La fête de "Simhas-Thora" est, pour les juifs d'Alsace, une très sympathique amie. Elle termine la longue série des solennités des fêtes d'automne. "Simhas-Thora" signifie fête de la Loi. Ce jour-là, on finit, au cours de l'office du matin, la lecture du Pentateuque, dont on lit chaque samedi une section. Cet office est particulièrement remarquable et aimé, grâce à ses chants vibrant d'une joie pure et simple, d'un rythme entraînant.
Celui qui a l'honneur d'être appelé devant la Thora pour en
terminer la lecture, lit les derniers versets à haute voix et il est
nomme "Hos'n-Thora" pour
"Hasan-Thora" (fiancé
de la Thora). Celui qui, aussitôt après, est appelé pour
lire la première section du Pentateuque, dont on recommence la lecture
immédiatement, est nommé "Hasan-Berechis"
(fiancé de Berechis).
Berechis est le premier mot commençant le chapitre
qui relate la création du monde. Si on recommence, en ce jour de fête,
la lecture du Pentateuque c'est, disent nos Rabbins, pour bien montrer que
nous ne terminons pas cette lecture, comme une besogne qui nous est à
charge, mais que nous sommes heureux de la reprendre aussitôt.
On appelle a la lecture de la Thora un grand nombre de fidèles, mais il y en a toujours qui, pour une raison quelconque, n'ont pu être appelés isolément. Alors tous adultes, enfants même ce jour-là, se joignent à ceux qui ont été à l'honneur. Un des moments les plus solennels était et l'est encore, celui ou tous les rouleaux de la Loi étaient sortis de l'Arche Sainte et portés en procession à travers le Temple, par une suite de fidèles enthousiastes, heureux de cet honneur.
A l'époque de pure croyance, la joie débordait dans le coeur de ces privilégiés. Nous sommes encore tout ému au souvenir d'un pieux Rabbin, presque centenaire, auquel cette joie apportait comme un regain de jeunesse et qui, esquissant quelques pas sautillants, aurait voulu, n'eut été la sainteté du lieu et la sevérité des usages modernes, comme le roi David, danser devant l'Arche.
Mais cette foule qui avait été appelée à la Thora était, contre l'ordinaire, formée de tous les fidèles indistinctement, les retardataires, les omis, les jeunes, les vieux hommes, les garçonnets - Kol haneor'm. L'humour juif alsacien, auquel rien n'échappe, a pris note de cette mêlée de gens et les mots "Kol haneor'm" sont pris dans un sens dédaigneux, désignant les individus sans importance, la foule anonyme, le vulgum pecus.
Si l'on demande quelques renseignements sur un individu que ni son mérite personnel, ni sa situation sociale ne distingue en aucune façon du vulgaire, le trait d'esprit sert de réponse : "Der gueït mét Kol haneor'm" ; "celui-là va avec la foule".
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