Avant-propos
Généalogie (3)
Bloch Jules, né en 1877 à Le Locle et décédé à Hauterive (Suisse) en 1945.
Il sera marié à Marthe Schleininger.
Ses ascendants sont :
1.1 Bloch Samuel né à Wintzenheim en 1835 et décédé à La Chaux-de-Fonds en 1893
1.2 Bloch Louise née en 1851 à Wintzenheim et décédée en 1930
1.1 1 Bloch Jacques né à Wintzenheim en 1790 et décédé dans la même ville en 1842
1.1.2 Kahn Babette Bessel née vers 1800 à Hagenthal-le-Haut et décédée à Wintzenheim en 1858
1.2.1 Bloch Moïse né à Wintzenheim en 1814 et décédé dans la même ville en 1868
1.2.2 Bloch Gertrude née à Durmenach en 1813 et décédée en 1859 à Wintzenheim
Historique
Jules-Edmond Bloch (1877 – 1945) est le fils d’un commerçant juif originaire du Haut-Rhin, Samuel Bloch et de Louise Bloch. Après la mort de son père, en 1897, il entre dans la société familiale de commerce de tissu Vve Samuel Bloch en tant que voyageur de commerce. Toujours au Locle, il fonde deux ans plus tard les établissements Vulcain et se lance ainsi dans le commerce d’outils et d’acier. Il abandonne son entreprise individuelle la même année pour s’associer avec son frère Georges et crée sous le nom de la société en nom collectif G&J. Bloch, Établissements Vulcain, à Bienne, active dans le commerce de l’acier. Cette collaboration ne durera toutefois que quelques années puisqu’en 1905, Georges quitte la société et Jules en reprend l’actif et le passif pour fonder à nouveau en nom propre les Établissements Vulcain. En 1908 il s’associe avec Jules Beyersdorf et fonde l’Usine électrométallurgique du Seeland et abandonne les Établissements Vulcain l’année suivante. Au début de la guerre, Bloch est ainsi membre du conseil d’administration de l’Usine Electro Métallurgique Météor S.A. à Martigny.
Entre 1915 et 1918, de nombreuses munitions ont été produites par des entreprises suisses et vendues aux nations belligérantes. L’industriel juif Jules Bloch a été ainsi l’un des principaux fournisseurs de la France. Il avait été choisi comme unique concessionnaire suisse de munitions par les Schneider du Creusot.
Lorsque la guerre éclate, ce capitaine d’industrie dans la sidérurgie et l’horlogerie adapte sa production ainsi que ses commandes auprès des horlogers jurassiens et neuchâtelois, faisant fabriquer des fusées d’obus. Les bureaux de Bloch étaient établis au Palace Minerva à La Chaux-de-Fonds. Près de 300 ouvrières ont été engagées (4). Elles travaillent dans l’immeuble Eberhardt appelée la maison de l’Aigle ainsi que dans des annexes construites pour répondre à la demande de munitions.
Les détonateurs fabriqués par Jules Bloch étaient emballés dans des caisses à l’intitulé intentionnellement trompeur pour assurer la discrétion du transport. © Musée d'histoire de La Chaux-de-Fonds |
C’est sans doute au travers de ces relations commerciales que Jules Bloch a été présenté au ministre français des Munitions Albert Thomas, lequel allait être l’hôte de l’industriel neuchâtelois à plusieurs reprises (8). Et c’est très certainement avec le concours d’Albert Thomas que Jules Bloch a tenté d’élaborer une stratégie de collaboration industrielle et financière avec des entreprises étrangères, qui devait assurer la poursuite de ses affaires après la guerre.
La maison Vve Charles-Léon Schmid SA. active dans la production de Montres Roskopf depuis le milieu du XIXe siècle, sera l’un des piliers de la production de munitions. Cette entreprise est reprise par Jules et son frère en 1916. "On assiste donc à une réorganisation des activités de production de matériel de guerre dont la maison Schmid devient l’un des centres névralgiques. L’acquisition de machines-outils durant les années de guerre est tout à fait remarquable. La société Vve Charles-Léon Schmid SA commande en effet, depuis juin 1916, de très nombreuses machines à la fabrique Schäublin SA, à Bévilard (BE). Durant les années 1916-1918, ses commandes se montent à un total de 313948 francs. Cette somme représente par ailleurs 29 % du chiffre d’affaires de la maison Schäublin durant cette période, ce qui fait de l’entreprise chaux-de-fonnière son plus important client. Bien que la source utilisée ne permette pas de connaître le nombre exact de machines achetées, on peut l’estimer à plusieurs dizaines, voire à une centaine, le prix moyen d’une machine s’élevant à quelques milliers de francs. Sous la direction de Jules Bloch, la société Vve Charles-Léon Schmid SA a ainsi profondément renouvelé et modernisé son appareil de production, dans le but de produire du matériel de guerre. Les centaines de machines-outils acquises dans cette perspective en 1914-1918 par des entreprises horlogères chaux-de-fonnières sont reconverties dans la production horlogère et contribuent de manière durable à la modernisation de l’appareil de production (9)."
À partir de 1917, le fisc helvétique s’intéresse de plus en plus aux revenus de Bloch. L’industriel a repoussé à plusieurs reprises les demandes de l’Office fédéral des contributions qui lui réclamait des impôts, la raison invoquée étant que les aléas de la guerre et les commandes en cours ne permettaient pas d’évaluer correctement ses revenus. Le fisc helvétique impose à ce dernier en février 1918 une convention d’un montant de deux millions. Toutefois, dans les mois qui suivent, l’Office fédéral des contributions remet en question les gains réels du munitionnaire et entame une enquête auprès de ses employés qui ne mène à rien. Ces conclusions n’ont pas empêché pas le fisc d’augmenter la contribution du Neuchâtelois à vingt-deux millions.
C’est la dénonciation d’une fraude, portant sur la quantité de matériel expédié en France, qui permet finalement de perquisitionner les locaux de Jules Bloch et de mettre la main sur ses papiers. Les inspecteurs vont trouver, en l’occurrence une comptabilité des "bonnes œuvres" de l’industriel et notamment l’inscription d’un don d’une valeur de quinze mille francs à un certain Julien Junod, ami d’enfance de Jules Bloch et par ailleurs inspecteur à l’Office fédéral des contributions. Les autorités concluent rapidement et établissent qu’il s’agit d’une tentative de corruption. Jules Bloch est arrêté le 8 août 1918 et mis en détention préventive à la prison lausannoise du Bois-Mermet (10), avant d’être jugé par la Cour fédérale en janvier 1919.
Condamné à huit mois de prison, Jules Bloch a fait l’objet d’un battage médiatique et les rumeurs les plus fantasques sur sa fortune ont circulé alors. Les autorités ont confisqué treize millions investis dans différentes opérations et ont retenu en fin de compte quelques deux millions sept cent mille francs pour le fisc et dix mille francs d’amende. Ne parvenant pas à réunir la somme, Bloch a été contraint de vendre certaines de ses propriétés, notamment une maison, la villa Bloch, se trouvant sur un terrain à proximité de Genève (10). Une parcelle que, peu de temps après, la Confédération allait offrir à l’Organisation internationale du travail pour y installer son siège. Son premier directeur général n’a été autre qu’Albert Thomas, ministre français de l’Armement et vieil ami de Jules Bloch.
On ignore bien évidemment le détail des négociations entre le fisc et Jules Bloch, alors même que ce dernier se trouvait derrière les barreaux, mais l’on sait qu’il a bénéficié de faveurs extraordinaires pendant son incarcération, recevant sa famille, son secrétaire, ses notaires et ses avocats avec qui il continuait de travailler, ou se rendant en ville chez son tailleur ou au restaurant.
À l’issue du conflit, Bloch reprit des activités industrielles plus conventionnelles, devenant notamment en 1925 vice-président des Usines métallurgiques SA à Dornach. Il a continué également à diriger la maison Vve Charles-Léon Schmid SA jusqu’à la fin des années trente qui reste l’une des principales fabriques de montres de La Chaux-de- Fonds, sous le nom de Manufacture de montres National SA . Il s’est éteint en 1945.
Sources :