"…quand vous serez arrivés dans le pays que je vous accorde et que vous y ferez la moisson, vous apporterez un omer, prémice de votre moisson"(Lévitique 23:10) (…) "Puis vous compterez chacun, depuis le lendemain de la fête, depuis le jour où vous aurez offert l'omer jusqu'au lendemain de la septième semaine, soit cinquante jours, et vous offrirez à D.ieu une oblation nouvelle" (verset 16). C'est là la période de l'Omer
.Peut-être devait-on compter des 49 jours pour ne pas oublier quand il fallait fêter Shavouoth (la fête des Semaines). C'était une période de joie pour l'agriculteur qui voyait le fruit de son labeur.
Mais cette période était aussi un rappel historique des sept semaines qui séparaient pour nos ancêtres la sortie d'Egypte (libération physique) de la Révélation du Sinaï (libération spirituelle).
La perte de l'indépendance du peuple d'Israël, la grande diaspora ensuite, ont donné à la période de l'Omer une note de nostalgie. Lorsque la révolte de Bar Kokhba (133-135) échoua, provoquant la mort de milliers de combattants (parmi lesquels de nombreux élèves de Rabbi Aquiba), cette période de sept semaines fut déclarée jours de deuil, avec interdiction d'y célébrer des mariages et de se tailler la barbe.
Est-ce pour égarer les Romains que l'on a attribué ce deuil à la mort des élèves de Rabbi Aquiba, qui auraient péri par une épidémie, parce qu'ils ne vivaient pas en fraternité ? Selon la tradition, cette épidémie se serait arrêtée le 33ème jour de l'Omer (18 iyar). Cette date est devenue une demi-fête qui interrompt (ou arrête) les semaines du deuil. C'est Lag BaOmer ("La"g" = 33).
L'office du soir attirait de nombreux fidèles ("Omerschul"). Avant la prière, il y avait chaque jour un lernen même, (peut-être surtout), dans les communautés rurales. L'institution du calendrier d'été qui fait que la nuit tombe très tard, l'insécurité des rues ont fait que dans beaucoup de communautés, on maintient les offices de Min'ha et Maariv aux heures normales, et l'on répète (selon le rite sefarade) le compte du jour le lendemain matin, à la fin de l'office de Sha'harith (sans la bénédiction), pour ceux qui auraient oublié de le faire chez eux le soir.
C'est le jour où se célèbrent le plus de mariages, et où l'on fait la queue chez les coiffeurs. Je me souviens comme enfant que l'on fabriquait des arcs et que l'on tirait des flèches (en souvenir de la révolte de Bar Kokhba) !
Aujourd'hui les écoles, Talmud Torah et les mouvements de jeunesse organisent à Lag BaOmer des excursions.
En Alsace et dans les pays ashkenazes, on ne commence le deuil de la période de l'Omer qu'à partir du 1er iyar. On l'interrompt à Lag BaOmer pour le reprendre au lendemain jusqu'à l'avant-veille de Shavouoth (mais on autorise les mariages à partir du 1er sivan).
C'est que les semaines précédant la fête de Shavouoth ont été les moments les plus terribles dans l'histoire du judaïsme ashkenaze. Lors de la première croisade (en 1096), les hordes de Godefroy de Bouillon, sur le chemin qui devait les mener en Terre Sainte, on massacré en route les plus grandes communautés de cette époque. La vallée du Rhin a vu disparaître les kehiloth les plus célèbres (Spire, Worms et Mayence). On a donc maintenu (sinon aggravé) le deuil de l'Omer.
Des piyoutim aux airs traditionnels poignants sont dits les Shabath d'iyar et le Shabath qui précède Shavouoth est appelé "Schwartz Shavess" le "Shabath noir" (comme le Shabath ‘Hazon avant Tisha BeAv. On y lit la liste sans fin des communautés martyres (auxquelles on ajoute celles dévastées lors de la Peste noire en 1340. C'est le Mémeren (mémorisation).
Est-ce une constante de l'histoire juive ? Joies et deuils se succèdent tout au long de l'année. Après le désespoir revient l'espérance ! Shavouoth (la fin des sept semaines) est le ‘Hag Habikourim (la fête des prémices - voir plus haut).
Si Pessah est marqué par les matzoth, Rosh Hashana par le shofar, Soukoth par les cabanes, il n'y a aucun signe particulier pour marquer la fête de Shavouoth ! Elle est pour nous "Zeman matan Toraténou", le jour de la Révélation du Sinaï, le jour où Israël a reçu et accepté la Torah. D'où ses coutumes.
En souvenir de la présence au Sinaï, et pour marquer que Shavouoth est la fête de l'été, la synagogue est décorée de verdure et de fleurs.
La tradition, depuis la fin du moyen-âge, veut que l'on organise, la première nuit de Shavouoth, une soirée d'études, limoud (lernen) au cours duquel on lit des extraits de la Bible, de la Mishna, du Talmud et des textes de la mystique juive. Ces textes sont réunis dans un livre, le Tikoun de Shavouoth et de Hoshana Raba.
La lecture de ces textes est accompagnée de collations, de boissons et de gâteaux.
Beaucoup de jeunes, à la place du Tikoun, organisent une nuit d'études et de conférences qu'ils achèvent par l'office de Sha'harith.
Les piyoutim de Shavouoth ont évidemment comme thème la révélation du Sinaï et l'offrande des prémices. Le texte de la Torah va de l'arrivée d'Israël dans le désert du Sinaï jusqu'au Décalogue accepté par Israël.
Un superbe piyouth en araméen (Akdamouth), dialogue entre le 'hazan (le chantre) et la communauté, a donné son air à la fête.
Florence Guggenheim, spécialiste des coutumes du monde ashkenaze occidental, divise l'Alsace et la Rhénanie en deux régions qui se distinguent l'une de l'autre par une habitude culinaire spécifique : les Juifs des communautés situées au nord d'une ligne mangent à Shavouoth du Kaouletch (brioche au beurre en forme de h'ala, pain natté). De l'autre côté de cette ligne, on mange du Kässküeche (tarte au fromage).
La raison en est que Shavouoth est la fête de la Torah et que la Torah est comparée au lait et à la crème. C'est de là que vient la tradition de manger, dans certaines régions, des laitages pour le repas du soir de Shavouoth.
Autre explication : au moment du don de la Torah, les maîtresses de maison se sont aperçues que le repas de fête qu'elles avaient préparé n'était pas conforme aux lois de casherouth. Tout ce qui leur restait à faire était de tout jeter et de remplacer la nourriture carnée par un repas lacté (si non e vero…)
Gut Yontef ! |