Belfort -
fragments de vie
Chaque histoire singulière rejoint les autres et ajoute sa saveur; elles se sont toutes retrouvées au point de convergence que fut Belfort,
par le hasard des vies et des tourmentes de l'histoire, pour former entre toutes, cette Communauté indivise.
Ayache, une boucherie casher à Belfort, pendant 18 ans
Germain Ayache derrière son comptoir avec sa fille Dominique
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Photo familiale : Moyse, Salomon, Adam, Emile, Lucien (Est Républicain)
Maison Bumsel, façade extérieure |
Rapatriés d'Alger en 1962, M. et Mme Germain Ayache se sont d'abord installés à
Strasbourg ; Germain travaillait aux abattoirs de la ville, sa femme, dans l'armée française.
Quant aux parents et la sœur de Germain Ayache, ils avaient été rapatriés directement à Belfort ; ils vivaient alors au centre d'hébergement de la vieille ville comme notamment, les familles Berros, Scialom, et Cohen. Germain fut averti par sa sœur qu'une boucherie était à vendre, rue Stracmann à Belfort. En 1964, il s'en rend acquéreur et crée une boucherie kasher, rejoignant ainsi sa famille. Il retrouve ainsi la profession qu'il exerçait à Alger.
Mme Ayache obtint une mutation à l'hôpital militaire de Belfort. Elle devint également un membre actif de la Wizo.
La boucherie kasher constitua, jusqu'à sa fermeture en 1982 pour cause de retraite, un lieu pittoresque de rencontres et de convivialité pour les membres de la communauté ; les gens aimaient s'attarder à discuter et à y prendre l'apéro. Au moment des fêtes, toute la familleAyache (Germain, Paulette et leurs trois enfants, Dominique, Gaby et Philippe) était mobilisée pour servir les clients.
Madame Ayache a gardé une vraie reconnaissance à l'égard
du Président Roger Ullmann qui à l'époque de leur arrivée,
avait beaucoup soutenu la communauté sépharade dotée de
petits moyens. Il n'hésitait pas à leur proposer du travail chez
Schwob, un des grands magasins du faubourg de France qu'il dirigeait. Ce qui
a permis à certains de demeurer à Belfort.
Bumsel, la réussite d'une famille :
par Monique Valière, fille de Gaston.
Originaire de
Hagenthal-le-Haut (courant du 18ème siècle en la personne de Moyse Bumsel). C'est à Beaucourt (alors capitale de l'horlogerie) que Moyse Bumsel, son arrière petit-fils (1820-1907) s'installe dans le commerce de draperies et nouveautés sous l'enseigne "Moïse Bumsel"
(1). Il vend sa marchandise, parcourant les campagnes, mais aussi sur les trottoirs de Belfort, débutant au plus bas échelon du commerce. En 1850, il épouse Françoise Lévy, fille de David Lévy qui exerce le commerce de farines. Ils auront neuf enfants. Moyse acquiert enfin une boutique rue de l'Etuve ; avec ses trois fils, Salomon (1850-1922), Adam (1857-1918) et Emile (18594920), ils font prospérer leur négoce, et ouvrent en 1877, une boutique 19, faubourg de France sous l'enseigne "Moïse Bumsel et fils"
(2). Signe d'une ascension qui ne cessera. André Larger dans son
Histoire de la famille Bumsel, précise que les femmes par leur mariage marquent la place de la famille à l'intérieur de la communauté : ainsi Rachel Bumsel, fille de Moyse, épouse Léon Schwob, premier maire juif de Belfort.
Moyse et ses fils, étendent leurs activités à la bonneterie, chemiserie, confection pour dames... par l'acquisition de boutiques voisines. A la mort du père, et sous l'impulsion de Adam, l'affaire est transformée en société anonyme en 1912, devenue "Aux Galeries Belfortaines - Maison Bumsel" ; les boutiques sont rasées pour laisser place au plus grand magasin sur cinq niveaux de la Cité, concurrent du Bon Marché et des Galeries Modernes. La nouvelle construction est sobre et élégante se modelant sur le modèle parisien, avec trémie centrale, grand escalier à double révolution et verrière ouverte sur le ciel. Il existe un sous-sol et trois étages, avec balcons en fer forgé. Un magnifique ascenseur dessert l'ensemble.
La maison s'associe avec Isaac Bernheim, beau-frère des frères Bumsel et marchand de meubles. "Au vieux chêne" au n° 32 du faubourg ; Les 2ème et 3ème étages seront réservés aux meubles et ameublement.
En 1921, la société ouvre des succursales à
Thann, une bijouterie à
Mulhouse suivie d'un magasin d'alimentation en 1922, puis à Audincourt en 1923.
En 1925, de nouveaux travaux sont engagés pour fusionner l'ensemble des magasins ; s'ajoute une salle de torréfaction de cafés qui sort plus de 1000 kg par jour.
Gaston et Lucien étaient entrés en 1914 dans l'affaire. A la mort de Salomon en 1922, Isaac Bernheim le remplaça à la présidence du Conseil d'administration, tandis que Gaston Bumsel est nommé administrateur.
A la veille de la deuxième guerre mondiale, Gaston est président directeur général et il a, à ses côtés, son frère jumeau Lucien, ses cousins Paul Bernheim, Jacob Guguenheim et Albert Dreyfus.
En 1939, dans un premier temps tous sont mobilisés, puis n'ayant pas le droit de revenir, ils sont repliés en zone libre. Deux administrateurs sont nommés par le Commissariat aux Affaires Juives.
Lucien est arrêté par les Allemands en septembre 1943, déporté il meurt dans un camp d'extermination.
En 1945, Gaston reprend la direction, continuant les belles traditions familiales. Il modernise et redéveloppe la Maison Bumsel. Il remonte la succursale de Thann, détruite en partie à la Libération de la ville et reconstruite avec les dommages de guerre ; cette dernière ouvre en 1954 sous le nom de Bumeco. Les succursales de Mulhouse et d'Audincourt doivent être vendues.
En 1960, Francis Lévy, fils de Andrée Bumsel, est entré dans l'affaire familiale. Avec le développement des chaînes de grands magasins, la Maison Bumsel s'affilie à la société française des Nouvelles Galeries réunies. En 1964, Gaston Bumsel prend sa retraite et se retire avec son épouse à Paris où vivent ses trois filles mariées et leurs petits enfants.
La renommée de la "La Maison Bumsel" est telle en 1964 que le nom sera conservé les premiers temps. Francis Lévy et Claude Guguenheim en ont alors la direction, Colette Lévy
(3) à l'époque en est l'attachée commerciale.
La Maison Bumsel par son développement, a apporté à la ville "un charme et une séduction de chaque jour ". Aujourd'hui, l'emplacement est occupé par les Galeries Lafayette, mais des anciens belfortains parlent encore d'un majestueux escalier qui exista en son temps, du temps où depuis Mulhouse on venait faire ses emplettes "chez Bumsel ", des souvenirs qui ont traversé des générations de belfortains. Quant au personnel, les échos sont encore vivaces de la générosité et du paternalisme des Bumsel à leur égard.
Les Juifs de Belfort quant à eux, se souviennent d'une famille qui mettait tous ses moyens au service de sa communauté, toujours bien disposée pour prêter son concours, aider et contribuer aux besoins communautaires. Il est peu de dire combien la famille Bumsel a compté dans le paysage belfortain.
Jeanne et Robert
Celémenski, leurs enfants Claude et Léon
(Belfort, 1939)
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Celémenski, une lignée de coiffeurs polonais à Belfort
Joseph était arrivé à l'âge de 19 ans à Belfort puis avait épousé la belfortaine Jeanne Stein, ils s'étaient établis alors Place d'Armes.Joseph, installé à la déclaration de la guerre, place de la République et après avoir été démobilisé, se réfugia avec sa famille à Tulle en Corrèze.
Après la tragédie d'Oradour-sur-Glane, les Allemands avaient raflé à Tulle 99 hommes et les avaient pendus. Une autre rafle était annoncée concernant les Juifs ; Joseph et Jeanne prévenus par un employé de la Préfecture quittèrent Tulle pour trouver un abri à Meyssac. Les enfants restèrent quelques temps chez M. Beaumont
(4), le propriétaire de l'appartement de Tulle qui les conduisit ensuite à Meyssac. De là, la famille se déplaça non loin, à Saillac où Joseph et Jeanne coiffaient les habitants du village chaque jeudi. Léon (12 ans) était employé alors dans une ferme. Ainsi jusqu'à la fin de la guerre.Revenant à Belfort à la Libération, Joseph empoigna et jeta au dehors l'individu qui s'était mis en lieu et place dans sa boutique. Plus tard, le fils Léon s'installa faubourg des Ancêtres, puis Laurent son fils, juste en face de chez son père. Mais il y avait aussi l'oncle, coiffeur à Bruxelles qui avait pris Léon en apprentissage. Léon avait dû quitter la Belgique parce que le prix à payer pour sa carte de séjour belge devait être un passage obligé dans les mines !
Echos des années 60
Un témoignage de Yolande Berda.
Eclaireurs Israélites de France à Belfort
Nous étions enfants en 1965, et nous allions aux scouts . on disait des plus grands qu'ils fréquentaient les
Eclaireurs Israélites de France (dont la Maison fut Inaugurée à Giromagny en 1969). Nous avions des rencontres régionales, notamment à Sainte-Croix-aux-Mines dans les Vosges. Il y avait une cérémonie avec levée de drapeau. Nous dormions sous des tentes. Je pense que cela existe toujours. Nos moniteurs se nommaient Minouche Lévy, Dany Grass, Jean Gabriel Blum, Michel Blum....
Les premiers rapatriés d'Algérie
La communauté juive de Belfort a bénéficié également de l'arrivée en France métropolitaine des rapatriés d'Algérie. Afin de faire connaissance avec tous les jeunes, le rabbin Elhaddad organisait des rencontres et soirées dansantes au centre communautaire. Nous avions des sorties, avec les communautés de Mulhouse,
Colmar et Besançon.
Le mercredi soir il y avait un club des jeunes, nous y parlions de livres qu'un volontaire avait lu et nous en faisait le résumé.
Les spécialités culinaires des fêtes
A
Pourim, ma mère nous maquillait pour aller à l'office. Une veille de
Pessa'h, elle était alitée, ma soeur Raymonde et moi avons préparé le repas de
Seder carpe à l'alsacienne, bouillon traditionnel avec des knedlech (boulettes faites avec de la farine de pain azyme), composaient en partie ce repas. Ce fut très réussi.
Ma mère confectionnait aussi des gâteaux pour les personnes intéressées :
macarons de Pessa'h, gâteaux aux amandes, au chocolat, nature et des
Grimsele (beignets avec pain azyme, pommes, amandes...).
Pourimc'étaient les
Purim Kichlich. Nous avons aussi comme spécialités : Eier Kiche (avec des oeufs),
Simet Kuche (gâteau avec de la cannelle)...
ête sont le
Geffilte Fisch (carpe farcie), le foie hâché, les harengs marinés et aussi les
Knedlach's (boulettes),
Latkes (beignets de pommes de terre)....
épharade nous avons entre autres : le couscous, des
Dfinas (Plat traditionnel du Shabath),
Makroud (gâteaux de semoule au miel),
Mouna (brioche d'Algérie, à la fleur d'oranger),
Manicottis (gâteaux), des
Yoyos (gâteaux)...
Aller à la chine !
A l'époque, ma mère exerçait le métier de couturière itinérante, on disait qu'elle allait "à la chine" de villages en villages, avec sa voiture. Elle était l'une des seules femmes de la communauté à avoir son permis de conduire. Elle s'occupait également de faire la cuisine dans certaines colonies de vacances juives, notamment à Knoch-le-Zut (Belgique).
C'était la vie de la communauté de Belfort, il y a environ 45 ans....
Engelczyk Jankiel, membre du Bund
Par Henri Engelyc son fils
Famille Engelzcyk sur
trois générations
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Mon père est venu en France, Pays des Droits de l'homme, de Miedzirec-Podlaski petite bourgade polonaise (Lublin) d'environ 15000 habitants juifs,
schtettl du célèbre Maguid. Il devait faire partie d'une cellule "terroriste" du Bund, et recherché par la police tsariste (la région de Lublin avait été annexée par la Russie). Il arriva au "pays de la liberté", à Paris vers 1930. Maman, originaire d'une famille pieuse de Varsovie, habitait rue Stawki, à la limite du ghetto.
Mes chers parents
za"I se sont connus et mariés à Paris où ma sœur est née dans le 11ème arrondissement au cœur du quartier juif ouvrier. Papa travaillait dans un petit atelier de vêtements de cuir.
Participant aux grèves de 1935 pendant lesquels les Juifs défilaient avec leurs pancartes en Yiddish, Papa fut l'objet d'un arrêt d'expulsion. Pour y échapper, ils sont venus se "réfugier" en 1936 dans la région de Belfort où habitaient déjà sa sœur et son beau-frère Bursztinki (déportés avec leur fille Suzanne en 1942) et son frère Max Engelczyk, engagé volontaire, démobilisé, puis otage déporté en 1942 avec plusieurs jeunes juifs de Belfort, en représailles à un attentat qui avait eu lieu à Besançon. Ils disparurent à Auchwitz.
Mes parents ont demeuré quelques temps à Héricourt, et ensuite 18 Grande rue, dans la vieille ville de Belfort où habitaient les juifs polonais. Ils étaient marchands de bonneterie puis de vêtements sur les marchés.
A la "débâcle" ils ont fuis devant l'invasion des nazis et se sont réfugiés dans un petit hameau en Auvergne, St Clément de Vallorgue. J'y suis né en janvier 1941 (1m50 de neige et déjà pas de chance !), quand à ma soeur Lily elle fut cachée dans le couvent de St Anthème, non loin d'Ambert (Puy-de-Dôme).
Maman, a vécu sous une fausse identité, moi, j'ai eu droit à de "longues vacances vertes" et, après deux ans dans une famille d'accueil, elle me récupéra fin 44 ou début 45.
Papa a été arrêté, interné dans un camp de travail en Corrèze, il a été "employé" à la construction du barrage de l'Aigle sur la Dordogne. Il s'évadera du camp de Montluc et trouvera refuge chez de braves paysans qui le planqueront dans leur grange jusqu'à la fin de la guerre.
Que la mémoire de ces braves gens soit bénie !A leur retour à Belfort, mes parents retrouveront un logement pillé, et plus tard découvriront l'horreur de l'anéantissement de nos familles. Papa retrouvera son seul neveu rescapé Maurice Bursztinki qui partira en Israël vers 1948.
Dédié à la mémoire de mes Parents Jankiel et Frajda et de mes beaux-parents Aïoun
za"l.
Flau, une famille de militants de père en fils :
A Paul ou face
Il est parfois las, mais toujours là, avec ses souvenirs, ceux qui font rire, ceux qui bouleversent, ceux qui pétillent, et surtout ceux qui s'oublient (...). Bien assis dans son fauteuil il est ravi, devant lui un monsieur de Limoges.
"Vous êtes donc de Limoges ? Moi, j'ai habité à Tulle !" Alors il parle de la Corrèze, l'autre de la Vienne. On boit un petit café, et un autre (...). C'est alors que les vingt ans de monsieur Paul, surgissent. (...).
"J'avais sept ans, consent-il à dire ! Pas un mot de français, quand nous sommes arrivés à Belfort, mes parents et mon petit frère ! Hé bien ! J'ai eu le prix d'excellence en cinquième et en première aussi, puis j'ai fait mathélém, et on m'a recherché...
D'abord, à Tulle on prévient mes parents que j'étais recherché par les Allemands, les Polonais voulaient m'enrôler dans l'armée, puisque j'étais polonais ; alors je me suis sauvé à Nice, puis à Grenoble. Il y eut une rafle ! Et ...ils m'ont pris avec mon frère et tout un groupe, pas en tant que Juif, non ! En tant que dissident ! Nous étions des politiques ! Nos faux papiers mentionnaient le nom de Fleaux.
Paul et Annette Flau
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Fricoter avec des communistes, vrai ou pas, suffisait comme prétexte. La rafle (23 décembre 1943) me prit avec mon frère, on nous entassa à la caserne Bayard. Le lendemain, on nous mis en rang, un rang face à l'autre, et ainsi de suite. Moi je ne pensais qu'à mon frère. Par prudence, depuis l'arrestation nous nous étions séparés, pour augmenter les chances de survie au cas où. C'était mon seul et unique souci. Les autres ne pensaient qu'à eux-mêmes, ils n'avaient rien à défendre. Longtemps nous sommes restés en rangs, longtemps ! Soudain un claquement de talons ! On se fige tous il ne fallait pas dénoter ! Le mal était là ! Figés on se redressait encore! Le mal s'abattit très vite ! Une voix forte et méchante claqua un ordre ! Les Juifs dehors !
Certains sortirent ? Oui, oui ! Certains ! Peut-être était-ce mieux ? Qui sait ? Le destin est si capricieux parfois, et ça c'est la chance !
Moi je restais avec le groupe ! J'espérais que mon frère derrière moi ferait de même... Il fallait se comporter en Politiques le plus dur fut de réprimer le soupir de soulagement quand ils sortirent.
Le répit fut court ! Trop court ! Strident l'air, un hurlement suivi : déculottez-vous !
Cette fois je savais, finito ! Rien à faire ! J'agis à l'unisson avec le groupe, ils avaient tous honte, j'avais honte, heureusement la revue fut bâclée, heureusement mon frère fit comme tous.
Quel culot hein ! Quel culot j'ai eu ! Je n'avais que la carte culot à jouer... Il fut dur aussi de retenir la joie...Mais j'avais compris, il fallait rester en éveil toujours, ne pas faire confiance... Ma survie passa par Buchenwald, j'y suis resté 17 mois (du 17 janvier 1944 au 11 avril 1945).
Après être passé par le camp de Compiègne Frontstalage 122. Détenu et déporté sous le nom de Fleaux.
Et voilà, si simplement dit, le message du Peuple Juif au monde, traverser le temps et vivre, dit par un rabbin est normal voir banal, mais compris et vécu par un gosse de vingt ans, relève du prodige...(...)
J'étais dans un bloc, avec des français, il y avait des français au bloc 31, par exemple, je travaillais dans un commando, à l'extérieur de Buchenwald, à l'usine de la Gustloff Werke à Weimar.
J'étais à l'infirmerie alité quand la radio annonça le débarquement allié. Comprenant l'allemand, avec deux ou trois copains on traduisit en français, pour le faire savoir, c'était risqué, c'est vrai. Puis il y eut les bombardements, un anglais, puis un américain qui visait les usines. La mort était partout ! Nous nous trouvions dans une tranchée, mon frère et moi, soudain je savais que je devais changer de tranchée, nous passâmes dans une autre, Ies bombes tombèrent dans la tranchée, que nous avions quittée ! Tous périrent, tous Nous, nous étions sauvés ! ça, c'est la chance !
Et puis j'ai été malade, libéré en 45 par les Américains, transféré en hôpital à Berlin, là mon frère s'engagea comme sanitaire pour être près de moi, puis en hôpital en France..."
Les Flau
par Jacqueline Flau
Henri et Rachelle Flau sont arrivés de Brody en Galicie, à Belfort vers 1930 avec leurs deux fils François et Paul, âgés de 5 et 7 ans. Ils se sont installés en vieille ville et intégrés immédiatement à cette communauté venue d'Europe Centrale et qui s'autogérait avec leur propre
minyian (5), leurs activités culturelles et probablement leur propre
Talmud Torah.
Lors de la débâcle, l'exode les a conduits à Tulle en Corrèze où s'étaient regroupées plusieurs familles belfortaines comme la famille Célémenski. Paul et François munis de faux papiers au nom de Fléaux étaient pensionnaires dans un lycée à St Marcellin (dans l'Isère). Au cours d'une rafle à Grenoble, ils se sont fait arrêter sans motif précis, et ont été déportés (comme politiques) à Buchenwald.
Paul est revenu clans un état de santé lamentable et ce n'est qu'après de longues années de soins et de convalescence qu'il a retrouvé une vie normale.
Au départ, Henri et Rachelle Flau exploitaient un commerce de vêtements au 136 avenue Jean Jaurès, mais après le mariage de François et de Paul, un magasin de prêt-à-porter hommes et dames s'est créé au 6 faubourg de France sous l'enseigne Alfa, et qui a tenu 33 ans. Mes beaux-parents Henri et Rachelle avaient déjà été très actifs au sein de leur communauté polonaise de la vieille ville, et c'est naturellement que François et Paul se sont investis également sans compter.
Henri Flau, Magasin Alfa
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Chuna, Fajga et Moïse Kartaux (1939)
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Henri fut membre de la commission en 1956, et participa au choix du rabbin entre
M. Gutman de Rouen et Elie Meyer de Sarrebourg ; Henri fut le seul à s'abstenir au motif qu'il ne connaissait pas les qualités pédagogiques de Elie Meyer ?!
Quant à François très motivé, il se révélait persuasif lors des successives collectes de l'AUJF, rapidement il est devenu secrétaire de la commission administrative de la communauté et président de la section belfortaine "Emile Blum" du Binai B'rith. Malheureusement, une crise cardiaque l'a emporté à 51 ans.
Paul a suivi la même voie que son frère. Président du KKL pendant très longtemps et vice-président (1968) de la commission administrative chargé des affaires cultuelles qu'il a magnifiquement gérées jusqu'à son départ pour Israël. Son épouse, Annette de son nom de jeune fille Smulevic, issue de la communauté de
Thionville, également militante très active, toujours prête à rendre service, avait pris une responsabilité au sein de la
Hevra-Kadisha, visitait les malades, infatigable elle participait à toutes les manifestations communautaires et à la vente Wizo où elle affectionnait le stand parrainages. Elle a tenu à ce qu'un hommage aux Justes soit rendu en 1999, et à cet effet avait pris tous les contacts avec Lucien Lazare et Yad Vashem pour nous permettre d'obtenir les documents.
Mais aujourd'hui en 2007, au moment où nous écrivons, nous ne pouvons ignorer la remarquable exemplarité de l'action communautaire de Jacqueline Flau, née à Strasbourg d'une famille Ehrlich originaire de Tarnobzeg en Pologne. Elle épouse François en 1955 et rejoint Belfort. Marguerite Guguenheim et Suzanne Szytenberg à l'époque organisaient une vente Wizo singulière, de fripes et de coupons de tissus qu'elles allaient chercher dans les Vosges, faisaient transformer en torchons, pièces de draperie, dans les différents ateliers de couture des membres de la communauté, comme celui des Flau. S'y ajoutaient des articles de droguerie.
Un jour, désirant passer la main, elles convoquèrent Jacqueline et Nicole Dreyfus-Schmidt, fort intimidées par ces maîtresses femmes. Elles obtempérèrent et prirent la relève de la vente Wizo, lui donnant une autre dimension, celle de la vente de produits d'Israël à toute la population belfortaine.
Veuve, Jacqueline poursuivit son bénévolat avec détermination, éleva ses enfants, et mena de front toutes les activités inhérentes à la vie de famille et à l'action communautaire, montrant le chemin aux plus jeunes jusqu'à aujourd'hui encore. Un exemple !
Kartowski Chuna, polonais de Lodz
par Violette Kartaux sa bru
Chuna devenu Kartaux au moment de sa naturalisation française, a quitté la Pologne en 1930 à l'âge de 20 ans, fuyant les pogroms. Ses parents habitaient Lodz et tenaient une librairie ; ils avaient deux autres fils plus jeunes. Ils ont disparu dans la tourmente.
Arrivé seul, à Belfort, il logeait dans une petite chambre et gagnait sa vie en faisant du porte à porte, enregistré comme marchand forain au registre du commerce ; grâce à la bonté et la confiance de M. Schiffmann père qui lui confiait de la marchandise que Chuna ne payait qu'après l'avoir vendue. Ainsi, il partait en train avec son balluchon pour vendre son peu de marchandises aux paysans de la région. Chuna Kartaux n'a jamais oublié l'aide précieuse de M. Schiffrnann à son arrivée.
Un temps, à son tour, il accueillit Henri Flau, dans sa petite chambre avant que celui-ci ne fasse venir sa famille de Pologne.
Par l'intermédiaire d'une jeune femme de Belfort, il se mit à correspondre avec une jeune fille. Des photos furent échangées et le mariage décidé, car Chuna était tombé amoureux de cette jolie jeune fille du nom de Fajga Rutman, née en 1906 à Radom en Pologne. Le mariage fut célébré le 4 juin 1933 à Varsovie. (Fajga avait neuf frères et soeurs ; deux sœurs sont revenues de déportation : l'une émigra au Canada et l'autre en Australie, deux frères quant à eux avaient émigré en Argentine, ses parents et les quatre autres frères et sœurs ne revinrent pas de déportation.)
Chuna Kartaux ramena sa jeune épouse à Belfort en juillet 1933 et vivaient alors rue Lecourbe, dans la vieille ville, avant de loger Grande rue. En 1935, naquit leur fils Moïse. Vint la guerre, ils se replièrent d'abord à Arbois, puis dans le Puy de Dôme, à Courpiere et Auzelles. Comme chaque famille, ils eurent quelques problèmes, Chuna fut interné dans un camp de travail mais put se sauver. Ils s'en tirèrent tous les trois, grâce, entre autres à l'intervention d'un gendarme qui les avaient avertis d'une rafle imminente à Courpiere.
La guerre terminée, ils retournèrent à Arbois où ils retrouvèrent la marchandise qu'ils y avaient entreposée, puis à Belfort où ils firent les marchés avant d'acquérir un petit magasin de confection n "Paris Vêtements" au 69, avenue Jean Jaurès.
Moïse épousa notre Violette Wolf, fière strasbourgeoise, que tous connaissent pour avoir servi comme secrétaire de la communauté durant trois décennies avec efficacité et discrétion.
Marchand de bestiaux à Foussemagne
par Danièle Bauer
Mon grand-père Salomon Lévy est né en 1877 à Foussemagne dans une famille de marchand de bestiaux. En 1910, il se marie avec Alice Grumbach de
Colmar et le couple s'installe à Montreux-Château où naissent deux enfants : Charles Lévy né en 1911 et Suzette Lévy née en 1913. Alice qui avait été modiste à Colmar supporte très mal la vie à la campagne et son rêve est d'habiter Belfort. Son mari qui redoutait que l'on dise qu'il ne pouvait faire vivre sa famille, se laisse convaincre à condition qu'elle trouve une grande maison avec écuries à Belfort.
Alice se met en chasse et après la guerre en 1918, ils acquièrent une maison avec deux écuries en face de la gare, au fond d'une impasse, au 15 bld Wilson à l'époque, à présent impasse Pershing. La maison appartenait avant à des marchands de chevaux du nom de Wolff. Installé à Belfort mon grand-père exercera son activité toute sa vie dans cette maison et son fils Charles Lévy, décédé en 1994, reprendra son activité.
Sénéhipour, une famille iranienne de Téhéran à Belfort
Famille
Sénéhipour à Belfort
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1979, la Guerre Iran-Irak fait rage. 1985, c'est l'année du départ de la famille Sénéhipour de Téhéran qui abandonne tout, travail, maison, amis et famille ; d'abord en juillet c'est Simine et ses trois filles qui sortent d'Iran légalement en contrepartie d'avoir laissé au bureau d'État civil, le passeport de Djamchid et une caution importante. Djamchid de son côté devra quitter le pays clandestinement, à la merci des passeurs, affrontant le froid des hauts plateaux, l'inquiétude, et la peur mais avec espoir et la promesse de pouvoir continuer son travail chez Alsthom pour qui il travaillait déjà à Téhéran depuis douze ans comme ingénieur.
Djamchid rejoindra son épouse et leurs trois filles, Nazila, Niloufar, Nazanine. Nelly, naîtra à Belfort.
A leur arrivée à Belfort, les filles doivent faire l'apprentissage du français en même temps que le travail des autres disciplines. Elles apprennent également le solfège et le piano en simulant le clavier. La famille adoptera une dame âgée de leur voisinage, Mamie Baland qui sera leur grand-mère française et passera tous les mercredis dans la famille jusqu'à ce jour.
Les familles iraniennes de Belfort qui se lieront d'amitié avec les Sénéhipour, deviendront par la suite des amis de la communauté juive de Belfort, participant volontiers aux journées culturelles.
Le dernier mariage en date, célébré dans la synagogue de Belfort est celui de Niloufar Sénéhipour avec Frédéric Dreyfus de
Sélestat, en 2005.
Notes :
- Dans la rue actuelle du 18 novembre. Source L'Est Républicain du 20 août 1964. Retour au texte.
- En 1885 il est transféré au n°28., suivront le n°24 anciennement boucherie du maire Schwob, puis le n°26 acquis en 1902, et transformé en bâtisse à cinq niveaux. A partir de 1912, l'extension couvre les n°30,32,34, du faubourg de France. Soit 51 mètres de rue.. Retour au texte.
- Veuve de Francis Lévy, épouse Jean Lehman (1968). Retour au texte.
- Pour lequel Léon Célémenski souhaiterait engager une procédure de reconnaissance comme Juste parmi les Nations. Retour au texte.
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Réunion du nombre requis de 10 hommes pour la prière. Retour au texte.