Sabine Drexler, professeur des écoles de 1982 à 2020, est depuis 1995 conseillère municipale de Durmenach, et conseillère départementale du canton d’Altkirch. Très active dans le domaine de la préservation du patrimoine et de l’environnement, elle fonde en 2011 la Société d'Histoire de Durmenach, qu'elle préside depuis 2014. Elle s'intéresse particulièrement à l'histoire de la communauté juive de la commune ; elle a soutenu, notamment, le projet des "Maisons juives de Durmenach". Sabine Drexler a occupé le poste d'adjointe au maire de Durmenach 2001 à 2020, avant d'être élue, le 27 septembre 2020, sénatrice, sur la liste de la Majorité Alsacienne 68 (apparentée au groupe Les Républicains du Sénat). |
Vous me direz que les services de l’État mettent en place des politiques en ce sens. Mais quels sont les résultats de ce qui a été entrepris depuis que l’on a fait ce constat terrible ? Qu’avons-nous fait pour ne plus connaître des drames comme ceux, terribles, qui ont sidéré la France ? Ou pour juguler l’antisémitisme "ordinaire", celui qui se libère dans l’espace public, sur internet et les réseaux sociaux et qui fait tellement de dégâts au quotidien ?
En Alsace, région où je suis née, où j’ai
grandi, et dont je suis aujourd’hui élue, nous avons un passé
historique unique, dense et riche, un passé commun avec la communauté
juive, dont la présence est millénaire.
Les juifs d’Alsace ont contribué à forger la culture alsacienne.
Nous en retrouvons des traces dans notre dialecte empreint de yiddish,
dans les chants, dans la littérature, dans la cuisine et le patrimoine
bâti.
Cette histoire commune n’a pas toujours été un long fleuve
tranquille. Loin de là. Tour à tour, on a connu un accueil à
bras ouverts et de longues périodes de cohabitation paisible, puis
d’autres plus mouvementées.
Les juifs furent chassés au 14ème siècle, au moment de
la Grande Peste noire, accusés
d’empoisonner les puits ; spoliés
et humiliés en 1848 dans mon village du Sundgau ; éradiqués
d’Alsace pendant la seconde
guerre mondiale : de tout temps, et particulièrement lors des périodes
de crise, nous avons connu des flambées antijuives, comme partout en
France. Mais nous avons toujours eu à cœur de maintenir le "savoir
vivre ensemble" spécifique à notre territoire de concordat.
Car en Alsace-Moselle, les relations avec les cultes ne sont pas régies
par la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises
et de l’État, mais par le concordat de 1801.
Notre concordat a permis de développer une culture du dialogue, un
savoir-vivre ensemble fondé sur la compréhension, le respect
et l’amitié entre les différentes religions et les autorités
"civiles". C’est ainsi que nous luttons contre les malentendus et les
hostilités séculaires.
À la région Grand Est, tout comme à la Collectivité européenne d’Alsace (CEA), les élus sont conscients de la nécessité d’entretenir un dialogue apaisé entre les cultes et les affaires religieuses ne sont pas un tabou. Dans chacune des collectivités, des conseillers et des services sont chargés du dialogue interreligieux.
Pour autant, l’Alsace n’échappe pas à la poussée antisémite. C’est pourquoi la CEA a soutenu la mise en place d’un dispositif appelé les "Veilleurs de mémoire" pour lutter contre les profanations de tombes. Les autres cultes présents sur notre territoire participent à ce dispositif et le font connaître. Déjà 80 bénévoles, de toutes confessions, se sont engagés dans le réseau qui s’est constitué en 2019 avec une douzaine de veilleurs au départ. L’objectif est de leur permettre d’accueillir des collégiens pour témoigner de leur engagement citoyen.
Car la lutte contre ces relents antisémites passe nécessairement
par la prévention, par l’éducation et par la culture.
À ce titre, l’apprentissage de l’histoire est essentiel,
et les professeurs ne doivent plus craindre d’aborder certaines périodes
en classe, à commencer par la Shoah,
dont certains n’osent plus prononcer le nom.
La recrudescence des actes antisémites est l’affaire de tous.
Et en tant que politiques, notre responsabilité est grande.
Notre défi commun est de lutter contre l’indifférence
et la banalisation de ces actes, de nous doter d’outils efficaces qui
renforceront et protégeront notre nation, ses valeurs morales et politiques.
À ce titre, je salue le travail engagé par Bruno Retailleau
et Hervé Marseille pour mieux définir ce qu’est l’antisémitisme,
et je les en remercie. C’est un premier pas qui, je l’espère,
sera suivi d’autres prochainement.
© A . S . I . J . A . |