années on a vu s'introduire dans beaucoup de familles juives, en France, l'habitude de couvrir les cercueils de fleurs et de couronnes mortuaires. Nos anciens auraient considéré cette manière d'honorer les morts comme contraire aux usages et à l'esprit du Judaïsme, et elles ne sont pas rares les familles juives qui la considèrent encore aujourd'hui comme telle. Il est incontestable qu'en l'état actuel de nos habitudes religieuses, ces gerbes fleuries ressemblent bien à une infiltration de quelque chose d'étranger à l'esprit juif, qui ne cherche pas, comme l'antique Egypte, à voiler par des rites fastueux, ceque la mort a de saisissant et de simplicité majestueuse. On comprend donc notre éloignement pour cette innovation venue du dehors. Dans le domaine religieux, comme on sait, l'innovation, c'est l'ennemi !
Pourtant, pour ne rien omettre des faits de la cause, comme on dit ailleurs, nous devons ajouter que dans la haute antiquité juive, nos ancêtres n'auraient peut-être pas trop désapprouvé cet hommage aux morts, car nous voyons dans la Michna qu'on considérait comme un devoir - devoir qui primait mème la sainteté d'un jour de fête - de couper pour les ajouter au cercueil une ou plusieurs branches de myrte.
A l'origine de notre race, l'oraison funèbre était considérée comme une obligation envers les morts. Et cette manière de voir s'est maintenue, parmi les juifs, à travers les âges et jusqu'aux temps encore rapprochés de nous. Une des premières pages de l'Ecriture nous montre Abraham versant des larmes et "prononçant des paroles funèbres" sur la tombe de Sara, sa compagne. Plus tard, nous trouvons dans le livre des Rois, une magnifique élégie de David sur la mort de Saül et de Jonathan. Beaucoup plus tard encore, le Talmud parle fréquemment d'oraisons funèbres comme un devoir constant, tout en recommandant d'ailleurs, en l'honneur même du défunt, de ne dire que des paroles conformes à la pure vérité. Nous rencontrons çà et là, disséminés dans les pages de ces antiques in-folio, des fragments d'oraisons funèbres prononcées sur la tombe d'hommes remarquables. Au moyen-âge et jusqu'aux époques modernes, l'oraison funèbre, il semble, a fait partie de tous les enterrements, comme un acte de piété non négligeable envers les morts.
De nos jours, les choses sont changées tout naturellement. En effet, autrefois, aux âges d'intolérance, les israélites se groupaient toujours dans les mêmes quartiers. Ils se connaissaient, se liaient, et les faits et gestes d'aucun d'eux n'étaient ignorés des coreligionnaires de la même localité. Il était naturel qu'on prît la parole à l'enterrement de chacun des membres de la collectivité et, de plus, c'était chose aisée. Comme on sait, il n'en est plus ainsi. Nos coreligionnaires, en France et surtout à Paris, sont trop disséminés, éloignés les uns des autres pour qu'on connaisse la vie, le caractère, les aspirations les uns des autres. Et puis, il faut reconnaître que les goûts ont évolué. On est devenu plus ami de la simplicité, et les survivants tiennent beaucoup moins aux manifestations publiques. L'oraison funèbre est ainsi devenue rare, et elle est réservée généralement aux circonstances exceptionnelles.
Après l'inhumation commence la période des jours et des mois de deuil. Ils sont d'importance inégale. Beaucoup plus graves que les suivants sont les sept premiers jours de deuil. L'origine de ces sept jours de deuil remonte également aux temps les plus reculés de l'histoire d'Israël. Déjà Joseph ramenant d'Égypte au pays de Canaan la dépouille mortelle de son père, imposa au convoi un deuil de sept jours.
L'habitude, entre autres observances, d'honorer la mémoire des défunts par la célébration, pendant ces sept jours, d'offices religieux accompagnés de conférences religieuses, dans la chambre ou au moins dans la maison mortuaire, est fort ancienne. Pourquoi ce touchant usage qui, pendant ces sept jours, sanctifie la mémoire des chers absents par la prière et les méditations, connaît-il actuellement tant de défaillances! Il est bien regrettable que nos familles contemporaines - car les défaillances ne datent que de ces dernières années - trouvent leur temps trop précieux pour offrir, en ces tristes jours, quelques moments de prières et de méditations au souvenir des chers proches, dans la maison si pleine encore de la vie qui s'est envolée et de la pensée qui vient de s'éteindre ! N'est-ce pas, après tout, dans la prière et ces méditations élevées, que les coeurs attristés peuvent, plus facilement que partout ailleurs, trouver quelque réconfort, en même temps que la douce satisfaction d'avoir accompli un acte religieux et moral en l'honneur des chers et regrettés disparus ?
A cette semaine funèbre s'ajoutent les vingt-trois jours qui suivent pour parfaire la période dite des "trente jours" pendant lesquels le deuil moins aggravé que celui des "sept jours" qui le commencent est plus sévère pourtant que celui du reste de l'année. Afin que l'année de deuil soit tout à fait complète, l'anniversaire qui clôt la première armée est celui du jour de l'inhumation. Les années suivantes, l'anniversaire célébré est celui du jour du décès.
On sait que la principale manifestation du deuil est la récitation, aux offices du matin et du soir, du saint et antique Qaddich dont le nom est connu et vénéré de tous, pratiquants ou non pratiquants. Il est récité par les enfants du défunt et, à défaut d'enfants, par quelqu'ami dévoué ou quelqu'autre personne de confiance chargée par la famille de cette pieuse tâche. Le Qaddich, pour des raisons théologiques qu'il est inutile d'exposer ici, n'est récité que pendant les onze premiers mois de l'année de deuil.
Le Qaddich est un magnifique et solennel acte de foi et de confiance qu'au nom de ceux qui sont montés au ciel, nous adressons à Dieu pour lui dire notre filiale soumission à sa volonté et notre confiance en sa bonté. Et cet acte de foi et de confiance, en ces jours de douloureuse épreuve, a quelque chose de grand et d'infiniment touchant, nous élevant à nos propres yeux, tout en créant à ceux que nous pleurons, auprès du Dieu de justice et de miséricorde, nous l'avons dit, de nouveaux titres à son amour paternel.
A quelle époque remonte l'institution du Qaddich ? Son origine se perd dans la nuit des temps. Par une légende connue, nous savons que, dans l'antiquité, le Qaddich était considéré comme l'hommage divin par excellence, devant apporter, le salut et la félicité, à ceux en mémoire desquels il était récité. Et déjà le Talmud nous rapporte l'opinion d'un rabbin qui, citant quelques paroles du Qaddich, ajoute que celui qui se rend dans la maison de prière et prononce ces paroles réjouit particulièrement le Saint béni soit-il et s'attire sa paternelle bienveillance.
Contrairement à ce qui se passe pour d'autres pratiques religieuses, pour celles parfois qui se trouvent parmi les plus importantes, le Qaddich continue à occuper une place d'honneur dans la vie israélite. La piété filiale triomphe du scepticisme de notre époque, comme d'ailleurs, grâce à elle, sont heureusement sauvées aussi, parmi nous du triste naufrage de tant de croyances religieuses, maintes observances qui rappellent le souvenir vénéré du foyer paternel.
Voilà succinctement décrit, aux trois grandes étapes de notre carrière terrestre, le rôle sacré de la religion d'Israël. Les pratiques et les cérémonies qu'elle vient sanctifier par les sentiments et les pensées élevées dont elle les décore et les pénètre, à ces époques solennelles, qui sont comme les sommets de notre destinée ici-bas, forment la charpente du Judaïsme.Mais si elles constituent la charpente du Judaïsme, elles ne sont pas le Judaïsme tout entier. La vie religieuse de l'israélite, nous l'avons vu au début de cette modeste étude, n'est pas seulement sur ces hauts sommets oit nous venons de la trouver, elle n'est même pas seulement dans les grandes avenues de notre activité journalière, elle est dans tous les menus sentiers, dans tous les méandres, dans tous les mouvements de la route qui nous conduit du berceau à la tombe derrière laquelle s'ouvrent pour celui qui a dignement rempli les années que Dieu lui a accordées, les portes de la cité céleste de l'immortalité bienheureuse.