Fig.1 : Rosenwiller: stèle de Gütel, fille d’Isaac, épouse de Raphaël Meïr de Mutzig 7 janvier 1826.
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Ce fut une visite au cimetière juif de San Nicolo del Lido de Venise qui me fit comprendre que ces images solaires s'intégraient parfaitement à la tradition juive et que le rabbin Juda Moïse Nathan n'était ni indifférent comme je le supposais, ni surtout ignorant. C'est en effet dans le cimetière de Venise que je fus frappé par une stèle du 18ème siècle qui me rappela Rosenwiller (fig.4). La stèle, très simple, présentait dans sa partie supérieure. dans un encadrement circulaire, un soleil tracé naïvement, avec ses yeux, son nez, sa bouche, dardant ses rayons au milieu desquels apparaissait curieusement une paire d'ailes. Une inscription en lettres hébraïques, malheureusement lacunaire, encadrait le soleil et je lus : Shemseh zedaqah... Il n'était pas difficile de reconstituer le verset du prophète Malachie (3:20) : "Shemesh zedaqah u-marpé bikenapheha". Les dernières lettres du mot bikenapheha encore lisibles confirmaient ma lecture. Le verset complet de Malachie peut se traduire : "Il brille pour vous qui craignez mon nom, un soleil de justice avec la guérison dans ses ailes". Malachie, qui vécut entre 500 et 400 avant JC, sous la domination des Achéménides, avait subi leur influence, car c'est sous l'apparence d'un disque ailé que les Perses représentaient le soleil (2).
Ainsi le soleil gravé dans la pierre représente la lumière du monde futur, lumière promise aux Justes, accompagnée par la guérison, le rétablissement dans leur intégrité physique et mentale. On retrouve cette interprétation dans le Midrash : L'éclat du soleil pour les Justes dans le monde futur (Mekhil Mishpatim, 13) et dans cet autre Midrash : Avant que le Saint béni soit-Il ne fasse descendre le soleil d'un Juste, Il fait monter le soleil d'un autre Juste (Bereshith Raba 58). Ainsi à Venise, à Rosenwiller comme à Bordeaux (3), la présence d'un soleil sur une stèle appartient au judaïsme le plus authentique dans sa tradition la plus mystique. C'est nous qui, au cours des générations, avons perdu la signification symbolique de l'image solaire. Depuis qu'il est sur terre, l'homme voit chaque matin le soleil se lever à l'horizon, parcourir le ciel pour se coucher le soir, immuablement depuis des millénaires, lui donnant le concept de l'éternité et l'espoir en la résurrection.
A présent, devons-nous considérer les roues dentées, les svastikas courbes, non plus comme des fantaisies de sculpteurs alsaciens, mais comme des images solaires symboliques avec leur contenu eschatologique, la promesse d'une vie future? Seul le cimetière de Rosenwiller offre en abondance ces svastikas courbes et ces roues dentées, absentes à Ettendorf, à Sélestat, à Jungholtz. Je n'en ai pas vu non plus à Prague. A Rosenwiller même. ces roues dentées posent problème, car si elles devaient symboliser l'image solaire, pourquoi en avoir mis deux sur la stèle du rabbin Anschel Schoplich Ha-Lévy ? (4).
Les stèles solaires de Venise, de Rosenwiller, de Bordeaux, demeurent malgré tout des exceptions remarquables, des expressions d'une tradition mystique présente dans la Bible, le Talmud et le Midrash. J'ai été heureux de pouvoir les replacer dans leur contexte spirituel. Mais peut-on vraiment concilier ces images solaires avec le commandement : "Lo-ta' asé-lekho pésél..." "Tu ne feras pas d'image taillée ni de représentation de ce qui est en haut dans le ciel". (Exode 20:4 ; Deutéronome 5:8) ?
Fig.3 : Cimetière juif de Rosenwiller. Stèle de Bezalel fils d’Azriel Seligmann Weyl d’Osthoffen 16 juin 1789. |
Fig.4 : Venise, cimetière juif de |
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