Le professeur Edmond Jacob, anciennement professeur à la Faculté de Théologie Protestante de Strasbourg et qui a toujours été aux côtés d’André Neher dans les rencontres interconfessionnelles à Strasbourg, lui a envoyé un message pour son soixante-dixième anniversaire. Celui-ci en a été très touché ; il y répond un 25 novembre. C’est à cette date qu’André Neher, Edmond Jacob et Marcel Simon (Doyen de l’Université de Strasbourg) (1) avaient l’habitude, chaque année, avec leurs étudiants, de se recueillir dans l’Aula de l’ancien bâtiment de l’Université de Strasbourg, où une plaque commémorative évoque le souvenir des étudiants de l’Université de Strasbourg fusillés ou déportés par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale ; les professeurs y évoquaient pour leurs étudiants le drame qui s’était déroulé un 25 novembre pour les étudiants strasbourgeois d’alors : le 25 novembre 1943, les Allemands ont opéré, sous prétexte de Résistance, une arrestation massive dans les locaux de l’Université de Strasbourg repliée – dès 1940 – à Clermont-Ferrand pendant la seconde guerre mondiale. Certains étudiants ont été fusillés sur place, et de nombreux autres ont été déportés et sont morts dans les camps d’extermination.
Mon cher ami,
En cette date mémorable du 25 novembre, où nous avions l’habitude de nous recueillir ensemble devant la Plaque des Martyrs dans l’Aula de l’Université de Strasbourg, je viens vous remercier pour votre si émouvant message à l’occasion de mon soixante-dixième anniversaire.
Notre amitié – sans que rien ne soit diminué à sa chaleureuse simplicité – se situe néanmoins à un niveau digne du symbole de cette date du 25 novembre. Nous avons fait ensemble une longue route à l’Université dans la Cité de Strasbourg et, en ces moments de la vie où il est permis de faire des bilans, je pense que, sur cette route, nous avons posé ensemble des signes qui resteront et des jalons pour permettre à nos successeurs de poursuivre dans la bonne voie.
Le nombre "70" possède, évidemment, en Erets [Israël] et à Jérusalem, une charge religieuse et émotionnelle que suffirait à lui donner le verset sur la vie de l’homme et le nombre des années dans le Psaume de Moïse (90, 10). Nos amis ont tenu à la souligner, en nous réservant la surprise d’une soirée-hommage à l’Institut Van Leer. C’était très fervent, nullement "académique". Éliane Amado Lévy-Valensi, Albert Hazan, Manitou et l’un de mes élèves de Jérusalem (le Dr. Paul Zylbermann) ont évoqué sobrement l’importance qu’ont eue pour eux les moments de leur rencontre avec moi-même ou avec mes écrits. Une sorte de colloque, donc, auquel j’ai participé, entouré d’un public nombreux, où j’étais heureux de voir beaucoup de jeunes.
Il faut continuer maintenant. La journée est courte – et la tâche est grande (2). J’ai corrigé et renvoyé les épreuves de ma contribution aux Mélanges de notre ami Lovsky (3). J’ai signé, aux P.U.F., le contrat pour mon Faust et le Maharal [de Prague]. Le mythe et le réel, auquel je travaille depuis plusieurs mois.
Le jour même de mon anniversaire est sorti des presses une Anthologie de mes écrits, traduits en russe (4), par les soins du Ministère de l’Éducation d’Israël, à l’intention des immigrants de Russie et aussi pour envoyer en U.R.S.S. aux assoiffés de culture hébraïque et juive dont on leur défend l’accès. Est arrivée, le même jour, la traduction en italien de L’essence du prophétisme (déjà traduit en anglais, en espagnol et en japonais) et la lettre annonçant la sortie, au Japon, de la traduction de L’exil de la parole (déjà traduit en anglais et en italien).
Ce sont de beaux cadeaux, n’est-ce pas ? Et cela se fait grâce au travail d’autres (éditeurs, traducteurs). Par contre, la traduction en hébreu de notre Histoire Biblique pèse entièrement sur ma femme et moi-même. Pas la traduction elle-même, réalisée par certains de nos élèves, mais la révision, la correction des épreuves, l’Index… Le tout est divisé en deux volumes ; le premier doit sortir, en principe, pour 'Hanouca ; le second… quand il sera prêt ! (5)
Je vous quitte en vous remerciant encore de tout cœur. Ma femme se joint à moi pour vous souhaiter, ainsi qu’à Madame Jacob, santé et rythme fécond de travail et de satisfactions.
Votre fidèle
© : A . S . I . J . A. |