Il existe toute une littérature sur les évènements qui ont donné lieu, soit à des communautés soit à des familles, d'instituer des Pourim de ce genre. On en trouve une bibliographie dans la Revue des études juives t. 54 (1907), 113 et ss. V. aussi Jacob Moses Toledano, Ner hama'raw, Jerusalem, 1911, p. 93/94.- J. R. Marcus, "Notes on Sephardic Jewish History," Hebrew Union College Jubilee Volume, Cincinnati, 1925.
La Société pour l'histoire des Israélites d'Alsace et de Lorraine possède un manuscrit sur parchemin en forme de rouleau qui contient deux Méguilloth inédites. Le scribe se nomme au début du rouleau: Moïse Toledano, instituteur à Tanger. Il avait dédié son manuscrit à l'Alliance Israélite, mais le hasard a voulu qu'il a été donné à notre Société.
Le premier récit se rapporte au Pourim fixé par les Juifs du Maroc au 2ème jour de la Néoménie d'Elloul de l'année 338 (1578). Le roi Sébastien de Portugal avait été appelé au secours par Muley-Hamid, à qui son frère Muley-Abd-el-Mélek avait enlevé le Maroc. Il était parti avec une petite armée, encouragé par son oncle maternel Philippe II, roi d'Espagne, qui lui avait envoyé le casque de Charles-Quint et quelques troupes espagnoles. Notre texte nous apprend que les Juifs marocains avaient eu connaissance, par deux Marranes, de l'intention de Sébastien de faire baptiser tous les Juifs, s'il était vainqueur, de sorte qu'ils se trouvaient dans une grande angoisse. Ils adressèrent des prières à Dieu et, après la défaite des Portugais dans la bataille d'Alcazar Kébir, ils instituèrent ce jour comme une fête de réjouissance et d'action de grâces.
Le second récit se rapporte au 8 Ab 609 (1849). L'établissement définitif de la France en Algérie devait forcément modifier ses rapports avec le Maroc. L'existence d'une frontière commune, où les incidents se multiplièrent, devait donner naissance à une politique qui ne fut pas toujours orientée suivant un sens exact des réalités.
Les rapports se tendirent davantage quand Abd el Kader eut été chassé de Tlemcen et qu'il eut gagné le Maroc; des incidents multiples provoquèrent au Maroc une explosion de colère d'où résulta la guerre de 1844. Après la victoire de la France à l'Isly, le sultan s'empressa de traiter : par la convention du 10 septembre 1844, il donna l'assurance au Gouvernement français qu'il ne soutiendrait plus Abd el Kader, et accepta le principe d'une fixation de frontières qui vint préciser le traité du 18 mars 1845, dit de Lalla Maghnia.
Mais les démonstrations de xénophobie ne cessèrent pas. En 1848, le pillage de deux navires anglais provoqua une démonstration de l'Angleterre; la France, de son côté, subit une série d'actes provocateurs qui la conduisirent à bombarder différentes localités marocaines.
Un de ces bombardements eut lieu au mois d'août 1849, c'est à lui que se rapporte le second récit que nous publions ci-après. Les Juifs avaient apris que leur ville devait être bombardée le jour du jeûne d'Ab; de sorte qu'ils se trouvaient dans une grande angoisse. Ils multiplièrent les prières et versèrent des larmes abondantes pour implorer la miséricorde divine. Cela dura jusqu'au 21ème jour du mois d'Ab. C'est, en effet, ce jour-là que commença le bombardement; mais il ne dura que jusqu'après midi, sans que personne de la population juive ait été tuée, ni que les musulmans l'aient molestée.
En souvenir de ces événements, le 21 du mois d'Ab fut institué comme une fête d'actions de grâce et de réjouissance à tout jamais.
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