Cette
synagogue où j'ai grandi, c'était mon lieu, ma schule...
Je me rappelle tous ces samedis matins, où dès mon plus jeune
âge, je trottais derrière mon père pour essayer de suivre
son pas, rejoignant le passage de la Place de la Concorde, pour arriver, enfin,
à l'office du samedi matin, car mon père n'admettait pas qu'on
puisse arriver en retard et manquer le début des prières.
1976 - le Rabbin Weill en chaire |
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M. Jolles, ancien bedeau |
Michel Rothé le jour de sa bar mitswa |
Je revois ces grands versets, peints sur les murs, parmi lesquels, "Ma tovou ohaleekha Yaakov" ("Que tes tentes sont belles, ô Jacob !"), que je contemplais avec une admiration qui s'adressait à tout l'édifice.
Le Rabbin Weill prononçait ses sermons du haut de sa chaire, trônant au-dessus de nous tous, et nous impressionnant par sa position stratégique.
Et le souvenir du jour où je fis ma bar-mitsva ! Dans cette synagogue, qui pour l'occasion était presque pleine, j'ai lu en totalité les sections de la Torah Aharei Moth et Kedoshim, ainsi que la Haftara. C'était exceptionnel à Mulhouse pour un jeune bar-mitsva, et les membres de la communauté me considéraient déjà comme un futur rabbin.
Et ce jour de juin 67, cette mobilisation hors du commun en faveur d'Israël, qui avait rempli la synagogue, dans un sentiment de solidarité sans partage !
Je me rappelle aussi, à cette époque, des premières tentatives des jeunes du mouvement Bnei Akiva dont je faisais partie, pour faire supprimer l'orgue le Shabath. Nous avions sectionné le câble qui reliait le pupitre du 'hazan (chantre) à l'ampoule qui devait s'allumer auprès de l'organiste pour lui signaler qu'il était temps d'attaquer le morceau suivant !
J'entends encore notre 'hazan, notre chantre, le regretté Maurice Gutmann, se racler la gorge en crescendo successifs, pour bien faire comprendre à l'organiste qu'il devait se remettre à jouer !
Je me rappelle de ce jour de Rosh Hashana (le Nouvel An) où pour la première fois je participai à l'office des Yamim Noraïm (Jours de Pénitence). Monsieur Louis Rosen, qui sonnait habituellement le shofar, était malade, et je me suis retrouvé "Baal Tokéa" (sonneur), tremblant de trac et d'appréhension.
Comment oublier Monsieur Charles Jollès, notre shamash (bedeau), avec son bicorne et son sourire, qui venait nous souffler un "shhhth" appuyé, pour exiger le silence ?
Et comment oublier, les lumières chatoyantes qui pénétraient dans notre shoule, à travers les vitraux, au début de l'après-midi de Yom Kipour ?
J'entends encore les cloches du temple protestant voisin, qui sonnaient durant nos prières, ainsi que la voix du Pasteur Morel (depuis lors, Médaillé des Justes), qui, à la sortie de son propre office, venait me souhaiter "Shabath Shalom", et s'appliquait à me dire quelques mots en hébreu, langue que nous étudiions ensemble au Centre communautaire, sous la férule de Monsieur Charles Perez.
Comment oublier le jour où une panne de courant avait privé le bâtiment d'électricité, alors qu'on célébrait un mariage ! Je me suis retrouvé juché sur les deux pédales de l'orgue pour y faire le travail "manuellement" (avec les pieds !). Et ceci avec d'autant plus de zèle amusé, que selon mon bon vouloir, j'accélérais ou je ralentissais le rythme des tuyaux, exerçant ainsi mon influence sur l'exécution musicale !
Je me souviens aussi d'une jeune Claudine Lazare, qui venait avec ses parents pour prier, à l'occasion de toutes les fêtes. Quelques années plus tard, j'ai retrouvé Claudine à
M. Edgar Rothé za"l |
La synagogue est aussi liée au souvenir de mon père, après lequel je courrais toujours. Il a assumé, pendant de nombreuses années, la fonction d'administrateur de la communauté de Mulhouse, et s'est dépensé sans compter pour veiller à ce que tout se fasse dans les règles les plus strictes : les airs à chanter, les coutumes à observer, l'ordre de préséance à respecter pour ceux qui étaient appelés à la Torah...
C'est à mon père, de mémoire bénie, que je dois mon intérêt pour le judaïsme en général, et pour le judaïsme alsacien en particulier. Je veux ici l'en remercier. |