ELIEZER SAMSON.- "Et toi, petit garçon, dont le père s'appelle SAMSON et le grand'père DAVID, tu porteras en nos saintes Assemblées le nom d'ELIEZER, le fidèle serviteur d'Abraham." C'est en ces termes que, le jour de sa Circoncision, en l'année 1758, à Saverne en Alsace, notre futur Rabbin fut consacré au Seigneur, et désormais appelé Eliézer Samson David.
De David, son aïeul, nous ne savons rien ; nous sommes un peu mieux renseignés
sur son père Samson, mais pas beaucoup. Cet homme avait épousé
une fille de Marmoutier, ESTHER (Lévy ?), âgée, en 1744,
de 26 ans. Le jeune ménage habitait à Lingolsheim, aux portes
de Strasbourg, et c'est là que naquit, en 1745, David Samson, le fils
aîné. Le père était probablement un colporteur,
comme la plupart des juifs alsaciens d'alors, ce qui ne l'empêchait
nullement d'être un théologien talmudiste éminent.
Nous retrouvons les Samson établis définitivement à Saverne
dès 1747 : c'est là en effet que naît, en 1748, leur fillette
Sara, qui épousera un jour Raphaël David, tombera veuve et mourra
en 1810 chez le rabbin de Saverne. Eliézer avait donc dix ans de moins
que sa soeur ; il y eut presque certainement entre eux d'autres enfants :
nul ne sait ce qu'ils sont devenus.
LES LIBERMANN DE SAVERNE.- Nous ne savons pas quand mourut le père du jeune Eliézer: peut-être vers 1760, quand l'enfant avait environ deux ans. Ce qui est certain, c'est que sa mère se remaria avec Israël, fils de David, dont l'aîné avait en 1760 déjà 16 ans ; le second n'en avait que onze, et le dernier six. La veuve de Samson, la mère du futur rabbin, avait alors 42 ans. Il était normal de voir les parents, Israël et Esther, se remarier pour élever ensemble les six orphelins. Or les enfants d'Israël (prononcer Isrôol) n'étaient pratiquement connus à Saverne que sous le pseudonyme de LIBERMANN. Le petit Eliézer devint lui aussi un Libermann, mais un Libermann SAMSON, tandis que les autres étaient des Libermann ISRAEL. Ce nom polonais, dont le sens est controversé, avait été sans doute honorablement porté par quelque ancêtre : suivant la coutume, on le sauvait de l'oubli en le transmettant de génération en génération. C'est donc dans l'humble Judenhof de Saverne que le futur rabbin passe son enfance, chez son beau-père Israël David, le marchand de boeufs.
LES ECOLES : ALSACE et POLOGNE.- Eliézer
était intelligent et travailleur ; la famille décida de lui
donner une bonne instruction talmudique, la seule estimée alors chez
les juifs. On dut, vers dix ou onze ans, le mettre en pension chez le Rabbin
Jacob à Ettendorf (entre Ingwiller et Brumath) et directeur d'une école
renommée. Sa femme est Sara Levy, peut-être une parente d'Esther
Levy, la femme d'Israël David. Le jeune écolier fut traité
comme l'enfant de la famille, dans ce milieu très religieux, et se
prépara avec ferveur à devenir, à treize ans, fils
de la Loi (1772). Si cette touchante cérémonie, qui correspond
à la rénovation des Voeux du Baptême chez les catholiques,
eut lieu à Ettendorf, une fillette de cinq ans prit part à la
joie commune : elle s'appelait Hundel ou Hindel (Hanna ou Bichette). Elle
était la benjamine de cette famille patriarcale, dont tous les membres
se consacreront au service de l'Eternel.
Mais le rabbin Jacob n'avait pas la prétention de mener ses disciples
au sommet de la science talmudique : sa Yéshiva n'était qu'une
école préparatoire aux hautes études. Vers seize ou dix-sept
ans, les garçons qui voulaient devenir Rabbins devaient émigrer.
On trouvait Metz, Worms et Francfort. Or, il n'y avait de bons rabbins et
de bons chantres qu'en Pologne c'est là qu'il fallait aller
coûte que coûte pour se qualifier. Il semble bien qu'Eliézer
se rendit à LUBLIN, métropole religieuse, divisée
alors en deux camps : le rabbinisme classique et le hassidisme, mouvement
spiritualiste exalté et hétérodoxe, qui remua profondément
le monde israélite au 18e siècle.
Le fils de Samson dédaigna, semble-t-il, le Voyant de Lublin, Jacob
Isaac, et s'attacha à son adversaire, le Grand Rabbin Azriel Hurwitz,
surnommé "Tête de Fer", homme impitoyable,
qui inculqua à son jeune disciple des principes presque inhumains,
dont Eliézer Samson sera un jour la victime.
Dans cette Yéshiva de Lublin, aucune concession à l'esprit moderne
n'était permise : on n'étudiait que le Talmud, ainsi que la
Cabale. Les langues chrétiennes (Polonais, Russe, Allemand, Français),
les mathématiques, l'histoire, la géographie, les sciences naturelles,
tout ce qui était profane était strictement interdit,
pour ne pas profaner des intelligences vouées à l'étude
de la Sainte Loi, la Torah. Seul, le yiddish était permis et tout l'enseignement
était strictement oral : il durait des années...
LE RECENSEMENT DE 1784.- Sur
ces entrefaites, Louis XVI se penche avec bienveillance sur les Juifs de France,
groupés surtout en Alsace et en Lorraine. Un recensement nominal est
ordonné, famille par famille : à Saverne il a lieu le 4 décembre
1784. Le Ghetto compte maintenant une centaine de personnes et Israël
David est le Préposé ou Chef de la Communauté.
On dénombre une vingtaine de familles presque toutes apparentées
et même un nouveau Libermann, qui n'a que quelques mois. On compte dix
marchands de bestiaux ; six fripiers et colporteurs ; un cordonnier ; un horloger.
Saverne a un substitut-rabbin à demeure, Samuel Kahn ; un chantre pour
sa nouvelle synagogue ; un maître d'école.
Car Saverne a une petite synagogue : les gens, déjà serrés,
se sont serrés encore davantage pour transformer une maison d'habitation,
face au moulin, en lieu de culte, pouvant recevoir 36 hommes, - les femmes
et les enfants se tassent dans le vestibule d'entrée. En dessous, on
a installé le bain rituel ou mikva (1778 ?). Ce sera cette
synagogue que desservira le Rabbin Lazard Libermann.
LE MARIAGE DU RABBIN LIBERMANN en 1788.- Louis
XVI, en 1784, avait promulgué des Lettres Patentes concernant les Israélites
d'Alsace. Leur sort certes avait été considérablement
amélioré ; mais ils ne pouvaient plus se marier que munis d'une
autorisation royale et du droit de résidence dans une localité
déterminée, à condition, pour Saverne, de recevoir l'agrément
du Prince-Cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg. Le jeune Eliézer
Samson, ayant passé des années à l'étranger, devait
donc obtenir cette double permission ; son beau-père les lui obtint
assez facilement, semble-t-il.
En tout cas, le mercredi 12 novembre 1788, nous le trouvons près de
Strasbourg, à Bischheim : il épouse la fille de feu le rabbin
Jacob, son ancien maître, Hindel, une gracieuse jeune fille de vingt
ans. Nous avons le contrat de mariage en caractères hébraïques,
qui spécifie que le Rabbin Eliézer, surnommé LIBERMAN
(sic), fils de feu Samson, et originaire de Saverne, où il est autorisé
à résider à demeure, prend pour épouse la vierge
Hindel à qui, sous le dais nuptial, il remet un anneau d'or. La jeune
épousée est assistée par son demier frère, le
notable Salomon, fils aîné du Rabbin Isaac EISIK, dont la veuve,
Petite Sara (Sorlé), a épousé
le rabbin Jacob, décédé à Ettendorf. Le notable,
qui sera rabbin l'année suivante, dote gentiment sa soeurette et la
maman de Hindel fournit le trousseau, les joyaux (sic), un lit complet et
promet une petite dot à sa mort.
La cérémonie se passe dans la soirée, en plein air sans doute, et le rabbin de Bischheim bénit les nouveaux mariés. C'est une grande fête de famille, car les frères et demi-frères, tous enfants de Petite Sara, sont là chantres, instituteurs, bedeaux, relieurs des livres saints, préposés au célèbre cimetière d'Ettendorf, tous consacrés au service du Seigneur. Nul doute : les Samson et les Israël sont venus aussi nombreux que possible, avec la mère du rabbin, Esther David.
EN ROUTE POUR SAVERNE.- Les réjouissances
passées, le jeune ménage se rend à Saverne, en voiture,
avec le lit et les hardes. Pour le moment, le substitut rabbin, Samuel Kahn,
est un homme de 52 ans et sa place n'est pas libre ; elle l'est d'autant moins
que ses garçons et ses filles ont épousé les enfants
d'Israël David. Il faut donc patienter et Libermann Samson prend la direction
de l'école juive, poste laissé libre par le départ de
Sieskind Nordon.
L'école se trouve au bout de la rue des Juifs, face au moulin. Le premier
étage est vaste et peut loger facilement deux ménages, celui
de Samuel Raphaël, le chantre-horloger, et celui de Libermann Samson.
A la synagogue, c'est le chantre qui commande, en qualité de ministre-officiant
; les rabbins ne sont que des docteurs de la Loi, des juristes, chargés
de résoudre les cas de conscience et de maintenir les traditions ;
s'ils sont titularisés et reconnus par les seigneurs ou le roi, ils
sont des juges arbitrant les différends entre juifs, avec le droit
de punir les coupables et même d'exiger leur banissement. C'est à
ce poste de magistrat oOfficiel que se préparait Libermann en consacrant
tout son temps libre à l'étude de plus en plus approfondie du
Talmud, et remplissant à la synagogue les fonctions de sous-chantre.
LA REVOLUTION FRANÇAISE.- En
1789, lors des Etats-Généraux, il n'y avait pas 40 000 Israélites
en France ; la masse importante se trouvait en Lorraine et au pays messin
(8 500), et plus encore en Alsace (20 000 au minimum). Ces "Juifs allemands"
s'opposaient aux "Juifs portugais" de Bordeaux et Bayonne. Les uns
et les autres étaient des étrangers dans le Royaume, admis à
résidence moyennant finance. Dès le début de la Révolution,
les plus évolués d'entre eux demandèrent pour tous la
naturalisation française et l'égalité des droits.
Cette demande divisa les juifs alsaciens en deux groupes : les libéraux
et les conservateurs ; ceux-ci voulaient le maintien de leur particularisme
et refusaient de se voir assimilés aux chrétiens, sujets du
roi. Les rabbins étaient en tête de ce mouvement, ils craignaient
de voir leurs ouailles abandonner leurs pratiques séculaires et devenir
des apostats. Il est certain que Libermann fit partie de la résistance
à l'émancipation générale, qui fut votée
par la Convention le 27 septembre 1791.
Tous les juifs d'Alsace durent prêter serment dans leur Mairie et renoncer
à toutes les exemptions qui constituaient leurs privilèges.
Le maître d'école de Saverne fit donc comme tout le monde et
à la fin de 1791 il était naturalisé français,
ainsi que sa femme Hindel et son fils Samson (fils de Libermann,
lui-même fils de Samson), né à Saverne le 9 septembre
1790. Eliézer resta plus fidèle que jamais à ses convictions
et à son ostracisme. Certes il ne serait jamais rabbin, mais il resterait
un talmudiste fervent, qui maintiendrait ses frères dans la foi des
Ancêtres. Il refusa de "profaner" son esprit.
LIBERMANN devient COMMERÇANT.- Hindel Jacob eut un nouveau garçon en pleine terreur, David, né le 5 mai 1794 à Saveme, ce qui prouve que le Rabbin n'a pas fui devant le danger, car il déclare lui-même l'enfant à la mairie. Encore est-il qu'il faut gagner sa vie. Un grand sacrifice s'impose : le talmuldiste devient courtier. Nous le trouvons encore en 1804 négociant en bois ; mais fidèle à ses principes, s'il accepte de jargonner en patois, il se refuse à apprendre à lire et à écrire l'allemand, et encore plus le français. Signe-t-il un contrat ? Il a recours à des amis pour le rédiger ; il se contentera toujours de signer : Libermann Samson ; et encore préférera-t-il souvent se contenter d'une simple marque comme les illettrés ! c'est dire qu'il ne cherche pas à faire fortune.
ACHAT de la MAISON LIBERMANN.- A
côté du Ghetto, une maison avait été construite
en 1702 par un catholique, Stéphane Wallfahrt, manoeuvre. Son fils
Jacques, domestique chez le Cardinal de Rohan, a émigré avec
lui en 1791. L'immeuble a été acquis par des nommés Rauner,
comme bien national. Décédés en 1796, les héritiers
la remettent en vente à la Cave Profonde ; le notaire Schoen l'adjuge
pour 1 600 francs, payés comptant et en pièces d'argent, le
30 septembre 1796, au commerçant L. Samson, qui en prend possession
le 1" janvier 1797. C'est un bien de famille, provenant de l'héritage
du Rabbin Salomon Isaac : Mme Libermann a pu en effet récupérer
sa dot, investie à Bischheim dans l'immeuble de son tuteur.
Le rabbin y logera donc, avec sa petite famille : son fils Hénoch
y est né le 11 août 1796. Il y donnera asile à sa belle-mère,
Petite Sara, et à sa mère, Esther David, âgée de
80 ans, veuve d'Israël David, décédé au plus tard
en 1792. Enfin, il y recevra sa soeur, Sara, veuve de Raphaël David.
La maison était telle qu'elle se présente aujourd'hui au visiteur : elle constituait alors, pour un juif, une demeure idéale. La synagogue était presque attenante et l'école hébraïque jouxtait celle-ci. C'est là que le Rabbin passera trente-quatre ans. En sa qualité de propriétaire, Libermann n'était pas soumis à la patente ; il put en toute tranquillité se consacrer à sa classe, au culte, à ses études et à son négoce.
Un nouveau bébé arrive le 28 septembre 1798 : c'est Falick
(le petit Epervier ?). Le papa est ravi : il désire n'avoir que des
garçons, dont il fera des talmudistes comme lui, alors que son frère
aîné, négociant à Sarre-Union, n'a qu'un fils,
Samson, et sept filles : quel désastre ! ... (ce frère aîné
s'appelait alors David, fils de Samson).
NAISSANCE du VENERABLE LIBERMANN.- En
septembre 1800 naît à Saverne Joequel Samson, qui meurt
le jour de sa circoncision. Petite Sara avait sans doute demandé d'appeler
cet enfant "Petit Jacob" en souvenir du rabbin, le père
de sa fille Hindel.
Le 12 avril (lundi-saint) 1802, Mme Libermann met au monde un nouveau bébé,
que l'on s'empresse d'appeler Joequel lui aussi (Yéhiel en hébreu
= Jacquinot).
La France entière est en liesse : les Traités de Paix de Lunéville et d'Amiens ont rétabli la paix et le Concordat est promulgué le jour de Pâques. La Pâque juive fut célébrée en cette semaine sainte avec allégresse ; mais c'est surtout chez les Libermann de Saverne que la joie fut intense, pour la circoncision de ce petit enfant, bien fragile, il est vrai, mais sur lequel tous fondaient de grandes espérances (c'était le lundi de Pâques).
LIBERMANN EST CHOISI COMME RABBIN DE SAVERNE.- Le
1er août 1802 mourut à Saverne le substitut-rabbin, Samuel Kahn,
à l'âge de 66 ans. Le rabbinat n'étant plus reconnu par
l'Etat, il avait pris le titre modeste d'Instituteur Privé
de la Religion Mosaïque. Ce qui ne veut point dire qu'il
faisait la classe aux bambins, mais qu'il continuait à former les adultes
à une connaissance de plus en plus profonde de la Sainte Loi. Les juifs
de Saveme choisirent Libermann Samson comme successeur, ce qui ne faisait
point tort aux enfants du défunt, tous marchands de bestiaux et bouchers
rituels, beaux-frères des Libermann Israël David. Lorsque le 3
février 1805 naquit Sannël Samson, son père
se présenta à l'Etat-Civil comme Instituteur Privé de
la Religion Mosaïque. Mais en fait, semble-t-il, le nouveau maître
d'école était arrivé déjà à Saverne
: c'était Isaac Salomon, le neveu du nouveau rabbin clandestin,
le fils aîné de Salomon Isaac, tuteur de Hindel Jacob.
Il avait 33 ans et venait de se marier avec une petite nièce d'Israël
David Libermann. Le 25 février 1806, en effet, naquit son fils aîné,
Salomon Isaac, qui sera un jour le Grand Rabbin de
France. Il dut faire sous-chantre à la synagogue.
Libermann Samson, désormais libéré des servitudes, se
consacra tout entier au Talmud. Trois écoles rabbiniques venaient d'être
ouvertes dans le Bas-Rhin, à Bischheim, Ettendorf et Westhoffen. Celle-ci,
au sud de Saverne, était dirigée par le célèbre
rabbin Luntteschuz. Or ce fut Libermann qui fut, dès 1804 au plus tard,
nommé Inspecteur de ces trois écoles talmudiques,
et c'est chez lui à Saverne que l'on venait passer les examens.
Est-ce à dire que tout allait pour le mieux ? Profitant de la liberté, nombre de négociants s'étaient établis à Saverne, point stratégique au pied du Col. La Communauté Israélite comptait dès lors près de trois cents âmes ; mais les nouveaux venus étaient bien différents des anciens formés dans le Ghetto. Beaucoup n'avaient plus la foi et ne pratiquaient plus leur religion : répandus dans toute la ville, ils ne pensaient qu'à gagner le plus d'argent possible ; ils refusaient en outre de payer le rabbin, le chantre, le maître d'école. Abraham Cahen, élu Prévôt général des juifs d'Alsace à Bischheim en 1788, s'était installé à Saverne et était conseiller municipal depuis 1800. Homme riche, cultivé, au courant de la politique, c'est lui qui polarisait les aspirations émancipatrices des juifs, qui voulaient voir supprimer le Rabbinat. Sans être dans la misère, la maison Libermann était certainement dans la pauvreté, voire dans la gêne, et endettée dès 1804.
Le GRAND SANHEDRIN.- En 1806,
Napoléon entreprend de régler la question juive, toujours en
suspens, alors qu'il y a un statut pour les catholiques et un autre pour les
protestants. Il convoque à Paris l'Assemblée Générale des Notables Juifs : Saverne
est représentée par l'indispensable Abraham Cahen. Cette
Assemblée prend les plus graves décisions relatives au service
militaire et à l'usure, mais souligne qu'elles n'auront aucune valeur,
tant qu'elles ne seront pas ratifiées par le Grand Sanhédrîn,
qui ne s'est pas réuni depuis la chute de Jérusalem. Il faut
trouver 46 rabbins. Les Notables alsaciens envoient une liste aux Préfets
; celui de Strasbourg répond qu'elle ne vaut rien et désigne
d'office les trois rabbins les plus considérés de son Département
: Jacob Lazare Lévy (Bouxwiller), Samuel Isaac (Westhoffen) et Libermann Samson de Saverne. Vu
les circonstances, on doit considérer cette nomination comme une promotion
remarquable.
Mais, financièrement, c'était une catastrophe, personne ne voulant
payer les indemnités promises. Partis, lui et son cousin Samuel, par
la diligence, ils mirent cinq jours pour arriver fourbus, à Paris.
Ils descendirent chez des Juifs, passage Ste-Avoie, le 1" décembre
1806, et devaient y rester jusqu'au 15 mars environ. Comment payer la pension
? Ils durent signer une pétition pour réclamer une avance de
l'Etat et cette déclaration constatait que les rabbins d'Alsace étaient
les plus pauvres juifs de la Province.
Eliézer remarqua en outre qu'il était appelé LIEBERMANN,
prénommé Samson ou Salomon. Pour protester, il apprit à
signer son nom d'une façon différente désormais il ne
voudra plus s'appeler que L. SAMSON.
Qu'allaient faire ces vieux rabbins dans ce Sanhédrin ? Ils ne
savaient pas le français ; il fallait sans cesse leur expliquer en
Yiddish l'objet des discussions. Pour eux, ce Sanhédrîn était
illégal, contraire à la Loi. Finalement on les obligea à
ratifier le vote de la majorité, mais ils estimèrent, même
Sintzheim le Président,
que cela ne les engageait pas en conscience.
L. Samson et son compagnon purent enfin rentrer à Saverne vers le quinze
ou le vingt mars, endettés. Ils ne perçurent leur indemnité
de 1362 frs 50 qu'en été 1807, à Strasbourg. Mais Napoléon
leur avait fait don du bel habit noir "à la française"
et du mantelet d'apparat dont il avait revêtu les délégués
pour figurer dignement en cette mémorable Assemblée.
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