Rein Jean-Jacques
Extrait de "Souviens-toi d’Amalek - Témoignage sur la lutte
des Juifs de France (1938-1944)" de Frédéric
Chimon Hammel, "Chameau".
… À Nîmes, Jean-Jacques commence par s’occuper des E.I.F., pour étendre
ensuite son travail aux jeunes non organisés, et finalement, se consacrer
à la Sixième.
Les frères Rein n’étaient pas des inconnus pour moi. Deux ou trois d’entre
eux avaient assisté, avec la troupe E.I. de leur ville, au premier camp
strasbourgeois, à la Pentecôte 1929. Nous formions la délégation des E.I.F.
au camp national du vingtième anniversaire de la fondation des Éclaireurs
Unionistes de France (protestants)…
La
seule lettre de Jean-Jacques qui soit en ma possession est datée du 3
août 1942, et elle parle du camp d’été qui vient de se terminer et qu’il
a dirigé avec Raymond
Winter.
Jean-Jacques assiste à la réunion que Raymond convoque après la première
alerte sérieuse. Il faut prendre d’urgence des décisions pour disperser
les jeunes d’une "colonie de vacances". Ce fut pour Jean-Jacques
comme pour Raymond, le début de leur passage à la Sixième. Leurs missions,
leurs initiatives, deviennent une entrave au travail scout proprement
dit. Ils passent plus de nuits dans les trains que dans leur lit. Nous
recevons encore des nouvelles de Jean-Jacques postées de Limoges où il
est le responsable régional de la Sixième.
Le 6 février 1943 il est à Lyon. Il doit apporter de fausses cartes d’identité
à quelqu’un qui l’attend au Comité d’Assistance aux Réfugiés (C.A.R),
12 rue Sainte Catherine, à cette date, bureau de l’U.G.I.F. La Gestapo,
revolver au poing, fait irruption dans le bureau. Je donne la parole au
chef du commando dans son rapport :
"Le 9 février 1943, une action de capture de ce Comité fut entreprise.
Lors du coup de filet, 30 Juifs étaient déjà dans les bureaux. Tout d’abord,
toutes les personnes furent arrêtées. Au cours de l’heure qui suivit,
d’autres Juifs se présentaient et 86 personnes au total ont pu être arrêtées…".
Beaucoup échapperont à la rafle grâce à l’admirable Germaine
Ribière, qui se déguise en femme de ménage et, en balayant les escaliers,
avertit ceux qui se dirigent vers le C.A.R. Tous les prisonniers seront
internés à Drancy et déportés par le convoi n° 53 à destination de Sobibor.
La famille Rein conserve trois cartes de Jean-Jacques, datées du 22 avril
au 29 août 1942, et indiquant son adresse: "Arbeitslager Wlodawa,
Distrikt Lublin Kreis Cholm". Ces cartes sont du type conventionnel
connu : "Je vais bien, ne peux pas me plaindre, j’ai du travail,
la nourriture est satisfaisante". Les cartes nous apprennent
cependant que Jean-Jacques a travaillé comme bûcheron. Nous apprenons
encore qu’il a été transféré à Auschwitz-Birkenau. Nous ne savons pas
s’il est encore en vie lorsqu’y arrive son frère Albert, de dix ans son
aîné, arrêté lors de la descente de la Gestapo à la Soupe populaire de
Lyon, et qui, lui non plus, n’a pas survécu.
Extraits du carnet de la Troupe Josué, tenu par Jean-Jacques Rein en 1942 |