Bien que depuis 1794, la Terreur ait été abolie, les dénonciations contre l'exercice des manifestations extérieures du culte religieux - quel qu'il soit - ont continué à défrayer les chroniques judiciaires. Elles se sont peut-être plus particulièrement exercées dans notre région, contre le culte "israélite".
Ainsi, les Juifs de Hochfelden ont été dénoncés le 21 Nivose An 7 par l'administration municipale..." pour avoir, le 18 Frimaire - en contravention avec les articles 16 et 18 de la loi du 7 Vendémiaire, an 4 (1) - promené en procession depuis la maison de Süsskind Elias, jusqu'à la synagogue, un mannequin qu'ils appellent vulgairement "Zehn Gebot" ou la Loi de Moïse".
L'administration centrale, en date du 7 Pluviose, demande des renseignements supplémentaires à la municipalité. Ceux-ci seront recueillis par l'agent municipal Georg Spilmann qui, après avoir entendu plusieurs témoins, rédige un procès-verbal en allemand dont je ne résiste pas à donner le texte intégral :
Erstlich erscheint Anna Maria Friedrich und sagt dass sie den besagten Tag (le 18 Frimaire) in des Süsskind Elias seinem Haus erschienen und hat gesehen dass in dessen Stub Kammer zwischen brennenden Kertzen, ein wunderbare und kostbare Müssin (2) aufgericht worden, einer Bub (3) ähnlich, ohne Kopf Diese Bub nahmen sie und danzten mit ihren, auf den Händen tragent um den Tisch herum. Nach diesem hat Anna Maria (4) auf Befehl der Juden die Lichter gelöscht. Dann wurde dem Süsskind berneldte Bub in die Händen geben, und Süsskind tragt sie hinaus und gab sie einem Andern und so ford, einer dem Andern bis in ihre Schule oder Sinagog.
Heinrich Mathis erscheint und sagt dass er gesehen, den besagten Morgens (5), die Juden mit einem grossen Lärmen vor seinem Haus vorbei gegangen und haben ein Müssin gehabt mit zwei Hörner.
Bürger Adam Lehnhard, Färber erscheint und declariert dass, Süsskind Elias eine Müssin mit einer Bub auf den Händen tragend, zu seiner Tür hinaus gebracht und gab sie einem andern.
Die Bürgerin Anna Maria Korbmann erscheint und declariert dass sie gesehen, den besagten 18 ten Frimaire, morgens früh die Juden sturmweis wider einander geloffen und haben eine Bub ohne Kopf einer dem andern in die Hand geben bis in ihre Schule, und es waren davon so viel, dass die Reihe nicht an die Weiber kommen ist, die auch in grosser anzahl waren. .
Johann Michel Acker erscheint und zeugt dass er gesehen die Juden am Morgen früh, eine Müssin, einer Bub ähnlich, auf der Gass, zwischen des Bürgers Süsskind Elias seinem Haus und der Juden Schuhl einer dem andern in die Händ geben und mit grosser Andacht geschmutzt und so ford bis an ihrer Schuhl oder Sinagog, und hat sich dieses der Wahrheit gemäss underschriben.
Traduction du procès-verbal :
Le résultat de cette enquête est adressé à l'administration centrale du département du Bas-Rhin avec la lettre suivante :
Nous vous adressons, Citoyens, l'information que nous avons fait faire par l'agent d'Hochfelden pour vous fournir des renseignements précis sur la soi-disante procession qui a eu lieu le 18 Frimaire dernier à Hochfelden.
"Les sectataires du culte mosaïque portant en leur synagogue un mannequin, qu'ils appellent vulgairement Zehn Gebot ou la Loi de Moïse. Il est constant qu'ils ont contrevenu à la loi du 7 Vendémiaire an 4 et qu'il ne reste que de faire traduire les auteurs et complices par-devant le juge compétent pour faire statuer un exemple frappant ceux sectataires de ce culte, qui ne songent d'abolir leur fanatisme invétériné (sic!) et de faire luire le flambeau de la Raison".
Salut et Fraternité signé : Stoltz (10).
Les archives sont muettes quant à la sanction infligée à
la Kehila (communauté) de Hochfelden, si tant est qu'une telle
mesure ait été prise.
Quoi qu'il en soit, ce document nous montre que ces juifs villageois, malgré
le contexte politique troublé de l'époque, et malgré
le risque de délation, n'ont pas hésité à braver
un interdit pour maintenir vivante leur tradition religieuse.
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