Le Rabbin Nordmann et les synagogues de Suisse
Tout d'abord quelques notes historiques:
- 1150 - première synagogue à Bâle avec bain rituel et cimetière.
- Destruction, en 1349 de la Synagogue, et extermination complète des Juifs bâlois, et persécution de tous les Juifs sur le territoire suisse. On accusait les Juifs d'être à l'origine de la Peste noire qui faisait de grands ravages à cette époque.
- Une deuxième communauté fut créée en 1360, mais fut dissoute en 1397, par crainte de pogromes de la part de ses membres dispersés un peu partout.
- De 1400 (environ) à 11800 il était interdit aux Juifs de résider à Bâle ; après les événements de 1397 (voir ci-haut) la deuxième communauté juive avait cessé d'exister.
- A partir de 1805 création d'une nouvelle communauté juive à Bâle, mais à des conditions restrictives : le Conseil municipal de Bâle s'opposait formellement à cette création. Il interdisait le mariage aux fils des nouveaux immigrants alsaciens, établis depuis 1800 dans la ville. Seul l'aîné avait le droit de se marier. Cette mesure restrictive devait avoir comme but d'éloigner les nouveaux venus du territoire bâlois.
- La première synagogue de Bâle était située au marché aux bestiaux, l'actuelle rue basse des Tanneurs, la deuxième à peu près à hauteur de l'actuelle Banque populaire Suisse, au No l Grünpfahlgasse, un immeuble dénommé jusque vers les années 1850 "die Juden schule" (école juive).
La synagogue de Bâle aujourd'hui
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Ce n'est qu'en 1847 que la nouvelle constitution accorde une certaine amélioration du sort des Juifs établis à Bâle. Depuis 1805 les offices religieux ne pouvaient avoir lieu que dans des appartements ou locaux privés. A partir de 1847, et vu les nouvelles dispositions en faveur des Juifs, ceux-ci pouvaient (depuis le 4 septembre1850) tenir leurs offices dans un local en location sis au Heuberg No 7.
Aussi, encouragés par de nouveaux décrets en leur faveur, les Juifs Bâlois songeaient-ils à la construction d'une petite synagogue. Les dirigeants communautaires de l'époque, Léopold Dreyfus, Abraham Picard et Adolphe Ruef, avaient formulé une requête d'achat auprès du petit Conseil Bâlois (29 septembre 1849), le grand Conseil actuel, qui donna un avis favorable. L'achat fut conclu et comprenait un immeuble au 403,Unterer Heuberg, se composant d'une grange et d'une courette. Le Conseil donna l'autorisation pour la transformation de l'immeuble en synagogue.
Afin d'éviter des complications ultérieures, l'administration demanda que l'achat de cet immeuble soit enregistré au nom d'une personne physique. Cette personne fut Monsieur Léopold Dreyfus Hirsch, président de la communauté de l'époque. Le prix d'achat était de 4050 francs suisses. Léopold Dreyfus était donc de facto propriétaire de l'immeuble, mais bien entendu, comme il ressort du sermon d'inauguration du Rabbin Moïse Nordmann de Hégenheim (qui assumait outre ses fonctions de Rabbin de Hégenheim, également celles de Bâle, Berne, Avenches et Chaux-de-Fonds) toute la communauté juive avait apporté son obole pour la réalisation du projet.
"Avec une pieuse spontanéité chacun de vous a eu sa part à la construction de l'édifice, chacun de vous s'est imposé des restrictions pour apporter son obole afin que cette entreprise puisse être menée à bonne fin. Vous ne comptez que douze chefs de famille dans votre famille, mais vous avez le feu sacré et vous avez pleinement accompli votre mission."
(En effet, la Communauté de l'époque était fortement diminuée en raison de toutes les chicanes restrictives de l'administration).
Il n'existe de cette cérémonie d'inauguration aucun document juif, qui relate cette manifestation, mais les journalistes libéraux non-juifs de l'époque en sont pleins d'éloges concernant la dignité et la simplicité grandiose, rehaussée par les chants liturgiques d'un chœur israélite de Hégenheim, qui ont fortement impressionné l'assistance, parmi laquelle se trouvaient de nombreux non-juifs, magistrats, membres du clergé Bâlois etc... L'un de ces journalistes a mentionné le sermon du Rabbin Moïse Nordmann :
un sermon "d'une haute portée religieuse et philosophique, qui avait aussi donné en mots simples le sens et la signification de la maison du culte, un sermon exprimant la foi et l'espérance dans cette maison de prières, si bien qu'il aurait convaincu le plus grand "faiseur de prosélytisme" du contraire de son opinion"....
Plaque commémorant le souvenir
de la synagogue d'Avenches
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Le Rabbin Moïse Nordmann administrait encore jusqu'en 1867 depuis Hégenheim les Communautés déjà citées, tellement les liens qui l'unissaient avec elles, étaient serrés. En 1865 il inaugura la synagogue d'Avenches. Moïse Nordmann se battait littéralement pour l'émancipation de ses coreligionnaires français en Suisse, émancipation qu'il réussit pleinement à faire établir en l'année 1866 par les autorités suisses.
Alors que la communauté juive Bâloise dans les années 1850 était assez réduite, la communauté de Hégenheim comptait cette époque environ 900 âmes, un chiffre qui devait subir une forte diminution dans les années suivantes, par l'immigration à Bâle, Berne La Chaux-de-Fonds. A la mort de Moïse Nordmann en 1884, Hégenheim ne comptait plus que 250 Juifs. (Cette diminution est également à attribuer à la conquête de l'Alsace par les Allemands en 187l).
Moïse Nordmann a également inauguré la nouvelle synagogue bâloise en septembre 1868, située Eulerstrasse/Leimenstrasse, et qui est aujourd'hui encore, un des plus grands centres communautaires de Suisse.
Après la mort du Rabbin Moïse Nordmann, Reb Mausche Nordmann tel qu'il est entré dans l'histoire, le Rabbinat de Hégenheim resta vacant jusqu'en 1898. Puis il fut confié au Rabbin Salomon Schüler, et fut transféré à Saint-Louis en 1907.
Le Rabbinat de Bâle fut confié après la mort du Rabbin Moïse Nordmann au Rabbin Arthur Cohn.
Avec le Rabbin Moïse Nordman s'est éteint une des plus grandes figures du judaïsme Suisse et Français.