Allocution du 14 Juillet 2010
par Monsieur René GUTMAN, Grand Rabbin du Bas-Rhin


Pour la quatrième année, un jeune français vivant en Israël où il s'est vu accordé la double nationalité, ne fêtera pas le 14 juillet.

La Croix Rouge elle-même n'a pas été autorisée, ne serait-ce qu'une fois, à lui rendre visite.

Guilad Shalit – puisqu'il s'agit de lui – ne célébrera pas la fête nationale qui avait rendu il y a 200 ans ses aïeux libres et égaux.

Pourquoi l'opinion publique, pourquoi les médias, la diplomatie internationale, le monde politique, ont-ils fait du combat d'Ingrid Bettancourt leur combat jusqu'à la chercher au cœur de la Colombie, quand le sort de Guilad Shalit semble avoir été abandonné de tous malgré les appels solennels et angoissants appelant à une intervention urgente pour le sauver ?
N'est-il pas né lui aussi au sein du peuple de France qui a juré la nuit du 4 août liberté, égalité, fraternité pour tous ses fils?

Allons-nous continuer seuls ce combat qui pourtant n'a de sens que s'il est celui de la France entière ! Entière car indivisible lorsqu'il s'agit de ses enfants.

Nous en avons fait témoignage vendredi dernier en nous rendant à vos côtés en présence du Ministre de l'Intérieur, devant les stèles brisées du carré musulman du cimetière de la Robertsau.

Si nous sommes capables, chers amis, de cette capacité à nous indigner et à nous révolter lorsque l'on insulte les vivants comme les morts, qu'ils soient juifs comme Guilad Shalit, musulmans comme tous ces soldats tombés au champ d'honneur et dont les tombes furent récemment profanées, sans oublier les autres otages arrachés à leurs familles, tels Michel Germaneau enlevé au Niger, Pierre Camatte détenu au Mali et les deux journalistes Henri Ghesquiere et Stéphane Taponnier retenus en otages en Afghanistan, là où vient de tomber un 45ème soldat français qui a payé de sa vie l'engagement de la France au service de la paix, si nous sommes capables de nous révolter et de nous indigner, c'est que nous sommes profondément conscients que l'humanité que nous aimons et dont la France porte et prône depuis sa genèse les valeurs s'est construite sur la compassion et sur la reconnaissance mutuelle.

N’est-il pas en effet symbolique que Moïse n’eut jamais été sauvé si deux femmes ne s’étaient pas rencontrées discrètement mais efficacement pour faire échec à la mort à laquelle il était comme tous les garçons mâles condamné ! Et quelles femmes : Myriam et Bitya. Une femme juive et une femme égyptienne. La première, Myriam, fille d’un vieux couple hébreu et l’autre, la fille du Pharaon en personne.

Or, c’est ensemble que ces deux femmes, que tout aurait dû séparer, réussiront tant par la grâce avec laquelle dès le premier regard la fille du roi est touché par l’enfant qui pleure que par l’audace incroyable avec laquelle la sœur du petit Moïse aborde cette princesse sans préambule et sans lui laisser le temps d’hésiter, qu’elles réussiront à sauver Moïse et à faire échec au plan de Pharaon. Que fera Moïse pour le peuple d’Israël sinon ce que ces deux femmes ont fait pour lui : le tirer des eaux et l’arracher à la mort des égyptiens qui les poursuivaient encore, bref, veiller sur sa vie et lui trouver dans le désert un lieu où apprendre à vivre et à parler.

Mais cela voyez-vous n’aurait jamais été possible si dans l’ombre, deux femmes, l’une israélite et l’autre égyptienne ne s’étaient pas donné la main pour qu’au-delà des clivages, des conflits et des haines ancestrales, la vie l’emporte sur la mort !

N’y a-t-il pas là un exemple à imiter non seulement au Proche-Orient, mais également ici pour qu’ensemble toutes familles spirituelles confondues, mais aussi associations humanitaires, élus et universitaires, politiques et médias, nous plaidions sans délai pour que Guilad Shalit bénéficie au moins des conditions élémentaires que la convention de Genève confère à tout prisonnier de guerre ?

Et ce faisant, n’ajouterions-nous pas quelque chose d’exemplaire dans ce monde si inhumain, une part de ce rayonnement français qui a fait de la France la patrie des droits de l’Homme !

Que le Chef de l’Etat en personne ait plus d’une fois, évoqué le sort tragique de Guilad, nous confirme dans cette certitude et dans cette espérance à y croire !

Certitude et espérance que nous vous demandons respectueusement Monsieur le Préfet de lui transmettre, conscients que nous sommes que cet enjeu, c’est aussi le destin de la France, un enjeu digne de la France, un enjeu qu’exige de nous l’humanité.

René GUTMAN
Grand Rabbin de
Strasbourg et du Bas-Rhin

 


Le Grand Rabbin
René Gutman


Banderole sur la facade de
la Synagogue de La Paix


Synagogue de La Paix
14 juillet

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