Lorsqu`on évoque le judaïsme d`Alsace, on a toujours tendance à considérer que les personnalités ne peuvent émerger que dans la grande métropole strasbourgeoise. Or, si le rayonnement strasbourgeois est indéniable, il existe d`autres endroits, dans cette belle province d`Alsace, où ont existé, où existent encore des femmes et des hommes éminents, par exemple à Colmar. C`est la ville que je connais le mieux, pour y avoir vécu un certain nombre de dizaines d`années.
J`ai le projet de parler de personnalités juives colmariennes, que j`ai connues, que je connais encore, mais commencons par celui que je pense avoir le mieux connu, savoir mon père. J`évoquerai ma mère plus tard.
Mon père, Jacques Dreyfus, avait ajouté après la guerre - je pense par hommage pour elle - le nom de jeune fille de ma mère, de sorte qu`il était Jacques Dreyfus-May. Il était né en 1899 à Habsheim, village de la région mulhousienne, dans une famille assimilée (mon grand-père, Germain Dreyfus, avait épousé Francisca Rittmann, jeune fille native de Podgouch, faubourg juif de Cracovie; vous imaginez ce que l`on pouvait penser à l`époque, dans une famille juive d`Alsace, d`une telle union!).
Après ses études secondaires à Bâle et à Munich, puis après avoir été soldat allemand pendant la Grande Guerre - il sera soldat francais pendant la seconde guerre mondiale -, mon père entreprend des études universitaires aux Facultés de Droit de Strasbourg et de Grenoble, puis s`inscrit au Barreau de Colmar le 1er janvier 1925, dans le sillage de son oncle, Edouard Dreyfus, brillant avocat à Mulhouse (je ferai peut-être un jour son portrait). Mon père, avec lequel j`ai eu la chance et le bonheur de travailler pendant dix ans, était un avocat plus civiliste et commercialiste que pénaliste, un avocat scrupuleux, respectueux de l`adversaire, travaillant ses dossiers à fond; il avait le sens de la modernité : c`est ainsi qu`il avait été le premier avocat de Colmar à travailler avec un magnétophone.
Sur le plan juif, mon père avait fait partie de la Commission Administrative de la Communauté de Colmar, puis pendant 24 ans du Consistoire du Haut-Rhin. Il avait aussi été un des membres fondateurs de la Loge Scheurer-Kestner du B`nai B`rith de Colmar. Il avait une particularité que j`avais du mal à comprendre, mais qui ne le gênait nullement : Président de la Fédération du Haut-Rhin du Parti Radical-Socialiste, parti politique bourgeois de gauche, ceci l`avait amené à adhérer, puis à présider, dans le Haut-Rhin, la Ligue de l`Enseignement, mouvement laïque s`il en est. Il estimait qu`il n`y avait en cela aucune contradiction avec sa militance dans des organismes juifs.
Mon père avait inculqué à ses trois enfants l`amour de l`Italie: en effet, après avoir été expulsé de Cusset, en 1941, si je ne me trompe, par décision du "gouvernement" de Vichy comme "élément indésirable", mon père décida de s`installer avec sa famille, comme avocat réfugié d`Alsace à Grenoble, où il put exercer librement son métier pendant l`occupation italienne de la ville. Après la guerre, dès le mois de mars 1945, il se réinstalla à Colmar jusqu`à sa retraite en 1973. Il est décédé en 1991.
Voilà le portrait de mon père, notable colmarien, à la fois juif et laïque, archétype d`une bourgeoisie alsacienne éclairée, dont la vie n`avait pas toujours été "un long fleuve tranquille".
J'ai très souvent pensé à lui, mais au moment du trentième
anniversaire de son décès, je pense encore beaucoup plus à
Jean-Claude Katz.
Avec consternation, je constate qu'il n'est pas mentionné dans la rubrique
des dirigeants communautaires, ce qui revient à dire qu'aucun article
ne lui est consacré, raison pour laquelle j'entends combler cette lacune.
Jean-Claude
était né le 29 Juin 1933 à Colmar. Il y est décédé
le 12 Décembre 1991. Il faut envisager divers aspects de la personnalité
de Jean-Claude :
Je voudrais, entre autres, évoquer deux faits marquants de la présidence de Jean-Claude Katz:
Enfin, et dans un autre ordre d'idées, comment ne pas évoquer les balades à pied ou à ski de fond, dont Jean-Claude était l'initiateur ? Nous étions un petit groupe, le dimanche à 8 heures, et nous marchions ou skiions vaillamment dans les hautes Vosges : le Tanet, le Forlet, le Lac Vert, le Hohneck n'avaient plus de secrets pour nous. Nous refaisions le monde avec Jean-Claude, avant de rejoindre nos épouses pour le pique-nique.
Il y aurait encore tant à dire sur Jean-Claude Katz, par exemple, les voyages périlleux qu'il fit avec Annie en URSS, à la rencontre d'Ida Nudel et d'autres refusniks.
L'année 1991 fut rude : mon père, ma soeur et puis Jean-Claude, mais il faut toujours aller de l'avant. C'était le principe qui guidait Jean-Claude Katz.