Il y eut à Soultz-sous-Forêts, sous la Restauration, un médecin
cantonal nommé Lion/Léon Aron, mais qui n'est pas un frère,
ni même un parent du négociant et marchand de fer soultzois Léopold
Aron, originaire de Phalsbourg (1). Il est en effet né
à Furth, dans la banlieue nord-ouest de Nuremberg en Bavière
vers 1770 et ne paraît s'être installé à Soultz
qu'après la déclaration des patronymes juifs définitifs
d'octobre 1808, puisqu'il n'y figure pas (2).
Un médecin cantonal est un officier de santé public institué par une loi du 10 mars 1803, afin que les indigents, désignés comme tels par les maires, aient enfin accès à des soins gratuits. Il devait aussi surveiller l'hygiène publique dans sa circonscription, rédiger régulièrement un rapport sur son évolution, procéder aux vaccinations, exercer la police médicale, organiser les soins en cas d'épidémie et assister les sage-femmes en difficulté dans l'exercice de leur fonction.
Il convenait donc qu'il soit docteur en médecine, mais dans les premiers temps, ce n'était pas forcément le cas. Nommé par le préfet du département, il était contrôlé par des institutions charitables et touchait une indemnité couvrant à peine ses frais (3). Lion Aron semble être le premier à avoir exercé à Soultz en cette qualité. A Woerth, ses collègues étaient les docteurs Sadoul, médecins cantonaux de père en fils jusqu'en 1870...
La profession a peu intéressé les historiens locaux. Le catalogue de la BNU de Strasbourg ne référence ainsi que la monographie que François Boegly a consacrée au docteur d'origine savoyarde Antoine Corbé, "premier médecin cantonal de la ville de Rouffach" (4). La thésarde Eveline Münch-Mertz a tenté de son côté de dresser leur portrait-type en Haute-Alsace, mais sans entrer nominalement dans le détail de leurs carrières personnelles et particulières. Son étude nous apprend ainsi qu'en 1837, les médecins cantonaux étaient au nombre de treize à Colmar, de huit à Altkirch ainsi qu'à Belfort, et qu'en majorité ils étaient docteurs en médecine (5).
Ses interventions de médecin
Bien évidemment, le docteur Lion Aron n'a pas laissé de mémoires,
ni de correspondances restées inédits. Peut-être est-il
question de lui dans la liasse 15M220 (médecin cantonal à Soultz-sous-Forêts)
des Archives départementales
du Bas-Rhin. A vérifier à la prochaine occasion... Nous
avons cependant retrouvé des traces de son activité médicale
dans les règlements notariés des successions de ses patients
décédés ou alors dans les registres des jugements de
la justice de paix cantonale, voire même du tribunal de première
instance de Wissembourg.
En 1811, l'un de ses patients a ainsi été Jean-Philippe Rempp
l'aîné, cultivateur et maire de Retschwiller. Il le traita "pendant
sa maladie" pour un montant de 117 francs, jusqu'à son décès
survenu le 14 août 1811 à son domicile, vers 9 heures du soir
à l'âge de 53 ans (2), pendant que le pharmacien luthérien
Musculus de Soultz lui avait procuré pour 110,80 francs de médications
(6).
Au début de 1818, il lui appartint aussi de soigner, en tout œcuménisme,
le curé Chrétien Loyson de Soultz "pendant sa dernière
maladie" en son presbytère de la Hun(d)sgass (7),
maison n° 163, mais sans succès tangible. Natif de Haguenau, celui-ci
devait en effet y trépasser le 6 mars suivant vers dix heures du matin,
à l'âge de 68 ans (2).
A la même époque, le médecin Lion Aron dut également
soigner les conjoints Hützelberger de Birlenbach, qui avaient été
violentés par Georges Scherer, sellier dans le village. Ses frais de
"chirurgie" et de "médicaments" se sont alors montés à
102,07 F, que le tribunal de Wissembourg dut ordonner de lui régler
par jugement du 23 novembre 1818. Mais deux ans et demi plus tard, les conjoints
Hützelberger n'en avaient toujours rien fait. Le 13 juin 1821, il fallut
donc les recondamner à les lui payer (8).
Bien entendu, Lion Aron soignait également ses coreligionnaires. Deux
exemples peuvent être donnés à Surbourg. Mais ces derniers
n'étaient pas forcément meilleurs payeurs. Le 9 juillet 1827,
il obtient ainsi de la justice de paix cantonale que Lippmann Moser, juif
sans profession y demeurant, soit condamné à lui régler
41 francs dans un mois "pour avoir traité la maladie de sa défunte
femme" en avril 1824 (9).
Début 1838, pour 24 francs, Lion Aron "trait(a aussi) la maladie" de
Lazare Dahlmann, commerçant juif à Surbourg, frère aîné
d'Isaac qui était un marchand de chevaux en vue dans la localité.
En vain, car Lazare décéda le 21 mai suivant vers 6 heures du
matin, trois fois veuf, à l'âge de 48 ans, son pharmacien traitant
ayant alors également été Frédéric Musculus
de Soultz (10).
Consulté sur la démence d'une jeune Soultzoise
Plus inhabituel, Lion Aron a aussi été consulté début 1837 par la municipalité de Soultz et la sous-préfecture de Wissembourg sur la question de savoir si les violentes crises de démence dont souffrait Marie-Joséphine Marquaire, la fille de l'instituteur "libre" de Soultz, devaient motiver ou non son internement dans le nouvel établissement pour aliénés de Stephansfeld, près de Brumath.
Le 7 avril 1837, il signa ainsi un certificat d'aliénation, très
freudien avant l'heure. Il y explique que Marie Joséphine
"a donné les premières marques d'aliénation dans sa quinzième
année, âge de sa puberté. A cette époque, écrit-il,
elle a montré un état de lascivité étonnante,
jusqu'à l'âge de 25 ans, temps où elle est devenue enceinte.
Après qu'elle fut trois mois enceinte, jusqu'à la fin de son
allaitement, elle était très calme (deux ans environ). Puis
son aliénation a recommencé jusqu'à une seconde et troisième
grossesse. Son troisième nouveau-né, au commencement de 1834
n'a vécu que 24 heures. A partir de ce temps, son aliénation
est devenue plus extravagante.
"Depuis (l'interdiction prononcée le 8 novembre 1834 par le tribunal
de Wissembourg), poursuit Lion Aron, elle avait plusieurs mois très
calmes, mais depuis le carnaval dernier, elle est dans un état très
furieux. Mais sa démence ne s'applique qu'auprès de son père,
de sa soeur et contre son fils, âgé de dix ans environ, qu'elle
maltraite par des coups. Hors de chez elle, son aliénation, qui est
généralement connue, n'a aucun danger. L'état maladif
de ce pieux père depuis deux mois laisse beaucoup à craindre
par les mauvais traitements de sa fille."
"L'état mental de ladite Marquaire, conclut le médecin cantonal,
est tel qu'il y a véritablement danger pour la famille et la société
en général, si elle n'était pas promptement mise en sûreté.
Elle casse et brise tout dans la maison. Elle bat son père et ses sœurs,
prenant des couteaux ou autres instruments dangereux en menaçant de
tuer les membres de sa famille. Elle crie qu'il lui faut du sang. Une autre
fois, elle prend des brasiers du poêle en les jetant à tout hasard
et menaçant d'incendier tout. Elle se trouve presque continuellement
dans un état de fureur terrible et il est grandement temps de prendre
des garanties à cet égard. Cette fille, qui a déjà
fait quatre enfants, se calme toutes les fois qu'elle est enceinte. Aussi,
je pense que sa fureur est une suite de ce qu'elle ne trouve pas un mâle
qui voulut s'accoupler avec elle. Je fais cette observation pour les médecins
de Stephansfeld sachent d'où peut provenir ce mal" (11).
A droite, derrière l'homme et les deux enfants, la maison Fürstenhauser, où avait logé le ménage Lion Aron (27). Le grand rabbin traditionnaliste Naphtali-Lazare Hirsch-Katzenellenbogen, dont Lion Aron avait épousé une fille, décédée à Soultz ainsi que sa mère. A droite, sa plaque commémorative, inaugurée le 4 décembre 2018 en la synagogue de Wintzenheim. |
Le milieu familial de Lion Aron
Ce sont les liens familiaux du docteur Lion Aron qui permettent de mieux cerner les circonstances par lesquelles il s'est retrouvé à Soultz. A une date que nous ignorons, manifestement antérieure à son arrivée dans le Sulzerland, il avait épousé Jeannette ou Hannah Hirsch (anciennement Katzenellenbogen), qui était une fille de Naphtali-Lazare Hirsch-Katzenellenbogen, grand rabbin à Wintzenheim près de Colmar et lui-même fils du rabbin de Bamberg en Haute-Franconie (Bavière).
Le beau-père de Lion Aron était né à Bamberg
en 1750. Il avait ensuite grandi à Haguenau
et était devenu le rabbin de cette ville, puis de Wintzenheim, en février
1809, où il accéda également aux fonctions de premier
président du consistoire israélite du Haut-Rhin, dont dépendaient
alors aussi les communautés juives des départements de la Haute-Saône
et du Léman (12).
Il avait épousé une native de Gross-Glogau (Basse-Silésie),
Rachel Hecht, qui, après le décès le 11 novembre 1823
de son époux à Wintzenheim, était venue habiter à
Soultz chez Lion Aron. Elle y décédera le 30 octobre 1834 à
l'âge de 64 ans et sera enterrée à Haguenau, puisqu'à
cette date il n'y avait pas encore de cimetière israélite à
Soultz. Tout naturellement, Lion Aron, alors âgé de 59 ans, avait
alors déclaré son décès à la mairie (2).
Sara Naphtali Hirsch-Katzenellenbogen, une sœur de son épouse,
avait de son côté épousé Zacharie-Gabriel Praunitz,
qui était un négociant juif de Gross-Glogau en Basse-Silésie
(13).
A Soultz, Lion Aron put se fixer Schlossgass, dans une "maison neuve
à un étage", que sa femme Jeannette Hirsch, grâce
à un legs de son père, le rabbin de Wintzenheim, avait pu racheter
le 5 octobre 1822 du maire Nicolas-Marie Tirant de Bury, pour 4 000 francs.
Cette maison se trouvait à l'emplacement de la poste actuelle, qui
lui a été substituée à la suite des bombardements
de 1944-45.
Elle touchait par derrière à l'ancienne propriété
communale dite Kirchspielhof, dont le maire Tirant de Bury avait également
pu se rendre propriétaire et dans laquelle se trouvaient la maison
d'école catholique ainsi que l'ancienne Etappenscheuer communale
(autrement dit la réserve de fourrages destinée à subvenir
aux réquisitions militaires). Cette somme de 4 000 francs était
à payer en quatre fois le 1er janvier des années 1824 à
1827, avec les intérêts à partir du 1er novembre suivant
(14).
Un don oecuménique
Le médecin cantonal Lion Aron avait dicté dès le 5 janvier
1824, à son domicile, un premier testament, témoignant
de son souci charitable, non pas seulement de la santé publique, mais
aussi de l'instruction des enfants juifs, qui ne disposaient toujours pas
d'une école élémentaire comparable à celle
proposée aux enfants des deux autres confessions religieuses concordataires.
Il légua alors, en effet, une somme de 500 francs "pour l'instruction
des pauvres enfants israélites". Mais comme la misère
était alors assez bien partagée, il légua également
250 francs "pour le même usage des enfants protestants"
et 250 autres francs pour les enfants catholiques. Ces dons devaient être
perçus et gérés par "le consistoire local israélite,
le consistoire protestant local et la fabrique catholique de Soultz".
Seules réserves : ils ne seraient versés qu'après le
décès de son épouse, Jeannette Hirsch, qu'il avait instituée
son "héritière universelle". A sa mort, elle serait en effet
la "seule et vraie propriétaire de toute sa fortune" et jusqu'à
son décès à lui, elle aurait l'usufruit des mille francs
qu'il léguait aux enfants pauvres. Autre réserve, ces enfants
devaient "tous être de Soultz et reconnus pauvres". Ce testament eut
pour témoins quatre Soultois émérites : le pasteur protestant
Weissmann, Léopold Aron, le commerçant juif mentionné
en préambule, Frédéric Musculus, l'apothicaire, ainsi
que Alexandre Aron, qui est manifestement le fils aîné de Léopold
et futur rabbin de Fegersheim (15).
Mais son épouse Jeannette décédera bien avant lui, vers 1835, rendant ces dispositions caduques. Lion Aron agira donc autrement. A son legs de mille francs destiné aux enfants pauvres, il substitua une sorte de fondation pour les familles pauvres et les malades indigents. Il siégea également au Comité d'instruction primaire de l'arrondissement, pendant que Israël Aron, un autre fils de Léopold, entrait au conseil municipal. De leurs efforts convergents sortirent nombre de changements. Une première étape est franchie en 1828, lorsque la municipalité voulut bien allouer à Elias Mannheimer, l'instituteur judaïque, 9 stères de bois de chauffage communal par an, en sus des 13 stères déjà fournis par la commune pour ses deux salles de classe (16).
Trois ans plus tard, en 1831, une nouvelle loi changea complètement
la donne. Elle intégrait l'enseignement primaire des enfants israélites
à l'enseignement public existant. De ce jour, l'Etat allait donc également
rémunérer les instituteurs judaïques, pendant qu'il incombait
aux municipalités de fournir et d'entretenir le local de la classe
communale israélite ainsi que le logement de son maître, ou du
moins de participer à leurs frais de loyer.
Isaac Goldschmidt, 42 ans, fut alors proposé par le Consistoire de
Strasbourg pour être le premier "instituteur primaire de la communauté
israélite de Soultz". Le recteur de l'Académie l'y nomma le
27 avril 1831 (17). Le notaire Philippe-Frédéric
Müntz étant maire, le conseil municipal lui vota également
une indemnité de 200 francs, comprenant un supplément de 90
francs à son traitement d'Etat, une indemnité de logement de
100 francs ainsi qu'une indemnité d'encouragement de 10 francs. Le
3 avril 1832, la municipalité reconduisit également son allocation
de bois de chauffage (18)...
Dès le 21 décembre 1823, cependant, Annah (Annette) Hirsch, épouse du docteur en médecine Lion Aron, s'était vue contrainte de déclarer devant notaire qu'elle avait la conviction que la succession délaissée par son père Naphtali-Lazare Hirsch, rabbin à Wintzenheim, n'était pas suffisante pour indemniser sa mère Rachel Hecht, "du montant de son réemploi pour apport". En conséquence, elle renonçait à la succession de son père (19).
Décès de Rachel HechtRachel Hecht, la veuve du rabbin de Wintzenheim, qui était venue habiter
à Soultz avec le ménage Aron, y décéda le 30 octobre
1834, vers 6 heures du matin, à l'âge de 81 ans. Comme elle avait
"des héritiers absents" (domiciliés loin de Soultz), le juge
de paix cantonal s'est transporté le jour même à son domicile,
vers 16 heures, avec son greffier pour
"apposer d'office les scellés sur les meubles et effets mobiliers dépendant
de sa succession."
"Ayant été conduits au premier étage, (tous deux
ont) trouvé au corridor de cet étage une grande armoire en bois
de cerisier, qu'on leur dit renfermer le linge et autres effets de la défunte." D'une bande, ils en scellèrent chaque battant de porte. "De là, poursuit le juge de paix, ayant été conduits au
second étage, dans une chambre à droite de l'escalier et y étant
entrés, nous avons trouvé gisant sur son lit un cadavre que
Lion Aron nous a déclaré être celui de la veuve Hirsch."
Ils scellèrent pareillement l'ouverture d'une porte en face de l'escalier du deuxième étage qui conduisait dans une chambre, dont les croisées donnaient sur la rue Schlossgass, laquelle chambre était habituellement occupée par la défunte de son vivant. Lion Aron, son épouse et leur servante ont ensuite déclaré sous serment qu'ils n'avaient rien détourné de ces objets, ni directement, ni indirectement. Quant à la garde des scellés, elle fut confiée à Frédéric Musculus l'apothicaire (20). Mais, en raison de l'absence des héritiers, ils ne pourront être rompus que le 27 janvier 1835 (21). Et il nous faudrait procéder à une consultation archivistique plus poussée pour connaître le fin mot de cette procédure.
La vie continua néanmoins. Le 29 mars 1835, le médecin cantonal
Lion Aron, alors âgé de 62 ans, siège ainsi au conseil
de famille des deux enfants mineurs délaissés par feue Eulalie
Heymann, femme de Lazare Klotz, marchand de bestiaux à Soultz. Il y
est élu leur subrogé tuteur (21).
Au recensement de l'année suivante, il habite toujours dans sa maison
de la Schlossgass, mais avec Jeannette Wolff, domestique juive de 55 ans,
sa femme étant décédée dans l'intervalle. En 1841,
il y logeait avec une gouvernante, Frédérique Herrmann. Il y
est toujours en 1846, à 78 ans, avec Loyé, une servante de 74
ans. En 1851, à 78 ans, il y habite avec Justine Aron, une nièce
de 17 ans (22).
Le 17 août 1840, pour se conformer à une ordonnance du président
du tribunal de Wissembourg, il avait déposé chez le notaire
Müntz un testament holographe, par lequel Hanna Hirsch, sa femme, l'avait
institué pour son héritier universel (23).
Ultimes volontés
Nussloch, le village près de Heidelberg dont étaient originaires les deux légataires de Lion Aron. En médaillon, sa petite synagogue détruite en 1938. C'est une localité badoise, qui a gardé le souvenir de son ancienne appartenance bavaroise. |
Lion Aron décéda le 2 juillet 1853 vers 7 heures du matin, à l'âge de 83 ans comme "médecin", veuf de "Hanna Kaztenellenbogen" (2). L'inventaire de sa succession fut dressé le 11 juillet suivant à la requête de son exécuteur testamentaire et de Salomon Meyer, qui serait donc spécialement accouru de Nussloch.
En mobilier, il énumère et évalue notamment : une table recouverte d'une toile cirée en bois de chêne (3 F), deux secrétaires budget (15 F), une table ronde recouverte d'un tapis, réclamée par Mme Rothschild pour lui avoir été donnée par contrat de mariage, une horloge de la Forêt-Noire (2 F), 8 chaises à siège de paille, dont six ont également été réclamées par la dite Mme Rothschild, les deux restantes (3 F), un fauteuil en cuir garni (4 F), un sofa (25 F), trois paires de rideaux de fenêtre en percale (6 F), une glace (3 F), un laquais (?), un crachoir, un escabeau (1,50 F). Total : 59,50 F.
Petite bibliothèque hébraïque
Suit la liste des objets trouvés en évidence dans la chambre mortuaire, dans la chambre principale, dans la chambre d'à côté, dans une chambre au grenier, dans la chambre à linge sale, au grenier, dans la cour, ainsi qu'à la cave, dont nous retenons :
Le docteur en médecine ne possédait au ban de Soultz qu'un unique immeuble : 10,8 ares de jardin, entouré d'une haie vive et contigu à la propriété de la veuve Fürstenhauser, rue Schlossgass. Il lui était resté 1 060 F en argent comptant ; 589 F en créances actives et 132,80 F en dettes passives. Cent quarante francs devaient en être donnés aux pauvres de Soultz et de Haguenau et réservés aux préparatifs de son inhumation. Il y eut au total 188 F de frais d'e-terrement et cérémonies religieuses, plus 22 F en dépenses funéraires imprévues (24).
Mais de ce legs, les deux légataires, puisqu'ils n'étaient pas Soultzois, décidèrent de ne rien garder pour eux, préférant le vendre en totalité aux enchères. L'encan des meubles eut ainsi lieu dès les 13 et 14 juillet 1853, en la demeure de Nachmann Rothschild, commis de perception demeurant à Soultz, à la requête de Salomon Meyer de Nussloch. Ce dernier se réserva toutefois les cinq livres traitant de l'histoire de Moïse ; Jacques Lehmann : les cinq livres de prières de Moïse ainsi que divers autres ouvrages ; et Emmanuel Emsheimer, marchand de farines juif de Soultz, les onze restants. Avec les vins, le linge et le mobilier domestique, la vente rapporta 1 844,55 F au total, dont 1201,90 F avaient dû être cédés à crédit. Edouard Jaeger, pharmacien à Soultz, enfin, prit les 10,8 ares de jardin, partie en terre plantée d'arbres, pour 620 F (25).
Pourtant il y eut une contestation : le 24 juillet 1853, Nachmann Rothschild, qui poursuivait les droits de Justine Wertheimer, sa femme, contre Alexandre et Fanny Guntzenhauser, les deux héritiers désignés par Lion Aron, exigea par huissier la saisie-arrêt de l'encan, puisqu'on avait omis de lui réserver les meubles (une table ronde et six chaises à paille) que le défunt lui avait promis dans son contrat de mariage. Le 30 juillet 1853, Me Petri y répondit que le produit de la vente a été soldé en quasi totalité pour rembourser les dettes et régler les frais de funérailles et de notariat, et qu'en conséquence il n'en restait "plus entre ses mains que 391,25 F, somme qu'il paiera à qui par justice il sera ordonné." (26) Sans doute en a-t-il ainsi été.
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