HOCHFELDEN

Synagogue d'Hochefelden
La première synagogue de cette commune fut construite au 17ème siècle. Elle existait encore en 1843, alors qu'une nouvelle était en cours de construction. Cette dernière date de 1841. Elle a été vraisemblablement restaurée en 1893.
La synagogue, ainsi que l'oratoire situé dans la maison voisine, existent encore de nos jours, mais ne sont plus guère en fonction.
La communauté était très importante au 19ème siècle. Elle avait un rabbin, non rétribué par l'Etat.

INAUGURATION D'UN SEFER TORAH A HOCHFELDEN SOUS LA CONVENTION THERMIDORIENNE
André-Marc HAARSCHER
Extrait de l'Almanach du KKL-Strasbourg 5764-2004

Bien que depuis 1794, la Terreur ait été abolie, les dénonciations contre l'exercice des manifestations extérieures du culte religieux - quel qu'il soit - ont continué à défrayer les chroniques judiciaires. Elles se sont peut-être plus particulièrement exercées dans notre région, contre le culte "israélite".

Ainsi, les Juifs de Hochfelden ont été dénoncés le 21 Nivose An 7 par l'administration municipale..." pour avoir, le 18 Frimaire - en contravention avec les articles 16 et 18 de la loi du 7 Vendémiaire, an 4 (1) - promené en procession depuis la maison de Süsskind Elias, jusqu'à la synagogue, un mannequin qu'ils appellent vulgairement "Zehn Gebot" ou la Loi de Moïse".

L'administration centrale, en date du 7 Pluviose, demande des renseignements supplémentaires à la municipalité. Ceux-ci seront recueillis par l'agent municipal Georg Spilmann qui, après avoir entendu plusieurs témoins, rédige un procès-verbal en allemand dont je ne résiste pas à donner le texte intégral :

Erstlich erscheint Anna Maria Friedrich und sagt dass sie den besagten Tag (le 18 Frimaire) in des Süsskind Elias seinem Haus erschienen und hat gesehen dass in dessen Stub Kammer zwischen brennenden Kertzen, ein wunderbare und kostbare Müssin (2) aufgericht worden, einer Bub (3) ähnlich, ohne Kopf Diese Bub nahmen sie und danzten mit ihren, auf den Händen tragent um den Tisch herum. Nach diesem hat Anna Maria (4) auf Befehl der Juden die Lichter gelöscht. Dann wurde dem Süsskind berneldte Bub in die Händen geben, und Süsskind tragt sie hinaus und gab sie einem Andern und so ford, einer dem Andern bis in ihre Schule oder Sinagog.
Heinrich Mathis erscheint und sagt dass er gesehen, den besagten Morgens (5), die Juden mit einem grossen Lärmen vor seinem Haus vorbei gegangen und haben ein Müssin gehabt mit zwei Hörner.
Bürger Adam Lehnhard, Färber erscheint und declariert dass, Süsskind Elias eine Müssin mit einer Bub auf den Händen tragend, zu seiner Tür hinaus gebracht und gab sie einem andern.
Die Bürgerin Anna Maria Korbmann erscheint und declariert dass sie gesehen, den besagten 18 ten Frimaire, morgens früh die Juden sturmweis wider einander geloffen und haben eine Bub ohne Kopf einer dem andern in die Hand geben bis in ihre Schule, und es waren davon so viel, dass die Reihe nicht an die Weiber kommen ist, die auch in grosser anzahl waren. .
Johann Michel Acker erscheint und zeugt dass er gesehen die Juden am Morgen früh, eine Müssin, einer Bub ähnlich, auf der Gass, zwischen des Bürgers Süsskind Elias seinem Haus und der Juden Schuhl einer dem andern in die Händ geben und mit grosser Andacht geschmutzt und so ford bis an ihrer Schuhl oder Sinagog, und hat sich dieses der Wahrheit gemäss underschriben.

Traduction du procès-verbal :

© M. Rothé
Synagogue d'Hochefelden
Premièrement, se présente Anne-Marie Friedrich (6) qui affirme que ledit jour, elle était dans la maison de Susskind Elias et a vu, dans la pièce principale une merveilleuse et précieuse "poupée" sans tête, entourée de candélabres allumés. Ils (les juifs) ont pris cette poupée et ont dansé avec elle autour de la table en la portant tour-à-tour dans leurs bras. Elle a ensuite, sur ordre, éteint les lumières et la "poupée" a été remisée à Susskind, qui l'a portée hors de la maison et l'a donnée à son voisin et ainsi de suite jusqu'à la synagogue (7).
Heinrich Mathis se présente et dit qu'il a vu ledit matin, passer devant sa maison, faisant grand bruit, les juifs tenant un "mannequin" avec deux cornes (8).
Le citoyen Adam Lehnhard, le teinturier, se présente et déclare qu'il a vu Susskind Elias, portant un "mannequin" hors de sa porte pour le remettre à un autre.
La citoyenne Anne Marie Korbmann (9) se présente et déclare qu'elle a vu ledit 18 frimaire, le matin de bonne heure, les juifs se groupant à la hâte, porter une poupée sans tête, qu'ils se passaient de l'un à l'autre, jusqu'à la synagogue et il y en avait tant qu'elle n'est jamais parvenue jusqu'au femmes (9), qui étaient également très nombreuses.
Johann Michel Acker se présente et témoigne, qu'il a vu les juifs, tôt le matin portant un "mannequin" ressemblant à une poupée de la maison du citoyen Susskind Elias jusqu'à la synagogue, se la passant de l'un à l'autre et l'embrassant avec beaucoup de dévotion, et a signé sa déclaration conforme à la vérité.

Le résultat de cette enquête est adressé à l'administration centrale du département du Bas-Rhin avec la lettre suivante :

Nous vous adressons, Citoyens, l'information que nous avons fait faire par l'agent d'Hochfelden pour vous fournir des renseignements précis sur la soi-disante procession qui a eu lieu le 18 Frimaire dernier à Hochfelden.
"Les sectataires du culte mosaïque portant en leur synagogue un mannequin, qu'ils appellent vulgairement Zehn Gebot ou la Loi de Moïse. Il est constant qu'ils ont contrevenu à la loi du 7 Vendémiaire an 4 et qu'il ne reste que de faire traduire les auteurs et complices par-devant le juge compétent pour faire statuer un exemple frappant ceux sectataires de ce culte, qui ne songent d'abolir leur fanatisme invétériné (sic!) et de faire luire le flambeau de la Raison".
Salut et Fraternité signé : Stoltz (10).

Les archives sont muettes quant à la sanction infligée à la Kehila (communauté) de Hochfelden, si tant est qu'une telle mesure ait été prise.
Quoi qu'il en soit, ce document nous montre que ces juifs villageois, malgré le contexte politique troublé de l'époque, et malgré le risque de délation, n'ont pas hésité à braver un interdit pour maintenir vivante leur tradition religieuse.

Notes
  1. Loi sur l'exercice et la police extérieure des cultes : Art. 16 : les cérémonies de tout culte sont interdites hors de l'enceinte de l'édifice choisi pour leur exercice. Cette prohibition ne s'applique pas aux cérémonies qui ont lieu dans l'enceinte des maisons particulières, pourvu qu'il n'y ait pas un rassemblement au-delà de dix personnes. Art.18 : la contravention à l'un des articles 16 à 17 sera punie d'une amende qui ne pourra être moindre de 100 livres et d'un emprisonnement qui ne pourra pas excéder deux ans, ni être moindre d'un mois. En cas de récidive, le ministre du culte sera condamné à 10 ans de galères.    Retour au texte.
  2. Ouvrage de broderie (d'après Himly), sans doute un "Mëntele" de Sefer-Torah (Rouleau de la Loi).    Retour au texte.
  3. Bub : terme alsacien pour l'allemand Puppe (poupée).    Retour au texte.
  4. Cela s'est pass2 chez Susskind le Shabath matin. Il semble que les Juifs se sont passé le Sefer-Torah de main en main jusqu'à la synagogue pour ne pas le porter, ce qui aurait été une transgression du Shabath..    Retour au texte.
  5. C'était le Shabath matin.    Retour au texte.
  6. Elle est la "Schawesgoye", préposée à l'allumage et l'extinction des feux le Shabath.    Retour au texte.
  7. Cf. Note 4.    Retour au texte.
  8. Les Rimonim : boules d'argent à l'apparence de grenades qui ornent les montants des rouleaux de la Torah.    Retour au texte.
  9. Anne Marie Korbmann est excusée de ne pas savoir qu'une femme ne peut porter en Sefer-Torah.    Retour au texte.
  10. ABR 1L 1584     Retour au texte.


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