Les éléments hébraïques du dialecte judéo-alsacien (suite et fin)

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macholle, machulle (adj.)
(hébr. mekhulläh "être insolvable") en faillite, ruiné : er isch macholle (MA, BA), il est en faillite, il est sans sou ni maille.

Macke(n) (m.)
(hébr. makhâh, makhôh "défaut") : 1. défaut, faiblesse infirmité, suite ou complication tardive et durable d'une maladie ou d'un accident : er het e Macke (BA), il a un grain ; er kann nitt Soldat werre, er het e Macke (MA), il est exempt du service militaire, il a été déclaré inapte à cause d'une infirmité ;
er het e Macke uf de Bruscht (PH), il a la poitrine faible, il est poitrinaire ; sie kränkelt, si het Macke iwweral (Str.), elle est souffreteuse, pleine d'infirmités ; vun dem Unfall bhalt er e Macke fur's ganze Läwe (BA), les séquelles de cet accident gâteront le restant de ses jours ;
kauf diss Ross nitt, es het e Macke ! (MA, BA), n'achète pas ce cheval, il a une tare (un défaut) !
2. défectuosité, vice de construction: Ion m'r 's billiger, diss Ding het e Macke ! (HA, BA), faites-moi un prix, ce truc-là a un défaut ! ; wenn 's ken Macke hätt ghett, wür's nitt glich kapütt gange (BA), s'il n'y avait pas eu vice de fabrication, ça n'aurait pas cassé si vite.

magaje(n) (v. tr.)
(hébr. magajene "battre, torturer, tuer") tourmenter, faire souffrir, ruiner, anéantir, tuer : wenn d'r Tod eine itn Triwes het, will er eine maggaje (MA, BA), quand la mort vous pourchasse, elle veut vous zigouiller.

malauche (n), malöüche(n) (y. tr. et intr.)
(hébr. melakhâ, melokhô "affaire, travail") tricher, fausser, falsifier : er tüet garn maloiche (HA), il aime falsifier (tripoter, truquer) ; er tüet sine Wi(n) malöüche (MA), il frelate son vin ; diss isch gemalöüchter Win ! (PH), c'est du vin coupé (frelaté, dénaturé) !

Malauches, Malöüches (m., n.)
(hébr. melakhâ, melokhô "affaire, travail") falsification, tromperie, tricherie : Malöüches mache (Str.), tricher, fausser, falsifier.

Mämme (f.)
(yid. memme "mère") : 1. maman : Schlauf, Bubbele, schlauf, / Dei Ette hiet die Schauf, / Dei Mämme hiet die Lämmeli, / Schlauf, Bubbele, schlauf ! (Dors, petit bébé, dors ! Ton père garde les moutons ; Ta mère garde les petits agneaux / Dors, petit bébé, dors !) (Berceuse judéo-alsacienne).
2. femme corpulente d'un certain âge : dass (diss) isch e Mämme (HA, BA), c'est une grosse pouffiasse.

Mammon (m.)
(aram. mammôn "avoir, fortune") terme biblique servant à personnifier les richesses mal acquises : er bätt de Mammon an (Str.), il adore le veau d'or, il a le culte de l'argent (Cf. Mummes).

Mamser (m.)
(hébr. mam-sôr, mamzêr "enfant issu d'un amour adultère ou incestueux, bâtard") rejeton illégitime d'un couple judéo-chrétien : si het e Mamser vu-me Judd gkriejt (Hag.), elle a eu un bâtard d'un juif.

mascholme(n) (v. fr.)
(hébr. tard. schallêm "payer") débourser, payer : er kann nitt mascholme, er isch macholle (MA, BA), il ne peut pas casquer, il est à sec.

Maschores (m.)
(hébr. meschareth, meschores "serviteur") serviteur, domestique, valet : Mäschores, mach mir Wind ! (jud.-als.), domestique, évente-moi ! (cela se dit ironiquement quand un individu, d'une condition inférieure, veut se donner des airs importants, vous parle sur un ton d'autorité et affiche des prétentions non justifiées).

maschugge, meschâje (adj.)
(hébr. meschuggâ "fou") fou, timbré : dü bisch jo maschugge (HA, MA, BA), mais t'es dingue, t'es cinglé ; do wursch maschugge (MA, BA), il y a de quoi devenir maboul.

Massel (n.)
(hébr. mazâl "chance, bonheur, joie, plaisir" ; jud.-als. massel tof ! littér. "bonne constellation, bonne chance !") : 1. grâce divine, chance : 's isch e Masse! von Gott ! (jud.-als.), c'est une grâce de Dieu! ; 's Masse! vom e Goi (jud.-als.), la chance d'un non-juif (n'ayant pas besoin d'observer les lois de la Torah, le chrétien peut jouir de tous les plaisirs qu'offre l'existence et n'aura pas de compte à rendre à Dieu pour les méfaits commis ici-bas).
2. Massel-Dof ! (VZ), Bonne chance !
3. chance, bonne fortune, affaire : im e kalte Winter han d'Kohleliändler Massel (Str.), quand l'hiver est froid, les marchands de charbons sont dans leur élément, ils font fortune.
4. bonheur, plaisir, joie : in de groosse Ferie han d' Kinder Massel (BA), durant les grandes vacances les enfants ont la vie belle ; morje hesch frej, do hesch widder Massel ! (BA), demain tu seras en congé, veinard !

Massematte (n) (n.)
(hébr. massâ-u-mattân "prendre et donner") commerce, marché, affaire : Wi geihn (gehn) di Massematten(s) ? (jud.-als.), comment vont les affaires ? ; diss isch e Massematten for aane ellaan (jud.-als.), IRON. quelle affaire ! quel maigre profit !
e güete Massematte(n) mache (HA, BA), faire une bonne affaire.

massik (adj.)
(hébr. mazik "qui endommage") fougueux, indomptable : diss Ross isch massik, es bisst un schlaat hinte-n-üs (Str.), c'est un cheval rebelle qui mord et rue.

Massik (m.)
(cf. massik) : 1. cheval fougueux, indocile : nimm dich in Acht, 's isch e Massik ! (BA), prends garde à toi, c'est une cavale indomptable et rebelle !
2. jeune fille récalcitrante, pas facile, qui ne se laisse pas faire, qui sait se défendre (dans le langage des jeunes campagnards) : pass uf, 's isch e Massik, si bisst un tritt, wenn m'r se hewwe will ! (KB, VZ), méfie-toi, c'est une pouliche farouche qui mord et rue quand on la touche.
3. femme forte et brutale, qui s'emporte facilement : mit dem Massik het der arm Mann 's Gallee (Str.), avec cette virago le pauvre homme n'est pas à la fête !

Matze(n) (m.)
(hébr. matzôth "pain sans levain") pain azyme que les juifs mangent au temps de la Pâque : Matze isch Juddebrot (BA) le pain azyme est le pain des juifs ;
Matze iwwer de Tüer bschitzt eine wor-em Blitz (VZ), un morceau de pain azyme au-dessus de la porte (de la chambre de séjour) vous préserve de la foudre.
Dü sollsch de Matze gante ! (Str.), c'est à toi que cela reviendra !

Matzebäck (m.)
(hébr. matzôth "pain azyme" ; als. Bäck "boulanger") boulanger juif spécialisé dans la préparation et la cuisson du pain azyme. Il est soumis au contrôle très rigoureux du rabbin de sa communauté. Il y en avait jadis entre autres à Bollwiller, Muttersholz, Wasselonne, etc., il y en existe encore à Wasselonne et Soultz-sous-Forêts.

maule, möüle (adj.)
(hébr. malê "remplir, être plein") gris, ivre, soûl : er isch widder emol möüle (HA, BA), il est de nouveau soûl.

Mauschef, Möüschef (n.)
(hébr. moschâbh "sans valeur") marchandise de mauvaise qualité : diss isch Möüschef (KB, VZ, PH), c'est de la camelote.

mauschele(n), möüschele(n) (v. tr.)
(hébr. moschôl "transposer en allégories, romancer") chuchoter, marmotter, bredouiller (parler vite et à voix basse d'une façon inintelligible comme les juifs qui marmonnent leurs prières) : los emol, wie d'Jude moischele ! (SG), entends les juifs qui marmottent !
; was mauschelsch denn widder ? (Str.), qu'est-ce que tu es encore en train de chuchoter ?

Meies (n.)
(hébr. tard. mâôth, moôs "argent") monnaie, argent : Mäjes han wie Laüb (MA, BA), avoir de l'argent à foison, être riche comme Crésus ; Majes im Kiss (VZ), la bourse remplie de fric ; Mäjes mache Däjes (jud.-als.), l'argent donne du souci.

meimese(n) (v. tr.)
(hébr. mûth "tuer", mêmith "tuant") tuer, assassiner ; abattre, saigner : e Bheime derf m'r meimese, awwer ken Mensch (BA), il est permis de tuer une vieille bête, mais non un homme.

Mischpaches, Maschpaches (m., f.)
(hébr. mischpa'hâ, mischpo'hô "famille") : 1. famille, parenté, clan : ghöert der au züe d'r Mischpaches (BA), fait-il aussi partie de la smala (de la tribu), celui-là ?
2. friture : isch diss d'r ganz Maschpaches? (Str.), c'est ça ta pêche miraculeuse ? c'est tout ce que tu rapportes ? (Cela se dit lorsqu'on rencontre un pêcheur qui revient bredouille).

Mispes (n.)
(hébr. mischpat "procès") : 1. querelle, dispute : mit ebber(m) Mischpes bekumme (HA, MA), chercher querelle à quelqu'un ; sie ha(n) allewil Mischpes (HA), ils n'arrêtent pas de se disputer.
2. objet de peu de valeur : diss isch Michpes (Str.), c'est de la foutaise, de la camelote.
3. vermine, punaises, poux : in derre Kambüs kann m'r noch Mischpes krieje (OF), dans cette cambuse (baraque) on risque d'attraper des punaises ; dü hesch allewäj Mischpes, dass de d' ganz Zit so kratsch (PH), à te voir te gratter tout le temps comme ça, on dirait que tu as des morpions (des totos).

Misse maschinne (f.)
(hébr. mîthâh meschunnâh "mort violente") 1. épilepsie, mort : nimm dir e Misse-maschinne ein ! (OF), que le "mal sacré" t'emporte ! (formule de malédiction par laquelle on souhaite à quelqu'un qu'une violente attaque d'épilepsie l'emporte). 2. transaction malhonnête : diss isch e Misse-maschine ! (Str.), ce n'est pas correct, c'est louche !

Mummes (m.)
(aram., hébr. tard, mamôn "avoir, fortune") argent, pognon, pèse : der Kerl het Mummes ! (MA, BA), ce mec-là a du fric !

Nafge (f.)
(hébr. nâphekat "prostituée") fille de joie : Büe, dü wursch doch ken Nafge hirote welle ! (Str., VZ), tu ne vas pas épouser une putain, mon garçon !

Nafgebäjes (n.)
(hébr. nâphekat, nâphekô "prostituée" bayith "maison"), maison de tolérance : VULG. kannsch dir de Sack im Nafgebäjes lääre ! (Str.) vas te faire vider les bourses au bordel !

päigere(n), paügere(n) (v. intr.)
(hébr. peger "cadavre") : 1. crever : die Bheime het de Füess gebroche, m'r mien se metze, dass se nitt päjert (PH), cette vieille bête s'est cassée la patte, il faut l'abattre pour qu'elle ne crève pas.
2. mourir, clamser : m'r paigert hait, .wenn eine d'r Tod im Triwes het (Str.), quand la Mort vous épie, il faut se résigner à partir ;
denk, d'r Möische isch geptäigert (MA), Moïse vient de clamser, qui l'eût dit ? ;
Kranki paigere iwweral (Str.), il y a malheureusement partout des malades qui meurent.

pleite (adj., adv.)
(hébr. peletah, peleitoh "fuite") : 1. se sauver, déguerpir : wo-n-i dr Bammert gsä ha, ha-n-i mich pleite gmacht (SG), quand j'ai aperçu le garde-champêtre j'ai pris le large ;
er het Äime ghet, er isch pläite gange (MA, BA), il a eu peur, il a pris la poudre d'escampette.
2. être en faillite, être perdu : si han-ne pleite g(e)macht (BA), ils l'ont ruiné ; er isch pleite (HA, BA), il est en faillite, il est flambé.

Ponem (n., m.)
(hébr. plur, coll. pânim "visage") : 1. visage : IRON. der het e füerichts Ponem (Str.), il a un drôle de faciès, quel visage de clown ! ; der het e Ponem wi-n-e Matze (BA), son visage grêlé rappelle le pain azyme ;
er schnidt e Ponem, dass m'r meint, er isst aile Karfridaa numme emol (Str.), à voir sa mine, on dirait qu'il ne mange qu'une fois tous les vendredis saints.
VULG. ich will dir in's Ponem seifle (MA), je vais te pisser au cul ! je t'emmerde !
2. mine, expression de la santé : er het e schlechts Ponem (Str.), il a mauvaise mine.
3. PEJOR. ventre : e vollgfrassener Ponem (HA), une panse bien remplie, une grosse bedaine.

Rabbiner, Rabbi, Rawiner, Râwwe (m.)
(hébr. rabb "seigneur, maître") rabbin : Mausche rabbinu (jud.-als.), Moïse notre maître ; IRON. de Râwwe isch de Judde ihre Pfaff (BA), le rabbin est le calotin des juifs.

Reifich, Reifes (m.)
(hébr. rewa'h "espace, extension, profit, gain") bénéfice : Reifich (Reifes) mache (MA, BA), faire de gros bénéfices.

Risches (pl.)
(hébr. rischaûth, rischûs "méchanceté") méchanceté, haine, antisémitisme : eim Risches redde (VZ), dire à quelqu'un des choses déplaisantes, lui faire des réflexions désobligeantes ;
Risches mache (VZ), agir méchamment, être mauvais comme la gale, se comporter en ennemi envers quelqu'un : er het Risches im Kopf (jud.-als.), il hait les juifs.

Roges, Röjes (m.)
(hébr. ragaz, roguez "colère") : 1. colère sourde, courroux contenu : er het e Röjes wie e (Schiss) hüs (BA), il a de la peine à retenir sa colère ; il sent que la moutarde lui monte aux nez.
2. irritation : er het e Röjes (BA), il est très irrité, il est très soupe au lait.
3. animosité, ressentiment : er het e Röjes iwwer mich (Str.), il est fâché avec moi, il a une dent contre moi, il m'en veut ; mit aile rauges sinn (jud.-als.), être mal avec tout le monde.

Schabbes, Scbabbets (m.)
(hébr. schabbâth, samedi, "jour férié", dérivé de shâbath, "cesser de travailler, se reposer"). Shabath, repos que les juifs doivent observer le samedi, jour consacré au culte divin : am Schawwe(t)s schaffe d'Judde nitt (HA, BA), le jour du Shabath les juifs ne travaillent pas ;
IRON. am Schawwe(t)s gitt d'r Judd ken Geld lis, awwer nPamme düet er (MA), le jour du Shabath le juif ne dépense pas d'argent, mais il ne lui répugne pas d'en encaisser.

Schabbetsampel (f.)
(hébr. schabbâth "Shabath" ; all. Ampel "lampe suspendue") lampe du shabath : d'Schawwetsgoje zindt d'Schawwetsampel an, sie blost se au widder üs (BA), c'est la servante sabbatique qui allume les lumières du Shabath, c'est aussi elle qui les mouche.
Synonyme : Schabbetslamp (Schawweslamp).

Schabbesdeckel (m.)
(hébr. schabbâth "Shabath" ; all. Deckel "couvercle, couvre-chef") : IRON. vieux chapeau d'homme, plus ou moins crasseux : was hesch denn dü fer e Schawwe(t)sdeckel uf ?... einer vum Grimpelmärik (BA), mais quel est ce galurin que tu portes ?... c'en est un du marché aux puces ?

Schabbesgoye (f.)
(Cf. Schabbes et Goje) femme chrétienne qui va chez les juifs, le jour du Shabath et les jours de fête israélites, pour se charger des travaux ménagers que les juives, respectant la loi mosaïque, se refusent de faire, notamment allumer le feu, moucher les lumières de la lampe en cuivre, etc. : si schmüst wie e Schawwesgoje (jud.-als.), elle bavarde comme une servante chrétienne le jour du Shabath ;
e Schawwesgoje isch e Dorfrätsch (MA, BA), une servante sabbatique est la commère du village (en effet, en assurant dans les maisons juives le service de l'allumage et du chauffage, elle ramasse tous les potins, elle colporte tout ce qu'elle a vu et appris au cours de sa tournée) ;
e Schawwesgoje isch d'Zitung vun de Juddegass (BA, lang. urb.), une servante sabbatique est la gazette de la rue des juifs (elle joue d'ailleurs un rôle non négligeable dans la vie d'une communauté).

Schabbeskleid (n.)
(hébr. schabbâth "Shabath" ; all. Kleid "costume, habit") costume du Shabath, c'est-à-dire "habits du dimanche" : im Schawwe(t)skleid isch er e Fitzer (BA), endimanché c'est un beau garçon.

Schabbesmagd, Schabbesmöid (f.)
(hébr. schabbâth "Shabath" ; all. Magd "servante") servante chrétienne qui travaille chez les juifs le jour du Shabath et les jours fériés judaïques (synonyme de "Schabbesgoye") : ich bin nit dini Schawwesmöid (VZ), je ne suis pas ta bonne du Shabath (formule que la femme emploie le dimanche quand l'époux veut lui imposer un travail qu'elle trouve incompatible avec la notion du repos dominical).

Schabbetsrutsch (f.)
(hébr. schabbâth "Shabath" ; além. Rutsch "couche sur laquelle on aime traîner") vieux sofa en mauvais état : geh vun dem Kanapee rab, füler Keib, mach m'r ken Schawwe(t)srutsch drüss !(VZ), ne traîne pas tout le temps sur ce canapé, fainéant, tu vas finir par en faire un grabat de Shabath.

schäche(n), schächere(n), schächte(n) (v. tr.)
(hébr. scha'hat, scho'hot "égorger, tuer un animal selon le rite") : 1. égorger, saigner (selon la tradition juive) : d'Judde schächte ken Söü, wil se ken Schwines derfe esse (BA), les juifs ne tuent pas le cochon parce qu'il leur est défendu de manger du porc.
2. tuer, abattre une bête : mode bekumme m'r gschochte (PH), demain nous tuerons le cochon, demain il y aura de la cochonnaille.

Schächer, Schächeri, Schächteri, Schächti (m.)
(dérivés de schâchten et schâcheren) vieux couteau qui ne coupe pas : der Schächeri hat aü schu(n) lang ke Schlifstein meh gspiert (HA, MA), il y a longtemps que ce coutelas ne s'est plus frotté à une pierre à aiguiser.

Schächter (m.)
(dérivé de schächten) sacrificateur juif, boucher : 's isch e alter Schächter, der kann stäche (BA), c'est un vieux sacrificateur (boucher) qui sait saigner (égorger) les bêtes.

Schammes (m.)
(hébr. tard. schammâsch "serviteur, domestique"), gardien de la synagogue, bedeau (OF) : d'r Schammes klopft Schüle un leigt sich widder (jud.-als.), le bedeau invite à la prière et va se recoucher. (C'est une allusion à la tournée que faisait jadis le bedeau israélite en frappant avec un marteau de bois aux portes pour réveiller les fidèles les matins de "Sliches" où l'on allait à l'office religieux avant l'aurore). D'r Schammes klopft Schüle (OF), le bedeau sonne les matines. (Cette locution sert à caractériser quelqu'un qui fait appel au dévouement ou à la charité alors que lui-même ne pratique pas ces vertus.)

schaskene(n) (v. tr.)
(hébr. schathâ, schosô "boire", schackô, schockô "abreuver, donner à boire") boire, siffler, siroter : Met ze vil schaskene, se w'urd m'r möüle (VZ), à force de picoler on devient rond.

Schaute, Schöüte (m.)
(hébr. schotä "égaré, fou") : 1. fou, écervelé, hurluberlu : do müess einer e Schöüte sinn, wenn er diss macht (HA, BA), il faut être fou pour agir de la sorte.
2. bouffon, farceur : wenn er e bissel ze tief in's Glüsel lüejt, macht er de Schöüte (BA), quand il a un verre dans le nez, il fait le pitre.

Scheiker (m.)
(hébr. scheikêr "mensonge") : 1. blague, plaisanterie : Scheiker söeje (KB, VZ), débiter des balivernes.
2. fable, mensonge : mach m'r doch ken Scheiker do here ! (BA), ne me raconte pas d'histoires !
Composé : Scheikersaawer (Str.), menteur, fabulateur.

scheikere(n) (v. intr.)
(hébr. schakkâr,schokkôr "mentir") plaisanter, blaguer : er scheikert garn (HA), il aime faire des plaisanteries.

schicker (adj.)
(hébr. schikkôr "ivre") ivre, soûl : er isch schicker wie e Goi (jud.-als.), il est ivre comme un mécréant ;
der isch so schicker, ass er nimmi ufrecht stehn kann (HA, BA), il est si bourré qu'il ne peut plus se tenir debout.

Schicks (f.), Schicksel(e) (n.)
(hébr. schiktso "jeune fille non juive" ; schekez "horreur") :
1. jeune fille chrétienne (jud.-als., Str.).
2. fille légère et frivole : diss isch e Schicksel (MA), c'est une petite coureuse.
3. femme de moeurs légères : diss isch e Schicks (Str.), c'est une cocotte.
4. jeune fille juive : am Schawwes sinn d'Schicksle awwer gemutzt (VZ, PH), le jour du shabath les petites juives sont drôlement fringuées. 5. bien-aimée, chérie : Dü bisch min Schicksel (HA), tu es mon petit trésor.
6. nom composé : Juddeschicksel "jeune juive fringante" (HA, BA).

Schlamassel (n.)
(gram. schülla-massel, hébr. schüllo-masül "malchance, malheur") :1. malchance, mauvaise affaire : diss isch noch e Schlamassel ! (VZ), j'ai la guigne, c'est la grande poisse !
2. amas d'objets sans valeur, grand désordre : in derre Bütik isch awwer Schlamassel ! (VZ), quel bric-à-brac dans cet atelier ! Cf. Geschlamassel (s)(s).

Schlemihl, Schlamihl (m.)
(hébr. sche-lo-moïl "bon à rien") : 1. imbécile, maladroit, malchanceux (se dit, par exemple, d'un marchand qui, par sa propre faute, n'arrive pas à se débarrasser de son ballot) : er het ken Massematte gemacht, es isch e Schlemihl (Str.), il n'a pas fait d'affaires, c'est un malchanceux.
2. gars rusé, futé (par analogie avec schlimm) : nämm di(ch) in Acht vor-em, es isch e Schlemihl ! (BA), méfie-toi de ce petit malin

schmadde (n) (v. pron.)
(hébr. schimêd "convertir (de force)"), baptiser ; débaptiser, passer du judaïsme au christianisme : loss dicte gleich schmadden ! (jud.-als.), fais-toi baptiser tout de suite ! (cela se dit comme blâme à un juif qui néglige ses obligations religieuses ou qui affiche des opinions par trop libérales) ;
der Judd het si schmadde lon
(VZ, PH), ce juif s'est fait baptiser chrétien.

Schmaddemamser (m.)
(hébr. cf. schmadden et Mamzer enfant issu d'un couple judéo-chrétien : diss isch e Schmaddemamser (VZ, Hag.), c'est un bâtard.

Schmaddwasser (n.)
(hébr. schimêd "convertir" ; all. Wasser "eau") eau baptismale : an dem inch 's Schmaddwasser verlore (jud.-als.), il ne vaut pas les eaux du baptême (par sa manière de vivre il n'est plus juif, on gaspillerait donc les gouttes d'eau qu'on lui verserait sur la tête pour en faire un chrétien).

Schmu, Schmü (m.)
(hébr. schemuâ, schemuô "choses entendues"). Ce mot au féminin pluriel signifiait primitivement "paroles creuses, vaines promesses", puis il prit le sens dérivé de "profit, gain résultant d'une entreprise ou d'une entremise" (gain de l'intermédiaire qui réalise l'affaire par son verbiage) :
1. bénéfice : er het Schmü gemacht (Str., BA), il a fait du bénef.
2. fraude, frelatage : er het Schmü getriwwe (BA), il a frelaté, il a triché.

Schmus, Schmüs (m.)
(hébr. schemuôth, schemuôs "nouvelles, potins" ; cf. all. schmusen "bavarder sans arrêt", Schmus "papotage, bavardage, flatteries") propos flatteurs et propositions alléchantes (surtout lors d'une opération commerciale ou matrimoniale) : höer-em nitt zü, 's isch alles Schmüs ! (Str., BA), ne l'écoute pas, c'est le chant des sirènes !

Schofer-Hörnel (n.)
(Allusion au Schofar ou "corne de bélier" qu'on sonne dans les synagogues à l'approche de Rosch-Haschono, "Nouvel An", pour engager les fidèles à la pénitence) : 's Höernel ('s Winterhöernel) losst sich höre (jud.-als.), la petite corne se fait entendre, c'est-à-dire l'hiver n'est pas loin.
Vieux dicton paysan : Am Lorenzeta(g) blost 's erscht Winterhernel (HA, MA, BA), à la Saint-Laurent (10 août) résonne pour la première fois la trompe de l'hiver.

schofel, schaüfel, schöüfel (adj.)
(hébr. schaphêl "inférieur, misérable") :
1. mal, malade : ich hab gescht ze viel Win getrunke, 's isch m'r schöüfel (MA, BA), j'ai bu trop de vin hier, je me sens mal, j'ai mal aux cheveux.
2. usé, pauvre, misérable : er het schofli Kleider an (Str.), il porte des vêtements rapés, il est mal habillé ; diss isch m'r noch e schofli Hüshaltung ! (MA), quel miséreux ameublement ! cet intérieur fait pauvre !
3. médiocre, mauvais : e schöifler Knäächt (BA), un mauvais valet ; e schofler Massematte (Str.), une mauvaise affaire.
4. adjectifs dérivés de même sens : schoflig (Str.), verschofelt (BO).

Schume (f.)
(hébr. neschamâh "âme") âme, parole (sert à renforcer une affirmation dans les formules exclamatives, synonyme de l'alsacien "Minsechs") : Mine Schumme ! (HA, BA), par mon âme ! ma parole ! ; 's isch, mine Schumme, e güeti Milichküeh ! (MA), ma parole ! c'est une bonne vache laitière !

stichem, stikem (m., interj.)
(hébr. schatak "silence", schtiko "se taire") :
1. Interjection elliptique pour ramener le calme ou le silence : stichem, d'r Meischter isch do ! (BA), chut, le patron est là ! ; awwer stichem ! (Str.), mais que cela se passe dans le silence !
2. à la dérobée, en cachette : er isch stichem verschwunde (Str.), il s'est esquivé ; er het's stichem (im Sachem) mitgenumme (Str.), il l'a dérobé, il s'en est emparé furtivement.

Stuss (m.)
(hébr. tard. schetlith, schetûs "non-sens, folie") :
1. étourderie, irréflexion, mauvaise humeur : sie isch widder emol im Stuss (MA, BA), elle a de nouveau des sautes d'humeur.
2. personne irréfléchie, étourdie, instable, lunatique : diss soll ken Stuss sinn ! (Col.), en voilà un énergumène ! une vraie tête de linotte ! Cf. Gstuss).

takef, takuf (adj.)
(hébr. takuf "estime") : 1. considéré, bien vu : er isch takef bim Mär (VZ), il jouit de la faveur du maire, il est dans les petits papiers du maire.
2. ami, lié : die zwei sinn takef mitnand (BA), ces deux-là sont intimement liés.
3. habile, astucieux, rusé : där isch takef (PH), c'est un malin.

tof(t) (adj.)
(hébr. tobh "bon") bon, fin : der Win isch duf (PH), c'est du bon vin ; diss isch ebbs Dofs (MA, BA), c'est une boisson délicieuse, c'est un vin exquis.

treife(s) (adj.)
(hébr. terephah "interdit à la consommation") viande inconsommable (c'est le cas lorsque l'animal n'a pas été tué selon les prescriptions rituelles) ; diss Fleisch isch träife (MA, BA), cette viande mal saignée n'est pas consommable.

verdallest (adj.)
(hébr. dal "pauvre" ; cf. Dalles) pauvre, complètement démuni : er isch verdallest (PH), il est dans le dénuement.

vermassere (n) (v. tr.)
(préf. all. ver- ; hébr. mâsar, mosôr "trahir, livrer") ébruiter, cafarder, dénoncer : die alt Dorfrätsch het alles vermassert (BA), cette vieille commère de quartier a tout rapporté.

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vermassle(n) (v. tr.)
(préf. all. ver- ; hébr. mazâl "chance, bonheur, joie") gâcher, manquer une affaire : diss haw-i vermasselt (Str.), j'ai loupé cette occasion.

verschachere (n) (v. tr.)
(hébr. sâchar, sachôr "colporter, commercer") marchander, vendre à bon prix (ou à perte) : er het sine alte Karrich verschachert (HA, BA), il a bazardé sa vieille bagnole.

Zores (plur.)
(hébr. zarah, zoroh, pl. zaroth, zoros "misère, tourment, peine, effort") : 1. gêne, détresse : die aane lebe-n-in Srores, die andere-n-in Zores (jud.-als.), les uns vivent dans l'opulence, les autres dans la misère.
2. (par extension de sens) difficulté, désaccord, querelle, dispute : die zwei han allewil Zores mitnander (VZ), ces deux-là n'arrêtent pas de se disputer.

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