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Du Moyen-âge à la Révolution
A Mulhouse, ville impériale, massacres et spoliations.
Mulhouse n'était encore qu'une petite ville. Ses bourgeois
venaient d'échapper à la tutelle de l'évêque de Strasbourg
et d'entrer dans le sein de l'Empire Romain Germanique.
Elle allait devenir ville libre. C'est alors qu'apparaît,
daté de 1290, le premier document qui signale la présence
des Juifs à Mulhouse. Il est possible qu'ils y soient
arrivés, comme dans les autres possessions de l'évêque de
Strasbourg, au cours du 12ème siècle.
L'Histoire de la première communauté de Mulhouse (13ème
s.-début 14ème s.) est fort mal connue. En 1278, Rodolphe
de Habsbourg avait fait don à l'évêque de Bâle des Juifs
des diocèses de Strasbourg et de Bâle. Mulhouse
appartenait à ce dernier et ses Juifs entrèrent peut-être
dans cette libéralité. Cette mesure n'avait cependant
qu'une valeur fiscale. Les Juifs devaient en effet payer
des impôts particuliers au seigneur à qui ils
appartenaient. C'est toutefois l'Empereur lui-même
Rodolphe de Habsbourg, qui, en 1290, selon un document
conservé aux Archives de Mulhouse, intervint à propos des
Juifs de Mulhouse.
Cette année-là, les bourgeois de la ville se seraient
rendus coupables d'un massacre des Juifs qui demeuraient
parmi eux. Rodolphe, alors à Erfurt, loin de sévir, libéra
les assassins d'une somme de 200 marcs d'argent qu'ils
devaient à l'une de leurs victimes, Salmann de Neuenburg.
Cet événement, dont les chroniqueurs ont, certainement
exagéré les proportions, donne le caractère de la plupart
des documents que nous possédons sur l'Histoire des Juifs
de Mulhouse au long du Moyen-âge.
En 1338, après les massacres opérés par des bandes de
paysans, sous la direction d'un cabaretier de Colmar, Jean
Zimberlin, surnommé Armleder, et malgré les efforts de
l'Empereur Louis de Bavière et de Berthold, évêque de
Strasbourg, massacres auxquels les Juifs de Mulhouse
n'avaient pas échappé, l'Empereur fit don aux bourgeois de
la ville des maisons, cours, gages et biens des victimes
en même temps qu'il annulait les dettes. Plusieurs villes
d'Alsace furent en 1347, le théâtre de nouveaux massacres
de Juifs, et de pillages. Il en fut ainsi de Mulhouse, et
l'Empereur Charles IV s'empressa d'accorder aux bourgeois
persécuteurs son pardon et la libération de leurs dettes.
Il semble toutefois que les Juifs de Mulhouse échappèrent
aux terribles persécutions qui décimèrent le Judaïsme
d'Alsace à la suite de la fausse accusation de
l'empoisonnement des puits et de la Peste Noire (1349).
Aucune preuve non plus qu'ils aient été alors chassés de
la ville comme ils le furent de la plupart des villes
d'Alsace. Dans la suite, l'Histoire ne doit plus rappeler
qu'une persécution des Juifs à Mulhouse. Au retour de la
guerre contre Charles-le-Téméraire, en 1477, les Suisses
passant par là, expulsèrent tous les Juifs, pillèrent
leurs demeures et partagèrent leurs biens.
Mais les bourgeois de la ville devaient avoir trouvé leur
compte à garder leurs Juifs. Les impôts que ceux-ci
payaient étaient très lourds. A plusieurs reprises,
l'Empereur tâcha, mais en vain, de s'emparer de cette
source de revenus (1385-1390; 1457) . Les bourgeois de
Mulhouse lui opposèrent un vieux privilège selon lequel
les impôts des Juifs appartenaient à la ville. Ils y
avaient droit de résidence depuis la fin du 13ème jusqu'au
début du 16ème siècle et, par suite, la faculté d'acquérir
des immeubles. Les charges fiscales qui pesaient sur eux
étaient telles qu'un fonctionnaire impérial crut devoir en
avertir Frédéric II (1454), ce qui n'empêcha pas celui-ci
de prétendre lever sur eux un impôt pour les fêtes de son
couronnement, impôt qu'ils ne purent cette fois pas
acquitter.
Seul, le règne de Robert de Bavière permit aux Juifs de
Mulhouse de connaître un court répit. En 1404, il leur
accorda, ainsi qu'à leurs coreligionnaires de quelques
autres villes d'Alsace des lettres de franchise. Ils
pouvaient désormais devenir eux-mêmes bourgeois de la
ville.
La fin de la première Communauté.
On connaît l'emplacement de deux synagogues de Mulhouse au
long du Moyen-âge (13ème et 15ème siècles). Elles
étaient situées, toutes deux dans l'actuelle rue du
Sauvage l'une au n° 28, l'autre à l'ancien n° 14, aujourd'hui incorporé aux Galeries de Mulhouse. De ce côté, en
effet, demeuraient surtout les Juifs, sans qu'il y eut
jamais eu à proprement parler de quartier juif.
Numériquement la communauté fut, apparemment, toujours
faible. Après l'expulsion des Juifs de France (1394)
quelques-uns vinrent y chercher asile.
C'est peut-être de
France (Pamiers ?) qu'était originaire Rabbi Jehouda Pams (1) dont la générosité sauva du massacre Ies Juifs de
Colmar en 1476. Rabbi Moyses, en 1477, dirigeait la
communauté de Mulhouse et représentait officiellement les
Juifs de la Haute-Alsace. Il est à plusieurs reprises
question de "schuolmeister" maîtres d'école ou
serviteurs du culte. La tradition place à Mulhouse (2) la
naissance de Rabbi Lipmann Yom Tov Mulhausen qui vécut à
Prague, où il écrivit, en 1399, un important ouvrage de
polémique intitulé: "Sefer Nizachon" (Livre de la
Victoire) auquel de nombreux savants chrétiens et non
des moindre ne dédaignèrent pas de répondre. Très répandue
parmi les Juifs, la première édition imprimée de ce
travail ne date que de 1644 (Altdorf).
Au 15ème siècle, la population juive de Mulhouse, pour des
raisons ignorées, se mit à diminuer progressivement. Au
début du 16ème siècle, il ne restait plus qu'une famille.
Et lorsque, en 1515, Mulhouse entra dans l'alliance des
Cantons Suisses, il n'y avait plus de Juifs dans la ville.
Il est donc assuré que la Réforme, n'y ayant été prêchée
qu'en 1523, n'eut aucune part à cette disparition (3).
- Un des fils de Jehouda Pams épousa une fille du fameux
Joselin de Rosheim, descendant de Rachi, "commandant et
gouverneur" (Befehlshaber und Regisrer) des Juifs de
l'Empire.Retour au texte
- Certains prétendent qu'il s'agirait de Mühlhausen,
en Thuringe. Retour au texte
- La Synagogue de la rue de l'Hôpital (rue du Sauvage
actuelle) est encore citée en 1548, sans propriétaire. La
vente en a dû s'effectuer entre cette année et 1550.
Toutefois, on trouve encore les traces, en 1584, de la
"Judenshul", à l'occasion de la vente d'une maison qui
"touchait par derrière au Judenschulgarten ("Jardin de la
Synagogue"). Six années plus tard la même maison était
achetée par le bourgeois manant Jakob Schick.
Un fait est certain : les Juifs ont disparu à Mulhouse,
par extinction, avant la réforme. Cela ne signifie pas
qu'une cinquantaine d'années plus tard -les preuves
formelles manquent- l'un ou l'autre n'ait pu y demeurer
passagèrement.
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