Le Concile Vatican II a rompu cet isolement volontaire. Durant plusieurs années, les vicissitudes du Concile n'ont pas trouvé d'observateurs plus attentifs que les Juifs. Pourquoi ? Pour la première fois, un Concile de l'Eglise catholique se disposait à parler des Juifs dans un esprit qui ne fût pas hostile, bien au contraire.
Un voyage très remarqué de l'historien Jules Isaac, plusieurs initiatives très bienveillantes de Jean XXIII et du Cardinal Béa avaient préparé cette évolution. Une déclaration collective des évêques allemands avait rendu sensible une atmosphère nouvelle, faite de regrets pour un passé atroce et de bonne volonté pour l'avenir.
Au terme de discussions passionnées, ponctuées de quelques coups de théâtre, le bilan du Concile, décevant cruellement les Juifs, avait ébranlé le crédit qu'ils accordaient à l'Eglise au visage nouveau. Que s'était-il passé ?
Un projet de déclaration sur les Juifs, très
favorable, voté à une très forte majorité le 20
novembre 1964, avait subi, à la requête du Pape Paul VI, de profonds
remaniements (1), dans un sens qui, atténuant considérablement
sa portée, lui donnait même, par endroits, une coloration antisémite.
Alors que le texte primitif, oeuvre du Cardinal Béa, insistait sur une
parenté originelle entre Juifs et Chrétiens, le texte définitif,
conforme à la volonté pontificale, restreignait la portée
de ce passage à une parenté spirituelle bien vague.
Alors que le texte primitif avait émis le voeu très louable d'une réconciliation entre Chrétiens et Juifs, le texte définitif subordonnait cette réconciliation à la conversion des Juifs, puisqu'il souhaitait le retour à l'harmonie par une réunion de tous dans I'Eglise.
Armoiries de Jean XXIII
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C'est ici le lieu de souligner ce que nos relations comportent d'original par rapport à d'autres régions.
Le passé des juifs en Alsace a été marqué longtemps par de terribles persécutions qui se sont prolongées jusqu'à l'aube du 19ème siècle. Même après l'émancipation des Juifs par la Révolution, un antisémitisme, discret mais virulent, est resté de mise dans de larges cercles catholiques d'Alsace. De ce sentiment, l'Abbé Cetty, pour ne citer qu'un exemple, s'était fait l'organe à la fin du 19ème siècle.
Cet antisémitisme a connu un regain de vitalité durant la décade 1930-1940. Le mouvement autonomiste qui comptait quelques prêtres parmi ses animateurs, prônait la haine des Juifs en même temps que l'autonomie politique, prélude du rattachement à l'Allemagne nazie.
L'occupation nazie de 1940 à 1944 amena un revirement complet dans
l'attitude de la majeure partie du clergé alsacien. La présence
des nazis, le régime de terreur qu'ils imposèrent, les atrocités
qu'ils commirent, ouvrirent les yeux, même à ceux qui, jusqu'alors,
ne voulaient pas voir.
En Alsace, des prêtres catholiques nombreux encouragèrent la
Résistance contre l'oppression et payèrent de leur personne
dans la lutte. Dans les régions intérieures de la France, où
s'étaient réfugiés les Juifs d'Alsace, des relations
amicales se nouèrent souvent entre Juifs et prêtres réfugiés,
vivant les uns et les autres dans l'attente d'une libération. Dans
de nombreux cas des prêtres contribuèrent à cacher des
Juifs recherchés par la Gestapo.
La Libération renforça les liens créés pendant
les années de clandestinité. Dans la majorité des cas,
le clergé accueillit avec bienveillance en Alsace les Juifs survivant
au massacre.
Le jeune clergé, sous l'impulsion de Mgr Weber et de l'Abbé
Elchinger, s'ouvrit progressivement aux idées nouvelles qui préconisaient
une attitude amicale vis-à-vis des Juifs. A
Périgueux, au cours des années d'occupation, Mgr Ruch, l'évêque
de Strasbourg qui avait préféré l'exil à la complaisance
envers Hitler, avait prêché l'exemple, cependant que l'Abbé
Elchinger établissait de faux papiers aux Juifs en détresse.
Mgr Weber, spécialiste érudit de la Bible juive, se situa dans
la même ligne lorsqu'il prit la succession de Mgr Ruch.
Ce climat nouveau devait trouver sa consécration au Concile Vatican
H. Mgr Weber et Mgr Elchinger, nommé dans l'intervalle son coadjuteur,
se prononcèrent en toute circonstance pour une solution bienveillante
de la question juive traitée à plusieurs reprises devant le
Concile. Tous les orateurs se limitaient dans leurs interventions, aux Juifs
de l'Antiquité. Seul parmi tous, Mgr Elchinger parla au Concile des
Juifs d'aujourd'hui, soulignant quel profit les Chrétiens pourraient
tirer de la fréquentation d'une catégorie d'hommes qui sont
restés les dépositaires authentiques de l'antique message biblique.
On sait que cette tendance libérale ne fut pas celle qui, en dernière
analyse, l'emporta. Il n'en demeure pas moins que le texte sur les Juifs,
voté finalement par le Concile, peut représenter un point de
départ très appréciable pour quiconque souhaite de son
propre chef témoigner sa sympathie aux Juifs, prêts à
le payer de retour.
Quoiqu'il existe encore dans le clergé - surtout dans l'ancienne génération - des représentants de la tendance hostile aux Juifs - on nous a parlé d'un cas précis dans un faubourg de Strasbourg - elle perd de plus en plus son influence. A condition que prêtres et évêques le veuillent fermement, il est possible aujourd'hui d'instituer, dans le respect absolu des croyances de chacun, des relations normales, humaines, entre Juifs et Catholiques d'Alsace. Ce ne serait pas la moindre révolution de notre époque de les voir s'affermir.
"Ce qui est très important pour le Concile œcuménique,
c'est que le dépôt sacré de la doctrine chrétienne
soit conservé et présenté d'une façon plus efficace."
En septembre 1962, un cancer fut diagnostiqué. Jean XXIII s'efforça
de permettre au concile de continuer son travail. Le 11 avril 1963, il promulgua
l'encyclique Pacem in terris, adressée à tous les hommes
de bonne volonté, condamnant la notion de "guerre juste".
Il mourut le 3 juin 1963, jour de la fête de la Pentecôte.
Paulus (Paul) VI fut élu pape le 21 juin 1963. Le 22 juin, il déclara
aux cardinaux rassemblés dans la chapelle Sixtine : "La partie
la plus importante de notre pontificat sera occupée par la continuation
du deuxième concile œcuménique du Vatican, vers lequel
sont tournés les yeux de tous les hommes de bonne volonté."
(N.d.l.R.) Retour au texte
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