Sois comme le serviteur qui sert son maître,
sans attendre aucune récompense (Pirké Aboth 1,3).
Ne recherche pas les grandeurs et n'ambitionne
pas les honneurs (Pirké Aboth VI, 5).
Je le vois s'avancer vers la tribune, de son pas pesant, la canne à la main, la tête haute.
Il lève son regard clair vers nous et aussitôt la salle est captivée. Orateur de classe, il s'exprime dans une langue riche; son débit est calme, sa voix mélodieuse ; son style est précis, plein d'humour et de vivacité, mêlé à cette ardeur qui caractérise l'homme.
N'est-ce pas là Robert Lévy-Dreyfus, tel qu'il vit dans le souvenir de tous ceux qui ont travaillé à ses côtés, tant dans les œuvres sionistes que dans les œuvres sociales locales ?
Il fut notre chef ; celui qu'on suit sans murmurer, qu'on aime parce qu'il sait entraîner par l'exemple. Sincère et désintéressé, il est resté toute sa vie durant un simple serviteur de la cause juive.
Il a incarné l'action; on le trouvait toujours parmi les travailleurs, en tête de peloton, entraînant par son ardeur. Il n'a jamais demandé plus qu'il ne savait pouvoir donner lui-même et il a payé de sa personne jusqu'à la limite de ses forces. Il est resté l'ardent militant local, le simple soldat de la cause juive.
On ne l'a jamais vu occuper de poste dans le Mouvement Mondial Sioniste. Il n'a jamais brigué la place de délégué à un congrès, ni celle de membre d'un comité d'action ou d'autres instances dirigeantes. Il a été un chef doublé d'un maître. Son ardeur juvénile et, son profond désintéressement étaient étoffés d'une vaste culture, d'une urbanité et d'une connaissance profonde de l'âme humaine.
Nombreux sont ceux qui se rappellent avec reconnaissance l'enseignement qu'il nous a donné pendant la première guerre mondiale, au Cercle de Jeunes Filles, au Groupe des Étudiants Sionistes ou au Blau-Weiss et, plus tard, au Cercle des Étudiants, au Groupement Sioniste et au groupe de femmes GHALEI. Il savait convaincre par la clarté de sa parole, par la logique de sa pensée, et surtout, par sa sincérité. Il revivait en les racontant, les étapes de sa propre jeunesse et parce qu'il la revivait, il ne donnait que ce qu'il croyait vrai et juste.
Son judaïsme avait une conception particulière, produit d'une lutte longue et âpre de l'âme de cet étudiant juif d'Alsace. Il avait revêtu une forme de combat qui lui donnait une raison de vivre en Juif et en Sioniste. De cette lutte intérieure, à laquelle d'autres ont succombé, Robert
Lévy-Dreyfus est sorti victorieux et fortifié. Et, connaissant le prix de cette lutte, il réclamait le respect pour sa conception juive, comme il savait respecter d'autres conceptions, opposées aux siennes, mais d'une égale sincérité.
Je n'évoquerai pas ici tous les aspects de son inlassable activité sioniste et juive, je l'ai fait au lendemain de sa mort. Un an a passé depuis que nous l'avons mené à sa dernière demeure. Sa place parmi nous reste cruellement vide.
Son souvenir est vivant. Si je l'ai évoqué ici pour nos amis si nombreux à travers la ville et la région, c'est pour qu'au delà de sa présence, sa noble figure continue à nous guider et à servir d'exemple aux jeunes générations.
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