Simone VEIL
13 juillet 1927- 30 juin 2017
par Charles REICH


Simone JACOB est née à Nice d'une famille d'origine lorraine, plus exactement mosellane, le village d'origine, Bionville sur Nied est proche de Boulay.
Avant la guerre de 1870, sa famille paternelle s'établit à Paris.

Son père, André Jacob, fait des études d'architecture et épouse une cousine éloignée, Yvonne Steinmetz, également parisienne. André Jacob vient d'une famille juive non pratiquante et profondément républicaine. Cette famille patriote et laïque considère l'Affaire Dreyfus et l'antisémitisme qui s'est manifesté violemment dans ce contexte comme un accident, une parenthèse qui se referme.

Le couple s'installe à Nice pour des raisons professionnelles. La famille s'élargira et comptera quatre enfants : Madeleine (elle sera déportée avec sa sœur Simone et avec sa mère ; elle survivra mais décédera quelques années après la guerre dans un accident de la route) ; Denise (la future résistante) : Jean qui sera déporté avec son père (tous deux périront dans les Pays baltes). Simone, la plus jeune, naît en 1927.

En 1934, sa mère rencontre Raymond Aron qui rentre d'un séjour universitaire en Allemagne, alors que d'autres n'ont rien vu ou voulu voir (Jean-Paul Sartre par exemple). R. Aron décrit la violence, les livres brûlés, la montée du nazisme dans toute son horreur. Ses différents interlocuteurs refusent de le croire, racontera-t-il.

La guerre et la déportation

Le début de la guerre à Nice, jusqu'au départ des Italiens et l'arrivée des Allemands en septembre 1934, permet aux Juifs y résidant et à la famille Jacob de vivre tant bien que mal. Les lois anti-juives de Vichy sont appliquées, mais avec une attitude généralement bienveillante de l'occupant italien. Il arrive même que l'autorité militaire italienne intervienne vivement auprès des autorités vichyssoises pour faire libérer telle ou telle personne de religion juive. Parfois des tensions très aigües marquent les relations entre la police française, la milice et les militaires italiens, autorité occupante.

L'arrivée des Allemands en septembre 1943 va rapidement entraîner une véritable catastrophe. La Gestapo arrive à Nice avant même l'armée allemande, et procède dès son arrivée aux premières arrestations et déportations de Juifs. La famille Jacob se procure sans tarder de fausses cartes d'identité, puis se cache en se dispersant dans différentes familles qui leur donnent l'hospitalité. Ces fausses cartes se révèlent n'être qu'une protection illusoire. Lors d'un contrôle d'identité, le 30 mars 1944, Simone est arrêtée ainsi que, par un enchaînement de malchance, sa sœur Madeleine, son frère Jean et sa mère. Son père est arrêté une semaine plus tard. Le 7 avril, un convoi quitte Nice pour Drancy. Puis son père et son frère Jean sont emmenés de Drancy dans un convoi vers Kaunas (Lituanie) et de là leur trace sera perdue, jusqu'à ce que Serge Klarsfeld retrouve la trace du convoi dans les années soixante-dix.

Le 13 avril 1944, Simone est transférée avec sa sœur Madeleine et sa mère à Auschwitz-Birkenau. Elles arrivent le 15 dans l'enfer concentrationnaire.
Dès leur arrivée, une femme polonaise lui recommande de dire qu'elle a 18 ans et non pas son âge véritable (elle n'a que 16 ans) pour éviter d'être immédiatement exterminée. Elle travaille dans une usine Siemens où elle effectue des travaux de terrassement. De juillet 1944 à janvier 1945, elle est affectée à Bobrek, à quatre ou cinq kilomètres d'Auschwitz-Birkenau. Une fois encore, elle est employée à des travaux de terrassement. Pendant toute cette période, elle réussit à ne pas être séparée de sa mère et de sa sœur.

Le 18 janvier 1945, en raison de l'avancée des troupes soviétiques, les rescapés de Bobrek et ceux d'Auschwitz sont contraints par les nazis d'entamer "la Marche de la mort" par une température de trente degrés en-dessous de zéro. Nombreux sont les déportés qui périssent au cours de ce transfert forcé, qui constitue un véritable enfer. A la suite de péripéties tragiques, les femmes survivantes sont emmenées à Bergen Belsen. C'est là que sa mère affaiblie, âgée de 44 ans, décède du typhus le 15 mars 1945.

Bergen Belsen est libéré le 17 avril par les troupes britanniques. Les autorités militaires françaises regroupent les survivants, mais ne sont pas très actives pour les faire rentrer en France. C'est seulement un mois plus tard que les survivantes sont rapatriées par camion vers la France, tandis que les soldats français prisonniers et libérés, rentrent en avion. Un médecin français tient à rester avec elles pour veiller sur leur santé. Leur long périple prend fin le 23 mai ; elles sont prises en charge dès leur arrivée à Paris à l'Hôtel Lutétia, lieu d'accueil des déportés (1).

Simone Veil S'interroge dans ses mémoires sus la controverse relative à l' inertie des Alliés : auraient-ils dû bombarder les voies de chemin de fer, notamment qui conduisaient aux camps, ou bien les camps eux-mêmes ? Elle pense que les Alliés ont eu raison de faire de l'achèvement des hostilités une priorité absolue (2).
Elle ne partage pas non plus le jugement négatif sur le "silence coupable" des Alliés, ni le "masochisme" d'intellectuels comme Hannah Arendt sur la "banalité du mal".

Le retour des survivants et le regard de la France et des Français

Sa sœur Denise, qu'elle retrouve à la Libération, a été déportée à Ravensbrück : résistante, elle était membre d'un réseau de l'Armée secrète. Agent de liaison, elle est arrêtée et torturée par la Gestapo en juin 1944. Les Allemands n'ont pas découvert qu'elle était juive, ce qui lui sauvera probablement la vie. Dés son retour elle est invitée à donner des conférences et à apporter son témoignage comme résistante.

Simone constate qu'au contraire, le témoignage des déportés n'intéresse au même moment pas grand monde, que ce soit dans la société française ou dans les communautés et organisations du judaïsme français : "Beaucoup de nos compatriotes voulaient à tout prix oublier ce à quoi nous ne pouvions nous arracher, ce qui, en nous est gravé à vie. Nous souhaitions parler et on ne voulait pas nous écouter" (3).

Quant à la communauté juive, elle a le sentiment qu'elle s'est, à l'exception de l'OSE, peu impliquée, notamment visa vis des adultes qui eurent souvent du mal à trouver ou retrouver une place dans la société.

Pourtant de nombreux livres essentiels paraissent au lendemain de la guerre comme ceux de Primo Levi, de Robert Antelme, de Germaine Tillon ou de David Rousset ; elle les lit tous, ils connaîtront par la suite un succès considérable. "Cependant nous sentions autour de nous une forme d'ostracisme diffus qui ne disait pas son nom mais nous était infiniment pénible à vivre" (3). Dès le retour des camps, elle entend des propos soit déplaisants soit incongrus, soit ouvertement antisémites. Ainsi des interlocuteurs s'étonnent de leur survie, preuve du caractère "pas si terrible que cela" de la déportation.

Carrière professionnelle

A son retour de déportation, elle apprend qu'elle avait été reçue au baccalauréat dont elle avait passé les épreuves juste avant son arrestation à Nice. Elle s'inscrit à la faculté de Droit et à l'Institut d'Etudes politiques qui vient d'être créé. Elle y rencontre un condisciple, Antoine Veil, qui lui-même a échappé de peu à la déportation : avec sa famille, il s'était réfugié en Suisse.
Le coup de foudre est immédiat. Elle se fiance avec lui, puis le jeune couple se marie à l'automne 1945. La famille de son mari, originaire de Blâmont, est austère mais elle posséde de grande qualités humaines et affectives. Avec eux , elle retrouve une nouvelle famille qui l'adopte très rapidement. Le seul point de désaccord concerne la déportation dont ils supportent mal de l'entendre parler (4).

Simone souhaite devenir avocate. Comme son mari n'est pas favorable au travail des épouses, un compromis en résultera : elle sera magistrat. A 27 ans, elle devient magistrat-stagiaire au parquet de Paris. Après deux années de stage , elle est affectée à la direction de l'Administration pénitentiaire du ministère de la Justice. Elle y passera sept années. Elle consacre une grande partie de sort temps à l'inspection des prisons. Elle se sent personnellement concernée par les conditions de détention, compte tenu de ce qu'elle a vécu.

Pendant la guerre d'Algérie, elle se voit confier le sort des fellaghas incarcérés. Elle se rend en Algérie pour informer le ministre de la situation, et elle n'y est pas reçue à bras ouverts. Les conditions de détention la choquent profondément. A son retour en métropole, elle est chargée du dossier des femmes algériennes détenues .Elle obtient qu'elles soient regroupées et qu'elles puissent poursuivre des études.

Après l'élection en 1969 de Georges Pompidou à la Présidence de la République, elle entre au cabinet de René Pleven, devenu ministre da la Justice, qui avait rejoint Londres dès juin 1940 ; c'était un partisan convaincu de la construction européenne.

Une année plus tard , elle est nommée secrétaire générale du Conseil supérieur de la Magistrature, et devient également représentante de l'Etat au Conseil d'administration de l'ORTF.
A ce titre, elle s'oppose à la diffusion du film Le Chagrin et la Pitié estimant que celui-ci donne une vision unilatérale et manichéenne de l'occupation en omettant largement d'évoquer les résistants "il ne nous épargnait aucun raccourci mensonger". Ainsi La ville de Clermont-Ferrand est présentée comme un foyer de collaboration alors qu'elle avait été, notamment en milieu étudiant, un haut lieu de la Résistance.

Très prise par ses responsabilités professionnelles, pour ses fils "elle n'était pas très exigeante sur le plan scolaire. Cà tombait bien car on n'était pas de très bons élèves. Ses exigences portaient plutôt sur le comportement et la morale".
En 1968, ses enfants adolescents et leurs amis, sur le balcon de leur appartement du Quartier latin, étaient là comme au spectacle, notamment pour conspuer les CRS.
Le second fils, Claude-Nicolas, se sentait le plus concerné ; il partit en expédition à Flins et se fit ramasser par la police (5) (elle aura la douleur de perdre ce fils, devenu médecin, en 2002).
Son plus jeune fils, Pierre-François, très attiré par l'expérience israélienne, a vécu plusieurs mois dans un kibboutz et souhaitait prolonger son expérience, ce que visiblement sa mère ne souhaitait pas.

En 1974, le nouveau président de la République, Valery Giscard d'Estaing, nomme Simone Veil au Gouvernement comme ministre de la Santé. Son premier dossier important sera la loi sur l'interruption de grossesse. Le président en fait une de ses priorités, alors que sa majorité n'est pas très favorable à cette réforme, rendue nécessaire, compte tenu du nombre très élevé d'avortements clandestins et de l'évolution des mœurs. S. Veil ira se heurter à une grande partie de la droite, au corps médical et à l'Eglise catholique. Elle sera très durement attaquée par la droite et l'extrême-droite, mais elle sera bien soutenue par le premier ministre Jacques Chirac. Une campagne haineuse est menée contre elle, et atteint des proportions inimaginables. Des années plus tard, elle continuera à recevoir, ainsi que ses enfants, des lettres injurieuses.
Quelques mois plus tard. elle fera voter une loi tout aussi importante , beaucoup moins médiatisée : la première loi sur le handicap, qui marque un tournant majeur dans la société française et qui constitue le socle actuel de la législation française en la matière.

Elle quittera le Gouvernement en 1979 , comme nous le verrons un peu plus loin.
En 1998, elle sera nommée au Conseil constitutionnel par le président du Sénat René Monory pour un mandat de neuf ans. Au cours de celui-ci, elle contribuera à la formulation de la jurisprudence en matière européenne, en particulier pour ce qui concerne la primauté du droit européen sur le droit national.

Le chemin vers l'Europe

Il faut remonter quelques années en arrière.
Son mari avait été nommé au cabinet d'Alain Poher en Allemagne en 1950 ; celui-ci venait d'être désigné comme commissaire général aux Affaires allemandes et autrichiennes à Wiesbaden. Le couple y était resté trois ans. Pour Simone Veil, cette nomination et ce séjour en Allemagne ne leur posaient pas de problème, malgré l'étonnement d'une partie de leur entourage. Dans ses mémoires elle n'en dit pas plus, apparemment elle n'en voulait pas aux Allemands. Pour éviter un retour aux guerres et aux affrontements qui ont dévasté l'Europe, il fallait, sans oublier ni pardonner, "Pardonner ce n'est pas possible, il faut tout faire pour que cela ne se reproduise pas" (6). Elle ajoute : "Seul le rapprochement des peuples, à commencer par les Allemands et les Français , écartera le risque de nouvelle guerres."

Elle avait fréquenté les milieux du MRP (Mouvement républicain populaire) sous la IVème République, grâce son mari. Elle avait croisé des leaders emblématiques de la démocratie chrétienne comme Pierre-Henry Teitgen, ancien résistant et l'un des apôtres de l'idée européenne, Alain Poher, cité plus haut, qui débute une longue carrière ministérielle, ou René Pléven , ancien résistant et président du Conseil sous la IVème République. Toutefois elle se sentait plutôt de gauche à cette époque, et s'était enthousiasmée pour l'expérience de Pierre Mendès-France (7).

Son engagement européen se concrétisera quelques décennies plus tard. lorsque V. Giscard d'Estaing, président de la République, lui proposera de prendre la tête da la liste de l'UDF (Union pour la démocratie française) pour les premières élections du Parlement Européen au suffrage universel direct, en 1979. Sa liste arrive en tête devant celle du Parti socialiste et loin devant la liste gaulliste de J. Chirac qui subit une lourde défaite à cette occasion.

Lors de sa première réunion à Strasbourg en juillet 1979, le Parlement Européen doit choisir son premier président. Parmi les noms qui circulent, figure celui de Willy Brandt, ancien résistant, ancien chancelier de la RFA et européen convaincu.
Giscard d'Estaing ne met pas trop de temps pour convaincre Helmut Schmidt, alors chancelier social-démocrate de la République fédérale, de promouvoir la candidature de Simone Veil, ancienne déportée, comme symbole de la réconciliation franco-allemande et pour tourner la page des conflits européens. "Giscard a toujours adoré les symboles qui frappent les imaginations. Qu'une déportée devienne la première présidente du Parlement européen lui paraissait de bon augure pour l'avenir" (8). Simone Veil est élue présidente du Parlement européen au troisième tour de scrutin. Les gaullistes qui avaient présenté un candidat contre elle le retirent à ce moment pour éviter l'élection d'un socialiste italien.

Dans son allocution d'intronisation le 17 juillet 1979 au cours de la séance plénière, elle met en avant les trois défis auxquels l'Europe est confrontée :

Pour relever ces défis, il faut s'orienter dans trois directions : la solidarité, l'indépendance et la coopération. Elle propose une réduction des disparités entre les pays et les régions, une solidarité sociale, une péréquation économique et aussi financière.
Sur l'indépendance de l'Europe, il faut poursuivre les efforts de coopération monétaire (nous sommes douze ans avant le Traité de Maastricht qui établira l'euro), et développer une politique dans le domaine de l'énergie (aujourd'hui, 38 ans plus tard, l'Europe n'y est pas encore parvenue).

Durant son mandat de deux ans et demi , elle incarne l'Europe, notamment au cours de ses voyages à l'extérieur de la Communauté européenne. Elle reçoit des chefs d'Etat ou de Gouvernement, comme Anouar El Sadate en février 1981, au cours d'une session du Parlement Européen où il prononce un discours mémorable. En s'entretenant avec lui, elle lui demande comment il pense régler la question de Jérusalem. " Le jour où il ne restera plus que la question de Jérusalem à régler, c'est que nous aurons beaucoup progressé et alors, nous trouverons des solutions" lui répond-il (9).

En 1982, à l'issue de son mandat, plusieurs groupes politiques du Parlement Européen lui demandent de se représenter, alors qu'elle s'était engagée à ne faire qu'un mandat. Il ne manque que le groupe gaulliste du Parlement Européen pour s'associer à cette démarche. Fidèle à sa promesse, elle ne dépose pas sa candidature. Les démocrates-chrétiens présentent un candidat peu charismatique ; i1 est battu par un socialiste néerlandais à la Présidence. Les gaullistes, souverainistes à l'époque dans la droite ligne de l'appel de Cochin préfèrent contribuer à l'élimination d'une candidate potentielle à une future élection présidentielle susceptible de faire de l'ombre à leur leader, Jacques Chirac.

De 1982 à 1984, elle est présidente, de la commission juridique du Parlement Européen. Elle donne dans cette fonction toute la mesure de ses compétences en dirigeant brillamment les travaux et les débats au sein de cette commission.

Pour les élections européennes de 1984, la réconciliation entre les gaullistes et l'UDF entraîne 1'adoption d'une liste unique de l'opposition dont elle prend la tête. Elle est élue à I'issue de ces élections, présidente du Groupe libéral du Parlement Européen.
En 1989 elle est élue vice-présidente du Groupe libéral, après les élections européennes où elle conduit une liste centriste qui n'obtient qu'un modeste résultat face à la liste dirigée par Valéry Giscard d'Estaing, qui réunit RPR et UDF.

Elle demeure au Parlement Européen jusqu'en 1993, date de son entrée dans le Gouvernement de cohabitation d'Edouard Balladur comme ministre d'Etat chargée de la Santé et des Affaires sociales.

Son engagement pour l'Europe se poursuivra en particulier en 2006 lors de la campagne référendaire sur le traité constitutionnel : elle prend position très nettement en faveur du "oui" au referendum.

Judaïsme, sionisme et Israël


Simone Veil et le grand rabbin Warschawski

"Mon appartenance à la communauté juive ne m'a jamais fait problème. Elle était hautement revendiquée par mon père, non pour des raisons religieuses, mais culturelles",écrit Simone Veil dans son autobiographie.
Venue d'une famille très laïque, c'est à Auschwitz qu'elle découvre le judaïsme religieux: des jeunes filles juives polonaises religieuses, bien que terriblement affaiblies, jeûnent à Yom Kippour, ce qui la surprend profondément.

Quant à sa relation au sionisme, elle précise son point de vue avec une grande netteté. Malgré la compassion qu'elle éprouvait à Auschwitz pour ces jeunes filles polonaises, pour qui la Palestine représentait une espérance, elle ne peut se garder "d'un sentiment d'étrangeté". Le destin de ces hommes et de ces femmes n'est pas le sien : "l'hypothèse d'un futur Etat d'Israël ne me concernait pas".
Son premier voyage en Israël date du début des années 1970. L'idée ne lui serait jamais venue de s'installer dans ce pays. "Je me suis toujours sentie tellement française qu' une telle hypothèse est pour moi inenvisageable" (10)

Quelques années auparavant , les déclarations du général De Gaulle de 1967 sur Israël et le peuple juif constituent pour elle "des propos atterrants" (11).
Elle se rend à plusieurs reprises en Israël tant dans l'exercice de ses fonctions ministérielles que dans le cadre de colloques ou de rencontres, notamment de l'association "Paix au Moyen-Orient" fondée par Shimon Pérès.
Dans le contexte du conflit israélo-palestinien , elle se prononce en faveur d'un Etat palestinien aux côtés d'Israël, dont les frontières feraient l'objet de négociations.

Sur le plan culturel, elle est favorable à l'enseignement du yiddish , considérant que cette langue appartient au patrimoine du judaïsme est-européen qui devrait être protégé et enseigné : "le faire revivre , c'est faire revivre tout un pan de la culture juive menacé par l'oubli".

Les réactions de Raymond Barre, qui avait été son premier ministre quelques années auparavant, la "surprennent". En 1978 celui-ci, au Conseil des ministres, avait évoqué le "lobby juif" dans des termes qu'elle avait jugés "déplacés". Après le Conseil , elle déclare au chef de l' Etat qu'en cas de nouvel incident elle démissionnerait du Gouvernement. A la suite de l'intervention de Giscard d'Estaing, Raymond Barre ne s'excusera pas ; il prétendra qu'elle a mal interprété ses propos (12).
Deux ans plus tard, après l'attentat de la rue Copernic, à l'automne 1980, Raymond Barre récidive : "Cet attentat voulait frapper des israélites qui se rendaient à la synagogue et il a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic ." Cette nouvelle sortie de R. Barre déclenche une avalanche de protestations dans l'ensemble du spectre politique français. Cet épisode ne manquera pas de contribuer à la défaite du président sortant quelques mois plus tard.
Simone Veil participe à la manifestation organisée quelques jours plus tard à Paris. Dans les années suivantes, R. Barre récidivera en faisant un éloge posthume de Maurice Papon.

La reconnaissance par Jacques Chirac, au nom de la France en 1995, de la complicité de son pays dans la déportation des Juifs de France lui paraît un acte courageux quelle attendait depuis longtemps de la part d'un président de la République.

De 2001 à 2007 elle est présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Elle s'investit particulièrement dans la sensibilisation des jeunes et dans la lutte contre le négationnisme.

En 2008, elle est élue à l'Académie Française au premier tour avec 22 voix sur 29 votants. Elle est reçue sous la coupole le 18 mars 2010. Jean d'Ormesson prononce le discours de réception. Sur son épée d'académicienne, elle a fait graver le numéro de son matricule dz de portée - 78651 -, les flammes représentant les fours crématoires, le nom de son camp, Birkenau, ainsi que les devises de la République française et de l'Union européenne : "Liberté, Égalité, Fraternité" et "In varietate concordia ".

Un sondage réalisé par l'Ifop en 2010 la présente comme la "femme préférée des Français" , avec une note de 14,5⁄20.

Son décès survient le 30 juin 2017, elle allait avoir 90 ans.
Un hommage national lui est rendu aux Invalides le 5 juillet.
Conformément à sa demande, ses fils Jean et Pierre-François disent le Kadish sur sa tombe.
Le président de la République Emmanuel Macron, dans son discours qui retrace avec intensité sa vie et son engagement, annonce la décision qu'il a prise de son entrée au Panthéon. Son époux (décédé en 2013) reposera à ses côtés.

Notes :

  1. Simone Veil, Une Vie, p.93, Stock 2007
  2. op. cit. p.95
  3. op. cit. p.99
  4. op. cit. p. 122
  5. op. cit. p. 154
  6. Journal du Dimanche, 02/07/2017 p.2
  7. Anne Chemin, "L'énergie d'une survivante", Le Monde 02-03/07/2017 p.3
  8. Simone Veil, op. cit. p.211
  9. op. cit. p.264
  10. op. cit. p. 163
  11. op. cit. p. 165
  12. op. cit. p.241
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