Une histoire Lorsque nous survolions un village ou un poste perdu, ceux-ci devaient nous appeler : « avion de trosol (troupe au sol) avez-vous quelque chose pour nous » Lorsque je survolais Le Telagh, je leur demandais de me passer, toujours par radio, leur « off. Trans. » (officier des transmissions). C'était Jean-Pierre Dreyfus - qui devint, l'année suivante, mon beau-frère -. Et pendant que je remontais vers le Nord, je bavardais avec lui. Cela me permettait d'écrire à mes parents (qui le transmettaient de suite aux parents Dreyfus) que Jean-Pierre se portait bien. Il faut préciser, ici, que le courrier normal du Telagh mettait trois semaines pour arriver à Strasbourg. Par contre, nous avions, tous les jours, un avion - courrier pour transporter à Oran le courrier officiel - auquel nous ajoutions, bien entendu, notre propre courrier (qui arrivait, de ce fait, le jour même à Paris et le lendemain à Strasbourg). J'ai emmené, un jour, Jean-Pierre en avion et ai fait du saute-mouton, c'est-à-dire que je volais plus bas que les moutons et qu'il me fallait les sauter lorsqu'ils étaient devant moi. Et Jean-Pierre, qui n'appréciait guère cela, de crier : « Fais pas le con, fais pas le con !» Aussi, instaurai-je le système de la peinture d'un trait rouge sur le tuyau de remplissage d'huile et sur le bouchon. Si le bouchon était mal refermé, cela se voyait au premier coup d'oeil puisque le trait rouge se trouvait alors « cassé ». Dire qu'il a fallu que ce soit un négociant en tissus qui trouve cela ! A Sidi Bel Abbès, les officiers logeaient à l'hôtel et prenaient tous les repas au Mess de la Légion Etrangère (le meilleur restaurant de la ville). A midi, à la popote des lieutenants ; le soir, dans le jardin, sous les palmiers, servis par des garçons en spencers blancs, avec de la musique - et nous étions en civil (veston et cravate) - repas à la carte. J'étais, parfois, reçu chez des commerçants de Bel Abbès. les Glicman, parents d'un ami de mon beau-frère Jean-Jacques Kahn et ce, notamment pour les grandes fêtes juives. J'ai voulu avoir, à cette occasion, une permission pour passer les Fêtes en famille. Aussi, suis-je allé voir le Général - dans son camion P.C. - pour le lui demander. La tête du général lorsqu'il sut que son commandant d'escadrille était juif ! Il m'accorda une perm. Pour Alger ou ailleurs, où je voulais en Algérie. Mais il lui était impossible de me laisser passer la Méditerranée. Pour les Fêtes, je suis allé à la Synagogue à Bel Abbés. En Algérie, ce sont des petites synagogues privées. Dans l'une d'elles, le Président, pendant une interruption de l'office, m'emmena dans la pièce à côté, son bureau... et me montra son bilan : il avait trois filles à marier.... et ne voulait pas manquer un officier pour l'une d'elles. En tant que responsable de l'escadrille, je faisais, avec un mécano, tous les vols d'essais et de réception, après chaque intervention un peu lourde des mécanos (notamment toutes les visites périodiques obligatoires). Et ce, comme toujours, sans parachute. Lors de l'une d'elles, je me suis amusé à faire du saute-mouton au-dessus d'un convoi, montant et descendant entre chaque camion (nous volions - mon mécano et moi - à la hauteur des hommes assis dans les camions) et finis par cogner avec mon train d'atterrissage l'antenne d'une Jeep. Lors d'une mission en patrouille, mon ailier frappa mon aile de son aile. Il voulait attirer mon attention sur un mouvement de blindés et trouvait ce moyen plus simple que la radio. Ce maréchal des logis était un peu... acrobatique mais il était par ailleurs, l'un de mes plus fins pilotes. En fait, cette.... manoeuvre, bien faite et en évitant de toucher l'aileron et les haubans, ne présente pas grand risque, la vitesse relative des avions étant nulle. Une autre fois, alors que je faisais du réglage de tirs d'artillerie avec le commandant de l'artillerie comme observateur, j'ai dû faire des «demi-tours » très serrés (la manoeuvre consiste à lever le nez de l'appareil, puis à le laisser tomber brutalement en sens inverse) pour donner les ordres de tirs au canon, de sorte que j'arrivai en même temps que l'obus sur l'objectif. Après un bon moment de ce régime, mon commandant était « à point », dans un piteux état et très occupé avec son sachet pour y vomir. Aussi, lorsque le colonel Emanuelli appela l'avion, il lui fut impossible de répondre. J'ai dû lui prendre le micro et j'ai répondu à sa place. Reconnaissant ma voix. le colonel demanda : « Delta Charlie, votre observateur est-il encore à bord ? ». Je répondis : « affirmatif ». Et le colonel de répondre «Ha, Ha, Ha, bien compris. Terminé ». Je me souviens aussi d'un vol. seul à bord, au cours duquel je suivis la Jeep de Claude Singer, frère de ma cousine Rolande Klein et officier des transmissions à Parmentier. Pour la beauté du paysage, nous poussions, parfois au sud de Tlemcen vers le Djebel Ouargla (une autre montagne du même nom que celle dont il est question ci-dessous), Djebel qui plongeait à pic sur le Sahara. Nous faisions, alors, des surveillances de caravanes, repérables à l'horizon par le nuage de poussière qu'elles soulevaient. Et nous allions vérifier, en «rase-sable » si des armes ou des colis suspects étaient attachés sous le ventre des chameaux. Comme déjà dit plus haut, nous faisions de nombreuses missions d'accompagnement de troupes en opérations. A titre indicatif, ci-dessous le compte-rendu de l'une de ces missions : « 13° PELOTON A.L.A.T. 13° D.L.I. NATURE DE LA MISSION : Quadrille avec Avide ( + Boni et Bocal jaune ) PILOTE : M.D.L. MONFILS OBSERVATEUR : Lieutenant MEYER AVION : D.C. HEURE DE DECOLLAGE : 08.H.40 HEURE D'ATTERRISSAGE : 15.H.25 RADIO : 300 . La radio étant tombée en panne, le Piper se posa de 9 H 30 à 9 H 40 pour emprunter le 300 des Artilleurs. INCIDENTS : RAPPORT ET OBSERVATIONS : Décollage de Bel Abbés : 8 H 40.
Le 11 novembre, je réussis à avoir mes 6 avions en vol (il faut dire que, du fait des visites périodiques obligatoires toutes les 25 heures, il y avait toujours un ou deux avions immobilisés) pour le défilé au-dessus de Sidi Bel Abbés. Il m'advint, alors que nous volions au-dessus des toits de la ville, un « givrage carburateur », c'est-à-dire que mon carburateur a givré du fait de la température, de l'humidité de l'air et du fort courant d'aspiration du carburateur (cela arrive à des températures extérieures supérieures à 0). J'ai juste eu le temps de tirer la manette : « réchauffage carburateur» et de rattraper la formation. Lorsque vint le moment du retour en métropole, le colonel Emanuelli me convoqua pour me féliciter et me demanda sur quelle base j'avais exercé mes responsabilités. Je lui ai répondu : « Sécurité. Mission. Confort. Règlement. ». Jamais un officier d'active n'avait entendu placer le confort avant le règlement. Et je dus lui expliquer que je ne pouvais pas assurer la sécurité et les missions, si mes pilotes et mes mécanos n'étaient pas installés confortablement. Mais, sous ma responsabilité, mon escadrille fit 1852 heures de vol - sans pépin -. Pour mon successeur, le lieutenant Jamotte, par contre, ce fut tragique. Tué en plein vol à 600 m d'altitude. Son passager, non-pilote, put, après une leçon de pilotage d'une heure et demi par radio, poser l'appareil, en cheval de bois toutefois. L'appareil était brisé, le passager sauf. L'un de mes derniers vols en A.F.N. me permit de voir un spectacle magnifique : le Djebel Ouargla, recouvert de neige, plongeant dans le Sahara blond sous un ciel bleu. Trois jours plus tard, j'étais, enfin, de retour à Strasbourg. Ouf ! J'allais oublier de raconter l'histoire suivante - qui date du début de notre séjour en AFN :
J'avais, à Strasbourg, sur le terrain de l'aéroclub, un avion militaire Piper L18 à ma disposition, pratiquement pour moi tout seul (environ de 1955 à 1958) à bord duquel ne pouvait monter - avec moi - que des militaires acceptés par l'autorité militaire... et le petit chien Zwatele de ma maman. Quelques souvenirs : En juillet 1961, Lyse, enceinte d'Yves, est allée tenir compagnie à mon père qui se reposait à Vittel d'une cure à Bains-les-Bains. J'allais - en voiture et avec Martine, âgée de deux ans - passer le week-end à Vittel. Et, en milieu de semaine, je faisais un aller-retour en Jodel (avion d'aéroclub) pour voir, et ma femme, et mon père (et aussi le patron car j'apportais du courrier à mon père). La première fois, pour prévenir Lyse - je savais qu'elle était à la piscine -, j'ai passé au-dessus de la piscine en envoyant trois coups de manette de gaz. Lyse comprit que c'était moi. Elle dit à ses voisines de piscine « ciel, mon mari », ce qu'elles ne crurent pas. Et vint me chercher au terrain. La deuxième ou troisième fois, j'ai emmené en avion à Vittel notre chauffeur Guscht afin qu'il ramène à Strasbourg la voiture de papa. Nous avons aussi fait un voyage à Paris et Deauville, au retour duquel., du fait des orages, nous avons dû faire 250 kms de détour... Pour être le soir au dîner d'un mariage auquel nous étions conviés. Et un voyage à Saumur assez mouvementé du fait de la météo. A l'aller. ayant dû faire un détour - un notam (instructions aux pilotes) interdisant le survol de Colombey-les-Deux-Eglises, résidence du Général de Gaulle - j'étais, un peu, à court d'essence. Comme le mauvais temps arrivait de l'Ouest, je ne voulus pas me poser à Tours pour faire le plein (car, alors je n'aurais plus pu décoller à cause des intempéries).... Et j'ai vidé mon réservoir numero 2.... jusqu'à ce que le moteur s'arrête.... en plein vol, hélice en croix. |
Page précédente | Page suivante |