Les familles ROTHENBURG et ROTHENBURGER (suite)

IV – Un précieux manuscrit …

Effectivement les derniers feuillets du manuscrit sont couverts de ratures, de lignes incomplètes, de courts paragraphes en hébreu tracés à la plume, dont l’encre partiellement effacée rend le déchiffrage difficile et lacunaire. Nous en avons extrait les séries de naissances suivantes :

Manuscrit Mich. 541, bibliothèque Bodléiana, Oxford, Royaume-Uni
Extrait du folio 113 :
Liste de naissances :
L. 1 : Eliaqum né le lundi 3ème jour de … ?.
L. 2 : Yeqel, né le 8 Adar 2 Véadar 353, soit le 12.03.1593.
L. 3 : Todros, né le 28 Elul 356, soit le 21.09.1596.
L.4 : Elyezer, né le 18 Kislev 358 (?), soit le 28.11.1597.
L. 5 : Meriem (?), née en 361 (?) et décédée (?) en 363.
L. 6 : Edel, née le 28 Ab 364, soit le 24.08.1604.

Manuscrit Mich. 541, bibliothèque Bodléiana, Oxford, Royaume-Uni
Extrait du folio 111 :
Série de naissances :
L. 1 : Todros, né le 3 ( ?) Tébet 429, soit le 07.12.1668.
L. 2 : Mindlen, née le 22 Iyar 431, soit le 02.05.1671.
L. 3 : Feyelen , née le 21 Ab 433, soit le 03.08.1673.
L.4 : Gutrut, née le 17 Tamuz 435, soit le 11.07.1675.
L. 5 : Yeqel, né le 12 Heshvan 438, soit le 07.11.1677.
L. 6 : Tserlé, née le jour du jeûne de Tamuz 442, soit le 23.07.1682.
L. 7 : Méir, né le ? Adar 449, soit en février/mars 1689.
- L. 8 : ….. ??…..

  1. Eliakim né en Tebet (?)…, Yequel né le 8 vé-Adar 353, Todros né le 28 Elul 356, Eliezer né le 18 Kislev 358 (?), Meriem née en 361 (?), Edel née le 28 Ab 364.
  2. Todros né en Kislev 383, Rosel née en Nisan 384, Yehuda né en Tebet 386, Edel née en Tebet 389.
  3. David né le 3 Shevat 388, Getshliq dit Eliakim né en 392, Shmuel né en Heshvan 393, Zisquind dit Mordekhai né en … , Méir né en 400 ( ?), tous enfants de Todros.
  4. Todros né le 5 Tebet 429, Mindlen née en Ijar 431, Feyelen née le 21 Ab 433, Gutrut née le 17 Tamuz 435, Yequel né le 12 Heshvan 438, Tserlé en Tamuz 442 et Méir en Adar 449 ( ?).
Rappelons aux lecteurs qu’il suffit d’ajouter 1240 pour obtenir les dates de l’ère actuelle : 356 + 1240 = 1596, sans oublier que l’année juive, qui commence en septembre-octobre, court à cheval sur deux années de notre calendrier. En présentant en tableau ces noms et dates, nous allons pouvoir tenter un rapprochement avec les données généalogiques présentées plus haut :

Schéma n°2
Eliakim
°vers 1590
Yequel
° 1593
  Todros
°1596
Eliezer
°vers 1598
Meriem
°1601
Edel
°1604

       

 
Todros
°1623
Rosel
°1624
Yehuda
°1626
Edel
°1629
  David
°1628
Getshlik
Eliakim

°1632
Shmuel
°v. 1633
Mordekhai
Zisquind

°v. 1635
Méir
°1640

              ?  

   

    Todros
°1668
Mindlen
°1671
Feyelen
°1673
Gutrut
°1675
Yequel
°1678
Tserlé
°1682
Méir
°1689


Un autre renseignement transmis par Jean-Pierre Kleitz nous permet de connecter la fratrie de Todros et Méir (nés entre 1668 et 1689) de façon certaine à Mordekhai Zisquind. Dans les comptes du bailliage de Bouxwiller (9) figure la liste des Juifs payant la taxe de manance en 1701, et parmi eux Jäckel, fils du vieux Süskind, le même Jäckel étant nommé plus loin Jacob ROTHENBURGER. Le vieux Süskind est donc encore vivant.
Nous identifions désormais Todros né en 1596 comme le premier rabbin de Bouxwiller vers 1650, son fils David né en 1628 comme l’auteur de la branche d’Eguisheim, le quatrième fils Mordekhai Zisquind (né vers 1635) résidant à Bouxwiller comme le père de Todros (né en 1668, que nous supposons être le père de Beylé épouse de Josef GINTZBURGER), de Jacob (né en 1678, que nous supposons être le père de Moyse de Wittersheim) et de Méir (né en 1689, que nous croyons être ce Meyer reçu en 1721 à Bischheim, qui avance 600 livres à son cousin - mais pas germain - Isaac d’Eguisheim en 1728).

André-Marc Haarscher écrit (10) qu’en 1560 une seule famille juive habite à Bouxwiller, celle de Samuel. En 1562, il y a deux familles ; en 1637 il n’y a toujours que deux familles (Abraham et Joseph), mais leur nombre va progressivement augmenter tout au long du 17ème siècle : 5 familles en 1653, 7 en 1661, 8 en 1674 et 12 en 1703. Nous devons donc situer l’arrivée de la famille ROTHENBURG à Bouxwiller aux alentours de 1650 quand Todros y est nommé rabbin. Nous ignorons leur lieu de résidence antérieur, mais nous considérons qu’il s’agit fort probablement d’une autre localité alsacienne.

Haarscher mentionne (11) qu’un Juif est signalé à Brumath en 1562, que quatre familles y résident en 1640 ; deux familles vivent à Ettendorf en 1576. Robert Weyl considère que vers 1600 il restait une centaine de familles juives en Alsace (12). Dans le Bas-Rhin, la majorité d’entre elles était établie à Bischoffsheim, Dachstein, Niedernai, Rosenwiller et Sélestat, toutes localités où les Juifs ne furent guère inquiétés entre 1500 et 1600 (13). Nous pouvons affirmer qu’une autre branche des ROTHENBURG habitait à Brumath au début des années 1600 (voir ci-dessous paragraphe VII).

Concluons ce paragraphe par le schéma généalogique suivant, qui rassemble les données les plus anciennes recueillies :

Schéma n°3
Mordekhai
       
Todros, °1596
rabbin à Bouxwiller vers 1650

David
°1628, d.1698/1700 à Eguisheim

Mordekhai Zisquind
°vers 1635, d. après 1701
à Bouxwiller
   

Hirtz
°v. 1660
Abraham
°v. 1670
à Eguisheim
Ichay
°1670/1675
 
   

Todros
°1668
à Bouxwiller
Jacob
°1678
à Wettolsheim
Méir
°1689
à Bischheim

V – En remontant au Maharam …

La consultation des sources classiques, telle l’Encyclopedia Judaica, permet de dresser le schéma suivant de la famille du R. Méir de Rothenburg :


Schéma n°4
Méir
       

R. Baruch
°1185/1190, d. 1281
R . Joseph
R. Nathan
   

R. Méir
= MaHaRam
°1215/1220, d.1293
Abraham
   

L’encyclopédie Germania Judaica, volume II/2, consacre trois pages au Maharam dans l’article Rothenburg ob der Tauber ; un court paragraphe, que nous traduisons ci-dessous, traite de sa descendance. Le mot "émigration" évoque son départ de Worms en 1286 pour la Terre Sainte, qu’il n’atteindra pas puisqu’il est reconnu et arrêté en cours de route dans les Alpes puis emprisonné à Ensisheim.

"De sa postérité, nous savons seulement qu’il avait l’intention d’émigrer avec ses filles et son gendre. Rachel, une de ses petites-filles, dont il avait lui-même payé la dot, mourut la première année de son mariage. Une de ses filles, Minna , décèda du vivant de son père ; une autre, Rebecca, vivait encore vers 1320 à Nuremberg, très âgée."

Nous avons posé en 2002 la question suivante sur le site "Ravsig" de JewishGen, où interviennent de nombreux rabbins et chercheurs : "Quelqu’un connaît-il le nom des enfants de R. Méir de Rothenburg ?". Nous avons reçu quelques réponses, en voici la teneur :

Nous n’étions guère avancé dans notre recherche, jusqu’à ce que nous contactions Tom Bronsted, qui vit au Danemark, et dont la grand-mère était une ROTHENBORG, sœur de Max ROTHENBORG…

Max ROTHENBORG chargea un généalogiste professionnel, Josef Fischer – dont de nombreux travaux sont conservés aux archives danoises – de lui établir sa filiation jusqu’au Maharam. Josef Fischer consulta à Strasbourg les travaux laissés par Ephraim Moses Pinner (1800-1880), et particulièrement un manuscrit intitulé Grabschriften der berühmtesten Männer und Rabbiner in Europa und im heiligen Lande (14). Laissons Josef Fischer conter lui-même la suite (15) :

"A la page 162, après le relevé des inscriptions sur la tombe de R. Méir et sur celle de son père R. Baruch à Worms, Pinner écrit que sur la postérité de ce R. Méir peu de choses fiables existent, mais que ses notes manuscrites qui suivent apportent quelques éclaircissements. Il décrit un manuscrit en hébreu sur parchemin conservé dans une bibliothèque à Strasbourg, un manuscrit de 614 pages à la fin duquel le propriétaire du livre a rédigé quelques lignes sur sa famille, que voici : "Ce livre, moi Eliakim fils d’Abraham, je l’ai reçu en 1548 de mon père R. Abraham. Mon père était le fils de R. Mordechai, fils de R. Meier , fils de R. Getschlick, fils de R. Süsskind, fils de R. Meier, fils de R. Baruch. Ce dernier était le fils de R. Meier de Rothenburg". Une autre main a ajouté ultérieurement : "Cet Eliakim était grand rabbin et mourut en 1570". Sur la même page figurent les enfants de rabbi Eliakim, dont le troisième est Mordechai, dit Süsskind, né le 3 Ab 1559".
Fischer continue la généalogie en attribuant de façon peu évidente à ce Mordechai un fils R. Moses, cité en 1621 (mais il ne précise pas où), père de Mordechai Süsskind rabbin à Witzenhausen, Grodno et Lublin, décédé vers 1715, lui-même père de R. Moses (1665-1712) rabbin à Hambourg-Altona et fondateur de la branche danoise des ROTHENBORG.

Nous n’avons hélas jamais retrouvé le manuscrit de Pinner et nous devons évidemment prendre cette généalogie avec la plus grande circonspection. Toutefois, nous avons essayé de voir si cette filiation était compatible avec les éléments recueillis jusqu’ici.

Nous savons que Todros, le rabbin de Bouxwiller né en 1596, est le fils d’un Mordekhai ; ses frères et sœurs connus sont nés entre 1590 et 1604 : leur père Mordekhai peut raisonnablement être né vers 1560, la date de 1559 pourrait donc convenir.
Si ce Mordekhai est le fils d’Eliakim décédé en 1570, il est logique que son fils premier-né porte ce prénom, ce que nous vérifions puisque le manuscrit de la Bodléiana cite bien un Eliakim né vers 1590. Todros le rabbin reprend d’ailleurs ce prénom pour son second fils en 1632, et le prénom Mordekhai pour son quatrième fils vers 1635.
Quant au prénom Abraham de la génération précédente, nous ne le retrouvons pas dans les éléments que nous avons exposés ; peut-être a-t-il été porté par un enfant mort en bas âge ?… Nous devons aussi mentionner parmi les naissances les plus anciennes relevées sur le manuscrit : Irus (??) né(e) en 1551, Abraham né en 1553 et Ruzel née en 1554, le prénom de leur père nous est inconnu. Cet Abraham né en 1553 porte peut-être le prénom de son grand-père R. Abraham Rothenburg, celui qui aurait fait don de ce livre à son fils Eliakim en 1548 … ? Il serait alors décédé entre 1548 et 1553.

Todros le rabbin prétendait être le douzième descendant du Maharam ; si nous remontons son ascendance en attribuant à chaque génération un écart moyen de trente ans, nous obtenons :
12) Todros né en 1596,
11) Mordekhai né en 1559,
10) Eliakim né vers 1520, marié vers 1548 quand il reçoit le livre, décédé en 1570,
9) Abraham, né vers 1490, décédé 1548/1553,
8) Mordekhai né vers 1460,
7) Méir né vers 1430,
6) Eliakim né vers 1400,
5) Mordekhai né vers 1370, une de ses filles aurait épousé Jacob WEIL et serait la mère de Méir WEIL né en 1420, ainsi porteur du prénom de son arrière-grand-père Rothenburg,
4) Méir né vers 1340,
3) Baruch né vers 1310 … et le lecteur observera comme nous qu’il manque deux générations pour arriver à celle du Maharam. Par contre Baruch, père du Maharam étant décédé en 1281, il est logique que son prénom soit porté à la génération suivante vers 1300.

Nous n’irons pas au-delà dans nos commentaires sur cette filiation, impossible à étayer avec des documents historiquement fiables.


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