144. au Rabbin David CHELOUCH,
        Président du Tribunal rabbinique de Netanya

Au cours de l’année 1984, une dizaine de milliers de Juifs venant d’Éthiopie arrivent en Israël, petit à petit et après un voyage très difficile. Bravant le péril et l’inconnu, ils se sont mis en route et ont parcouru à pied d’immenses distances, au prix de graves dangers en chemin (au moins dix pour cent d’entre eux sont morts durant ce périple), pour gagner le Soudan d’où un pont aérien a été mis en place pour les transporter en Israël : c’est ce que l’on a appelé l’ "Opération Moïse". Leur arrivée en Israël a été plus ou moins bien préparée et les "retrouvailles" des Juifs éthiopiens avec leurs frères israéliens n’ont pas toujours été faciles.
Cette immigration a posé de nombreux problèmes, tant du point de vue social que du point de vue religieux. Ce groupe a été pendant de longs siècles coupé des grands courants du judaïsme mondial, et leurs coutumes et leur langue de prière portent certains à croire qu’ils ne sont pas vraiment juifs ; beaucoup de rabbins, en Israël, ont hésité et même parfois refusé de recevoir ces Juifs dans la communauté d’Israël, à moins qu’ils ne se convertissent. Le problème de leur judéité devient très aigu en particulier au moment où se pose la question de leur mariage. Pendant quelques années, le rabbin David Chelouch (1), grand rabbin de Netanya, a été le seul à accepter de les marier, après une enquête qui lui a permis de vérifier l’authenticité de leur judaïsme. C’est ainsi que, de tous les coins du pays, les Éthiopiens candidats au mariage étaient obligés, malgré leurs conditions matérielles difficiles, d’effectuer de longs et coûteux déplacements.
André Neher et son épouse se sont beaucoup investis pour aider à l’intégration des Juifs d’Éthiopie en Israël et ils se sont notamment personnellement occupés d’un certain nombre de familles éthiopiennes, essayant, comme cela fut toujours leur principe, d’œuvrer pour la réussite du rassemblement des Juifs en Israël, quelle que soit leur origine. Aussi André Neher juge-t-il nécessaire de donner par écrit son soutien au rabbin Chlouch. Celui-ci a publié in extenso cette lettre d’encouragement d’André Neher dans le livre (en hébreu) qu’il a consacré à ce sujet, publié en 1988 : Les dispersés d’Israël se rassemblent (Traduction du titre hébreu original).
Lettre traduite de l’hébreu.


septembre 1985

Monsieur le Rabbin,


En penseur orthodoxe et observant des commandements, je tiens à vous féliciter et à vous soutenir dans l’aide que vous apportez à nos frères éthiopiens.

Ils se sont sacrifiés pour leur judaïsme et ils méritent d’être un exemple pour nous et pour tout Israël.

Vous avez eu le grand mérite, Monsieur le Rabbin, de vous battre pour eux et pour leur droit à être reconnus comme membres à part entière de notre peuple, sans cérémonie supplémentaire.

Sachez qu’il y a comme moi beaucoup de Juifs orthodoxes qui vous soutiennent et se comptent parmi vos admirateurs (2).


André Neher

Notes :
  1. Le rabbin David Hayim Chelouch (1920-2016) appartient à une dynastie de rabbins d’origine marocaine. Il étudie à la Yechivath Porat Yossef de Jérusalem, et en 1947 il est nommé rabbin du quartier de Romema dans la ville. En 1950 il est envoyé en France, comme aumônier dans les camps de personnes qui se préparent à émigrer en Israël. En 1952, il est nommé au poste de rabbin de Natanya, et il occupera ce poste pendant 63 ans.
    Le rav Chelouch a rédigé un grand nombre d’ouvrages de Halakha, dans lesquels il s’est fait connaître comme un pratiquant du Koa’h dehétéra ‘adif ("il est préférable de permettre"). Il a mis tout particulièrement l’accent sur la défense des différents coutumes, plus particulièrement celles des Juifs du Maroc, dont on trouve les principales idées dans son livre ‘Hemda guenouza.

  2. Dans une lettre à Gali Hillman du 23.9.1985, André Neher exprime, dans le même sens, une critique de l’attitude du Rabbinat israélien à l’égard des Juifs d’Éthiopie :
    "[…] Le problème des 'olim d’Éthiopie nous préoccupe particulièrement ces dernières semaines. Nous trouvons que l’attitude du Grand Rabbinat est beaucoup trop rigide : pour un problème aussi nouveau, qui lance au peuple juif le défi merveilleux du Retour de l’une des Tribus Perdues, il faut des réponses nouvelles et courageuses. C’est une occasion unique de renouveler l’Alliance d’Unité du Peuple juif. […]" (© Archives André Neher)
Lexique :


© : A . S . I . J . A. judaisme