DU SCOUTISME JUIF A LA RESISTANCE
Mathias ORJEKH - 2
CHAPITRE 2
Raymond Winter et Marcel Gradwohl :
Une mission inachevée
I. Raymond Winter: un engagement de tous les instants
A. Les années heureuses
-
Raymond Winter
|
Une enfance dans la petite bourgeoisie juive de Strasbourg
Raymond WINTER naît le 19
février 1923 à Strasbourg dans une famille de la petite bourgeoisie juive. Alsacienne
depuis plusieurs générations la famille Winter est, comme beaucoup
"d'israélites français", très attachée à la France à qui elle doit son
émancipation depuis 1791.
Dans un souci
d'intégration, voire même d'assimilation, et en raison d'une jeunesse passée à
Paris parmi la population non juive, les parents de Raymond ont perdu une partie
de leur religiosité ; tout en restant assez traditionalistes (ils respectent les
principales fêtes religieuses). C'est d'ailleurs le cas pour beaucoup de juifs
français "de souche" (1) qui, en France, résident en majorité à Paris, dans le Sud-Ouest et en Alsace.
L'assimilation presque totale de la famille Winter - ainsi que l'absence d'école
juive à Strasbourg
-
entraîne Raymond à effectuer sa scolarité dans une école primaire laïque, comme
c'est le cas pour la majorité des jeunes juifs strasbourgeois. Néanmoins ses
parents veulent tout de même lui donner une éducation juive et c'est à cette fin
qu'ils l'inscrivent aux cours d'un Talmud Torah (2) de Strasbourg. Ceux-ci
sont, pour Raymond, un premier contact avec la communauté juive française. Par
la suite, il suit aussi des cours d'instruction religieuse dans le cadre du
lycée d'Etat ; car contrairement à l'ensemble de la France et en raison de son
appartenance à l'Allemagne de 1871 à 1919, l'Alsace est encore sous le régime
concordataire (hérité de Napoléon Bonaparte) et n'a pas adopté l'école laïque mise en place par Jules Ferry.
Mais il ne montre pas une réelle volonté de
faire de longues études et aide, au contraire, de plus en plus son père, fatigué
par un travail harassant, dans son commerce. En effet, alors que la mère de
Raymond, sans profession, élève son fils et sa fille Colette
; son père pratique le commerce de textile en gros qui se porte plutôt bien. La famille est à l'abri du besoin jusqu'à la guerre.
- Un EI
responsable et brillant
Afin d'insister sur le rôle
important du scoutisme dans la formation de Raymond, nous avons décidé de
dissocier son engagement scout de son parcours scolaire (3).
Raymond entre aux EI en 1936
alors qu'il a 13 ans et qu'il connaît le scoutisme depuis quelques années
puisqu'il l'a découvert au sein des Eclaireurs de France (4).
Pourquoi n'a-t-il pas débuté sa "carrière scoute" immédiatement dans le cadre
du mouvement juif ? Celui-ci existe pourtant bel et bien dans la capitale
alsacienne puisque c'est en 1929 que Raymond MAY (Baloo)
crée le troisième groupe local EI en France métropolitaine.
On pourrait imaginer que ses parents, non
pratiquants, ne voient pas l'intérêt de l'inscrire dans un mouvement
spécifiquement juif. Or ceux-ci, opérant un certain retour à la vie
communautaire, tiennent à ce que leur fils appartienne à ce mouvement. En fait,
c'est uniquement à cause d'un manque de place que les EI de Strasbourg
ne peuvent pas accueillir Raymond dans un premier temps (5).
En 1936, donc, il devient enfin Eclaireur
Israélite de France puis "routier" (6) dès 1938. C'est à partir de cette période qu'il commence à prendre des
responsabilités de plus en plus importantes. Ainsi grâce à "[son] goût et
[son] sens inné des initiatives et des responsabilités" (7),
il accède au rang de responsable adjoint du clan des "routiers" de Strasbourg
. Sa nomination rapide à des postes à responsabilités - même si
elles ne sont pour le moment que locales - est exceptionnelle compte tenu de son
jeune âge - il n'a que 15 ans - et de sa relative inexpérience du scoutisme - il
n'a par exemple jamais été louveteau (8) -. Tout ceci préfigure, nous le verrons, un engagement toujours plus important
au sein du mouvement ; ceci étant pour "Double-mètre" (surnom donné à Raymond
par ses camardes EI en raison de sa très grande taille) la suite logique de sa
vie d'EI. En effet, il "considérait (…) le scoutisme (…) comme la
définition d'un certain nombre de buts [à] atteindre" (9).
En 1939, Raymond a donc 16 ans
et ne se doute pas que sa vie, d'EI notamment, va se trouver complètement
bouleversée. En effet en septembre, suite à la déclaration de guerre, la famille
Winter doit faire face à un douloureux mais inéluctable exode.
Malgré la déstabilisation qui
le frappe dans son jeune âge, Raymond, à peine réinstallé en "Zone Libre",
reprend ses activités au sein du mouvement éclaireur.
B. La
réorganisation à Montpellier
- Les
"déménagements" successifs de Raymond
La guerre contre l'Allemagne
nazie est déclarée le 3 septembre 1939. L'Etat Major français ayant une grande
confiance en la "ligne Maginot", pense qu'elle suffira à défendre la frontière
française qu'elle couvre contre les attaques allemandes. Mais Strasbourg
, n'étant pas abritée par cette ligne de défense, doit être
évacuée dès les premiers jours de septembre 1939.
C'est à cause de cette
évacuation que la famille Winter se voit contrainte, au même titre que tous les
habitants de la capitale alsacienne, de quitter sa maison pour se reloger
ailleurs. Le patriotisme et la grande confiance en l'armée française de Camille
Winter, le père de
Raymond, l'entraînent à penser que la situation n'est que provisoire. En effet,
persuadé qu'une victoire rapide de la France viendra mettre fin au conflit qui
vient de s'engager - et qui n'a pas encore atteint le sol français -, il décide
d'installer sa famille dans les Vosges : à Plombières. La famille Winter connaît bien cette petite ville où elle
avait l'habitude de passer ses vacances ; cela lui permet de ne pas être trop
dépaysée dans le petit appartement qu'elle loue pour - pense-t-elle - attendre
la fin de la guerre.
Mais très vite
elle a le sentiment que la situation peut s'éterniser et même se durcir. Le chef
de famille décide donc de partir à nouveau, plus au sud pour éviter tout contact
avec la frontière allemande. En quête d'une ville plus importante que Plombières
pour pouvoir reprendre ses activités commerciales, Camille
Winter
décide que la
famille va s'établir à Dijon
.
En effet, la capitale bourguignonne remplit à ses yeux les conditions
nécessaires pour leur installation : possibilité de commercer, pour lui, et de
suivre une scolarité normale, pour ses enfants. Raymond, cependant, décide à 16
ans et demi de ne pas retourner en classe et d'aider encore un peu plus son
père, de plus en plus fatigué par son travail. Conscient de l'importance des
études, il suit néanmoins des cours par correspondance.
A Dijon
, il n'existe pas de troupe EI, Raymond ne peut donc pas
reprendre ses activités scoutes qui lui manquent beaucoup. Mais très occupé par
le commerce de son père, il n'a que peu de temps pour en être profondément
frustré. De plus, avec l'invasion allemande en mai 1940, les événements
s'accélèrent. Ne se sentant plus en sécurité à Dijon
et malgré la foi, toujours aussi intacte, du père de Raymond en
l'armée française, les Winter choisissent à nouveau de partir. Ce qu'ils font
dans la précipitation un samedi - jour de Shabath. Le lendemain les
Allemands arrivent à Dijon
.
La chance qu'ils ont à ce moment les amène à penser que "D-ieu ne [leur] en
avait pas trop voulu" (10) de leur transgression deShabath et qu'ils sont en quelque sorte "protégés".
En raison de la partition de la France, les
Winter se réfugient dans le sud - en "Zone Libre" - car ils ne peuvent rester
dans la zone sous administration allemande en raison du sort réservé aux juifs.
En juillet 1940, ils s'établissent donc à Montpellier. Cette ville les satisfait à bien des égards : sa grande taille
permet un commerce intéressant, la présence de lycées et d'universités offre la
possibilité d'une scolarisation mais surtout beaucoup de juifs y sont déjà
installés ce qui leur évite un isolement religieux.
- La
"Troupe RACHI"
(11)
A peine arrivé à Montpellier
depuis deux mois, Raymond reçoit des courriers du District EI
de Strasbourg
qui
l'incite à mettre une troupe en place. Ce qu'il entreprend avec passion et
dévouement puisqu'il aurait sans doute "pris cette initiative même si les
circulaires et les lettres du District de Strasbourg
ne le lui avaient pas recommandé" (12).
De plus voyant le rabbin Schilli(13) - arrivé d'Alsace après
la "Débâcle" de juin 1940 - débordé par le travail communautaire, il décide
spontanément de se charger de tout ce qui touche aux jeunes de sa ville
d'accueil. Ainsi, en accord et en parallèle avec lui, il applique les méthodes
d'éducation qu'il a lui-même rencontrées et apprises aux EI.
Raymond
devient très vite "à la fois chef de troupe, commissaire de groupe local et secrétaire de district" (14).
Sous son autorité, les activités communautaires (cours du rabbin Schilli, jeux de société…) d'une part et EI (veillée chants,
discussions…) d'autre part se multiplient. Elles participent à l'éducation juive
des enfants, comme le préconise "l'éducation EI", et soulagent de la charge de
leurs enfants, des parents souvent déboussolés et même traumatisés par les
événements qu'ils ont vécus.
Le travail, "étonnant d'envergure pour un jeune homme de dix neuf ans" (15), et la dépense d'énergie de Raymond suscitent de la part de ses aînés et de ses
camarades une très grande admiration. En effet, en plus de la troupe de
Montpellier
, Raymond
s'occupe du clan des "Routiers" de Lyon où il se rend à plusieurs reprises entre 1941 et 1942 pour suivre des études de
tissage. Le soutien et les encouragements de ses parents "dont la maison était ouverte à toutes les détresses de l'époque" (16), l'aident sans aucun doute grandement à trouver cette énergie, notamment dans les
moments difficiles.
C'est ainsi que sous couvert
des EI, et de la "troupe Rachi", dans un premier temps, Raymond entreprend une multitude
d'actions qui le mène peu à peu à la clandestinité.
- Les
activités EI: une antichambre de la Résistance
Les mesures prises contre les juifs par le gouvernement de Vichy
viennent ébranler le travail d'éducateur de Raymond. En effet
il se rend vite compte que cela ne suffit plus et qu'il faut dorénavant sauver
les enfants, et leurs parents, traqués par la police française. Ainsi avant même
la création de la "Sixième", Raymond "décèle une filière pour munir de
faux papiers des personnes particulièrement visées par les décrets de Pétain (17).
C'est le cas notamment des juifs étrangers.
Par ailleurs,
Raymond est en contact permanent avec l'O.S.E. Cette "Organisation de Secours à
l'Enfance", dont le siège social français s'est fixé à Montpellier
après la partition de la France, vient en aide et s'occupe
d'enfants juifs réfugiés avec ou sans leurs parents. C'est Marthe Lévy
qui symbolise le mieux les liens de l'O.S.E. et des EI de
Montpellier ; en
effet elle n'est pas seulement assistante sociale de cette organisation mais
aussi cheftaine et fondatrice des EI de Metz.
Le travail commun de l'O.S.E. et de Raymond
se concrétise pendant l'été 1941, Raymond ayant accepté de prendre la direction
de deux colonies de vacances de l'O.S.E. "à condition qu'il puisse
organiser un camp EI entre les deux" (18).
Il décide de diriger ces colonies pour le bien des enfants et les organise à sa
manière : c'est à dire "assez scoute" (19). Cela lui permet d'enchaîner les colonies O.S.E. et le camp EI sur le même plan
pédagogique.
Pendant ce camp EI, qui se déroule à
Fillols (Pyrénées Orientales),
Marcel, le cousin de Raymond - dont nous reparlerons ultérieurement -, montre
toute sa détermination et sa volonté de le seconder le mieux possible ; Raymond
ne pouvant pas assumer seul la responsabilité d'une telle entreprise. Ainsi, il
confesse, lui-même, à "Chameau " dans une lettre qu'il lui adresse le 21 septembre 1941 que
malgré sa force physique et ses excellentes qualités d'organisation, "[il
est] assez claqué, mais content, car 125 gosses ont profité chacun de 15 à 21
jours de grand air… Il y avait : 1 semaine de préparation, 3 semaines 40 gosses
O.S.E., 2 semaines 40 gosses E.I.F., 3 semaines 46 gosses O.S.E."
(20).
Mais
l'organisation de colonies et de camps pour les enfants ne constitue plus la
seule activité de Raymond. En effet, avec le Rabbin Schilli qui en est l'aumônier, il se rend dans des camps d'internement
de juifs
(21).
Dans leur zone d'action, on peut en trouver un certain nombre notamment
Rivesaltes (Pyrénées
Orientales). Dans ces camps sont entassés, sans soin et dans des conditions
d'hygiène déplorables, les juifs visés par la "Loi sur les ressortissants
étrangers de race juive" promulguée par le gouvernement de Vichy le 4 octobre 1940 - et qui selon l'Article 1 peuvent "être
internés dans des camps spéciaux par décision du préfet du département de
leur résidence" (22) - et plus précisément les juifs allemands ayant fui leur pays depuis l'arrivée
d'Hitler au pouvoir. Ces
derniers sont menacés d'être renvoyés en Allemagne - et donc à la mort - car
l'Etat Français refuse de garder sur son territoire des opposants à l'autorité
d'occupation.
Henri Schilli
et Raymond Winter réussissent à faire entrer clandestinement
dans les camps des vivres et des lettres que les proches des internés veulent
leur faire parvenir. Raymond, troublé par les scènes terribles auxquelles il
assiste, décide d'en faire encore plus. Ainsi lorsque quelques jeunes juifs
parviennent à s'évader, il leur fournit des fausses cartes d'identité et
d'alimentation. De plus, grâce à ses relations, il parvient à les faire héberger
et cacher dans une colonie de vacances au Grau-du-Roi
(Hérault), à 28 kilomètres de Montpellier.
Ces actions plus ou moins
isolées se prolongent pendant quelques temps, mais très vite la situation évolue
de façon importante. Raymond Winter (connu dorénavant sous le totem de "Girafe
Energique", en raison de sa grande taille et de son infatigable action) bascule
en effet, en même temps que le mouvement EI, dans la clandestinité au sein de la
"Sixième" (23).
A partir de ce moment, Raymond
est efficacement secondé par un adjoint auquel il est lié depuis son plus jeune
âge puisqu'il s'agit de son cousin Marcel GRADWOHL.
II. Marcel Gradwohl :
des Eclaireurs Unionistes aux Eclaireurs Israélites
A. Une enfance loin de la ville
-
Marcel Gradwohl
|
Pfaffenhoffen : un cadre de vie agréable
C'est dans un petit village du Bas-Rhin,
Pfaffenhoffen, que
Marcel Gradwohl naît le 2 décembre 1921. Issu, comme son cousin germain Raymond (24),d'une
très ancienne famille juive alsacienne, il est le premier enfant de Sylvain
à survivre après les morts à la naissance ou en bas âge de ses
trois frères. Ses parents, qui auront deux autres garçons par la suite - Roger
- sont commerçants, comme le père de Raymond. Le père de Marcel
est marchand de grains ambulant, tandis que sa mère tient un petit commerce de
chaussures à Pfaffenhoffen.
C'est donc à la campagne que
Marcel passe son enfance et entame sa scolarité à l'école confessionnelle -
chrétienne - de son village. Il est néanmoins dispensé d'offices religieux en
raison de son judaïsme. Parallèlement il suit des cours au Talmud Torah,
qui en Alsace - en raison du nombre important de juifs - existe même à la
campagne.
Par la suite, Marcel fait ses études
secondaires à l'Ecole Commerciale de Haguenau, où il obtient son baccalauréat. En
1938, il est diplômé en "technique commerciale et professionnelle" des
Etablissements Pigier (25).
Il entre dans le monde du travail la même année en tant que représentant en
chaussures pour une firme importante qui, compte tenu de ses qualités
professionnelles, lui garantit une situation prometteuse. Situation à laquelle
il décide finalement de renoncer pour reprendre le petit commerce de chaussures
familial à Pfaffenhoffen.
- Un
scout juif dans un mouvement protestant
C'est à peu
près en même temps que son cousin que Marcel s'engage dans le scoutisme et, comme lui, il ne le fait pas au sein des EI.
En effet, ce mouvement n'existe qu'en
ville, c'est donc chez les Eclaireurs Unionistes de France, d'obédience
protestante, qui admettent tout de même des jeunes d'autres religions, que
Marcel entreprend sa découverte du scoutisme.
Les valeurs des Eclaireurs Unionistes sont
sensiblement les mêmes que celles des EI ; à l'exception bien sûr de tout ce qui
concerne le judaïsme. Marcel apprend donc l'importance de l'engagement dans un
mouvement ainsi que les responsabilités qui incombent à un scout. Il a
d'ailleurs parfois l'occasion d'en discuter avec son cousin lorsqu'il se rend,
avec sa famille, à Strasbourg.
En 1939, Marcel, à 18 ans, a
déjà un métier sérieux et est profondément engagé dans le mouvement scout. A la
déclaration de guerre, il ne sait pas encore que sa vie va considérablement
évoluer et qu'il devra "grandir" plus vite que prévu.
B. De l'exode à la "Troupe Rachi"
-
La famille Gradwohl et la "Débâcle"
Malgré la
déclaration de guerre, la famille Gradwohl reste en Alsace plus longtemps que la
famille Winter car Pfaffenhoffen
n'est pas évacué en même temps que Strasbourg. En effet, seuls les habitants de la capitale alsacienne et de
ses environs sont contraints de quitter la ville. Toute la famille continue donc
à vivre presque normalement jusqu'à l'occupation de Paris par les Allemands, le
14 juin 1940. Ainsi Marcel poursuit ses activités de vendeur au sein du commerce
de chaussures pendant toute la durée de la mobilisation et de la guerre. Inquiet
en raison des attaques allemandes mais persuadé que la victoire va sourire aux
Français, aucun membre de la famille ne pense à fuir.
Néanmoins
l'approche d'une défaite française est plus forte que leur patriotisme et leur
amour de la France. Ainsi comprenant que la situation devient délicate pour les
Alsaciens - Hitler ne cachant pas sa volonté d'annexer l'Alsace - et a fortiori
pour les juifs, Marcel et sa famille quittent leur région au moment même où la
capitale française tombe aux mains des Allemands. Comme nombre des leurs, les
Gradwohl se réfugient dans les Vosges. C'est à Bruyères qu'ils décident dans un premier temps de s'installer pour
analyser leur situation.
Mais dès le 27
octobre 1940, la première ordonnance allemande relative aux juifs est décrétée
en Zone Occupée. Petit à petit de plus en plus de choses leur sont interdites :
les métiers de la fonction publique, la fréquentation des lieux publics… Tant et
si bien qu'au début de l'année 1941, la famille Gradwohl prend la décision de
partir en "Zone Libre" afin de ne pas subir les persécutions réservées à leurs
coreligionnaires
(26).
Leur choix d'établissement se fixe sur
Montpellier
afin de
rejoindre, entre autres, la famille Winter.
Marcel Gradwohl
en
uniforme EI (1943)
|
Marcel
aux "Chantiers de Jeunesse"
Dès son arrivée à Montpellier
, Marcel retrouve son cousin et l'aide dans ses activités, comme
- nous l'avons vu - lors de l'organisation des colonies O.S.E. et du camp EI de
FILLOLS
pendant l'été 1941.
Ce travail conjoint est
momentanément interrompu par l'incorporation de Marcel au sein des "Chantiers
de Jeunesse". En effet le service armé ayant été interdit par les autorités
nazies, l'Etat Français le remplaça par une formation de la jeunesse, notamment
à l'ordre et à l'obéissance. Marcel n'est autorisé à quitter sa division - qui
portait le nom de "Groupement de Jeunesse N°6" - que le 1er août
1942 (27)
à peu près au moment de sa dissolution.
Son retour à Montpellier
coïncide avec la traversée de la ville par les premiers trains
de déportation se dirigeant vers le camp de Drancy. Leur accès est évidemment interdit par la police de Vichy
, mais malgré cela Raymond et son équipe - notamment Marcel -
parviennent à s'en approcher afin de ravitailler les prisonniers. De plus et
afin de remonter le moral - souvent bien bas - des internés, ils acceptent de
transmettre à leurs proches des messages d'adieux.
Néanmoins ces agissements sont loin d'être
sans risque et très vite Raymond et Marcel sont repérés par les services de
sécurité. Obligés de se faire oublier de la police locale, ils se rendent à
Narbonne
pour continuer leur
entreprise d'aide aux déportés.
"Souris", c'est le nom de
totem de Marcel en référence à sa petite taille et à son inlassable activité,
devient très vite la "doublure et l'adjoint de Raymond" (28).
Quand ce dernier passe dans la clandestinité, Marcel le suit naturellement ; la
volonté de venir en aide aux juifs traqués étant aussi forte chez les deux
cousins.
Ainsi quand Raymond Winter
devient responsable de la région de Montpellier
(29) sous les ordres de Henri
Wahl (Chamois
et de Ninon Weyl-Haït, Marcel Gradwohl entre aussi dans la "Sixième" en tant que
responsable d'un secteur dépendant de la région de son cousin.
III. "Une simplicité dans l'héroïsme"
(30)
A. Des actions clandestines
- Un "activisme" inlassable
(31)
Devenus
clandestins, Raymond et Marcel doivent bien sûr changer d'identité, ainsi le
premier devient Raymond VALLIN et son second Maurice GIRBAL (31).
Raymond obtient cette fausse identité grâce à une employée de la mairie de
Dieulefit (Drôme) qui l'enregistre
dans les dossiers de celle-ci ; s'il vient à être arrêté il peut donc prouver
son identité (32).
Cette pratique n'est utilisée, au sein des EI, que pour les responsables
principaux. La nouvelle identité de Marcel est, elle, totalement fausse
puisqu'elle est créée de toutes pièces grâce à des tampons et du papier spécial
volés dans des mairies ou fournis par des employés résistants.
Raymond installe son siège
régional à Millau
(Aveyron)
à partir de novembre 1942 où il est rejoint plus tard par ses parents et
notamment par sa sœur, Colette
, qui l'aide un peu en tant qu'agent de liaison, bien que lui,
la considérant trop jeune, préfère la voir s'occuper de ses parents.
De g. à dr. : Jean-Claude, Roger, Marcel Gradwohl et Raymond Winter
Archives
privées de Mme et M. Gradwohl
et de Mme Colette Meyer-Moog
|
Marcel, lui,
s'occupe essentiellement du secteur du Lot mais tous deux se déplacent
énormément pour porter secours à tous les jeunes en danger. Leur travail est
considérable : ils doivent leur trouver des "planques", assurer leur bonne
intégration dans celles-ci, mais aussi les visiter et trouver de quoi payer les
personnes qui acceptent de les cacher.
Bien sûr leur travail consiste aussi à
fournir des faux papiers aux personnes qu'ils cachent. Dans cette tâche, ils
sont aidés par Roger Gradwohl
, le frère de Marcel, qui après avoir privilégié ses études dans
un premier temps, les rejoint en 1943 (33) et passe maître dans le domaine de la confection de fausses cartes d'identité et
d'alimentation.
La recherche de "planques"
pour les jeunes s'oriente le plus souvent vers des écoles et des couvents. Une
grande partie de la population a d'ailleurs aidé, au péril de sa propre vie, à
cette mise à l'abri d'enfants et d'adultes juifs ; c'est ainsi qu'en janvier
1943, Raymond va trouver Alice Ferrieres (34). Elevée dans une famille
protestante dans la conviction que tous les hommes sont des frères, ce
professeur de mathématiques au collège de filles de Murat
décide très vite de porter secours aux personnes
traquées par les Allemands et par la police française. Elle trouve des
volontaires pour cacher des juifs et transmet leurs coordonnées à Raymond. Elle
parvient notamment à mettre à l'abri un certain nombre de filles dans le collège
où elle enseigne et un groupe de garçons au cours complémentaire de Murat (35).
Raymond doit
aussi faire face à des cas urgents, tel celui d'une jeune fille pulmonaire qu'il
réussit, grâce à Marthe Lévy
qui l'accompagne (car un homme n'a pas le droit d'entrer au
couvent), à cacher chez les Carmélites de Millau
puis dans un asile de vieillards (à Rhuls
dans l'Aveyron) où elle est soignée (36).
La recherche de "planques" n'est pas la
seule activité qu'exercent Raymond et Marcel pour mettre les jeunes à l'abri du
danger. En effet, ils organisent aussi, conjointement avec l'O.S.E., des
passages clandestins en Espagne ou en Suisse ; ils parviendront notamment à
faire passer Jean-Claude Gradwohl
- le plus jeune frère de Marcel - en Mai 1944 dans ce dernier
pays (37).
Les risques que prennent Raymond et Marcel
sont évidemment très grands et à tout moment ils peuvent être arrêtés et
déportés ou fusillés.
- Un danger permanent
En avril 1943,
un jeune qui travaille depuis peu sous les ordres de Raymond est arrêté lors
d'une rafle. Ne résistant pas à l'interrogatoire auquel il est soumis, il donne
le nom de son chef mais pas celui de Marcel, qu'il ne connaît pas car il est
actif dans un secteur différent.
A la suite de cet aveu, la police française
fait irruption chez les parents de Raymond à Millau
mais celui-ci n'y est pas. Prévenu à temps, il ne rentre pas
chez lui. La police revient plusieurs fois de suite, fouille la maison et
interroge la famille mais ne trouve pas les papiers compromettants qui sont
cachés entre les pages, non découpées, des livres (38).
Raymond est néanmoins condamné à six mois de prison par contumace.
A la suite de cet événement, Henri Wahl
(Chamois)
et Ninon Weyl-Haït
à Raymond de quitter la région et de se faire un
peu oublier. Il se rend donc à Morzine où il va passer quelques temps avec Théo Klein (Faucheux)
(39) qui est également repéré
à Grenoble
, région qu'il dirige. Au
cours de cette période d'isolement, tous deux ont de longues discussions sur
l'avenir du mouvement et sur la volonté de Raymond de le renouveler et de le
rajeunir (40),
mais aussi de faire partie après la guerre de la direction, "tâche à
laquelle tout le destinait" (41).
Après l'été 1943, Raymond reprend ses
qu'il est arrêté par la Gestapo au cours d'un contrôle inopiné. Soumis à un
interrogatoire très dur, il s'en sort grâce notamment à une ruse ; interrogé en
allemand il feint de ne pas comprendre la langue afin d'avoir le temps de
réfléchir aux réponses qu'il va donner pendant qu'on lui traduit les questions
posées (42).
Relâché, il peut enfin reprendre ses activités clandestines que Marcel, aidé
désormais par son frère Roger
comme nous l'avons vu, n'a jamais interrompues.
Chacun redevient donc très
actif dans sa région ou son secteur jusqu'à ce qu'un nouveau problème se pose.
En effet, les vacances de Noël 1943 approchent et les internats ferment ; il
faut donc trouver une solution pour continuer à cacher les enfants. Raymond a
donc l'idée d'organiser, avec Roger Klimovitsky (Climaud)
(43) - un autre chef EI -, un
camp scout à Florac
(Lozère)
afin de permettre à ces jeunes de retrouver l'ambiance scoute et juive si chère
aux EI. Ce camp, officiellement des Eclaireurs Unionistes, est organisé avec
l'aide bienveillante du Préfet.
Les vacances coïncident avec la fête juive
de Hanouka (44).
La présence de Samy Klein (45), le rabbin aumônier des
EI, lui donne une valeur toute particulière pour les jeunes qui retrouvent enfin
un semblant de vie normale, durant deux semaines.
Le camp terminé chacun reprend
sa place, les jeunes dans les "planques" et les chefs dans leur secteur. Ces
derniers ont pour ordre d'abandonner leur poste au sein de la "Sixième" en cas
de débarquement des Alliés et de rejoindre le maquis où, selon les responsables
nationaux des EI, ils seront plus utiles.
Ainsi le soir
du 5 juin 1944, Raymond, Marcel, Roger (Gradwohl)
(le frère de Marthe
qui était responsable de la "Sixième" adulte), réunis chez
Alice Ferrieres, se lamentent de ne pas voir
arriver ce débarquement tant attendu. Celui-ci a lieu le lendemain et les quatre
garçons reçoivent des instructions pour rejoindre le maquis. Ils doivent se
rendre à Saint-Flour
(Cantal) le 9 juin 1944 et rencontrer le "Chef Thomas" qui doit les emmener jusqu'au maquis.
Saint-Flour
est à la fois un lieu stratégique pour les troupes d'occupation
et pour la Résistance. Aussi convient-il de présenter la situation de cette
petite ville du Cantal au moment de l'arrivée de Raymond et Marcel.
B. …A Soubizergues
- La situation de Saint-Flour en juin 1944
(46)
Depuis l'été 1943, un petit
détachement allemand d'une dizaine d'hommes est présent à Saint-Flour
, pour surveiller les lignes de communication souterraines à
longue distance mais aussi les mouvements de la ville et les suspects dénoncés
par la milice.
Ce n'est qu'en mai 1944 que la troupe,
considérablement renforcée, réquisitionne l'Ecole-Pensionnat du Sacré-Cœur du
frère-directeur Gérard Mayet
et y prend garnison. Ce grand bâtiment devient ainsi le siège
de la Kommandantur et une caserne pouvant accueillir une centaine
d'hommes.
Mais pourquoi l'occupant allemand a-t-il
décidé un tel renforcement de sa position dans une petite ville ?
A partir d'avril 1944, en vue
d'un débarquement allié, les différents maquis d'Auvergne se regroupent dans la
forêt de la Margeride afin de former un réduit à une vingtaine de kilomètres de
Saint-Flour. Ainsi de
début mai au 10 juin, ce maquis, nouvellement regroupé, reçoit de nombreux
parachutages de matériel et d'officiers instructeurs notamment.
Les Allemands, aux yeux desquels toutes ces
activités ne passent pas inaperçues, lancent une première attaque le 2 juin
1944. Celle-ci est repoussée et le régiment allemand, qui perd beaucoup d'hommes
dans l'opération, échappe de peu à son encerclement. Le surlendemain, trois
hommes des "Corps-Francs" - un groupe de résistants - enlèvent Boris Kaufman - le chef de Gestapo française à Saint-Flour
-. Interrogé, il est jugé et exécuté par les maquisards. Par
ailleurs des Allemands meurent tous les jours dans des embuscades organisées par
le maquis.
Constatant que la situation est en train de
basculer du côté du maquis, le Commandant de la Zone d'Armée France-Sud met à
disposition de la garnison de Saint-Flour
un renfort composé d'un état-major de régiment et de deux
bataillons de la 2ème Division Blindée S.S. Das Reich qui
arrivent dans la ville le vendredi 9 juin 1944 et s'installent dans l'Hôtel
Terminus. Ils sont rejoints le même jour par la "Brigade Française" de Jany
Batissier
(un
Français), alias le Capitaine Schmidt
, composée de trente miliciens.
C'est ce même 9 juin 1944 que
Raymond et Marcel -accompagnés par Roger Gradwohl
et Edgar Lévy
- arrivent à Saint-Flour
pour y rencontrer le "Chef Thomas".
- Arrestations et exécutions
Tous les quatre se rendent donc
au lieu de rendez-vous à l'heure convenue mais leur "contact" n'est pas là (47).
La règle établie dans un tel cas est très précise : revenir le lendemain au même
endroit et à la même heure mais surtout ne pas passer la nuit à l'hôtel ; les
descentes et les contrôles de police et de gendarmerie y étant très fréquents.
C'est néanmoins ce choix qu'ils font tous ensemble. Pourquoi une telle
décision ? Elle est peut-être due à leur jeune âge. Leurs familles et amis se
posent encore la question plus de cinquante ans après (48).
C'est cette nuit-là que Raymond,
Marcel, Roger
et Edgar
Lévy sont arrêtés dans l'Hôtel Terminus au cours d'une vaste rafle
menée par Batissier
, la
Gestapo et la Milice - tous sous les ordres d'Hugo Geissler, chef de la S.D. (49) de Vichy, qui déclenche en même temps
une attaque importante contre le maquis -. Cette opération de terreur entraîne
l'arrestation de résistants, de suspects, mais aussi de personnes prises au
hasard. Pour lequel de ces trois motifs les quatre anciens de la "Sixième"
ont-ils été arrêtés ? Les témoignages que nous avons recueillis et les archives
que nous avons consultées ne nous permettent pas à ce jour d'en donner la
réponse.
Enfermés et entassés pendant quatre jours,
avec une cinquantaine d'autres prisonniers, dans les salles de l'Hôtel Terminus
qui servent de prison, ils sont interrogés et sauvagement torturés (50).
Tous passent ensuite une "visite médicale", les juifs se savent d'ores et déjà
condamnés.
Dans la nuit du 13 au 14 juin, alors que
les combats font encore rage entre le maquis et les troupes allemandes, un
conseil de guerre se réunit dans l'une des salles de l'hôtel pour décider du
sort des otages. Le lendemain matin avant 6h00, la Milice fait monter vingt-cinq
prisonniers dans deux camionnettes ; tous les juifs y sont d'office. Le voyage
n'est pas long puisque le convoi s'arrête deux kilomètres plus loin au lieu-dit
de Soubizergues. C'est à
cet endroit qu'à 6h10 tous les prisonniers sont fusillés sans procès, ni
jugement.
Les fusillés sont retrouvés le
lendemain notamment par le sous-préfet et l'adjoint au maire qui relèvent (avant
de les enterrer) des éléments physiques et vestimentaires qui permettront leur
identification, les Allemands ayant pris toutes les pièces d'identités (51).
Voici ce qu'ils écrivent sur Raymond et Marcel :
- "Homme environ vingt ans, cheveux longs
blonds. Chemise tricot et habits bleus. Cravate grise et bleue, comprimés blancs
dans une poche (52).
Montre de poignée carrée : Herma. Chaussettes laines blanches, souliers bas,
cuir marron. Couronne acier, première molaire droite" (53).
- "Homme de dix-huit à vingt-quatre ans. Cheveux châtains foncés, yeux marrons clairs, imperméable en toile cirée, blouson marron, tricot marron. Chemise grise et blanche, ceinture boucle ordinaire, pantalon marron à petits carreaux à petites rayures rouges, chaussettes grises à carreaux, souliers bas marrons, montre de poignet Lip I24 en acier portant l'inscription fond acier inoxydable" (54) .
C'est grâce à ce descriptif que Franceline
Bloch (Moulin)
parvient à reconnaître ses amis, Raymond et Marcel,
morts avant d'avoir pu voir leur pays libéré (55). Mais aussi sans avoir pu exercer
les tâches importantes à la direction des EI que leur valeur et leur charisme
leur promettaient.
- Les EI en deuil de futurs cadres
Le 25 octobre 1944, Raymond et
Marcel sont enterrés (avec leurs amis et frères fusillés avec eux).
La
cérémonie, célébrée par le Rabbin Schilli
, réunit la famille, les amis, ainsi que les EI de
Clermont-Ferrand. Les cercueils seront transférés après la fin de la guerre dans
les caveaux familiaux des cimetières israélites de Strasbourg
pour Raymond et d'Ettendorf (Bas-Rhin) pour Marcel.
A la fin de la guerre, nombreux
sont ceux qui pleurent la disparition de Raymond et Marcel. Leurs familles éprouvent
une douleur considérable qui précipitera le décès du père de Marcel, déjà
très malade, le 6 mai 1945.
Bien des personnes qu'ils ont
rencontrées au cours de leurs actions manifestent aussi leur profonde tristesse
d'avoir perdu deux amis qu'ils tenaient en grande estime.
"C'est avec une grande douleur que j'ai
appris l'arrestation (…) et l'exécution de Raymond et Marcel incarcérés et
fusillés (…) Raymond si jeune et si grave, Marcel qui savait si bien se faufiler
avec sa serviette de "voyageur de commerce", si vif et si débrouillard (…)
C'est surtout de cette simplicité dans l'héroïsme, de cette acceptation joyeuse
des plus périlleuses tâches, que je veux apporter ici le témoignage" (56)
.
Le mouvement
EI, qui lui se relèvera, souffre aussi de la perte de Raymond et Marcel car en
plus de la mort de deux amis, ce sont aussi deux futurs cadres qui ont disparu.
L'hommage que rend à Raymond son ami Théo Klein
le confirme :
"Raymond n'aura pu réaliser pleinement la
tâche à laquelle tout le destinait à la direction du mouvement. Mais il nous
aura laissé l'enseignement le plus précieux qu'un chef puisse léguer à ceux qui
doivent assurer sa relève : son exemple, sa vie et ce qui aurait pu être sa
devise : simplicité, loyauté et service" (57).
L'essentiel pour Raymond et
Marcel, qui "connaissaient [les] risques" (58) de leurs actions était sans doute d'avoir contribué à sauver des centaines
d'enfants et d'adolescents.
Ils ont, comme tant d'autres EI, sans le
savoir et par leur sacrifice, contribué à pérenniser les idéaux du mouvement
Eclaireurs Israélites de France.