Georges MANDEL
Patriote conservateur anti-nazi
1885 - 1944
par Charles REICH

Georges MandelGeorges Mandel, français, conservateur sur le plan politique, juif d'origine alsacienne non pratiquant, anti-munichois, antifranquiste et finalement résistant fusillé par la milice en 1944 réunit les ingrédients en apparence les plus contradictoires d'une personnalité que l'on peut qualifier de complexe.

Né à Chatou en 1885,son père était un modeste tailleur s'appelant Rothschild. Cette famille, juive qui ne célébrait que les grandes fêtes juives, avait fui l'Alsace annexée en 1871. Ses grands-parents sont enterrés au cimetière de Marmoutier (voir sur le site : P.Katz Histoire de la communauté juive de Marmoutier).

A peine adolescent, durant l'affaire Dreyfus, il baigne dans "une atmosphère dreyfusarde" et se sent impliqué dans son lycée par les divisions et les affrontements caractéristiques de cette époque. Tout au long de sa carrière politique cette période marquée par ces luttes intenses imprimera ses marques profondes sur Mandel.

Très jeune, il devient journaliste et à l'âge de 21 ans il entre à L'Aurore, le journal de Clemenceau avec lequel il aura des relations très étroites parsemées de nombreux situations conflictuelles avec "le Tigre" qui n'apprécie pas toujours ses initiatives ou ses coups politiques qui parfois se terminent mal.

En 1906,Clemenceau devient président du Conseil et avec un sens aigu de la "manoeuvre", Georges Mandel parvient à entrer en deux temps dans son gouvernement.
En 1917 Clemenceau redevient président du Conseil à un moment particulièrement difficile pour les armées françaises, Georges Mandel contribue au choix de la plupart des ministres de son cabinet.

En 1919, il est élu député de la Gironde avec la vague "Bleu horizon" qui balaie tout le territoire et en parallèle se présente aux élections cantonales pour acquérir ainsi une assise électorale locale.

A partir des années trente, Mandel dénonce le péril allemand. Le 9 novembre 1933, il fait un discours à la Chambre qui est publié sous forme de brochure sous le titre : l'Allemagne réarme. Que faire?
Comme l'écrit Nicolas Sarkozy dans Le moine de la politique : "La question allemande avait toujours été au centre des préoccupations de Georges Mandel". Une longue route avec Clemenceau l'avait placé définitivement du coté des partisans des méthodes énergiques avec l'Allemagne.
Lui qui avait réprimé avec force les syndicats et contribué à contrôler la presse avec Clemenceau
le voilà qui devient le "Cassandre" minoritaire de la droite qui selon Nicolas Sarkozy "était ainsi un des rares Français qui connaissent Mein Kampf dans le texte".

Ministre des Postes en 1934, il dirige le ministère et les services avec une poigne de fer, n'hésitant pas à révoquer des directeurs incompétents ou des fonctionnaires de base peu efficaces.

En 1935, Hitler ayant rétabli le service militaire obligatoire, il obtient la condamnation de l'Allemagne par la S.D.N.
En juin 1935, Laval succède à Flandin, Mandel s'oppose à Laval sur le dossier éthiopien. En effet, celui-ci accepte le transfert des deux tiers de ce pays à Mussolini.
Le 7 mars 1936 la rive gauche du Rhin est réoccupée par l'Allemagne nazie, le gouvernement Sarraut affaibli par le manque d'enthousiasme des militaires et de l'Angleterre à l'idée de réagir fermement contre Hitler n'émet qu'une faible protestation auprès de la S.D.N.. Georges Mandel ne démissionne pas du Gouvernement.

Après la chute du Front Populaire, Mandel devient ministre des Colonies dans le gouvernement Daladier ; il se prononce pour une alliance avec l'Union soviétique contre l'Allemagne nazie.
En 1938, il s'oppose aux "Accords de Munich" soutenu par Paul Reynaud et quelques autres membres du Gouvernement. Ces accords sont ratifiés par la Chambre par 535 contre 75.
Mandel dans une premier temps veut remettre sa démission du Gouvernement puis se ravisant, estime plus courageux de rester.

Daladier est renversé le 19 mars 1940, Paul Reynaud lui succède et Mandel accède au ministère de l'Intérieur. Pétain fait son entrée au Gouvernement comme vice-président du Conseil ; Mandel est favorable à l'arrivée de Pétain dans ce Gouvernement dirigé par Reynaud. Il croit qu'il en résultera un signal positif signifiant que la France se battra jusqu'au bout… et se trompe lourdement.
Il fait procéder à l'arrestation de défaitistes et de saboteurs mais n'arrive pas à endiguer le courant défaitiste qui commence à se manifester ouvertement et se renforce dans le gouvernement.

Durant la débâcle de mai/juin 1940, il songe "au réduit breton" pour pouvoir poursuivre la lutte puis à l'Empire colonial.
Finalement après l'échec de ces tentatives, il se résigne après la démission de Reynaud et l'arrivée au pouvoir de Pétain de prendre le "Massilia" avec 25 autres parlementaires pour rejoindre l'Afrique du Nord pour poursuivre, pense-t-il la résistance.
Cet épisode peu glorieux est connu : Mandel est arrêté, comme d'autres compagnons d'infortune célèbres sur les ordres du nouveau Gouvernement puis transféré par Vichy en France métropolitaine. Il est condamné à la prison à vie en même temps que Paul Reynaud quelques temps plus tard.

En novembre 1942, Mandel est transféré, de même que Paul Reynaud quelques mois plus tard, dans un camp de la Gestapo en Allemagne.
Quelques mois plus tard, il est déporté au camp de Buchenwald.
Début juillet 1944, les Allemands le livrent à la Milice en le rapatriant en France. Le collaborateur Henriot vient d'être exécuté par la Résistance et la Milice souhaite exercer sa vengeance sur Mandel et l'abat, le 7 juillet, dans la forêt de Fontainebleau.

Profondément conservateur sur le plan politique et économique, Mandel se révèle un nationaliste intransigeant profondément marqué par la première guerre mondiale et les luttes menées par Clemenceau.
Son origine juive alsacienne constitue certainement un deuxième élément de sa motivation anti- défaitiste.
Tout au long de sa carrière politique, il a souvent été en désaccord avec son propre camp et parfois haï par les éléments les plus réactionnaires de la droite.
Georges Mandel est ainsi un homme politique peu facile à classer sur l'échiquier politique.
S'il avait survécu à la deuxième guerre mondiale qu'aurait-il pensé du sionisme et de la création de l'Etat d'Israël, lui qui se sentait si profondément français et patriote ?

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