Figure incontournable du Conseil Représentatif des Instutions Juives de France et militant infatigable du dialogue interreligieux, Pierre Lévy est décédé mardi 17 août 2021 à Strasbourg. Il avait 79 ans. Ses obsèques de Pierre Lévy ont été célébrées le lendemain au cimetière israélite de Cronenbourg, dont la rénovation a été une de ses belles missions.
Pierre Lévy laisse derrière lui le souvenir d’un homme entièrement et sincèrement consacré à la lutte contre l’antisémitisme. Cette violence antisémite l’a marqué dès sa plus jeune enfance : en effet il a perdu très tôt son père, déporté dans le convoi 77 vers Auschwitz-Birkenau, le 31 juillet 1944. Il a alors été élevé avec sa sœur et son frère dans le foyer d’accueil “Les Cigognes” à Haguenau. Il est ensuite formé à une série de métiers manuels avant de découvrir l’imprimerie aux Arts décoratifs de Strasbourg. C’est à ce secteur qu’il consacrera sa vie professionnelle.
Pierre Lévy a très vite mis son énergie au service de la collectivité. Devenu membre du Conseil d’administration de la communauté israélite de Strasbourg dès 1993, il s’est consacré de toute son âme à la mémoire de la Shoah, à la lutte contre les profanations des cimetières israélites, à la défense du peuple juif mais aussi au dialogue interreligieux. "Il était persuadé que la connaissance de l’Autre est le meilleur gage pour la paix civile", dit Sylvie Kaufmann, qui a été sa collaboratrice pendant plusieurs années.
Cette énergie mise au service de la lutte contre l’antisémitisme et l’antisionisme lui a valu de présider pendant treize ans la délégation Alsace du Conseil représentatif des institutions juives de France d’Alsace (CRIF). Il en a été la voix et le visage de 2004 à 2017.
Ses fonctions de délégué régional l’ont conduit à travailler activement avec la société civile, le rectorat de l’académie de Strasbourg, mais aussi le Centre européen du résistant déporté (CERD) et la région Alsace, pour organiser des visites des camps de concentration en Alsace et ailleurs en Europe.
Pierre Lévy restera aussi l’artisan de l’ambitieux projet d’allée des Justes, inaugurée en juillet 2012 à l’emplacement très fréquenté de l’ancienne synagogue de Strasbourg, détruite par les nazis en 1940. Cette réalisation restera une de ses grandes fiertés.
L’ancien président du CRIF France Roger Cukierman a exprimé sa profonde douleur, suite à la disparition d’un homme qu’il a bien connu et apprécié pour "la sincérité de ses actions, son dévouement et sa gentillesse à toute épreuve."
L’actuel président du CRIF France, Francis Kalifat, s’est exprimé sur son compte Facebook : "Le CRIF perd l’un de ses grands militants, un homme engagé dont la discrétion et l’humilité donnaient encore plus de force à son action."
Pour Gilbert Roos, consul honoraire d’Israël, ancien délégué régional du CRIF qui a remis la médaille d’officier dans l’ordre national du Mérite à Pierre Lévy le 29 juin dernier , "le départ prématuré de cette grande personnalité de la lutte contre l’antisémitisme est une perte importante pour la communauté juive en Alsace".
"Son expérience, sa voix et ses relations de confiance avec les représentants du monde politique dans la région et en France nous ont beaucoup aidé et nous manqueront désormais", regrette Pierre Haas, qui lui a succédé à la tête du CRIF Alsace.
Le jour où j'ai appris la funeste nouvelle, je me suis remémoré les moments où nous avions travaillé ensemble, en harmonie, lui à la Présidence du CRIF Alsace, moi au Consistoire du Haut-Rhin.
Je me suis, entre autres, souvenu d'une intervention que nous avions faite en commun auprès du Recteur d'Académie. Nous avions, en effet, été alertés de ce que deux personnalités connues - mais qui n'étaient, de loin, pas connues pour être amies d'Israël - avaient été invitées à parler devant des élèves d'un Lycée de Colmar. Avec difficulté, Pierre avait obtenu un rendez-vous auprès du Recteur, qui ne nous avait pas reçus avec chaleur et nous lui avions expliqué qu'il ne nous paraissait pas admissible de laisser s'exprimer des partisans d'une thèse politique, quelle qu'elle fût, dans une école de la République. Après qu'il ait demandé un délai de réflexion, et de mauvaise grâce, le Recteur avait fait droit à notre demande, de sorte que l'invitation faite à ces deux personnalités n'avait pas eu lieu dans les locaux du Lycée.
Pierre était d'un calme et d'un flegme remarquables, alors que je bouillais intérieurement et extérieurement.
Il avait la réussite modeste, comme si, avec son élocution presque chuchotée, les choses allaient de soi.
Pierre aimait autrui, en particulier les enfants qui le lui rendaient bien. Ses petits-enfants étaient sa fierté et il se réjouissait à l'idée d'accueillir prochainement en Israël son premier arrière-petit-enfant.
Pierre avait été fait, il y a quelques semaines, Officier de l'Ordre National du Mérite: cette promotion était ô combien méritée.
Marcelle, nous sommes tristes avec toi et les tiens, mais le souvenir de Pierre sera toujours une consolation pour toi.
Un "Mensch" nous a quittés La terrible nouvelle de la subite disparition de Pierre za"l m' a bouleversé. Je perds un ami cher, et combien valeureux. Puisse le lumineux souvenir de l'extraordinaire vie et des magnifiques actions menées par cet homme d'exception être un réconfort dans l'affliction de sa famille, ainsi qu' une bénédiction pour elle.
J'ai mal, dit le COEUR. Tu oublieras, lui répond le TEMPS. Mais la MÉMOIRE objecte : les absents seront toujours PRÉSENTS, car les morts sont des invisibles, non des absents.
Nul doute que sa mémoire sera matérialisée par notre Communauté : "Nommer les morts, c'est les réintégrer dans la communauté des vivants". Beaucoup s'agitent sur terre, mais sont des âmes mortes. D'autres reposent sous terre, mais demeurent bien vivants.
Maintenant que le "buisson ardent" de notre cher Pierre s'est éteint, sa flamme continuera malgré tout de brûler : et dans nos coeurs, et dans notre mémoire. Même s'il est parti trop tôt, ce qui compte, c'est l'incroyable vie qu'il aura mise dans ses trop courtes années parmi nous, notamment, et entre autres ses nombreuses actions dans son inlassable et dynamique présence au sein du CRIF.
Déjà, son "buisson ardent" s'est rallumé, avec la naissance presque simultanée de son arrière-petit-fils Il porte lui aussi le deuxième prénom de Haïm : la vie rejoint ainsi la mort, symbole de la pérennité de cette magnifique famille. Cette prodigieuse force nous conduit vers l'Arbre de Vie : placé au centre du Paradis, il perd ses feuilles en hiver et les retrouve au printemps, symbole de l'éternité. Puisse le nouveau-né être aussi valeureux que son prestigieux arrièregrand-père za"l.
J'avais une IMMENSE admiration et estime pour Pierre, qui m'honorait de son amitié. RARES sont les hommes de sa droiture, de sa valeur, de son humanité, de son désintéressement, de sa modestie, et de son extrême discrétion. Nous sommes nombreux à le pleurer.