POURIM EN ALSACE
Strasbourg, 1974
Le reconnaissez-vous ? (*)
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La tradition exige de nous quatre choses à Pourim :
- la lecture de la Meguila (le livre d’Esther) soir et matin ;
- Mishloa’h Manoth : envoyer à ses amis ou connaissance de la nourriture et des boissons que l’on consommera le jour même ;
- Matanoth laEvyonim : distribuer de l’argent à des personnes nécessiteuses ;
- Séoudath Pourim: préparer (et consommer) un repas copieux. Pourim évoque le salut de nos ancêtres, dont Haman avait décidé l’extermination physique ; c'est pourquoi nous devons le fêter par un festin (à l’inverse de Hanouka, qui, par les lumières de la Menora, rappelle le triomphe de la spiritualité d’Israël, menacée par Antiochus et l’hellénisme).
Au cours de la lecture du livre d’
Esther, les enfants chaque fois que revient le nom de Haman, expriment le mépris par des cris et du bruit.
On appelait cela
Homen Klopfe car on tapait jadis sur une grosse pierre, ou en agitant une crécelle et en sifflant.
Peut-être cet usage était-il destiné aussi à faire suivre attentivement la lecture de la Meguila pour ne pas laisser passer le nom maudit. Les adultes se contentaient de frapper sur leurs pupitres.
Lecture de la Meguila :
Au cours des dernières générations, dans les synagogues consistoriales, on avait voulu supprimer ces bruits qui dérangeaient l’ordonnance de l’office. Lorsque dans les décennies d’après guerre, nos enfants ont repris la coutume ancienne, malgré les protestations des fidèles, le regretté Président Charles Ehrlich eut cette réponse: "qu’ils jouent même de la
Schnufelrutsch (de l’harmonica), pourvu qu’ils viennent à l’office".
Mishloa’h Manoth (ou Shla’h mones) :
Ce sont souvent les enfants qui apportent aux amis de la famille les cadeaux en nourriture préparée par leurs parents.
Jadis, dans les villages d’Alsace, les jeunes organisaient leur propre festin et faisaient le tour des familles qui leur donnaient les aliments dont ils avaient besoin. Ils venaient déguisés, en récitant un petit poème! (je me souviens, dans mon enfance avoir vu la même coutume chez les villageois non juifs le jour de la Pentecôte).
Séoudath Pourim (Festin de Pourim) :
La coutume jadis en Alsace était de manger du
Hômen (de la viande fumée parce que pendue dans le fumoir, de même qu' Haman et ses fils, qui furent pendus eux aussi). Elle était souvent consommée avec de la choucroute.
C’est aussi à Pourim que l’on mangeait les beignets (
Pourim Kichlich) qu’en Israël on consomme à Hanouka.
Déguisements :
La tradition de se déguiser se fonde sur le verset "
Venahafo’h hou" ("le contraire se passa" :
Esther ch.9 v.1 ) : Au lieu de massacrer les Juifs, ce sont leurs ennemis qui furent les victimes.
Il est évident que ces déguisements sont la grande attraction de nos enfants en Alsace comme partout dans le monde. Y a-t-il une influence des saturnales du monde antique ou des déguisements du carnaval
dans ce domaine ?
Faut-il en dire autant de la tradition qui veut que l’on boive à Pourim plus que de coutume ?
J’oubliais de mentionner que dans certaines communautés, on organisait un bal de Pourim, et qu’au lendemain de Pourim, on entamait le Peissa’h Putz (nettoyage de Pessah).
C’est assez pour aujourd’hui, Güt Pürem, Joyeux Pourim ! P.S. : Voici le poème de Pourim, tel qu’on le connaissait en Alsace ! |
Güt Pürem Güt Pürem ihr Liewi Leit
Wissen ‘r ach was der Pürim bedeit
Der Pürem bedeit Kischlich esse
Un der Homen nit vergesse
Der Homen isch e beisser Mann
Er Hot raouti hesslisch an
Sei Fra heisst Sersche
Sei Tochter heisstMersche
Sei Sühn Heisst Zalme
Ihn Hänge mer an de Galge
Dort Drowe an der Nodelspitz
No D’r Homen selwer sitzt
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Bon Pourim, bon Pourim, braves gens
Savez-vous aussi ce que Pourim signifie ?
Pourim signifie manger des beignets sans oublier le Homen
Haman est un méchant homme
Il porte des pantalons (1) rouges
Sa femme s’appelle Zerche (2), sa fille Märche (3)
Son fils s’appelle Zalme. Nous le pendrons à la potence
Tout en haut à la pointe où Haman est lui-même assis. |
Yona et Eliel - deux jeunes
alsaciens de Jérusalem |
- Les pantalons rouges rappellent la tenue des soldats démobilisés qui traversaient les campagnes pour retourner dans leurs foyers et pillaient souvent sur leur passage les Juifs qui ne pouvaient se défendre.
- Zerche- pour Zérèch, la femme de Haman.
- Märche- Zalme : les deux noms sont imaginaires. Ils ne sont introduits que pour la rime.
- Il s'agit de Joseph Sitruk, qui deviendra par la suite Grand
Rabbin de France.