Les Juifs se répartissent dans trois centres principaux. Le plus petit d'entre eux, est LARISSA qui, avec ses 500 Juifs, est la seule ville grecque ayant encore des Juifs relativement pratiquants et instruits.
Puis vient SALONIQUE (Thessalonique, comme on l'appelle aujourd'hui), détrônée,
meurtrie, mais qui reste le centre juif le plus riche, et aide à l'entretien
des autres communautés. Enfin, ATHENES, où se sont réfugiés
les Juifs grecs d'un peu partout, et qui semble devoir occuper dans la vie
juive, une place de plus en plus importante. Dès maintenant, elle compte
3 à 4.000 Juifs.
Tout reste à reconstruire, partout. Après la guerre, suivie
de la guerre civile, les Juifs comme les autres, ont éprouvé
un grand besoin de détente, d'oubli, de plaisir facile. Ils se sont
lancés dans les affaires, ont essayé de construire un foyer,
et seule, une petite poignée de fidèles, continue à graviter
autour de la synagogue.
Peut-être, est-ce le nombre de plus en plus élevé de mariages mixtes, qui a jeté l'alarme - en tous cas, on s'avisa brusquement qu'il fallait faire quelque chose si l'on ne voulait pas voir le judaïsme grec disparaître entièrement. Que faire? S'occuper des jeunes enfants bien sûr, - mais locaux et cadres manquaient, et les jeunes, terriblement assimilés, se perdaient dans la foule et ne se connaissaient pas entre eux.
ATHENES aussi, a sa colonie estivale, en plus de cela, un jeune couple dynamique et courageux, essaye de grouper et d'intéresser les jeunes de plus de 18 ans. Pour eux, après maintes recherches, a été loué et meublé avec élégance, un appartement au Centre même de la ville, dans le quartier des Ambassades. C'est le "CLUB DE JEUNESSE ISRAELITE", celui-là même qui abrita notre turbulent groupe J. J. E. durant tout son séjour à Athènes. Radio - bibliothèque - fauteuils moelleux - bar - cuisine - frigidaire - appareils de projections de films, tout est là, pour offrir aux jeunes les mêmes tentations qu'ailleurs. Et, argument suprême de propagande vis-à-vis des familles, les amitiés qui se nouent là, finissent souvent par des mariages. Sept mariages en deux ans. Or, quel que soit l'éloignement apparent des familles juives, c'est avec un grand soupir de soulagement qu'on annonce "Mon fils se marie Dieu merci, avec une Juive".
Causeries, films, danses, excursions, dîners en commun, réunissent les jeunes. On espère, peu à peu, leur offrir un programme culturel où les sujets juifs prédomineront : des réunions ou dîners à l'occasion des fêtes qui auront en plus de ce caractère amical qui fait leur charme, un caractère religieux qui leur manque. Mais les orateurs sont rares et la documentation offerte arrive soit en français, soit en hébreu, tous deux sont, malgré tout, des langues étrangères. Peu à peu, on espère aussi faire retrouver aux jeunes juifs le chemin de la synagogue. Ils y vont bien, pour les grandes fêtes, mais s'y ennuient ferme, car rares sont ceux qui savent suivre un office.
II faut le dire ici, et le dire bien haut : nous pouvons difficilement imaginer une Communauté juive, qui nous eut accueillis avec plus de chaleur, plus d'honneurs, que ne le firent les communautés grecques. Une famille recevant les siens en visite, ne pourrait foire plus, qu'on ne fit pour notre groupe de 39. Rien ne semblait assez bon, assez beau, assez coûteux à leurs yeux, pour rendre notre séjour parmi eux, agréable et facile.
L'accueil à SALONIQUE en particulier, restera pour nous tous, inoubliable.
Comme dans la Hagada,
il nous faut répéter :
Si la Communauté nous avait accueillis à la gare à 1
heure du matin, sans mettre 9 taxis à notre disposition, cela nous
eût suffi.
Si elle nous avait accompagné au bord de la mer, sans nous aider à
nous installer, cela nous eût suffi.
Si elle nous avait loué 9 taxis sans nous accompagner à 25 km
de là, au bord de la mer, cela nous eût suffi.
Si elle nous avait installés, sans nous nourrir durant tout notre séjour,
cela nous eût suffi.
Si elle nous avait nourris, sans veiller sans cesse sur notre bien-être,
cela nous eût suffi.
Si elle avait veillé sur notre bien-être, sans finir par nous
inviter tous à un magnifique banquet, cela nous eût suffi.
Si elle nous avait invité à un banquet, sans nous promener le
lendemain en autocar, cela nous eût suffi.
Si elle nous avait promenés à travers Salonique, sans nous mettre
dans le train, cela nous eût suffi.
Si elle nous avait mis dans le train, sans nous accompagner avec des bouquets
de fleurs, cela nous eût suffi, et
Si elle nous eût accompagnés avec des fleurs, sans nous remercier
d'être venus et vous inviter à votre tour... avons-nous encore
le droit de dire DAJENOU.
En effet, nous sommes chargés de vous dire à tous que "que
rien que parce que vous avez mêlé vos prières aux nôtres,
votre bonne humeur à la nôtre, votre excursion devait être
faite, elle a été pour nous précieuse et éducative".
(Discours du Président de la Communauté.) Le Grand Rabbin FUKS,
très ému, en notre nom à tous, répondit ce que
nous avions pensé, sans pouvoir le formuler, que "Nous étions
venus en Grèce chercher des pierres et nous y avons trouvé des
cœurs".
Après avoir goûté à cette hospitalité si
vraiment juive, senti cet immense amour pour ISRAEL, ce sens de la fraternité
juive — comment dans de telles conditions ne pas être assurés
que le judaïsme grec, renouera un jour, bientôt, avec un passé
qui fut glorieux entre tous.
R. F.
Photographies du voyage en Grèce : © Esther Fuks-Cohen