Pour une double raison l'âme du poète, toujours vivante parmi nous, se réjouit de l'hommage que lui rendent, d'un commun accord, Waldighoffen, son village natal, Altkirch et Mulhouse. De son vivant, Nathan Katz était étranger à la fatuité des hommes de lettres et de soi disant "créateurs" ; car il croyait profondément à l'action posthume de sa vie et de son œuvre qui, dans son esprit, ne pouvait être que communautaire et, pour être efficace, adopter les vertus d'une longue et indéfectible patience.
La deuxième raison, complémentaire de la première, se manifeste par le refus de céder à la tentation de réaliser une de ces opérations médiatiques qui, en cette fin de siècle, se multiplient pour commémorer des centenaires et des bicentenaires. Point de théâtralité. Des initiatives multiples s'étendant sur toute une année, qui s'adressent à tous les milieux sociaux, aux enfants et aux adultes, (et même aux personnes du troisième ou du quatrième âge).
Waldighoffen a été, pour Nathan Katz, le lieu et le symbole de la "Haimet", le pays des vergers et des souvenirs d'enfance qui marqueront profondément son âme de poète ; c'est dans son village natal qu'il s'est très tôt familiarisé avec la communauté des vivants et des morts que représentaient l'église et son cimetière attenant. Il est beaucoup question d'écologie de nos jours ; elle est devenue en enjeu électoral.
L'œuvre de Nathan Katz nous rappelle qu'il y a une écologie de l'âme, de l'esprit et de l'ensemble des êtres qui naissent et meurent. Aussi l'expérience de la "Haimet" implique-t-elle tout naturellement cette "écologie" complexe et subtile qui, quelquefois, requiert le silence. La "Haimet" a été aussi le lieu des amours de jeunesse, déterminantes dans le devenir de l'être humain.
Il est des hasards significatifs, voire poétiques : le centenaire de la mise en service du "Pfirterzegla", qui reliait Ferrette et Altkirch, coïncide avec celui de la naissance du poète et c'est grâce à ce petit train campagnard que la Ville d'Altkirch jouera un rôle capital dans la constitution de l'œuvre poétique de Nathan Katz. Un jeune collégien breton, dont le père avait été muté à la gendarmerie de Ferrette, fait le connaissance de Nathan Katz dans le petit train au début des années vingt. Son nom : Eugène Guillevic. Il apprendra l'alémanique et traduira des textes du poète, en particulier D' r Roui (Le matou). Une profonde amitié s'établira entre Nathan Katz et Eugène Guillevic dont l'œuvre poétique en français me paraît être une des plus importantes de notre temps. Et c'est ce poète breton d'expression française qui comprendra le mieux la double signification, esthétique et éthique, des textes de Nathan Katz ainsi qu'en témoigne cet extrait de sa lettre du 27 décembre 1976 : "Je lui dois beaucoup. Il a été le première poète que j'ai connu ... c'est une des plus belles figures que j'ai connues et, depuis j'en ai vu des gens dont les poètes les plus célèbres de notre temps."
Mulhouse, enfin, devait exercer, dans la dernière période de la vie du poète, une action essentielle dont les effets, insuffisamment connus, mériteraient d'être précisés. Sa fonction de bibliothécaire ne lui offrait pas seulement la chance de retrouver la "Haimet" ; elle devait lui permettre d'accentuer sa tendance vers l'universel et d'approfondir ses connaissances d'œuvres poétiques de langues très diverses. Il s'agissait pour lui, non d'accroître un savoir littéraire, mais d'intensifier le dialogue spirituel qu'il avait engagé tout au long de sa vie, grâce à son étonnant pouvoir d'intuition, avec des poètes dont il se sentait proche, en particulier avec le Provençal Frédéric Mistral et l'Ecossais Robert Burns qui avaient réalisé, en leur temps, l'accord intime entre peuple et poésie. Il prenait conscience de sa situation singulière dans une région marginalisée, pour des raisons multiples qui ont heureusement disparu.
Il importe de reconnaître l'extraordinaire travail accompli , discrètement, par Nathan Katz qui a quitté définitivement les bancs scolaires à l'âge de quatorze ans. Il a cultivé l'allemand et l'alémanique qu'il considérait, à juste titre, comme une langue dialectale ; il a appris le français, le provençal, l'anglais avec la variante dialectale qu'emploie Robert Burns. En vertu de sa tendance vers l'universel, il était tout naturellement multilingue.
Les diverses manifestations, qui se complètent heureusement, libèrent Nathan Katz de l'image stéréotypée d'un poète régional. Son culte de la "Haimet" ne signifie ni enfermement territorial ni attitude passéiste. Constituée à contre-courant, à une époque où prédominaient les préjugés nationalistes et où sévissaient diverses formes d'intolérance, son œuvre s'ouvre sur le vaste monde et sur le futur : elle anticipe la coopération transfrontalière et, sans être tributaire d'une idéologie politique, elle devrait susciter en Alsace la prise de conscience des virtualités européennes qu'implique son devenir culturel.
Il est impossible de ne pas saluer Nathan Katz si l'on songe avec quelle joie superbe, ce grand poète a salué le Sundgau et à travers lui l'innocence de l'homme et la beauté du monde.
Pour Nathan Katz, les mots sont avant tout vivants et mêlés à la vie qu'ils expriment. Parce qu'il s'est donné tout entier à cette féérie de la poésie, les mots, sous sa plume, jetés dans leur insouciante indépendance, prennent un réel pouvoir et pour légers qu'on les crût, ils retombent sur nous, lecteurs, sur notre esprit, sur notre cœur, avec leur puissance naïve.
Attaché aux choses et aux êtres du monde, Nathan Katz nous fait comprendre la bouleversante merveille de la vie à travers un langage infiniment précieux et simple comme le pain de la vie quotidienne.
La Ville d'Altkirch a été honorée de pouvoir recevoir son cadre de travail et ses livres parce que telle a été la volonté du poète.
Ces objets sont des symboles qu'Altkirch protégera pour faire vivre à jamais la pensée de ce grand poète sundgauvien hors du commun.
Jean-Luc REITZER
DEPUTE-MAIRE D'ALTKIRCH
CONSEILLER GENERAL
Il y a cent ans, à la veille de Noël, naissait Nathan Katz, l'un de nos plus grands poètes, chantre de son pays natal, le Sundgau.
Les liens qui l'unissent à Mulhouse sont nombreux. Il a habité dans notre cité pendant de nombreuses années. Il a œuvré pour le développement de la lecture au sein de la Bibliothèque Municipale. Il y fut bibliothécaire jusqu'en 1958, année où il partit en retraite.
Il était donc tout à fait naturel que Mulhouse prît part aux festivités qui vont commémorer le centenaire de la naissance de Nathan Katz.
Je suis heureux que Mulhouse s'associe, à cette occasion, à Waldighoffen, village natale du poète, et à Altkirch, capitale du Sundgau.
Ensemble, ces trois cités vont rendre hommage à l'un des représentants les plus illustres de la littérature dialectale. Cinéma, théâtre, conférences, soirée poétique, tous ces moyens d'expression se mettront au service d'un art : la poésie.
Pour beaucoup, ce sera l'occasion de redécouvrir, voire de découvrir celui qui sut si bien évoquer son terroir par la musique de ses mots.
Grâce à son œuvre, nous allons pouvoir goûter toute la saveur de notre "alti scheene Heimetsproch".
Parce qu'il a le don de "Ressentir" avant les autres, malgré tout l'art dont il peut disposer pour exprimer les sentiments qui débordent de son Cœur, le Poète voit souvent son Cri se perdre dans le bruit de la foule qui se précipite et reconstruit sans arrêt sa nouvelle tour de Babel. Ce n'est pas un hasard si ce n'est qu'au fond des impasses que ce Cri ressurgit dans toute sa force et dans toute sa richesse.
En ce 100ème anniversaire de sa naissance, Nathan Katz, Poète de notre terroir mais aussi de l'Universel, Poète disparu mais toujours actuel, nous apporte heureusement un certain nombre de réponses qui nous invitent à une redécouverte.
L'euphorie du développement et de la consommation : nous avons goûté et perdu : les grandes théories idéologiques de tous acabits : nous avons constaté et rejeté, les promesses du politique : nous voyons et avons compris.
Il apparaît qu'après tous ces hivers décevants, ce seront sans doute les Poètes qui nous apporteront à nouveau le Printemps de l'Espérance et de la Joie de vivre.
En 1992, Nathan Katz, nous invite encore et toujours à nous réinscrire dans nos racines et dans l'histoire de notre famille et de notre Communauté. Maillons entre ceux qui nous ont passé le relais et ceux à qui nous allons le transmettre, il nous appartient de partager notre patrimoine commun inscrit dans le plus profond de notre être.
Réapprendre à communier avec ses semblables et la nature, éprouver intensément la Beauté, renverser les priorités en privilégiant la sensibilité et l'imagination, se sentir immergé dans la Nature au rythme de ses saisons et de sa diversité, s'inscrire dans la grande aventure de l'Universel.
En ces temps de crise et de doutes, Nathan Katz, nous lance un clin d'œil amusé. Et si maintenant, tous ensemble et enfin, WALDIGHOFFEN, ALTKIRCH et MULHOUSE, chers à son cœur pendant son voyage terrestre, réussissaient à l'occasion de ce centenaire, à faire passer son message ?
Programme des événements autour du Centenaire de Nathan Katz, organisés avec le soutien de :
- l'Agence Culturelle Technique d'Alsace - la Direction Régionale des Affaires Culturelles Alsace
- les communes d'Alktkirch, de Mulhouse et de Waldighoffen