Cérémonie d'intronisation de Mardoché Amar
au poste de Rabbin de Mulhouse
10 mars 2019


Article de l'Alsace, 11 mars 2019

Allocution du Rabbin Mardoché Amar

Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Permettez-moi tout d’abord de souscrire aux messages de bienvenue exprimés par les dirigeants de nos institutions et de vous saluer toutes et tous en vos titres et qualités. Je souhaite exprimer une reconnaissance chaleureuse au Grand Rabbin de France Haïm Korsia qui par sa présence confère une solennité toute particulière à ce moment.

Si les murs de cette synagogue, qui célébrera bientôt ses 170 ans, pouvaient parler, ils évoqueraient la mémoire de tous les rabbins, de tous les ministres officiants, de tous les présidents, de tous les administrateurs, de tous les responsables d’associations et de tous les fidèles qui s’y sont succédé et à qui je veux rendre ici hommage.

Parmi toutes ces personnes, il y a 97 ans, mon illustre prédécesseur, le Grand Rabbin Jacob Kaplan de mémoire bénie, devenait officiellement rabbin de Mulhouse dans cette même synagogue, au cours d’une cérémonie proche sans doute de celle d’aujourd’hui.
Il concluait ainsi son discours inaugural :  "Grâce à Dieu, les ressources intellectuelles, morales et matérielles ne manquent pas dans notre communauté ; les bonnes volontés non plus. C'est à elles toutes que je fais appel dès aujourd'hui. Travaillons en commun à la prospérité de notre communauté, mais disons-nous bien que cette prospérité ne se mesure pas uniquement à notre importance numérique ou à notre richesse matérielle, qu'elle se mesure aussi, qu'elle se mesure surtout à notre ferveur religieuse, à notre valeur morale, en un mot, à la qualité de notre judaïsme."

Je ne peux que faire miennes ces injonctions presque centenaires et cette ambition d’améliorer la qualité du judaïsme à Mulhouse. C'est à cette condition aussi que je pourrai en être le digne représentant dans notre cité, comme je m’efforce de le faire au jour le jour depuis trente ans auprès de nos concitoyens mulhousiens de toutes conditions et de toutes obédiences, des anonymes comme des officiels.

Au chapitre III du Traité des Principes, Nos Sages recommandent à l’homme qui veut réussir dans sa fonction de guide : "...Garde le souvenir de ton origine..." . Avoir toujours présents à l’esprit son origine et son point de départ, c’est la voie du succès pour celui qui veut assumer pleinement son rôle de dirigeant. Dès qu’il oublie de se tourner en arrière, de "regarder" vers le point de départ de son ascension, il risque d'oublier les fondements de son sacerdoce.

Je ne serais pas devant vous aujourd'hui si, après mes études à l'école supérieure talmudique d'Aix les Bains et au centre Eschel de Strasbourg, la communauté de Lunéville, qui est largement représentée aujourd'hui, ne m'avait pas accordé sa confiance sur recommandation de mon maître le Rabbin Guershon Cahen de mémoire bénie. Je ne serais pas devant vous aujourd'hui sans la confiance que Monsieur Remy Heymann, alors président de la Communauté israélite de Mulhouse, et Monsieur Jean Claude Katz alors président du Consistoire israélite du Haut-Rhin, avaient placée en moi il y a trente ans. Et je ne serais pas devant vous aujourd'hui, rabbin de Mulhouse, si l'actuel président de la Communauté, Henri-Gérard Metzger et l'actuel président du Consistoire du Haut-Rhin, Elie Cohen, n'avaient pas une fois de plus renouvelé cette confiance.

Ainsi, après avoir été trente années durant rabbin "à" Mulhouse, me voici donc rabbin "de" Mulhouse. Cela permet à notre communauté, selon la formule bien connue, de connaître une sorte de changement dans la continuité. Je souhaite assumer cette nouvelle responsabilité, avec humilité, au service de la communauté et, avant tout, selon la volonté du Tout-Puissant, me gardant de tout orgueil mal placé.


Allocution du grand rabbin de France, Haïm Korsia

Allocution du rabbin Mardoché Amar
Dans la sidra Pékoudé, le passage de la Torah que nous avons lu hier, il est question de la construction du Mishkan, du Tabernacle. À propos de la façon dont le Mishkan fut construit, dix-neuf fois est répétée l’expression "כַּאֲשֶׁר צִוָּה יְהוָה אֶת-מֹשֶׁה .", "Comme Dieu l’avait ordonné à Moïse". Donc à dix-neuf reprises, il est dit que Moïse a obéi, il a exécuté à la lettre les ordres de Dieu. Pourquoi cette insistante répétition ? C’est une preuve qu’Obéissance peut aller de pair avec Grandeur contrairement aux idées reçues. On croit généralement que celui qui ne fait qu’obéir n’est qu’un robot et que seul celui qui peut prendre des initiatives, donner des ordres existe vraiment. Cela est vrai de l’obéissance aveugle à un être humain. Mais l’Obéissance à Dieu et à sa Loi élève l’Homme et lui permet de se réaliser pleinement.

Cette élévation, mes chers amis, peut revêtir différentes formes. Il existe plusieurs façons d’être juif. On demanda une fois au Rabbi Israël Meir Hacohen, plus connu sous le nom de son livre Hafetz Haïm: "pourquoi y a-t-il tant de composantes dans le peuple juif ?" Le Rabbi répondit : "chaque groupe a un rôle à jouer. Dans une armée, l’infanterie, la cavalerie, l’artillerie, la marine ont chacune leur utilité. Mais ne serait-il pas plus avantageux d’avoir une seule armée avec un seul commandant en chef ? Non, répond le Hafetz Haïm car les ennemis d’une armée, comme les dangers qui menacent le peuple juif sont multiples, et chaque groupe a son rôle à remplir." Dans une période où la peste antisémite et sa version contemporaine l’antisionisme s’expriment de façon de plus en plus violente, la cohésion de toutes les composantes du peuple juif dans leur complémentarité est plus que jamais nécessaire.

Je serai le rabbin de tous les Juifs de Mulhouse.
Pour le judaïsme, unifier un peuple, ce n’est pas niveler au même degré les différentes individualités ; il s'agit plutôt de donner à chacun - selon sa nature et sa sensibilité intellectuelle - la possibilité de pratiquer une même loi. Mais chacun le fera avec l’intensité spirituelle qui lui est propre. Parce que Dieu ne veut pas d’une seule volonté, sinon dans ce cas, il aurait créé un seul juif dans le monde. Il veut que chacun comprenne et accepte l’autre dans sa différence, pour, à partir de là, former un tout.

Dans notre tradition, les exemples ne manquent pas de cet appel à l’unité, cette idée que chaque juif, quel que soit son degré de pratique, a toute sa place et un rôle qui lui est propre au sein de la communauté.
Le soir de Pessah, notre pâque juive, la parole est donnée à quatre enfants qui questionnent différemment la sortie d’Égypte, avec une grande liberté de ton, et chacun reçoit une réponse.
À Soukoth, fête des cabanes, sont brandies quatre espèces végétales bien différentes en saveur et parfums : elles symbolisent les composantes du peuple juif, et c’est par leur association, leur réunion dans les mains de l'homme qu’elles prennent tout leur sens.

Mais qu’il est difficile d’être soi et dans le même temps "voir" l’autre, c’est à dire accepter sa différence !
Pour y parvenir, il faut enraciner en nous le commandement, la mitzva qui selon Rabbi Akiva est l’un des grands principes du judaïsme : l’amour du prochain. Et ce, pour que ce commandement devienne une donnée innée et impérative de notre conscience.
Dans le traité Shévouoth, le Talmud affirme : "Kol Israel arévim zé ba zé", "chaque juif est solidaire l’un de l’autre". "Arévim" signifie "solidaire", mais aussi "doux", "agréable". Ce double sens donne la portée de cette mitzva : l’unité du peuple juif, non par la contrainte, mais naturellement, par l’amour du prochain.

Cette affectueuse solidarité, nous l’avons, mon épouse Simone et moi, ressentie et appréciée à plusieurs reprises depuis que nous sommes présents à Mulhouse, dans nos joies familiales que les membres de la communauté ont partagées avec nous.
Mais aussi dans les épreuves que nous avons traversées.
Tout récemment, nos familles respectives ont été très touchées par les nombreux témoignages d’affection et de sollicitude des membres de notre communauté lors de la perte cruelle et à quelques jours d’intervalle de nos Mamans de mémoires bénies.
Ces manifestations sont pour nous autant de preuves de cet amour du prochain, valeur cardinale du judaïsme.

Je souhaiterais conclure ces quelques mots en témoignant ma gratitude à mes proches. Comment ne pas évoquer la mémoire de mes chers parents et beaux-parents, qui, j’en suis certain, de là où ils sont, sous les ailes de la Providence Divine, se réjouissent de ce moment solennel ?

Je voudrais remercier de leur présence mes sœurs et frère, Linda, Clothilde, Jacky et Rebecca, en ayant une pensée pour mon frère Maurice qui n’a pas pu faire le déplacement d’Israël pour des raisons professionnelles, ainsi que ma belle-sœur Esther et son mari Bruno.

Je souhaiterais également remercier deux amis chers avec lesquels je suis lié par des sentiments fraternels : Joël Padwo, un frère de cœur, ex-Mulhousien qui m’a fait la surprise de venir spécialement d’Israël pour l’occasion. Et notre ministre officiant, Jacky Herrmann avec lequel j’entretiens depuis son arrivée à Mulhouse, de très bonnes relations de travail qui sont maintenant devenues aussi des relations fraternelles.

La présence de mes enfants, Benjamin, Déborah et son mari Jérémie, Ayala et Ariel me réjouit le cœur et me remplit de fierté. Notre fille Lévana est tout excusée puisqu’elle vient de donner naissance à un petit Joseph qui agrandit notre famille avec bonheur.

Et bien sûr, je voudrais remercier mon épouse Simone qui me soutient et m’accompagne dans ma mission. Ceux qui nous connaissent savent qu’il n’y a pas de Rabbin Mardoché Amar sans Simone, qu’elle est pour beaucoup dans les liens d’amitié qui unissent notre couple et notre famille à la communauté juive de Mulhouse car c’est elle qui fait rayonner le foyer du rabbin. Qu’elle en soit publiquement remerciée ici.
Et puisque j’évoque mon épouse, je finirai par une formule que nous récitons à l’occasion des mariages :
ירבו שמחות בישראל וינוסו אנחות ויהיה בסימן טוב.
"Que les joies se multiplient pour le peuple d’Israël, que les soupirs disparaissent et que tout cela soit de bon augure." Amen . Je vous remercie.



Réalisation : Ernest Lichtenauer
 

Enregistrement de la cérémonie
Cérémonie d’Intronisation du Rabbin de Mulhouse, Mardoché Amar
Françoise Kuflik-Weill

C’est dans la superbe synagogue de Mulhouse de style orientaliste qui va bientôt fêter ses 170 ans, qu’a eu lieu la Cérémonie d’Intronisation du Rabbin Mardoché Amar ce 10 mars 2019.

Une foule très nombreuse d’amis de toutes confessions s’est pressée pour participer à ce moment de fête qui débuta, au son du Baroukh Haba, chant de bienvenue, magnifiquement interprété par Monsieur Jacky Herrmann, 'hazan de la Communauté, par l’entrée solennelle du rabbin Mardoché Amar accompagné du grand rabbin de France Haim Korsia, du grand rabbin du Haut-Rhin Claude Fhima, du président du Consistoire Israélite du Haut-Rhin le Docteur Elie Cohen, du président de la Communauté Israélite de Mulhouse le Docteur Henri Metzger, du président du Comité Sépharade de Mulhouse et premier vice-président de la Communauté Israélite de Mulhouse Monsieur Bernard Sellam, de Monsieur le rabbin de Saint-Louis Raphaël Breisacher, du Rav Daniel Elgrabli, Directeur du centre Eshel et de Monsieur le rabbin Claude Spingarn de Strasbourg.

Le Docteur Henri Metzger, président de la Communauté Israélite de Mulhouse débuta la cérémonie en remerciant chaleureusement pour leur présence :
Le préfet du Haut-Rhin, Laurent Touvet, le sous préfet, Monsieur Jean-Marie Bockel, sénateur du Haut Rhin et ancien ministre, Monsieur Olivier Becht, député du Haut Rhin, Monsieur Haim Korsia, grand rabbin de France, Monsieur le Docteur Jean Rottner, président de la Région Grand-Est, Madame Brigitte Klinkert, présidente du Conseil départemental du Haut–Rhin, Madame Michèle Lutz, maire de Mulhouse, Monsieur le Docteur Elie Cohen, président du Consistoire Israélite du Haut Rhin, Monsieur le Docteur Patrick Hirschhorn, vice-président du Consistoire Israélite du Haut–Rhin, Monsieur le grand rabbin du Haut-Rhin, Claude Fhima, Monsieur Bernard Sellam, président du Comité Sépharade de Mulhouse et premier vice-président de la Communauté Israélite de Mulhouse, Monsieur le Docteur Robert Bader, deuxième Vice-Président de la Communauté Israélite de Mulhouse, Messieurs les Rabbins, Messieurs les Représentants des cultes catholiques, protestants et musulmans, Mesdames et Messieurs les Maires, Mesdames et Messieurs les Conseillers régionaux et départementaux, les nombreux élus régionaux et départementaux, Mesdames et Messieurs les représentants des associations du dialogue interreligieux et des associations caritatives, Mesdames et Messieurs les représentants des élus des consistoires, des communautés, des associations civiles et militaires, l’ensemble des membres de la Commission administrative de la Communauté Israélite de Mulhouse.

Tous ont exprimé leur très grande joie d’accueillir le Rabbin Mardoché Amar comme nouveau guide spirituel de la Communauté Israélite de Mulhouse.

Après une formation à l’École supérieure talmudique d’Aix les Bains dont le directeur, qui l’avait recommandé à la Communauté de Mulhouse, fut le Rav Guerchon Cahen, puis au centre Eshel de Strasbourg, le Rabbin Mardoché Amar débuta sa carrière à Lunéville avant d’être nommé Rabbin à Mulhouse en 1990.
Depuis cette date, ce dernier ne cessa de donner de sa personne au service de la communauté ainsi qu’auprès des autorités religieuses, des associations et des écoles de la ville de Mulhouse. Il s’investit chaque jour pour le mynian, dirige les offices du Shabbath et des fêtes et veille à l’enseignement par les cours de Talmud Torah, la préparation des Bar-Mitswa et Bath-Mitswa. Il est toujours présent aux mariages et aux enterrements et préside la Hevra Kadichah.
Son épouse Simone enseigne le judaïsme aux femmes et aux jeunes, et veille à ses côtés sur chaque membre de la Communauté par des visites, des conseils et des soutiens. Ensemble, ils sont toujours présents pour consoler, pour apaiser et aussi se réjouir. Ils sont parents de cinq magnifiques enfants et grands parents de cinq petits enfants. Leur maison est toujours ouverte pour tous.

Face à l’antisémitisme, le préfet du Haut Rhin, le député du Haut Rhin, le président de la Région Grand-Est, Madame la présidente du Conseil départemental du Haut-Rhin et Madame la maire de Mulhouse ont assuré la Communauté Israélite de Mulhouse et son rabbin Mardoché Amar de tout leur soutien car tous ont reconnu que la lutte contre l’antisémitisme est l’affaire de tous les Français et qu’insulter des Juifs, c’est insulter la République.
Madame Brigitte Klinkert, présidente du Conseil départemental du Haut –Rhin, a clairement fait part des actions pratiques réalisées dans les collèges pour apprendre le respect de l’autre, la tolérance et la fraternité, socles de notre société, et nous a rappelé une parole de Simone Veil : "Nous appartenons tous à la même planète… nous devons la défendre contre la folie des hommes". 
Madame Michèle Lutz, maire de Mulhouse, s’est engagée en tant que premier magistrat de la ville où vivent 136 nationalités, à rester au combat contre l’antisémitisme, contre le terrorisme et contre la haine de l’autre pour défendre le bien-vivre ensemble.
Le président de la Région Grand-Est, le Docteur Jean Rottner, nous a clairement dit que le temps des marches blanches et silencieuses, ça suffit ! La République doit agir ! Dans ce but, il propose de faire de la lutte contre l’antisémitisme une grande cause nationale et régionale. Il souhaite l’organisation d’un Colloque à Strasbourg pour rappeler l’apport à la République Française de beaucoup de Juifs d’Alsace et de Moselle ainsi que de Rachi de Troyes dans le Grand Est, pour la valorisation du judaïsme alsacien et pour la formation des enseignants et des fonctionnaires face à l’antisémitisme, au complotisme et au conspirationnisme.

Heureux d’entendre toutes ces interventions amicales et positives, le grand rabbin de France, Haim Korsia, encourage la Communauté Israélite de Mulhouse à rester optimiste autour de son nouveau berger le Rabbin Mardoché Amar.
En cette veille de Pourim, en nous rappelant l’histoire d’Esther qui a réussi à sauver son peuple et à établir un lien avec les peuples de l‘Empire perse, le grand rabbin de France recommande à chacun d’accueillir l’autre avec bienveillance et de rester attentif à ne pas refuser celui ou celle qui pourrait se venger comme Timna lorsqu’elle donna naissance à Amalek.
Le Rabbin Mardoché Amar est le rabbin de tous, au service de tous. Chaque jour il lui faut participer à construire une République qui nous fera honneur.

Cette cérémonie se termina par l'allocution du rabbin Mardoché Amar, puis par la Prière pour la République chantée par le rabbin Claude Spingarn,


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