La synagogue "Chopin" : une synagogue alsacienne ?
par Michel Lévy


La synagogue Ohel Nehama rue Chopin. - © M. Rothé
Chopin
A l'époque biblique, lorsque l'homme voulu rendre grâce à son Créateur, il lui offrit des sacrifices. Une querelle sur la qualité de leur sacrifice respectif opposa Caïn et Abel avec la suite que l'on sait.
Cette pratique durera jusqu'à la sortie d'Egypte au début de laquelle chaque famille construira son autel. Mais après la faute du veau d'or, D. ordonne à Moïse de construire un lieu de culte, démontable, que les Hébreux installeront à chaque étape de leurs pérégrinations dans le désert. Et parallèlement D. confie à Aaron, frère de Moïse, la prêtrise.

Bien plus tard, après leur installation sur la terre d'Israël, les Hébreux recevront l'ordre divin, de construire le Temple à Jérusalem, où les descendants d'Aaron offriront les sacrifices et dirigeront le culte.

On fait remonter à cette époque l'origine de la synagogue, lieu de culte peut-être pour ceux qui ne pouvaient se rendre au Temple, encore qu'il semble qu'il y ait eu un lieu de prière dans les dépendances du Temple lui-même.
On ne trouve pas de prescription de l'établissement de la synagogue dans les écritures.

Mais c'est surtout après la destruction du premier Temple par Nabuchodonosor (586 avant notre ère) que la synagogue prend son essor. Les Hébreux sont pour une grande part emmenés captifs en Babylonie, et y créent des lieux de culte. "Synagogue" vient du grec “assemblée”. Comme sur ces lieux de rassemblement on se livre également a l'étude, la synagogue prend aussi le nom de “schola” que l'on retrouvera sous diverses formes au cours des siècles dans les langues européennes. La variante allemande schuhl perdurera jusqu'aujourd'hui sous sa forme yiddish shuhl pour designer ce qui en hébreu est appelé “beith haknesseth” , maison de l'assemblée et en français synagogue, shuhle, ou shoule.

Il faut en effet une assemblée de dix hommes ayant atteint l'âge de la bar-mizwah (majorité religieuse) pour célébrer un office. Où qu'ils se trouvent dans le monde, les Juifs ont donc toujours créé des synagogues pour y célébrer leur culte. Il peut s'agir d'un local sommairement aménagé, ou d'un imposant temple comme l'Emanuel Temple de New-York ou la synagogue Donahy de Budapest avec ses 3000 places.
Le rite peut être orthodoxe ou libéral, ashkenaze ou sepharade, les synagogues ont toutes un “air de famille”, chacune ayant ses particularités.

Pour les Alsaciens (et Alsaciennes !) qui se sont installés à Jérusalem, la question de créer un lieu de culte de rite alsacien ne s'est jamais posée.
D'abord parce qu'il n'y a pas vraiment de “rite alsacien” (il y a tout au plus une liturgie alsacienne, qui est en fait celle des communautés rhénanes).
Et parce qu'avec ses quelques 600 synagogues, l'offre de Jérusalem dépasse la demande.

Cérémonie de la pose de la première pierre de la synagogue. On reconnaît (assis à partir de la gauche) : le rabbin Messas, grand rabbin sefarade de Jérusalem, Y. Duek, Teddy Kollek, ancien maire de Jérusalem.
Un noyau d'immigrants alsaciens s'étant installé à proximité du “Foyer de l'Etudiant” des années 1960, adhéra tout naturellement à la synagogue qui y existait. Lorsque, fin des années 1970 le foyer fut détruit, l'association Maaloth qui gérait la synagogue construisit son propre bâtiment, rue Chopin et l'appela "Ohel Nehama".

Les Alsaciens qui avaient fait partie du premier noyau avaient entre-temps fait venir leurs amis et le groupe de français qui prie aujourd'hui “à Chopin” est ainsi devenu très important, au point que certains à Jérusalem croient que rue Chopin se trouve “la choule des Français” et qu'à Strasbourg, on la désigne comme la "synagogue des Alsaciens" !

Il est vrai que les Alsaciens y sont très actifs, et qu'au comité administratif actuel on remarque des natifs de Mulhouse, de Muttersholz ou de Strasbourg. On y trouve aussi un cours bi-hebdomadaire de pensée juive en français, dispensé par d'éminents professeurs ayant des racines en Alsace.

Quelquefois le Kidoush, (la sanctification du vin) qui suit la prière du matin sera accompagné de quelques "zemetkeuch" et l'on verra surgir un des fidèles avec une bouteille d'alcool bien connu du Val de Villé, et des petits verres, mais ce sera pour le plus grand bonheur de tous les participants, d'où qu'ils viennent….

De tout Jérusalem, et dans un local devenu shuhle d'un jour, les Alsaciens se retrouvent une fois par an, le deuxième jour de la fête de Rosh Hashana, (le nouvel an juif) pour célébrer ensemble un office suivant la liturgie d'Alsace. Nostalgie nostalgie….

Mais en dehors de cette exception qui est là pour confirmer la règle, on ne peut parler de "choule alsacienne" à Jérusalem. On trouve des Alsaciens dans tous les quartiers de la ville et donc dans nombre de synagogues. Comme les minorités ont une tendance naturelle au regroupement, on trouve ça et là des groupes plus ou moins (généralement moins !) importants.

Seules quelques grandes synagogue ont un chantre professionnel. Dans la plupart des lieux de culte de la ville, c'est un des fidèles qui conduit la prière à tour de rôle. Nombreux sont les Alsaciens qui remplissent la fonction de ministre-officiant occasionnel. Mais tous se sont "fondus" dans la liturgie locale, sans que rien dans leur prière ne révèle leur origine.

Mais beaucoup se souviennent des airs sur lesquels ils ont appris à prier dans leur Alsace natale…

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