Avant 1900, il existait une communauté juive et une synagogue dans ce petit village situé près de Delme.
Il subsiste encore aujourd'hui un pan de mur de la synagogue et un vestige du mikve (bain rituel) en plein air, au milieu du jardin de Madame Belloy. Celle-ci se souvient que sa mère lui racontait que les femmes juives venaient s'y purifier à la tombée de la nuit.
Sources: Archives juives, Mairie de Bacourt
Vestige du mikve |
Vestige de la synagogue |
En 1939, il ne restait qu'une famille de commerçants ambulants, Monsieur et Madame Amselle. Tous deux sont décédés en déportation et leurs noms figurent sur le monument aux morts de la commune. |
Au début de 1708, la Communauté de Baudrecourt qui était à l'époque du ressort du bailliage de Metz, autorisa cinq familles juives à s'établir au village, moyennant une taxe annuelle de 40 écus blancs (en argent) versés chaque année "le dimanche après la Saint-Pierre", au profit de ladite communauté. Une foire annuelle se tenait en effet près de la Chapelle Notre-Dame de Lorette, qui attirait nombre de commerçants, et certaines communautés villageoises tentaient d'en retenir à demeure, augmentant par là-même leurs profits, à l'image de ce que faisaient les seigneurs dans leurs domaines.
Pendant une cinquantaine d'années le nombre de familles juives qui s'établirent, augmenta lentement, ce qui engendrera une vigoureuse protestation d'un certain L. Lamarle, curé du lieu (1). Dans une supplique datée de 1757 et adressée à l'intendant, il dénonça une quasi invasion, prétendant que sur quarante foyers du village, treize étaient Juifs (soixante individus) et que deux autres ménages étaient sur le point de s'installer. Le plus ancien était dans le village depuis cinquante ans, trois depuis trente-cinq ans, un depuis vingt ans, six depuis dix ans, un depuis deux ans et le dernier depuis six mois. Il trouvait scandaleux que juifs et chrétiens cohabitent dans les mêmes maisons, ce qui, d'après lui, nuisait au respect dû aux sacrements lorsque ces derniers étaient apportés à domicile. Il était tout aussi affligeant de voir des immeubles habités par des juifs à côté de l'église du village, ce qui nuisait à la sainteté du lieu, car ces Juifs étaient bruyants, ouvrant leurs granges le dimanche (ils y ont de nombreux chevaux) et troublant ainsi le recueillement des offices. De même la synagogue étant au milieu du village, on voyait ses fidèles s'attarder au sortir des offices et bavarder dans la rue sans prendre même la peine de se disperser lorsque passait notre curé "en procession". Enfin, l'école des juifs et des catholiques se faisait dans le même immeuble depuis quatre ans, ce qui n'était pas tolérable. Notre homme demandait donc avec insistance que l'on limitât le nombre des juifs autorisés, et qu'ils soient séparés des chrétiens, mis en un quartier particulier, bien isolé de l'église. Sa pétition est restée probablement lettre morte pendant longtemps, mais sera reprise en 1772, quinze ans plus tard, et déposée sur le bureau de l'intendant. Aucune suite n'y sera donnée.
Le nombre des juifs de Baudrecourt stagna ensuite dans la première moitié du 19ème siècle, puis déclina. Il n'en restait aucun dès 1895.
Baudrecourt, certes situé en zone francophone, est un excellent exemple qu'il pouvait exister dès le 18ème siècle, des lieux de cohabitation entre juifs et chrétiens qui, s'ils scandalisaient certains ecclésiastiques (pas tous) n'en étaient pas moins réels. Cela doit nous amener à relativiser l'image des juifs que nous offre une lecture insuffisamment critique des cahiers de doléances en 1789. Il est en effet certain que l'accent de ce texte n'aurait pas été le même s'il avait été rédigé par un de ces paysans partageant son immeuble avec une famille juive ou par le curé Lamarle.
* Jean-Bernard LANG, docteur en histoire, est le co-auteur du livre Histoire des Juifs en Moselle (éd Serpenoise, Metz, 2001, épuisé), publié avec Claude Rosenfeld.
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