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Depuis la publication fin 1966 des Juifs du silence par Elie Wiesel (Ed. du Seuil), le monde occidental savait ce qui se passait derrière le Rideau de Fer.
Il savait également qu'il pouvait intervenir pour sauver et aider ces juifs opprimés. Dans la conclusion de son livre, Wiesel écrivait : "Ce qui m'attriste ce n'est pas les juifs du silence, mais c'est le silence des juifs de par le monde".
Jean-Jacques Wahl a été l'un des premiers à faire le voyage en Russie, dans le but d'entrer en contact avec ces "Juifs du silence" et de voir comment on pouvait les soutenir.
Au début des années 1970 Menachem Begin (alors député de la Knesset) s'était rendu au Conseil de l'Europe pour évoquer leur situation. Le Conseil avait adopté à cette occasion une motion en faveur de leur réclamant leur libération et le droit à l'émigration
Sur la demande de Jacquot Grunewald à l’époque aumônier de la Jeunesse Juive de Strasbourg, a été créé le Comité de Soutien aux Juifs d’URSS. C’était au mois d’octobre 1971, juste après le voyage de Brejnev à Paris et à la fin du procès de Léningrad .
À partir de cette date le comité strasbourgeois à muliplié ses efforts constants pour sensibiliser le public en faisant connaître la situation des juifs soviétiques, au monde juif et également au monde non juif de la ville. Il fallait lutter pour leur liberté et leur droit à l’émigration, mobiliser la Communauté pour les soutenir et leur venir en aide. La lutte s’annonçait difficile et le combat tout à fait improbable.
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Tout d'abord nous nous sommes adressés aux membres de la Communauté. Toutes les personnalités que nous avons contactées ont d'emblée donné leur accord. Elles appartenaient à des milieux extrêmement différents, des médecins, des professeurs d'université, des personnalités politiques engagées, toutes tendances confondues et beaucoup d'étudiants. Jean Kahn, Cohen-Jonathan, L.Asch, P.Cerf, J.Schwartz ont immédiatement répondu à l'appel et Peter Leuprecht a assuré les contacts avec le Conseil de l'Europe. Les rabbins et en tête Max Warschawski ont participé sans hésitation à cette action. Parmi les membres les plus actifs de ce comité de soutien il convient de citer Michel Rothé, Charly Reich et Henri Hochner.
Lorsqu'Edouard Kouznetsov est venu à Strasbourg, il a parlé dans la salle du Conservatoire, archi comble. La Communauté Israélite et le comité avaient organisé un ¨"face à la presse" devant un public exprimant un intérêt passionné et une grande émotion. Interrogé par Daniel Riot, journaliste aux Dernières Nouvelles d'Alsace, Kouznetsov lui a dit que c'est pour exprimer ses remerciements qu'il était venu à Strasbourg : "Au goulag je savais combien était puissante la voix de l'opinion mondiale" ; et en particulier la pression des Juifs de Strasbourg, parce que Strasbourg est le siège du Conseil de l'Europe, du Parlement européen, de l'Institut International des Droits de l'Homme – organismes internationaux dont la voix est très entendue.
Très souvent nous avons été reçus dans ces organismes et sommes intervenus en faveur des Refuznik.
Dans nos démarches, jamais et à aucun moment nous n'avons professé un quelconque anticommunisme ni antisoviétisme, toujours nous sommes restés respectueux de la Constitution Soviétique et nous ne sous sommes jamais livrés à une propagande contre le gouvernement de l'URSS.
Lancer un appel aux hommes et aux femmes pour exercer une pression afin de réclamer justice et respect des Droits de l'Homme et faire libérer les prisonniers de Sion le plus vite possible.
Rappelons ici l'Acte Final d'Helsinki : le 1er août 1975 étaient signés les Accords d'Helsinki qui étaient une conférence Européenne sur la Sécurité et la Coopération. Dans sa troisième corbeille il était stipulé que les Etats signataires favoriseraient l'exercice de la liberté des droits de l'Homme, civils, politiques, sociaux-culturels et la libre circulation des jommes et des Idées. La conférence décidait également de 'réunions périodiques pour faire le point sur ces accords.
C'est ainsi qu'eurent lieu la Conférence de Belgrade en 1977, celle de Madrid en 1981, celle d'Ottawa en 1986. Au moment de la signature nous avions nourri de grands espoirs qui rapidement ont été déçus. En effet à chaque protestation présentée par le monde occidental au cours de ces conférences, l'Union soviétique déclarait qu'il s'agissait de ses affaires intérieures et qu'elle ne permettait à personne de s'y ingérer.
C'était le surnom donné aux Juifs qui avaient présenté' une demande de départ pour Israël mais qui s'étaient vu opposer un refus. Le refuznik était considéré comme un traître à la patrie soviétique, et à ce titre il était en butte à diverses brimades :' dénonciation publique par les collègues de travail, licenciement, violences physiques commises par des "inconnus", mise en accusation par des comités de quartier, difficultés de logement, etc.
Ces brimades s'étendaient souvent au conjoint et à ses enfants. Elles étaient d'autant plus difficiles à contrer qu'elles revêtaient une apparence spontanée et que les autorités pouvaient feindre de les ignorer.
Seuls les refuzniks les plus récalcitrants étaient appréhendés' directement par le' pouvoir, sous forme d'interrogatoires policiers, de procès, d'emprisonnement. La souffrance à laquelle ils s'exposaient avait un effet dissuasif évident sur les candidats éventuels à l'émigration, et jouaient de' plus un rôle "éducatif" auprès des autres citoyens soviétiques.
Parmi les plus célèbres refuzniks dont nous nous sommes occupés, je citerai Yossef Begun, Ida Nudel, Jossef Mendelevitch, Alexandre Lerner, Vladimir Brailowski, Slepak, Stolar, Sharansky, Arkady, May, etc.
J'évoquerai plus loin les aventures mouvementées de certains d'entre eux.
Notre slogan était "Let my people go". "Laisse partir mon peuple", allusion au verset du livre de l'Exode qui réclamait la sortie des Hébreux du pays d'Égypte. Symboliquement le soir du seder qui évoque la sortie d'Égypte - nous demandions à nos coreligionnaires de laisser à la table où ils célébraient la Pâque une place vide par solidarité pour les Juifs d'URSS qui n'étaient pas encore libérés. 'Nous disions leurs que si nous nous souvenions d'eux, ils seraient sauvés, mais qui si nous les oubliions, ils seraient perdus, et nous avec eux.
On peut dire que le Procès de Leningrad fut l'élément déclencheur de toute la campagne de solidarité envers les Juifs d'URSS qui devint très active dans les communautés juives du monde entier à partir de cet événement. Ce procès eut lieu en décembre 1970. Il était intenté à un groupe de douze citoyens soviétiques, neuf d'entre eux étant juifs, accusés d'avoir voulu détourner un avion pour fuir le pays. Au cours des débats 'il apparut que le KGB connaissait ce projet de longue date et que cette entreprise était en majeure partie le fruit d'une provocation policière, ce qui n'empêcha pas le tribunal de prononcer de lourdes peines. Deux accusés furent condamnés à mort et les tous les autres, à l'exception d'un seul, à des peines de dix à quinze ans de prison ou de travaux forcés sous régime sévère.
Le correspondant du Monde à Moscou écrivait à l'époque : "Quels que soient les faits sur lesquels se fondait l'accusation, le Procès de Leningrad était devenu le procès des Juifs soviétiques. Qu'on le veuille ou non, c'est ainsi qu'on le considère, non seulement à l'étranger mais en URSS même et dans les cercles qui n'ont rien à voir avec ceux de la dissidence ou de la contestation."
Les sentences provoquèrent de très vives réactions dans l'opinion mondiale y compris dans certains Partis Communistes occidentaux – notamment en Italie. Les deux peines de mort furent finalement commuées et les inculpés internés pour de longues années dans des conditions particulièrement pénibles. Toutefois l'issue de ce procès fut en fin de compte une victoire politique des juifs d'URSS et de leurs amis.
A la suite du procès de Leningrad, nous avons organisé une manifestation avec défilé en ville, de la place de la République à la place Kléber. Une nombreuse assistance y participait, y compris quelques responsables de la municipalité et du Conseil de l'Europe.
Une de nos premières actions fut de rassembler des fonds. En effet, à partir du mois d'août 1972 et jusqu'en avril 1973 les autorités soviétiques avaient institué une taxe de sortie pour les scientifiques. En fait, c'était une sorte de rançon qui était demandée pour l'obtention d'un visa : les Soviétiques justifiaient cette mesure par l'exigence d'obtenir un remboursement pour les frais de formation de ces savants.
Nous avons donc entrepris une collecte, pour laquelle nous avons été épaulés par la Loge du Bnei Brith et très rapidement des sommes importantes ont été réunies.
Néanmoins, ce n'était que dans le cadre de la réunion des familles que les Juifs pouvaient demander l'autorisation de quitter l'URSS.
La première étape pour le départ était de demander une invitation à un membre de la famille qui vivait à l'étranger. Cette invitation devait émaner de parents directs, c'est à dire père, mère, frère ou sœur – pour être valable. Ensuite, il fallait renoncer à la citoyenneté soviétique et pour cela il fallait encore payer 700 roubles.
Très souvent le motif invoqué pour refuser un visa était la détention de secret d'Etat. Il faut bien dire que cela' n'était qu'un prétexte, car depuis longtemps les secrets en question étaient connus de tous.
Michel Rothé, ancien membre de la Commission administrative de la CIS a participé activement à toutes nos actions. Il a fait personnellement 'le voyage en URSS, en 1976 et en 1981, pour établir de sérieux contacts avec des personnes retenues. Il a contribué à de nombreuses conférences dans toute la région de l'Est, de Luxembourg à Besançon, afin de motiver les communautés juives et les personnalités locales au problème.
Henri Hochner, avec Charly Reich ont fait le voyage à Moscou et à Léningrad fin 1977 début 1978. Au cours du voyage nous avons été reçus dans des familles qui rassemblaient beaucoup de monde dans leur appartement. Nous avons traité de thèmes de 'l'identité juive, exposé des problèmes juridiques pour les aider à faire valoir leurs droits, toujours dans le strict respect de la Constitution soviétique.
Sous la présidence de F. Mitterrand le soutien à notre cause était positif. Lorsque le Président de la République est parti en voyage officiel à Moscou en 1984, Théo Klein, qui était le président du CRIF faisait partie de la délégation. À cette époque les difficultés étaient grandes parce que les relations entre les deux plus grandes puissances étaient hostiles.
La population juive en URSS comptait alors trois millions de personnes, elle ne disposait d'aucune éducation juive et elle aspirait à une vie culturelle spécifique.
Au cours du banquet officiel de la délégation française on "oublia" d'inviter Théo Klein et ce fut l'occasion d'un incident.
On savait que l'URSS avait fait appel à l'aide occidentale, notamment pour des fournitures de blé. Elle devait donc de libéraliser sa politique intérieure, ne serait-ce que pour sauver les apparences, car c'était une des conditions exigée par les États-Unis.
Au moment des Jeux Olympiques de Moscou en 1980, l'URSS a été contrainte de faire des concessions en accordant davantage de visas de sortie et en libérant quelques prisonniers de Sion.
Avant d'en arriver à la conclusion et au bilan, rappelons encore ce qu'est le KGB que nous avons plusieurs fois mentionné au cours de ce récit.
Le KGB, ce sont les initiales du "Comité pour la Sûreté de l'État".
Créé en 1954, le KGB succède à des organismes aux noms divers mais dont les fonctions sont pratiquement identiques : la Tchéka, le NKVD, la GPU.
Le KGB est à la fois une police politique interne, un service d'espionnage et de contre-espionnage. Il a aussi la charge de la protection physique des dirigeants politiques ainsi que de la police des frontières. Le KGB était placé sous le contrôle étroit du Parti Communiste et l'on considèrait 'généralement que ses actions reflètaient de manière directe les volontés du pouvoir central soviétique.
De nos jours, le KGB est toujours en place et Vladimir Poutine était à sa tête avant l'arrivée d'Eltsine au pouvoir,.
Pendant plus de vingt ans (1972-1990) le Comité de Soutien aux Juifs d'URSS s'est déplacé afin de sensibiliser le public, le motiver. Ainsi, nous avons été à Metz, Colmar, Mulhouse et Zurich. Par ailleurs, nous avons participé à des conférences à Paris, Bruxelles et Jérusalem.
Au moyen d'affiches, d'articles, de tracts, de défilés dans la ville, nous avons maintenu une pression dans les médias pour éviter une démobilisation.
Notre génération a été marquée par des évènements exceptionnels qui ont fait date dans l'histoire de l'humanité mais aussi dans l'histoire du peuple juif.
La Shoa qui a vu disparaître la moitié du peuple juif en fumée à Auschwitz.
La bombe d'Hiroshima qui a mis fin à la deuxième guerre mondiale.
La résurrection de l'état d'Israël sont des évènements historiques de première importance.
Le réveil de la conscience juive en URSS après trois générations de communisme – régime qui s'est livré à un vrai génocide culturel de la deuxième collectivité juive de la diaspora en nombre, est pour nous également un événement majeur que l'on peut comparer à l'écroulement du mur de Berlin.
Et puis l'histoire s'est accélérée, tout est allé très vite, les portes de l'URSS se sont ouvertes et les juifs d'URSS ont pu sortir.
C'est par centaine de milliers qu'ils sont arrivés en Israël et jusqu'à ce jour 'c'est plus d'un million de Russes qui ont débarqué dans le pays et qui s'y sont installé
Le miracle est arrivé, ils sont partis sans regret et sans crainte pour découvrir un monde nouveau.
Les difficultés n'ont pas manqué. Des problèmes de logement, d'emploi, des structures économiques et sociales insuffisantes. La situation n'est pas facile. Cette arrivée massive des juifs d'Union Soviétique est l'un des grands défis de l'histoire sioniste. Leur intégration dans le pays se fait bien et leur rencontre avec les israéliens est réussie. Une vie nouvelle a commencé pour eux, une vie de liberté.
"L'an prochain à Jérusalem", vœu qui achève la cérémonie de la soirée pascale est devenu pour les Juifs d'URSS une réalité.