Professeur Francis WEILL
1933 - 2018


Né en 1933 à Strasbourg, petit-fils de rabbin et fils de médecin, Francis poursuivit ces deux voies : la science et la religion.

Son grand père, Ernest Weill, grand rabbin de Colmar, est connu pour avoir favorisé le renouveau des études juives dès la fin du 19ème siècle. Son père, le docteur Joseph Weill, a dirigé le sauvetage des enfants juifs pendant la guerre. Francis emprunta le chemin tracé par son père en poursuivant son engagement dans l'Association des Amitiés Judéo-Chrétiennes.

Professeur d’imagerie médicale au Centre hospitalier Universitaire de Besançon, Francis Weill a été un pionnier de l’échographie abdominale qu’il a fait connaître par des livres et conférences en bien des pays. Ce "pape de l’échographie", selon un de ses collaborateurs, a présidé la fédération mondiale des sociétés appliquant les ultrasons en médecine et biologie.

Une discipline qu'il a transmise lors de nombreuses conférences internationales et dans plusieurs ouvrages. Président de la Commission Médicale d'Etablissement, Francis Weill s'est impliqué dans la vie de l'hôpital bisontin. Lors des obsèques, un des intervenants a salué l'humanité de l'homme de médecine : "Tu m'as appris la dignité du malade, ce que l'on n'apprend pas lors de nos longues études".

Au-delà de sa profession de médecin, Francis Weill n’aura cessé, surtout depuis qu’il n’exerçait plus, de se consacrer à l’étude des textes de la tradition juive et à l’histoire des trois religions monothéistes. "Il y a beaucoup d’émotion dans la communauté. Francis Weill combattait tous les intégrismes. Il avait cette capacité à nous faire remettre en question. Il n’imposait rien mais donnait envie d’aller voir et comprendre par nous-mêmes, rapporte Alain Silberstein, président de la communauté juive de Besançon.

Francis Weill avait l’art d’aller fouiller dans les textes, d’en chercher et révéler l’essence ; son exigence intellectuelle était grande, ses conférences étaient ardentes. Il fallait l’entendre argumenter, évoquer le dur statut de dhimmi dans l’Espagne arabo-andalouse ou l’empire ottoman, ou encore dévider le fil conducteur commun à tous les intégristes politiques ou religieux, sûrs de détenir la vérité absolue et prêts à tout, donc au pire, pour imposer leur société.

Par ailleurs, Francis Weill a aussi écrit des livres pour les enfants où des animaux distillent de drôles de conseils. Randonneur émérite, il a publié des ouvrages photographiques sur les lumières, les torrents, les glaces dans les différents massifs des Alpes qu’il aura parcourus, sa vie durant, avec un regard émerveillé.

Longtemps, Francis Weill a représenté le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) dans la région Franche-Comté : la position de l’institution par rapport aux musulmans de France l’en avait fait s’éloigner.

Evoquer Francis Weill c'est aussi "lever les yeux vers la montagne". Des douces pentes jurassiennes à l'aridité des glaciers, Francis Weill aimait ce sport exigeant et apaisant. Un "univers lumineux" qu'il partageait aussi avec sa fille.

Il avait épousé Sonia Lévy, de Neuf-Brisach. Sa fille Anne est ingénieur agronome au Canada et son fils Jean-Marc est enseignant en shiatsu et en sophrologie à Paris.

Décédé le 19 août 2018, à l'âge de 85 ans, de Francis Weill a été inhumé au cimetière israélite de Besançon.

Hommage à Francis Weill
Janine Elkouby

C’est avec une immense tristesse que je viens d’apprendre le décès de Francis Weill. C’est d’abord à titre personnel que je voudrais exprimer mes condoléances émues à ses enfants et à toute sa famille.

Je connaissais Francis depuis de longues années. Il m’avait invitée à plusieurs reprises à intervenir à Besançon dans le cadre de l’Amitié judéo-chrétienne. Je l’avais, de mon côté, convié à venir parler de ses livres à Strasbourg. Il avait une rare capacité à parler vrai et juste, sans complaisance mais sans inutile agressivité. Il n’esquivait pas les problèmes, exprimait ses désaccords et ses indignations, dénonçait avec clairvoyance et courage autant les dérives de l’islam, qui le révoltaient, que le fondamentalisme juif qui lui paraissait indigne de la grande tradition de la pensée juive. Il m’envoyait les textes de ses conférences, assorties d’un solide appareil de références textuelles.

C’était un homme curieux de tout ce qui touche à l’humain, d’une curiosité insatiable et encyclopédique. Il était spécialiste en imagerie médicale et érudit en judaïsme. Ses nombreux ouvrages témoignent du vaste champ des intérêts qui étaient les siens : sans mentionner ses écrits professionnels, je citerai pêle-mêle et de mémoire Juifs et chrétiens, requiem pour un divorce ; D’Abraham à Hitler, histoire d’une famille juive alsacienne ; L’intégrisme, le comprendre pour mieux le combattre ; Les étoiles de Jérusalem ; Folie du monde et vertige des religions et le dernier, publié en 2017, Le naufrage des religieux, de la sainteté au massacre.

Il était respectueux de chacun. Il était humble, de cette humilité attentive et bienveillante qui permet à l’autre d’exister.

Je le rencontrais presque chaque année au Salon du Livre de la Wizo à Strasbourg, où il venait dédicacer et signer ses ouvrages. J’étais heureuse de pouvoir échanger avec lui et d’évoquer l’actualité juive et générale. Il m’avait informée de son désaccord majeur avec le CRIF, au sein duquel il était le délégué de la Franche-Comté, et m’avait envoyé la copie de sa lettre de démission, lettre dans laquelle il reprochait à l’institution un silence timoré face à l’islam et un refus de prendre au sérieux l’antisémitisme musulman et ses racines coraniques.
Son sourire, sa gentillesse, sa lucidité vont nous manquer.

L’AJC de Strasbourg tient à exprimer à l’AJC de Besançon, au sein de laquelle il a tant œuvré, ainsi qu’à ses nombreux amis, l’expression de sa sympathie et de ses condoléances attristées.

Message
de René Gutman, Grand rabbin émérite de Strasbourg

Très affecté par l'annonce du décès d e notre cher Francis Weill, je m'associe aux nombreux témoignages, qui ne diront jamais assez, ce que chacun d'entre nous lui devons.

J'ai eu, malheureusement, le triste devoir dès mon arrivée à Besançon d'accompagner en sa dernière demeure sa maman. J'étais aussi présent, pour l'inhumation de son père, le Dr. Joseph Weill, et voilà, qu’après le décès de sa chère épouse Sonia, il vient rejoindre les siens !
Étant à Jérusalem, je ne pourrai me rendre à son enterrement, mais je vous prie de transmettre par le biais de ce message à mon cher collègue le Rabbin Claude Spingarn, qui présidera la cérémonie, mes très émues condoléances, pour vous ses enfants, et toute votre famille.
Une famille qui inclut, bien sûr, la Communauté de Besançon et les membres des Amitiés judéo chrétiennes, dont il fut, tour à tour, l'âme vivante, continuant ainsi la haute mission de son père, Président honoraire du Consistoire du Bas Rhin, et cheville ouvrière des Amitiés judéo chrétiennes de Besançon, auxquelles il m'initia durant mon mandat.
Francis eu la gentillesse, une fois que je suis devenu grand rabbin de Strasbourg, de m'inviter chaque année pour y participer.

Je dois dire que je rentrai chaque fois à Strasbourg, avec une immense gratitude pour la chaleur de son accueil, et la passion avec laquelle il animait ces longues soirées grâce à la finesse de ses observations et à ses synthèses, toujours décisives par leur grande érudition.
Cette passion il l'incarna avec bonheur dans ses très nombreux ouvrages, dont certains, de conception encyclopédique, comme ses concordances du Coran et du Prophète Isaïe font autorité. Il était, ou se prenait-il comme tel, un peu prophète, et certains de ses livres, écrits parfois avec une colère quasi biblique, au risque de ne pas être lus jusqu'au bout, en raison de leur critique parfois sévère, autant du conformisme que de l’extrémisme religieux, toute religion confondue, nous obligeaient néanmoins, même si nous n’osions pas le lui avouer, à réfléchir sur nous-mêmes, et sur l'avenir du judaïsme, tant en France, dont nous avions la charges spirituelle, qu’en Israël.

Je n'oublie pas non plus le combattant qu'il fut pour l'honneur d’Israël, pour son droit à l’existence, dans sa lutte farouche contre l'antisémitisme auquel il ne céda pas un pouce, jusqu'à faire interdire la représentation à Besançon de la pièce si controversée de Shylock.
Non, je n'oublierai jamais celui qui a porté, jusqu'à son dernier souffle, courageusement, et même aux pires heures d’une maladie qu'il avait tant espéré, lui, cet immense médecin, apprivoiser, cette communauté de Besançon, dans son cœur.

Mais au-delà de ce petit monde bisontin, dont il avait su, à la suite du très regretté Bernard Weill, préserver les traditions, et dans la fidélité à son grand-père le grand rabbin Ernest Weill, c'est le destin du peuple juif qui devint son ultime exigence.
Il en avait déjà partagé, avec Sonia, une des grandes figures de cette communauté, ses angoisses, ses espoirs, ses peines et ses joies. Un destin qui, l’avait littéralement transporté au fil des ans, et mystérieusement maintenu, ces toutes dernières années, au rythme de ses rémissions, comme s'il s'était senti investi, par le Très Haut, même s'il ne le citait pas toujours explicitement, en raison de sa pudeur si alsacienne, par une mission sacrée, à laquelle, seul l'ange de la mort, aura mis fin.
Puisse son souvenir être une bénédiction.

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