JUIFS DES VOSGES
1940 - 1944
1200 martyrs oubliés
|
ISBN 978-2-9529223-0-2 524 pages ; 35 euros TTC Diffusion : Jean Camille BLOCH, éditeur |
Entièrement fondé sur des centaines de documents officiels de
la préfecture des Vosges qui permettent de décrypter le processus
machiavélique d'extermination de
la
communauté juive des Vosges, cet ouvrage a nécessité
plus de cinq années de recherches.
Les informations, recueillies dans les Vosges, ont été minutieusement
recoupées avec d'autres travaux et d'autres bases de données,
ce qui permet de proposer des listes inédites de victimes et de survivants.
Mettre en lumière la stratégie nazie, ses victimes et ses bourreaux,
témoigner pour l'histoire et la mémoire, tels sont les
objectifs que l'auteur s'est fixés.
Par suite de son efficacité, cette stratégie, dont les Vosges
ont été le terrain d'expérimentation de l'occupant,
a été étendue à l'ensemble du territoire
français.
La plus grande place est laissée aux documents d'archives et
aux témoignages, dont la lecture, à elle seule, permet d'appréhender
les rouages de la machine nazie et de se forger sa propre opinion.
L'anonymat des victimes a été levé grâce
à des recherches généalogiques permettant de reconstituer
les familles et leurs origines. Pour un grand nombre d'entre elles,
le Martyrologe reprend, sous forme concise, les principales informations recueillies.
A chaque étape du processus conduisant à l'élimination
physique de la population juive vosgienne, l'auteur s'est également
attaché à dépeindre, preuves à l'appui,
les sentiments des citoyens non juifs qui, en majorité, ont eu une
attitude digne et courageuse.
Préface
"Chaque mort laisse un petit bien, sa mémoire, et
demande qu'on la soigne" disait Jules Michelet. Pour
lui, comme pour tous ceux qui aujourd'hui étudient les documents
et témoignages surgissant de notre passé, le devoir de l'historien
est de "donner assistance aux morts trop oubliés".
C'est la tâche que s'est assignée Jean Camille Bloch,
avec son ouvrage Juifs des Vosges 1940-1944 – 1 200 martyrs presque
oubliés. En rassemblant minutieusement une masse d'archives
et de souvenirs familiaux, il fait œuvre mémorielle et apporte
du même coup une contribution essentielle et inédite à
l'Histoire des Vosges.
Installée dans les Vosges à partir de 1773 et y démontrant
aussitôt sa finesse, son goût du travail et d'entreprendre,
la communauté juive, forte de 1 500 âmes, fait don à la
France de nombreux industriels, de commerçants et d'intellectuels
dont trois éminents sociologues : Émile Durkheim, Marcel Mauss
et Raymond Aron. Avec l'ouvrage de Jean Camille Bloch, on mesure l'horrible
épreuve qu'elle a subie entre 1940 et 1944 au cœur d'un
siècle de haines raciales et sociales.
Nul ne pourra désormais ignorer le calvaire qui fut le sien : recensement,
marquage des commerces, port de l'étoile jaune, spoliations,
arrestations, rafles et déportations. Entre 1942 et 1944, 1 223 juifs
furent arrêtés dans les Vosges, enfants, femmes et vieillards
compris, et rares ceux qui survécurent. En lisant Jean Camille Bloch,
nul ne pourra oublier l'abominable machination que fut le camp de transit
de Vittel, où furent tournés des films de propagande nazis dans
le cadre cossu des palaces… avant que les trains quittent la station
pour Auschwitz.
Chez Bloch, pas de littérature larmoyante, pas de propos inutilement
compassionnels, mais des faits, des chiffres, une étude aux sources
vérifiables et vérifiées, une description de l'implacable
mécanique d'extermination mise en œuvre par l'occupant
nazi. L'émotion n'en est que plus forte. C'était
il y a un demi-siècle, c'était hier. Chez nous.
Je tiens à saluer ici la contribution de Jean Camille Bloch. Avec les
ouvrages d'Albert Fah qui dressa il y a quelques années le martyrologe
des déportés et résistants vosgiens, le sien éclaire
et complète la somme des crimes et des horreurs du siècle passé.
Puissent ces livres œuvrer à la construction et à la transmission,
douloureuses, d'une mémoire vosgienne. C'est le socle indispensable
de notre identité, de notre destin commun.
Christian PONCELET,
président du Sénat, président du Conseil Général des Vosges.
Plan de l'ouvrage (abrégé)
Première Partie – Le Processus d'Élimination
Chapitre I - La présence juive dans les Vosges
Chapitre II - Identification – Localisation
Chapitre III - Marquage – Humiliation
Chapitre IV - Précarisation – Spoliation
Chapitre V - Le bilan des arrestations
Chapitre VI - Journal des arrestations dans les Vosges
Chapitre VII - Arrestations en dehors des Vosges
Chapitre VIII - Le camp de Vittel
Chapitre IX - La déportation
Chapitre X - Journal de la déportation dans les Vosges
Deuxième Partie – Le Martyrologe
Chapitre I - Martyrologe des juifs des Vosges
Chapitre II - Martyrologe des communes des Vosges
Chapitre III - Mémorial par commune française |
Note sur l'auteur
Jean Camille BLOCH, né près de Strasbourg, en 1946,
a effectué toute sa carrière d'ingénieur
dans la sidérurgie internationale.
Descendant d'une grande famille implantée en Alsace et
dans les Vosges depuis plus de trois siècles - famille
décimée, comme beaucoup d'autres, par les nazis
- il s'est spécialisé depuis de nombreuses années
en histoire et en généalogie des communautés
juives alsaciennes et vosgiennes.
Il est également délégué, pour les
Vosges et l'Alsace, de l'association internationale de généalogie
juive "GenAmi".
| |
Extraits du livre
I.3. Marquage – Humiliation
Parallèlement
au repérage et à la localisation des juifs, la stratégie
des Allemands consiste à les désigner aux yeux des autres citoyens
comme les responsables de tous les malheurs de la France et du monde.
Trois mesures discriminatoires et humiliantes, initiées par l'administration
allemande, sont mises en œuvre avec sévérité par
le gouvernement de Vichy.
I.3.1. Marquage des commerces juifs
Dès le 27 septembre 1940, le marquage des commerces juifs est ordonné
par l'occupant. Il entre en application dans les Vosges, dès la mi-octobre
1940. Le commandant MEIXNER précise, par lettre du 16 octobre 1940,
adressée au préfet des Vosges :
"La désignation d'affaires juives, qui doit, en première ligne,
englober tous les magasins de vente et hôtels, restaurants, cafés,
se fait par la pose d'affiches à l'intérieur de chaque devanture
(si celles-ci n'existent pas, à d'autres endroits bien visibles)."
I.4. Précarisation - Spoliation
Au total, nous avons répertorié 663 dossiers de biens.
Seuls 561 dossiers sont identifiés par un administrateur provisoire
responsable, représentant en valeur 86,7 % des dossiers répertoriés,
soit environ 150 millions de francs de l'époque (41,2 millions d'euros).
Les 102 dossiers, dont nous n'avons pas retrouvé l'administrateur
provisoire responsable, sont évalués, en fonction de leur
contenu, à 23 millions de francs de 1940 (6,3 millions d'euros).
Les biens mis entre les mains des administrateurs provisoires se répartissent
comme suit, par nature :
- 291 biens immobiliers (immeubles et habitations individuelles)
- 136 commerces de plus ou moins grande importance
- 118 terrains pour tous usages (agricoles ou constructibles)
- 30 fermes et exploitations agricoles
- 27 usines et manufactures
- 18 forêts et bois
- 15 portefeuilles d'actions, titres, créances
- 12 stocks de marchandises
- 6 successions
- 4 hôtels
- 3 ensembles de mobilier
- 2 ensembles de biens indéterminés
- 1 usufruit.
Les administrateurs provisoires sont cités
par ordre d'importance décroissante du montant des biens à
spolier.
I. 5. Bilan des arrestations dans les Vosges
décédés en camps d'extermination |
956 |
78,2 % |
survivants des camps d'extermination |
8 |
0,7 % |
morts dans un camp de transfert |
43 |
3,5 % |
fusillés |
3 |
0,2 % |
sort inconnu |
98 |
8,0 % |
libérés |
93 |
7,6 % |
évadés ou en fuite |
22 |
1,8 % |
|
Total |
1 223 |
100,0 % |
|
Total des décès confirmés |
1002 |
81,9 % |
Total des rescapés ou
survivants confirmés |
123 |
10,1 % |
1 223 personnes juives, au minimum, ont fait
l'objet d'une arrestation.
- Les familles juives résidantes ou réfugiées dans
les Vosges : 742 personnes.
(Ce chiffre est à rapprocher du recensement du 20 juin 1942
: 924 personnes).
- Les familles juives rescapées des ghettos polonais, transférées
au camp de Vittel : 334 personnes.
(Nous reviendrons plus loin, dans un paragraphe spécifique,
sur le cas particulier du camp de Vittel et de ses internés).
- Les familles juives vosgiennes, réfugiées en dehors des
Vosges : 74 personnes.
- Les familles juives vosgiennes, arrêtées en un lieu inconnu
: 73 personnes. (Ce lieu peut être vosgien).
La sinistre contribution aux mesures anti-juives peut être quantifiée,
au minimum, à 1 002 victimes vosgiennes ou réfugiées
dans les Vosges, qui perdent la vie.
115 personnes échappent de très peu à la mort, soit en
réussissant à s'échapper, soit en bénéficiant
de la libération des camps d'Écrouves et de Vittel, par les
troupes alliées.
8 personnes survivront, par miracle, aux camps d'extermination.
I.8. Le camp de Vittel
I.8.5. Les Juifs polonais du camp de Vittel (extrait)
(rescapés et combattants de Varsovie et Lodz)
-
Sort des internés juifs du
camp de Vittel
Déportés |
237 |
Décédés à Vittel |
18 |
Trace perdue à Drancy |
12 |
Sort incertain |
38 |
Libérés ou échangés |
22 |
Total 334 |
|
|
AJZENSTADT Félix, évadé, sauvé.
- AJZENSTADT Marceli, 10 ans.
- AJZENSTADT Romana, 35 ans.
- BERGER Abraham, 36 ans.
- BERGER Eugénia, 19 ans.
- BAUMINGER Héléna Khaia, sauvée.
- GEHORSAM Abraham, 37 ans, époux d'Héléna.
- BAUMINGER Kalman, 69 ans.
- SHEINBLUM Amalia Malka, 67 ans, épouse de Kalman.
- BAUMINGER Yoel, médecin, fils de Kalman et d'Amalia,
38 ans, se suicide à Vittel.
- KOHEN Bluma, 25 ans, épouse de Yoel, se suicide à Vittel.
- BAUMINGER Léon, 36 ans.
- STEMPEL Laja, 29 ans, épouse de Léon.
- BAUMINGER Martin, on perd sa trace à Drancy, sort incertain.
- BAZES Stéfania, 29 ans.
- FAKLER Szyja, 38 ans, époux de Stéfania.
- FAKLER Henryk, 4 ans, fils de Szyja et de Stéfania.
- BELENKI Sara Sonya, née en URSS, 53 ans.
- MALKOWSKI Saveli, 61 ans, époux de Sara Sonya.
- MALKOVSKI Moshé Maurice, Palestinien, fils de Saveli et
de Sara, 19 ans.
- BENJACOB Tamar Tatania, épouse de Moshé SCHORR, 58 ans,
se suicide à Vittel.
- BERGLAS (ou BERGLUZ) Atta Rita, épouse RAPPAPORT,
27 ans.
- BERGLAS (ou BERGLUZ) Chaim Leib, rabbin, 31 ans.
- BLUMENKOPF Aron, 59 ans.
- KANDEL Rywka, 58 ans, épouse d'Aron.
- BLUMENKOPF Juda Leib, fils d'Aron et de Rywka, 36 ans.
- BLUMENKOPF Nuchim Nathan, fils d'Aron et de Rywka,
27 ans, tentative de suicide à Vittel.
- BLUMENKOPF Ruchla Rozia, fille d'Aron et de Rywka,
29 ans.
- BLUMENKOPF Chaya, fausse identité, on perd sa trace
à Drancy, sort incertain.
- BLUMENKOPF Christina, 5 ans, fausse identité.
- BLUMENKOPF Hélène, fausse identité, on perd sa
trace
à Drancy, sort incertain.
II. 1. Le martyrologe des Juifs des Vosges (extraits)
Plus de 1200 noms
- ABOSCH Adolf
- Né le 5 octobre 1893 à Nadworna (Pologne), fils de Michael
et de Selma GRAUER, commerçant, époux de Recha. Réfugié
et arrêté à Saint-Dié-des-Vosges, déporté
au mois de février 1943 à Auschwitz.
Liste des victimes d'Auschwitz, page 6265/1943. Témoignage
de son neveu Heinz Abosch, le 28 novembre 1993.
- ABOSCH Susi
- Née le 15 avril 1920 à Magdebourg (Allemagne), fille
de Gustav et de Gittel WEINER. Réfugiée à Saint-Dié-des-Vosges,
arrêtée à Paris, déportée le 19 juillet
1942 à Auschwitz, convoi n° 7.
Mémorial de la déportation des juifs de France. Témoignage
de son frère Heinz Abosch, le 27 septembre 1993.
- ABRAHAM Renée, épouse Lucien SAMUEL (D*)
- Née le 4 novembre 1895 à Metz (Moselle), fille de Louis
et de Palmyre, demeurant 19 rue des Remparts à Rambervillers où
elle est arrêtée, le 15 mars 1944, internée à
Écrouves, déportée le 13 avril 1944 à Auschwitz,
convoi n° 71.
Archives de la préfecture des Vosges. Mémorial de la
déportation des juifs de France. Témoignage de sa nièce
Arlette Woliner, le 26 mai 1999.
- ABRAMOWITCH Herschel, dit HERRMANN
- Né le 25 septembre 1888 à Kilia (Roumanie), créateur
d'une petite entreprise de tricotage, demeurant et arrêté
à Épinal, déporté le 2 mars 1943 à
Auschwitz, convoi n° 49.
Archives de la préfecture des Vosges. Mémorial de la
déportation des juifs de France.
- ACH Fernande, épouse André PICARD (D*)
- Née le 18 juillet 1905 à Mackenheim (Bas-Rhin), fille
de Samuel et de Mathilde DREYFUSS, demeurant 12 Grand'Rue à Horbourg,
réfugiée et arrêtée le 18 novembre 1943 à
La Salle (Vosges), internée à Écrouves, déportée
le 13 avril 1944 à Auschwitz, convoi n° 71.
Archives de la préfecture des Vosges. Mémorial de la
déportation des juifs de France. Témoignage de son neveu
Jean-Claude Ach, le 6 février 2000.
- ADLER Ruth
- Née en Pologne, internée au camp de Vittel. Sauvée
par échange de prisonniers, rejoint la Palestine.
Archives du Centre de documentation juive contemporaine. Témoignage
de Madeleine Steinberg.
- AJZENSTADT Félix
- Né en Pologne, interné au camp de Vittel. S'évade
du camp le 17 avril 1944.
Archives du Centre de documentation juive contemporaine. Témoignage
de Madeleine Steinberg.
- AJZENSTADT Marceli, enfant, 11 ans
- Né le 10 mai 1933 à Varsovie (Pologne), interné
au camp de Vittel, déporté le 29 avril 1944 à Auschwitz,
convoi n° 72.
En possession de documents d'immigration du Pérou.
Mémorial de la déportation des juifs de France. Archives
du Centre de documentation juive contemporaine.
- AJZENSTADT Romana
- Née le 27 août 1908 à Varsovie (Pologne), internée
au camp de Vittel, déportée le 29 avril 1944 à Auschwitz,
convoi n° 72.
En possession de documents d'immigration du Pérou. Probablement
maman de Marceli.
Mémorial de la déportation des juifs de France. Archives
du Centre de documentation juive contemporaine.
- ALKAN Colette
- Née le 5 juillet 1908 à Remiremont (Vosges), déportée
le 7 mars 1944 à Auschwitz, convoi n° 69.
Mémorial de la déportation des juifs de France.
- ALLEMAND Claudine Germaine, épouse LÉONARD
- Née le 31 mai 1913 à Saint-Dié-des-Vosges, déportée
le 20 juillet 1942, convoi n° 8, décédée le 6
avril 1945 à Ravensbruck.
Journal officiel de la République française, 226/1994.
- ALTER Yokheved, épouse Alexander FRANKEL
- Née le 7 juin 1905 à Kalvaria (Pologne), fille de Meïr
et de Tauba, internée au camp de Vittel, déportée
le 29 avril 1944 à Auschwitz, convoi n° 72. En possession de
documents d'immigration du Paraguay.
Mémorial de la déportation des juifs de France. Archives
du Centre de documentation juive contemporaine.
II. Témoignages (extraits)
Témoignage inédit d'un réfugié
de Housseras,
Monsieur Jean-Claude WORMS le 22 janvier 2007
"Nous vivions à Courcelles-Chaussy dans la banlieue de Metz, quand
il fallut prendre le chemin de l'exil.
Mon père, qui était marchand de chevaux, avait été
fait prisonnier et nous sommes partis sans lui, maman, mon grand-père
Adolphe LÉVY, ma grand-mère Rose née MEYER, ma tante
Yvonne LÉVY, et moi.
Papa, qui avant guerre commerçait avec Monsieur CERF de Rambervillers,
nous avait réservé, sur les conseils de ce dernier, pour le
cas où ce serait nécessaire, une petite maison abandonnée
dans un village retiré des Vosges où nous serions en sécurité,
à Housseras.
A l'époque, les adultes de ma famille étaient persuadés
que les Allemands n'iraient pas plus loin que la Moselle…
Personne n'ayant le permis de conduire, tante Yvonne pris le volant, un
voisin lui enclencha la 2ème vitesse et nous avons effectué
les 170 kms qui nous séparaient d'Housseras sans jamais changer de
vitesse, ne serait-ce qu'une seule fois…
Jusqu'à l'arrestation de ma famille, je ne garde que de bons souvenirs
d'Housseras. Nous avons été bien accueillis par la population
de ce village paisible de bûcherons et d'agriculteurs. La famille
CONRAD, à qui appartenait la maison où nous logions, était
aux petits soins avec nous, bien que connaissant notre situation. Tous les
habitants étaient sympathiques et, malgré les restrictions,
nous ne manquions de rien d'essentiel, sauf de la présence de mon
père dont nous avions appris l'évasion.
J'avais à peine 7 ans, le 14 mars 1944 au matin, lorsque maman, je
ne sais par quelle prémonition, me mit sur sa bicyclette pour aller
faire quelques emplettes à Rambervillers à 8 kms d'Housseras.
Au retour, dès les premières maisons d'Housseras, les villageois
nous avertirent que les Allemands, accompagnés de gendarmes français,
avaient effectué une rafle dans le village.
Nous nous sommes précipités dans notre maison, elle était
vide, mes grands-parents, ainsi que tante Yvonne, avaient été
arrêtés et conduits au camp d'Écrouves. Ils furent internés
deux semaines à Écrouves, affectés à la fabrication
de matelas. Nous le savons car ils ont pu nous faire parvenir une lettre.
Le 30 mars, ils quittèrent Écrouves pour le camp de Drancy
où ils restèrent également deux semaines avant d'être
dirigés sur Auschwitz, par le convoi numéro 71 du 13 avril
1944, qui arriva à Auschwitz le 16 avril. Nous ne les avons jamais
revus.
Une longue errance commença alors pour maman et moi. Papa réussit
à nous retrouver et nous nous sommes installés à Flacé-les-Mâcon
(Saône-et-Loire) où mon père loua une petite maison
de campagne. Ce que nous ignorions c'est qu'elle appartenait à un
dignitaire de la milice de Lyon. Lorsque ce dernier fut prévenu qu'il
hébergeait des juifs, nous avons du fuir devant la gestapo qui recherchait
mon père. Papa dût, pour s'échapper et nous protéger,
tuer une sentinelle allemande, ce qui aggrava encore notre situation. Nous
avons passé des semaines allant de ferme en ferme, mon père
qui était un homme de la campagne, se liait naturellement avec les
éleveurs. Notre fuite nous amena à Claveyson dans la Drôme,
où les habitants de Courcelles-Chaussy avaient été
évacués. Nous y avons retrouvé le curé de notre
village, l'abbé AMAN, qui exerçait les fonctions de secrétaire
de mairie. Cet homme de courage et de cœur qui connaissait parfaitement
nos convictions, nous établit de fausses cartes d'identité
au nom de MANGIN. C'est ainsi, sous de faux noms, que nous avant attendu
la libération dans un petit village de Saône-et-Loire à
La Salle.
Mon père étant activement recherché, il est certain
que le curé AMAN nous sauva la vie. J'ai tenté d'obtenir pour
lui la reconnaissance de "Juste parmi les Nations", mais, malheureusement,
je suis à présent le seul témoin survivant et ce n'est
pas suffisant pour étayer le dossier de demande pour cette distinction.
C'est avec difficulté et le cœur empli de chagrin, malgré
les années, que je vous livre mon témoignage."