65. à Samuel Joseph AGNON, Jérusalem

Longtemps avant que le Prix Nobel n’ait été décerné à l’écrivain israélien Samuel Joseph Agnon, André Neher en était un grand amirateur et souhaitait qu’une traduction de ses œuvres puisse paraître en français (1). L’annonce du Prix Nobel de Littérature décerné conjointement à Samuel Joseph Agnon et à Nelly Sachs a été faite le vendredi 14 octobre 1966. André Neher écrit à Agnon pour lui exprimer son émotion (2).
Dans l’original, cette lettre est écrite en hébreu dans un style très fleuri, courant dans la correspondance hébraïque littéraire.


Strasbourg, le 21 octobre 1966
Veille du Chabbat "Lekh Lekha" (3)

Très cher et très admirable ami,


Je tiens à vous exprimer mes chaleureuses félicitations à l’occasion de votre désignation au Prix Nobel.

On peut dire de la plupart de vos œuvres qu’elles sont source de bénédiction. Bien plus, maintenant que vous avez reçu le Prix Nobel, vous arrivez au niveau d’Abraham notre Père : votre nom s’élève dans le monde et vous êtes vous-même source de bénédiction.

Soyez donc béni par tous les membres de votre peuple et par les peuples du monde et soyez comme un père pour toutes les nations (4).


Avec toute mon admiration et ma fidèle amitié.

"Ce Français-là…" (5)
Professeur André Neher

Notes :
  1. Dès 1956, André Neher recommandait l’œuvre d’Agnon en ces termes aux éditions du Seuil :
    "[…] S.J. Agnon est l’un des classiques de la littérature hébraïque contemporaine. En Israël, où il vit actuellement, son prestige est considérable. Il a su réussir là où bien d’autres ont échoué : créer une œuvre absolument ‘moderne’, tout en restant, par le style et par la pensée, dans la continuité de la tradition spirituelle et littéraire juive. Aucune de ses œuvres n’est encore traduite en français mais l’une ou l’autre nouvelle, publiée jusqu’ici dans des revues juives de langue française, ont suscité un intérêt extrêmement vif. […] je suis persuadé qu’en le publiant, vos Éditions ouvriraient en France un domaine encore peu exploré de la littérature étrangère contemporaine. […]" (Lettre aux Éditions du Seuil du 3.3.1956, © Archives André Neher) Une première traduction d’Agnon en français, mais aux éditions Albin Michel, a paru en 1959 : Contes de Jérusalem (traduits par Rachel et Guy Casaril).
  2. À la même date, André Neher écrit également à Nelly Sachs : cf. supra, lettre à Nelly Sachs du 13.9.1966.
  3. Le Chabbat où l'on lit à la synagogue le passage de la Genèse, chapitres 12 à 17.
  4. Expression biblique appliquée à Abraham.
  5. Lors du quatrième Congrès Mondial des Études Juives qui s’est tenu à Jérusalem en été 1965, André Neher a été chargé de prononcer un discours introductif au nom des représentants de la Diaspora européenne. Agnon a eu des échos de cette intervention d’André Neher et a dit à l’un de ses amis, qui l’a rapporté à André Neher : "Ce Français-là a sauvé le Congrès."


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