Bien que n'étant pas juif lui-même, il s'intéresse de près au Yédisch-Daïtsch, s'attachant en particulier à relever les expressions hébraïques utilisées en Alsace. Ses travaux dans ce domaine sont exposés dans plusieurs articles :
- Le judéo-alsacien, et les hébraïsmes alsaciens, dans Saisons d'Alsace n° 55-56, 189-206. 1975 (reproduit ci-dessous).
- Les hébraïsmes dans le parler de Haguenau, dans Saisons d'Alsace n°58, 1976
- Le judéo-alsacien, dans Encyclopédie de l'Alsace,, vol. 7, Strasbourg, Publitotal, 4356-4358. 1984.
Il était membre à part entière de la Société d'Histoire des Israélites d'Alsace et de Lorraine, ou il avait présenté de nombreuses communications.
Raymond Matzen meurt à Strasbourg le 8 août 2014 à l'âge de 92 ans. Yves Bisch, membre de l'Institut, souligne qu'avec son décès "l'Alsace perd un monument, un de ces pionniers emblématiques qui ont permis à notre langue régionale de retrouver ses lettres de noblesse".
L'Alsace, tolérante et hospitalière, a toujours été une terre d'accueil pour les opprimés et les persécutés. Elle le fut déjà au Moyen Age où les juifs, considérés comme déicides en Allemagne et en France, affluaient des deux côtés pour échapper aux premières vagues de l'antisémitisme, se regroupaient dans les anciennes villes libres et se repliaient sur eux-mêmes soit dans des ghettos urbains, soit dans des "réserves" rurales en bordure des villes.
Les réfugiés venus de l'espace allemand parlaient le judéo-allemand, le "Judendeutsch" ou "yiddish", c'est-à-dire un moyen-haut-allemand enrichi de nombreux hébraïsmes. Largement majoritaires, ils ont vite assimilé leurs coreligionnaires venus de l'ouest. En adoptant petit à petit certains traits et éléments des parlers alsaciens, la nouvelle communauté élabora une véritable langue : un bas-alémanique truffé de nombreux mots hébreux ou judéo-allemands, langage hybride et coloré qui devait donner naissance au judéo-alsacien d'aujourd'hui dont le vocalisme a ses caractéristiques propres, mais dont le consonantisme est celui du dialecte alémanique.
Après les traités de Westphalie les juifs alsaciens prirent une part de plus en plus active à la vie économique de notre Province. Ils s'installèrent dans les bourgs et contribuèrent à en faire des marchés. Finalement ils tenaient en main l'ensemble du commerce.
Le contact permanent des négociants, commerçants et colporteurs juifs avec la population alsacienne devait tout naturellement déteindre sur les parlers alsaciens : tel mot hébreu ou telle expression judéo-alsacienne finit par se fixer et par être totalement assimilé sur le plan phonologique. Du point de vue lexical, ces emprunts ont profité de la vogue que connaissent en général les néologismes ; ils ont subi tout aussi bien des extensions et des glissements de sens que des changements de signification.
La cohabitation et la collaboration séculaires des communautés chrétiennes et juives dans les villes et les villages d'Alsace ont donc favorisé une interpénétration linguistique étonnamment féconde. En effet, il y eut, au cours des siècles, d'une part une alémanisation du yiddish régional et, d'autre part, une hébraïsation des dialectes alsaciens.
Les quelque cent cinquante hébraïsmes que nous avons recueillis depuis notre adolescence et que nous publions ci-après sous forme de lexique étaient encore couramment employés par les Alsaciens au début du siècle. Ils sont si profondément enracinés dans le langage populaire qu'ils farcissent non seulement les conversations journalières, dans la rue et au foyer, mais encore les scènes sur les tréteaux. Ils s'harmonisent si bien avec leur contexte purement alémanique ou francique que la plupart des Alsaciens ignorent même qu'il s'agit de mots étrangers.
Pour des raisons sociales et sociolinguistiques tous ces hébraïsmes régionaux et locaux, si originaux, si pittoresques et si parfumés, sont malheureusement condamnés à disparaître à plus ou moins longue échéance. En effet, les juifs aussi fuient la campagne. Ils font des études, se présentent aux concours comme leurs compatriotes chrétiens, passent des diplômes et des doctorats, réussissent et s'imposent. En ville ils ne sont plus colporteurs, ni commerçants, ni négociants ; à présent ils sont hommes d'affaires, médecins spécialistes et médecins-chefs, avocats ou magistrats, professeurs ou hauts fonctionnaires. Ils abandonnent les traditions familiales et la langue ancestrale : ils parlent français. Le Judéo-alsacien disparaîtra avec la vieille génération : bientôt tarira pour l'alsacien une des sources d'enrichissement lexical les plus pétillantes, et les anciens apports, sans cordon ombilical, dépériront.
Près de la moitié des hébraïsmes alsaciens inventoriés plus bas ne sont plus employés par la génération moyenne. Les jeunes n'en connaissent plus qu'un tiers. Hélas trois fois hélas C'est pourquoi nous nous sommes hâtés de noter pour la postérité ce qui survit encore. C'est aussi la raison pour laquelle nous encourageons, en tant que responsable de l'Institut de Dialectologie alsacienne, toute étude entreprise dans ce domaine trop longtemps négligé.
Nous tenons à remercier M. Claude Lederer, rabbin de la communauté israélite de Bischheim, d'avoir bien voulu contrôler les étymons hébraïques du lexique ci-dessous.
LEXIQUE DES HEBRAISMES ALSACIENS
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achle(n) (v. tr.)
(hébr. achal, akhol "manger") bâfrer, bouffer, manger gloutonnement et beaucoup
: züe aile Zite achle (MA, BA), être toujours en train de bouffer ;
wie e Holzhauer achle (OF),
bâfrer comme un bûcheron;
güet achle will er, awwer nicks schaffe (Str.), il aime bien smanger, mais ne veut rien foutre.
Achler (m.)
(dérivé de achle) gros mangeur : 's isch e Achler (BA), c'est un glouton.
Achel-Peter (m.)
(dérivé de achle) personne qui a toujours un appétit vorace : 's isch e Achel-Peter (SG), c'est un goulu, un goinfre.
Achile(m) (f.)
(hébr. achilo "repas") manger, repas : grossi Sticke uf e güeti Achile halte (Str.), faire grand cas d'un bon repas, faire bonne chère.
Affedoches (m.)
(all. Affe "singe" ; hébr. tâchath "sous, au-dessous de", cf.
Aime, Äme(s) (m.)
(hébr. êmâ crainte, peur, frayeur") Ämes han (Str.), avoir peur, avoir la frousse ;
vor ebber Eime hon (VZ), craindre quelqu'un.
Ärel (n.)
(hébr. arêl "non circoncis") femme intrigante et provocatrice : loss mi gehn, dreckets Ärel (VB), fous-moi la paix, sale mégère !
Aschkenes (m.)
(hébr. aschkenasim "juif germanophone ; par extension, au sens péjoratif, tout ce qui est allemand") boche :
jau, Aschkenes word fehle (jud.-als.), sans doute, l'Allemagne péchera (cela sent bien l'Allemagne ! Ce sont des grimaces d'Allemands !) ; 's isch e Aschkenes (BA), c'est un boche.
Bäjes, Bäjets (m., n.)
(hébr. bayith "maison") 1. petite maison mal construite ou mal entretenue : si wohne im e alte Bäjes (MA, BA), ils habitent une vieille bicoque. - 2. maison de prostitution : 's isch e Hüer, si verdient ihr Brot im e Bâjes (Mul., Str.), c'est une putain, elle gagne son pain dans un bordel. - 3. lit, plumard : ich ha Schlof, ich gang in's Bajes (HA), j'ai sommeil, je vais au plume.
Barnes (m.)
(chald. parnâs "chef, administrateur") 1. chef religieux d'une communauté juive (Str., VZ). -
2. richard, homme hautain : de Barnes mache (PH), faire le grand seigneur.
Bedeie (n.)
(hébr. be "dans", dé-âh "savoir, connaissance") intention, dessein : ebbs (im) Bedeie han (VZ), avoir l'intention de, méditer un dessein ;
ich hab's Bedeie (SG), j'ai un projet, j'envisage de...
Beheime (m., f.)
(héb. behema "animal") : 1. vieille vache efflanquée : die Bheime isch grad noch güet genüej fur Suppefleisch (HA, BA), cette vieille bête est tout juste bonne à en faire du pot-au-feu.
2. femme acariâtre, difficile à vivre : diss isch e Bheime ! (BA), quelle vieille chipie ! -
3. individu borné et bête: dü alter Bheime ! (MA), espèce de vieille barbe ! ; diss isch e masse beheime, er weiss nitt emol, wer ne gschore hat (jud.-als)., c'est un pauvre imbécile, il ne sait même pas qui l'a tondu.
bensche (n) (v. tr.)
(yid. dérivé du lat. benedicere "prier après le repas, bénir") : 1. prier (HA). - 2. bénir (PH).
3. guérir en imposant les mains et en récitant des formules incantatoires : verstüchti Glidder bensche (RS), soulager quelqu'un d'une foulure.
bestusst (adj.)
(Cf. Stuss) fou, timbré : sie isch ais bstusst (VZ), par moment elle est dingue, elle pique des crises, elle divague.
betuecht (adj.)
(hébr. batûach "assuré, sûr") : 1. fortuné, riche : 's sinn betüechti Lit (BA), ce sont des gens fortunés. -
2. ivre, content : er isch betüecht (HA), il a son compte, il est dans les vignes du Seigneur. -
3. vif, doué : e betüechts Kin(d) (AB), un enfant éveillé, très doué.
Boser (m.)
(hébr. basâr, bosôr :viande") :viande de bœuf de mauvaise qualité : diss isch Roser vume Bheime (MA), c'est de la carne de vieille bête, c'est de la semelle.
Broche (m.)
(hébr. berakhâ "bénédiction, chance" ; cf. ar. baraka "pot") chance, bonheur : Brooche ! Brooche ! (BA), bonne chance ! ;
diss bringt em ken Brooche (VZ, PH), cela ne lui portera pas bonheur.
broüges, bröjes (adj.)
(hébr. be-roges "en colère") irrité, fâché, brouillé : ziter gescht sinn se bröjes mitenander (MA, BA), depuis hier ils sont brouillés (Cf. Röges, Röjes).
Bschore (f.)
(hébr. paschôr, poschôr "fondre, réconcilier") :1. compensation, compromis, conciliation, accord : Bschore mache (SG), servir de médiateur, concilier des gens. -
2. transaction, bénéfice, profit : er macht gern Bschore (Str., KB, VZ), il aime faire des profits plus ou moins illicites.
Bachore Macher (m.)
(composé de Bschore (médiateur, intermédiaire, entremetteur) : Dich brüch i grad fer e Bschore-Macher ! (MA), merci, je me passe de tes talents d'arbitre.
Chasne (f.)
(hébr. 'hatan, 'hoson "fiancé, gendre" ; 'hathunnâ "mariage") mariage, noces : e Kasne isch fur e Judde-Mischpaches e groses Fescht (Str.), pour une famille juive un mariage est une grande fête.
Däjes (m.)
(hébr. deagâh, deogôh "chagrin, souci") : mach dir ken Däjes um ungelajti Eier (jud.-als.), ne te fais pas des soucis pour rien ; diss macht m'r ken Däjes (BA), peu m'en chaut, ça ne me tracasse pas, je ne m'en fais pas pour si peu ;
sin Däjes vorbringe (Str.), exposer ses préoccupations, présenter ses doléances.
dalfel (adj.)
(hébr. dal "pauvre") démuni, pauvre : er isch so dalfel, dass er nimnt heert lite (VZ), il est pauvre comme Job, comme un rat d'église.
Dalfen (m.)
(hébr. dal "pauvre" ; Dalphon, nom de l'un des dix fils de Haman) mendiant : e Dalfen isch e armer Dalfel (PH), un mendiant est un pauvre diable.
Dalles (m.)
(hébr. dallûth "pauvreté") :1. tremblote : Hesch de Dalles ? (Str.), tu trembles, dis-donc ! -
2. maladie, mal incurable : er macht nimmi lang, er het de Dalles (BA), il ne vivra plus longtemps, il a la crève. -
3. pauvreté : er het de Dalles mit siwwe Farwe (Mols.), il est en faillite, il fait banqueroute. -
4. niais, imbécile : diss isch e Dalles (Hag.), c'est un crétin.
Danfe, Döüfe (m.)
(hébr. dofak "jouer un mauvais tour") espièglerie : eim e Döüfe spiele (PH), jouer à quelqu'un un tour de frippon.
Daufes, Doüfes (m.)
(hébr. tofas "cachot") prison : er isch in de Doüfes es gkumme (MA), il est allé en tôle, on l'a mis au cachot.
debere(n) (v. intr.)
(hébr. daber, dibber "parler") crier, rouspéter, râler : wenn sich d'Wiwer verzirne, fange se an ze dewwere (MA, BA), quand les femmes se fâchent, elles rouspètent ;
mini Frau wurd dewwere, wenn i widder ze spot heimkumm (BA), je vais me faire attraper par ma femme si je rentre encore trop tard.
Doches, Dochets, Dokes (m.)
(hébr. tâ'hath "sous, au-dessous de") : 1. derrière, postérieur : huck dich uf de Dokes ! (BA), assieds-toi sur ton derrière ! fous-toi sur ton cul ! ;
ich verschlag dir glich de Dochets (MA), attends un peu, je vais te donner sur les fesses ; ich will dir de Dochets gerwe (MA), méfie-toi, je vais te tanner la peau du cul ; VULG. Teck mich am Dokes ! (Str.), je t'emmerde ! -
2. banqueroute : er hebbt de Dokes züem Fenschter nüs (BA), il est dans la merde jusqu'au cou, il est en faillite ; ür isch ze Dukes gange (HA), il est complètement ruiné.
erf, eref (m.)
(héb. orew "garantie" ; arebh "fournir caution"; orêbh "caution, garant") garant : ich bin dir eref derfir (VZ), je me porte garant de cela.
Gafe (m.)
(hébr. ga-awâh "arrogance, suffisance, morgue") : der soli ken Gafe han ! (Ph), quel présomptueux celui-là !
Galach (m.)
(hébr. gillâch "tondre", yid. gallâch "tonsuré") : PEJOR. curé ; pasteur protestant (Str., VZ).
Ganef (m.)
(hébr. gannâbh "voleur") : er isch e groser Ganef (Str., VZ), c'est un voleur invétéré.
ganefe(n), ganfe(n), gamse(n) (y. tr.)
(hébr. ganow "voler") voler, dérober, barboter, chiper (particulièrement les fruits des jardins et des champs) : d'Kerbmacher han widder Wide geganft (BA), les vanniers ont de nouveau sabré les osiers (piqué de l'osier).
Geschlamassel(s) (n.)
(préf. coll. all. ge- ; hébr. schällô mazâl "qui n'a pas de chance ; malchance, malheur") : 1. désordre, pêle-mêle, méli-mélo, situation pénible : diss soli ken Gschlamassels sinn ! (BA), quel foutoir ! ;
ils dem Gschlamassels kummt ken Mensch (Str.), personne ne voit clair dans cette affaire ; der stäckt im e arige Gschlamassels (BA), il est dans de beaux draps ;
diss Gschlamassels lejt m'r uf em Maawe (Str.), cette histoire me pèse. -
2. ornements baroques et superflus : die sol! ken Gschlamassels an ihrem lange Rock noochschleife (BA), qu'est-ce qu'elle traîne comme ornements biscornus à sa longue robe ! (Cf. Schlamassel).
Goi (m.)
(hébr. goy "peuple"). Dans la Bible le mot hébreu "goj" signifie "peuple, nation" : "Vous serez pour moi un peuple élu et une nation (goy) sainte" (Exode 4:5). Il dénomme aussi tout individu ou toute collectivité en dehors de la race juive (les gentils). Après avoir pris le sens péjoratif de "mécréant, païen", il désigne de nos jours soit un juif qui n'observe aucune pratique religieuse, soit un chrétien : isch's e Sind e Goi ze bschïsse ? (MA, BA), est-ce un péché que de rouler un goy ?
Goje (f.)
(forme judéo-alsacienne de l'hébreu goya "non juive") chrétienne, servante chrétienne, bonne à tout faire : PEJOR., IRON. fer e Judd isch e Chrischtemaidel e Goje (BA), aux yeux d'un juif une jeune fille chrétienne est une boniche.
Gstuss (n.)
(préf. all. ge-; hébr. schetûth "folie") : personne irréfléchie, lourdaud ; type instable, lunatique : mit eme so-n-e Gstuss isch nitt ze gschirre (BA), avec cette chipie il n'y a pas moyen de s'entendre (Cf. Stuss).
Halleluja (n.)
(hébr. hallelûyah "louez Dieu !") alléluia : cri de louange et d'allégresse fréquent dans les psaumes, adopté par l'Eglise dans sa liturgie, surtout au temps pascal ; par extension ce mot sert à exprimer un chant ou un cri de joie. Dans les villages catholiques, une vieille tradition veut que les enfants aillent, le lundi de Pâques chez leurs voisins, parents et connaissances pour leur souhaiter de joyeux jours de fête et leur présenter leurs meilleurs vœux avec la formule consacrée : "E glickseligs Halleluja !" (Heureux alléluia !).
Jajem (m.)
(hébr. yayîn "vin") vin: im Jajem steckt Wohrheit (VZ, PH), du vin jaillit la vérité (Cf. lat. in vino veritas).
Janigle (n.)
(hébr. yonek "nourrisson" ; suff. dimin. além. -le) bébé : sie hot en Janikle (jud.-als.), elle a un petit.
jaüker, jöüker (adj.)
(hébr. yakâr, yokôr "cher") cher, coûteux, onéreux : ich köüf nitt jöüker (VZ, PH), je n'achète pas cher.
Kaff (m.)
(hébr. kaphâr, kefâr "village") petit village perdu, retiré : diss isch noch e Kaff ! (BA), quel bled ! ;
in dem Kaff langwilt m'r sich ze Tod (Str.), qu'est-ce qu'on s'ennuie dans ce trou perdu !
Kaffer (m.)
(dérivé de Kaff) paysan, villageois : Diss soli ken Kaffer sinn ! (Str.), ce qu'il est péquenaud !
Kafruse (m. pl.)
(hébr. 'hawruta, 'hawruso "compagnie") compagnons, camarades, complices, acolytes : mer sinn noch allewil güeti Kafruse gewän (VZ, PH), on a toujours été copains.
Kalaumes, Kalöümes (m.)
(hébr. 'halom, 'halomôth "rêverie") 1. bêtise : gib dicte nitt mit Kalaumes ab ! (jud.-als.), ne t'occupe pas de bêtises ! -
2. duperie, escroquerie : diss isch Kalôümes (VZ), c'est une supercherie ; Kalöümes isch Trumpf (Str.), ça ne vaut rien, c'est du bluff ! ; Kaloumes mache (AB), essayer de nuire, faire des dupes ; diss isch e Kalöümes (Str., AB), c'est une canaille. -
3. Composés : Kalöümes-Dings ! (VZ), charlatanerie ! Bluff ! ; Kalöümes-Freier (VZ), séducteur, amant volage, Don Juan.
Kaljes (m. pl.)
(hébr. kalâ, kalô "entraver, détruire, anéantir") : Kaljes mache (BA), mettre de l'empêchement à la réussite d'une affaire, jouer un tour, faire des saloperies, causer un dommage, nuire ; der het sine Lit Kaljes gemacht (MA), il a fait des misères à sa famille, il a nui aux siens.
Kaljes-Macher (m.)
(composé de Kaljes) esprit malveillant, calomniateur ; individu qui éprouve un malin plaisir à faire du tort à son prochain, notamment à empêcher des affaires à se réaliser, soit par des calomnies, soit par de faux renseignements : diss isch e verdammter Kaljes-Macher (BA), c'est un drôle de salopard.
Kalle (f.)
(hébr. kalle, kalla, "fiancée, mariée"), jeune fille grande et corpulente, femme d'un certain âge, plantureuse et vulgaire : diss soll ken Galle sinn ! (BA), quelle matrone ! Quel cheval de bataille !
kapores (adj.)
(hébr. kappora, pl. kappârôth, kapporôs, "sacrifices, victimes expiatoires"). Le mot est d'origine biblique, il rappelle le sacrifice rituel de la veille du jour du Grand Pardon (Yom Kipour) qui consistait à immoler une poule appelée "Kapporehüehn" en guise d'offrande expiatoire : kapores schlage, kapores mache (HA, BA), tuer, casser ; kapores gehn, se casser, périr ; 's isch kapores, c'est cassé, c'est foutu.
Quand l'enfant casse un jouet et qu'il a l'air étonné, attristé ou désolé, on lui dit : "Oh !... fütti (fütschi) kapores !" (Hélas... c'est cassé !). L'analogie du mot avec "kapütt" (all. kaputt, "abîmé, cassé") contribue à lui assurer un emploi très vivant.
Kasore, Kasorems (m. pl.)
(hébr. 'hasser>, 'hassôr, "faire défaut, manquer"). 1. indisposition, malais; fatigue : wenn er ebbs schaffe soli, het er alli Kasore (VZ), quand il lui faut travailler, il a tous les maux.
2. dettes : der Mann het Kasorems (PH), cet homme est endetté.
3. poux : diss Maidele isch malproper, es het Kasorems (PH), cette fillette n'est pas soignée, elle a des poux.
Kasser (m.)
(hébr. 'hasîr "cochon") porc : e güeter Judd esst ken Kasser (VZ, OF), un bon juif ne mange pas de viande de porc.
Kattes (m.)
(hébr. 'hattâ, 'hottê "pécheur"), voyou, fripon, esprit superficiel et fantaisiste : diss isch noch e Kattes ! (MA, BA), quel fumiste ! quel garnement !
Katuschem (m. pl.)
(hébr. 'hiddûsch "nouveauté"), nouvelles, commérages, bobards, cancans : diss isch alles Katuschem (VZ, PH), ce ne sont que des potins, des racontars.
kaüscher, köischer, koscher (adj.)
(hébr. koschêr "convenable, consommable". Ce mot, couramment employé dans l'Alsace tout entière, signifiait primitivement "mangeable et potable" d'après les prescriptions rituelles de la loi talmudique (viande, vin). En alsacien il a subi progressivement une extension de sens : pur, clair, net, sûr. La plupart du temps il est employé à la tournure négative : diss bifteck isch nitt köischer, ce bifteck n'est pas frais, il sent ; diss Maidel isch nitt köischer, cette jeune fille est impure, elle a ses règles ; diss isch nitt köischer, ça me paraît louche ; do isch 's nitt ganz köischer, c'est un endroit lugubre ; 's isch nitt köischer mit em, il est en difficulté, il est en mauvaise posture, sa situation financière inspire des inquiétudes ; 's Wetter isch nitt köischer, le temps se gâte, le temps est à la pluie, l'orage approche.
keief (adj.)
(hébr. 'hayaw "redevable, fautif") coupable, compromis, impliqué dans un délit : er isch widder emol keief (Str., VZ), une fois de plus il est mêlé à une affaire.
Keilef (m.)
(hébr. kelebh "chien" ; cf. ar. kleb, fr. argot. "clebs") 1. terme injurieux, insulte à l'endroit d'un individu méprisable : wart numme, Keilef ! (VZ, PH), attends un peu, canaille, je t'
aurai ! ; recht hesch de, awwer e Keilef bisch de doch ! (Str.), tu as raison, mais tu es tout de même un chien ! (phrase proverbiale par laquelle on concède à l'adversaire que son argumentation sophistique tient debout, mais qu'il est une fripouille) ;
jeder Keilef het e Hund (BA), toute. nature de chien a un chien. -
2. cheval maigre et efflanqué, rosse : diss soll ken Keilef Sinn ! (OF), quelle misérable haridelle ! quel horrible canasson !
Kellig, Killig (m.)
(hébr. 'helek "part") :1. signifie "part, différence" : 's isch ke Kellig (HA), je ne vois pas de différence entre les deux.
2. exprime l'indifférence : 's isch m'r e Chillig (VZ), ça m'est égal.
Kinnem (m. pl.)
(hebr. kinnîm pl. "les poux") : dü kratscht dich... hesch Kinnem (VZ, PH), tu te grattes... as-tu des poux ?
Wenn aane sich kratzt, hot er Kinnem odder Däjes (jud.-als.), quinconque se gratte la tête, a des poux ou des soucis.
Kippe(s) (m.)
(hébr. kuphâh, kuphôh "caisse, cagnotte, tirelire") : 1. partage : nichs Kippe ! (Str.), pas question de partager ! ; Kippe(s) mache (MA, BA), partager les bénéfices ; Kippe Halbpart ! (Str.), la moitié me revient ! Kippe-Kippe (Str.), moitié-moitié, fifty-fifty ; Kippes han (HA, MA), avoir part à quelque chose.
2. réussite, progrès, prospérité : nitt ze Kippe kumme (VZ), ne pas réussir, ne pas faire fortune.
3. entente, accord : Kippes han mitnand (PH), s'entendre sous cape comme larrons en foire.
4. (par extension de sens) désaccord, brouille : si han Kippes mitnand (Str.), ils sont brouillés.
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kochem (adj.)
(hébr. 'hakhâm "sage, avisé") raisonnable, intelligent, rusé : er isch koochem (BA), il est malin ; 's isch e koochemer Kopf (Str.), il a de la tête, c'est une tête qui pense.
Kofet (f.)
(hébr. kavod "honneur") considération, estime, attention : eim Kofet antüen (VZ), estimer qq., témoigner beaucoup d'égards à qq.
; in de-n-alte Little tüet d'Kofet wohl (PH), les vieilles gens sont très sensibles aux marques de prévenance.
Kozem (m.)
(hébr. kazîn "chef, juge") homme fortuné d'une certaine notoriété : er isch angezöje wie e Kozem (VZ), il est habillé comme un richard.
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