Le Général de Division
Camille LEVI
1860-1939
Extrait de Souvenir et Science, septembre 1939


Encore un enfant illustre de l'Alsace qui n'est plus. Ils disparaissent, les uns après les autres, ces fils de deux chères provinces et qui, issus du judaïsme, se sont classés parmi les meilleurs serviteurs de la France.

Le général Camille Lévi était né à Ingwiller (Bas-Rhin) le 8 décembre 1860. Il fut un brillant élève au Lycée de Nancy, dont il suivit les cours en même temps que Raymond Poincaré. Il entra à l'École spéciale militaire de Saint-Cyr, puis à l'École de Guerre, affecté enfin à l'état-major du 1er Corps d'Armée à Lille.

Il commandait le 110ème Régiment d'Infanterie. Lors de la déclaration de la guerre, il dut remplacer le Général Pétain à la tête de la 4ème brigade d'infanterie. Il commanda successivement la 25ème division d'infanterie, la 46ème division de chasseurs ; la place militaire de Dunkerque. Il combattit sur les fronts français et italien ; blessé au bras, il voulut rester à son poste.

Il était commandeur de la Légion d'honneur et de la Couronne d'Italie, croix de guerre française avec cinq palmes ; croix de guerre belge et italienne. Écrivain militaire de talent, il publia nombre d'ouvrages dont Neutralité belge et invasion allemande, en collaboration avec Maxime Lecomte, vice-président du Sénat, où il présidait la violation de la neutralité et l'invasion de la Belgique.

Tels sont, en résumé, les titres du regretté général Camille Lévi. Les charges et les honneurs n'avaient pas entamé sa simplicité. Il était estimé de ses supérieurs, de ses pairs et de ses hommes. On a même cité l'opinion à son égard du Maréchal Franchet d'Espéray, déclarant qu'on n'avait pas été juste envers lui et qu'il était un Grand Chef et un grand Français.

Le général Camille Lévi s'était retiré depuis à Bayonne, ville natale de sa femme et où son fils, notre confrère Albert Lévi, est membre du Consistoire. Nous eûmes l'occasion de lui être présenté cette année dans le cimetière même où il devait être inhumé quelques mois plus tard, et nous avions admiré son allure pleine de noblesse, en pendant que le judaïsme devrait pouvoir mieux bénéficier de l'expérience de tels hommes lorsque vient l'heure de la retraite. Mais hélas, bien souvent, c'est le repos éternel qui les réclame. De telles vies, et surtout à une époque où l'on veut reconstruire artificiellement la pureté d'une race aryenne pour éteindre l'idéalisme qui s'identifie avec le coeur juif, se dressent d'elles-mêmes vers le ciel et vers les hommes en signe de protestation contre la barbarie moderne.                                               Meyerkey


Une belle figure de soldat alsacien
Le Général Camille LÉVI (1)
Extrait de La Fidélité Française des Israélites d'Alsace et de Lorraine, Sylvain Halff

- Né à Ingwiller (Bas-Rhin) en 1860.
-

Le général Lévi et son état-major - Montigny
Médiathèque de l'architecture et du patrimoine - APD0002475
Fait ses études au lycée de Nancy.
- Entre à l'Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr en 1879.
- Sous-lieutenant en 1881.
- Chargé des travaux topographiques dans les Vosges.
- Promu lieutenant en 1886 et affecté au 1er régiment d'infanterie,
- Admis à l'Ecole supérieure de guerre en 1886.
- Breveté de l'Ecole supérieure de guerre en 1888.
- Officier d'état-major dans les Alpes (1888-1889) ; dans le Nord (1889-1898).
- Promu capitaine (1898) et affecté au 110e régiment d'infanterie à Dunkerque (1898-1901).
- Attaché à l'état-major du 1er corps d'armée à Lille (1901-1903).
- Promu chef de bataillon (1903) et maintenu au 110e régiment d'infanterie (1903-1906).
- Attaché à l'état-major du 1er corps d'armée (1906-1912).
- Promu lieutenant-colonel et maintenu au 110e régiment d'infanterie (1912-1914).
- Part à la mobilisation à la tête du 110e régiment où il avait déjà accompli une grande partie de sa carrière.
- Promu colonel sur le champ de bataille (1914).
- Nommé au commandement de la 4e brigade d'infanterie (1914-16).
- Officier de la Légion d'honneur (avril 1915).
- Nommé au commandement de la 25e division d'infanterie (1916-17).
- Général commandant de la 46e division-chasseurs alpins (1917-18).
- Général gouverneur de Dunkerque (1919-1920).
- Commandeur de la Légion d'honneur (août 1920).
- Passé dans la 2e section (réserve) de l'état-major général de l'armée (décembre 1920).

Cinq citations à l'ordre de l'armée au cours de la première année de campagne. Bornons-nous à relever celle-ci : "Officier supérieur de grande valeur, à qui la campagne actuelle a permis, non seulement de confirmer les réelles qualités d'intelligence, de savoir, de vigueur et de commandement qui lui étaient reconnues en temps de paix, mais encore d'en révéler de nouvelles. Du régiment qu'il commandait au début de la guerre avait su faire une unité très homogène, très entraînée dans le mouvement en avant et très solide au feu.
"Comme commandant de brigade a su, dans des circonstances parfois très difficiles, non seulement garder inviolables les positions qui lui étaient confiées ou qu'il venait de conquérir, mais encore, par des actions vigoureuses, imposer à l'ennemi de rudes échecs."

Le 11 novembre 1920, jour anniversaire de l'armistice et consacré au cinquantenaire de la fondation de la République, à l'occasion de la remise au général Lévi de la cravate de commandeur de la Légion d'honneur, la municipalité de Dunkerque, désireuse de rendre un particulier hommage au glorieux chef, a dénommé une rue de la ville : rue du 110e, le régiment à la tête duquel il était parti en campagne.

Le général Lévi n'est pas seulement un soldat dans la pleine acception du mot et avec toutes les vertus que ce terme comporte ; c'est un homme d'une très haute culture, un historien et un écrivain militaire très apprécié. Il a publié plus de quarante volumes, consacrés les uns à sa petite patrie (Histoire du bombardement de Lichtenberg, près d'Ingwiller) ; d'autres, à de grands faits de l'histoire du Nord, d'autres encore, à des problèmes de critique et de technique militaire. A côté de ces travaux, il a donné des œuvres plus importantes : Une Histoire de la Défense Nationale dans le Nord (trois volumes en ont paru ; la publication du quatrième a été retardée par la guerre); Neutralité belge et invasion allemande, en collaboration Avec M. le sénateur Maxime Lecomte, ouvrage publié quelques mois avant la guerre et où il avait fait preuve d'un véritable don prophétique. Le général Lévi prépare actuellement une étude d'ensemble sur les faits de la grande guerre auxquels il a pris part - il a été de tous les grands coups et sur tous les points du front - et un travail sur les événements de Lille et de Maubeuge en 1914.

A différentes reprises, dans leurs journaux ou dans les organes à leur solde en France occupée (l'infâme Gazette des Ardennes, par exemple), les Allemands ont daigné honorer le général Lévi de leurs attaques les plus acerbes. C'est qu'aussi sa haine du Germain était féroce et s'affirmait en toute circonstance. On connaît le fameux ordre du jour par lequel il exprimait son mépris à des aviateurs français qui avaient serré la main à des aviateurs allemands faits prisonniers et en qui ils avaient reconnu des "relations" d'avant-guerre. "On ne donne pas la main à des gens qui coupent les mains des petits garçons, éventrent les femmes et arrachent les seins aux jeunes filles." On connaît moins la description de l'Allemand qu'il donnait aux officiers de sa division de chasseurs à pied en 1917. "Prononcez le mot boche et vous sentirez tout ce qu'il contient d'abject ; c'est plus qu'un péjoratif, plus qu'un sobriquet, plus qu'un terme de mépris, comme le mot Schwob dont se servent les Alsaciens ; c'est une marque d'infamie. Le boche est ivrogne, goinfre "Bauchland über Alles". Il est sale, il souille tout ce qu'il touche ; ... il est contrefacteur, espion, faussaire, hypocrite, menteur, voleur, cambrioleur, déménageur, assassin, brute et incendiaire... Le boche est un marchand qui a de tout à sa devanture, mais c'est de l'Ersatz, de l'ersatz honneur, comme de l'ersatz-café ou de l'ersatz-érudition..." Et cet essai de psychologie se poursuit. Quel dommage que le cadre de cette étude ne nous permette pas de la citer tout au long !

  1. Cf : L'Alsace et la Lorraine, Revue Illustrée, Strasbourg, n° du 24 juillet 1919 : Le général Lévi écrivain militaire et historien du Nord, par un de ses anciens officiers, d'après le Progrès du Nord.


© A . S . I . J . A .