71. à Ely BEN-GAL, Kibboutz Bar-Am (Israël)

Venu de France se fixer en Israël, Ely Ben-Gal, après quelques années au kibboutz Bar-Am (au nord d’Israël, à la frontière du Liban), a été envoyé en France comme délégué (chalia'h, en hébreu) du mouvement Hachomer hatsaïr et a passé quelque temps à Strasbourg. Sa sincérité et son enthousiasme ont immédiatement créé un courant de sympathie entre lui et André Neher, malgré de très grandes divergences d’opinions dans de nombreux domaines. De retour en Israël, Ely Ben-Gal adresse à André Neher un recueil de ses poèmes, intitulé Al kanfei necharim [Sur les ailes de l’aigle] (1), qui est un adieu et un rejet de la France, correspondant assez au sentiment qu’éprouve André Neher au moment de la guerre des Six Jours. Il répond à Ely Ben-Gal pour le lui exprimer.


Strasbourg, le 14 juillet 1967

Mon cher Ely Ben-Gal,

"… On se presse derrière de Gaulle Et ses courageux compagnons Je vous rends mes droits sur la Gaule…" (2) et, hélas, sur de Gaulle… Mon message du 14 juillet sera bref. Au lieu d’aller à la cérémonie traditionnelle à la Synagogue (3), je consacre cette heure à me rapprocher d’Israël, en vous écrivant : c’est vous dire combien la déchirure provoquée par les derniers événements est profonde, incurable (4).


Nous venions, au seuil de la crise, de recevoir votre si admirable plaquette Al kanfei necharim et puis ça a été la lutte, le réveil, la tension de 24 heures sur 24. J’ai parlé, j’ai écrit, j’ai agi… C’était si peu de chose, si ridicule, en face de ce que mes frères faisaient en Israël. Et puis, nous n’y avons plus tenu, ma femme et moi. Nous sommes venus en Israël le 12 juin… quand, déjà, la paix était revenue, cette Paix admirable, sereine – ce Chavouot à Jérusalem devant le Kotel ! ! C’était un séjour trop rapide pour que nous ayons pu vous prévenir et le téléphone était encore capricieux – mais nous avons vécu un tournant, le tournant bimillénaire de notre histoire (5). Nous reviendrons en Israël vers Tich'a be-Av pour y rester deux mois. Notre adresse : Pension Wolff, 27 Abravanel, Jérusalem. Nous nous y sommes rencontrés il y a trois ans. Mais cette fois-ci, nous sommes bien décidés à venir vous voir à Bar-Am (6). Alors, à bientôt. Votre plaquette est magnifique.


Vos

André et Renée Neher

Notes :
  1. Al kanfei necharim [Sur les ailes de l’aigle], cri de colère contre la France, réunit des poèmes écrits en français par Ely Ben-Gal depuis son enfance et rassemblés en un petit recueil publié à Haïfa en mai 1966.
  2. Citation extraite du poème "Rachi", par Ely Ben-Gal.
  3. Chaque année, le 14 juillet, des cérémonies officielles ont lieu dans les synagogues de France pour la Fête nationale. Jusqu'en 1967, André Neher avait l'habitude d'y participer.
  4. C’est également un 14 juillet, quinze ans plus tard, qu’André Neher écrira au Pasteur Rudolf Pfisterer :
    "[…] ‘14 juillet’, Fête de la Bastille, Fête Nationale de la France… Mais nous ne nous réjouissons pas, comme nous avions l’habitude de le faire si longtemps. La Justice incarnée par la Prise de la Bastille est bafouée par la politique actuelle de la France, qui donne de l’oxygène à l’O.L.P. et fait tout pour empêcher la vraie Paix de s’instaurer enfin au Liban. […] » (lettre du 14.7.1982, © Archives André Neher)

  5.  Le retour du Mur occidental et de la totalité de Jérusalem sous souveraineté juive.
  6. Les Neher iront effectivement rendre visite à Ely Ben-Gal au kibboutz Bar-Am en été 1967.
Lexique :


© : A . S . I . J . A. judaisme